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anthropologie des techniques dans la pratique de la pêche au canton Ntem 1


par Cédric ONDO OBAME
Université Omar Bongo - Master 2016
  

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CHAPITRE I : PRESENTATION ET ORGANISATION ADMINISTRATIVE DU CANTON

Dans ce chapitre nous faisons la présentation du canton Ntem 1. En tant qu'espace culturel et social, il importe de connaître la société au sein de laquelle l'étude a eu lieu. D'abord, nous présentons le canton à travers sa situation géographique. Cela va permettre d'être en phase avec notre zone d'étude. Nous passons ensuite à la présentation de la population du canton. Nous verrons les clans, les nationalités, le personnel administratif voire les correspondances entre tranches d'âge et la pratique sociale étudiée. Ce chapitre présente également l'organisation qui structure ce milieu social.

L'analyse d'une pratique culturelle implique de connaître le groupe auquel celle-ci appartient. Nous ferons aussi la présentation de l'économie de cette zone. Les populations cultivent, chassent, pêchent et dévéloppent des petits commerces.

A travers les cours d'eau, ce chapitre aborde enfin le lien hydrologique entre les ntemois et l'eau. L'accent sera mis sur les cours d'eau les plus sollicités et aussi la répartition de ces derniers dans l'ensemble du canton. Quant à l'organisation sociale, elle regroupe les rapports entre individus et la hiérarchie sociopolitique.

I.1 Situation géographique

Nous rappellons que nous avons déjà situé le canton plus haut notamment à travers l'aspect portant sur la zone d'étude (confère page 5). Mais étant donné de l'importance de ces informations, nous les utilisons une fois de plus dans cette partie. Ntem 1 est un canton situé au nord du Gabon à la croisée des frontières Gabon-Cameroun et Guinée Equatoriale. Le canton fait partie des six subdivisions cantonales du département du Ntem.

C'est surtout en saison sêche que ses voies d'accès sont praticables. Il recouvre les réseaux routiers permettant d'accès aux deux pays frontaliers au Gabon (Cameroun et Guinée Equatoriale). (Voir carte, page 7)

Le canton est respectivement limité au Nord par le fleuve Ntem et le Cameroun, au Nord-Ouest par la Guinée Equatoriale, au Sud-Ouest par le canton Ekorété, à l'Est par le canton Mbogha jusqu'à Minvoul, et pour terminer au Sud par la commune de Bitam. Autrefois appelé canton Nord, son nouveau nom est le canton Ntem 1 suite au nodécoupage géographiquee et administratif actuel. Il date donc de 2006 .

Cette zone du Gabon est très stratégique. Elle a toujours connu jusqu'aujourd'hui une circulation des personnes et marchandises de jour comme de nuit. Pour cette raison, le canton a souvent regroupé par le passé des populations de plusieurs nationalités : gabonaise, camerounaise et equatoguinnéenne. Cela a d'ailleurs amené à partir des années 80 l'affectation des sous-divisions administratives notamment à Eboro-Ntem et Meyo-Kyè, dans l'objectif de réguler toute circulation possible dans la localité. Nous illustrons cette présence administrative à travers les photographies ci-après au village Eboro-ntem.

Photographie 1: Poste de Douane gabonaise à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Cette photographie présente la barrière centrale des potes de Douane et de sécurité alimentaire au village Eboro-Ntem. Le village est situé à la frontière Gabon-Cameroun, ce qui justifie la présence de cette barrière à l'entrée du dudit village. L'objectif est de réguler les personnes et les marchandises. Ce phénomène s'observe aussi au village Meyo-Kyè qui est frontalié à la Guinée Equatoriale et au Cameroun dans ce même canton.

Photographie 2: Poste de gendarmerie nationale à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Nous appercevons en premier plan sur cette photographie, le panneau de circulation informant de la présance de la gendarmerie nationale au village Eboro-Ntem. On peut donc apercevoir une file de véhicules se faisant contrôlé par les agents à la sortie du village. Il s'agit toujours de cette régulation des personnes.

I.2 Peuplement du canton

Les villages sont caractérisés en majorité par les populations autochtones. La population est repartie en agriculteurs, pêcheurs-chasseurs, commerçants, administratifs, religieux et scolarisés pour les plus jeunes.

Les clans sont entre autres : essabègne, effak, essandone et esseng, répartis dans les villages dudit canton.

Pour ces villageois, il est très fréquent de voir qu'un individu pratique plusieurs activités : agriculture, pêche, chasse, etc. Cependant, la tranche d'âge la plus active est celle évoquée plus haut, elle est notamment celle la plus rencontrée dans l'activité de la pêche. Dans ce cadre, Georges Balandier (1985 : 65) note une sorte de : « Correspondance et de répartition des activités socioculturelles propres à un groupe en fonction des tranches d'âge, du sexe et des appartenances sociales des individus qui le composent ». On comprend à travers cet auteur que les tâches, les pratiques sociales sont réparties en fonction des paramètres que sont l'âge, le sexe et la classe sociale. La société se reproduit à travers les pratiques sociales que sa population exécute au quotidien en tenant compte de ces mêmes paramètres. On peut relever la prégnance de l'aspect générationnel et l'aspect genre dans ces pratiques sociales.

Dans le canton, l'agriculture, la pêche et la chasse sont des pratiques genrées en fonction des tâches. Même lorsque les hommes et les femmes ou bien les jeunes et les exercent une même pratique sociale, on observe toujours une répartition des tâches. Il s'agit d'une des caractéristiques des populations de ce milieu rural.

Toutefois, les pratiques sociales permetent d'identifier les populations en tenant compte de leurs âges, sexes et classes sociales. Ces pratiques sont devenues des sortes d' « habitus » au sens de Pierre Bourdieu (1980), c'est-à-dire des sortes d'acquisitions par le contact social des acteurs. Il s'agit d'une socialisation des individus à travers les pratiques et acteurs sociaux. Ainsi, la pêche identifie, détermine et caractérise dans ce cadre le canton au même titre que l'agriculture et les autres activités.

I.3 Organisation administrative du canton

Etant une zone transfrontalière, l'ensemble des postes administratifs et les ponts sur le Ntem, le Kye et le Mvézé sont les principales caractéristiques du canton. Les postes administratifs sont là pour organiser le canton avec la hiérarchie de la chefferie locale mais également pour surveiller et réguler les circulations des personnes et marchandises. A ces caractéristiques s'ajouten la densité des cours d'eau et des villages.

Les postes administratifs du canton se trouvent donc dans les villages Eboro-Ntem et Meyo-Kye. Ils assurent à cet effet l'organisation sociopolitique et judicière du canton en dehors du chef de canton et des chefs de villages et de regroupements. Parmi ces postes nous avons entre autres :

Ø Des postes de gendarmerie nationale ;

Ø Des postes des forces de police nationale ;

Ø Des postes des Douanes gabonaise ;

Ø des brigades du ministère des commerces, des petites et moyennes entreprises (...) ;

Ø Une agence gabonaise de sécurité alimentaire (ex-Phito-sanitaire) ;

Ø Une sous-direction du conseil départemental ;

Ø Une sous-prefecture ;

Ø Des missions ecclésiastiques (catholique et protestante) ;

Ø Des écoles primaires etc.

Il est à noter que certains villages intermédiaires du canton ne possèdent que des écoles ou encore des églises. Nous présentons quelques photographies des bâtiments administratifs filmés à Eboro-Ntem.

Photographie 3: Poste de l'agence gabonaise de sécurité alimentaire à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Nous observons à travers cette photographie un batiment abritant le poste de l'agence gabonaise de sécurité alimentaire à Eboro-Ntem. Il s'agit d'une des sous directions administratives du canton. Elle a pour rôle d'assurer la sécurité alimentaire des produits importés et exportés.

Photographie 4 : Brigade du ministère du commerce à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Après la sécurité alimentaire, nous avons à travers cette photographie le bâtiment abritant la sous direction du service provincial rattaché au ministère du commerce des petites et moyennes entreprises à Eboro-Ntem. Il s'agit aussi d'une des présences administratives du canton. L'importance est surtout basée sur la régulation du commerce entre les pays frontaliers.

Photographie 5 : La Douane gabonaise à Eboro-Ntem en Août 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Cette photographie présente le bâtiment de la douane gabonaise à Eboro-Ntem. La douane s'ajoute donc aux autres autorités administratives du canton pour s'assurer des payements des taxes appliquées sur tous les produits entrants dans le pays.

Le canton Ntem 1 est alors administratif et est couvert en réseaux de téléphonies mobiles. Il s'agit des réseaux Airtel, Libertis, Moov et Orange (Cameroun). Au sein du canton, il y a des regroupements de villages, ce qui nous amène à une autorité hiérarchisée et organisée en chefferies. Il s'agit des chefs de village, de regroupement et du canton.

Le sous-préfet est le premier responsable hiérarchique. Il est suivit du chef de canton, du chef de regroupent et enfin le chef de village. Le chef de canton quant à lui se retrouve au village Melep qui fait partie des 64 villages dudit canton. Les chefs de regroupements et de villages se retrouvent dans les regroupements et villages dont ils ont la charge.

I.4 L'économie du canton

En milieu rural, l'économie repose sur des pratiques socioéconomiques. Il s'agit de la manière dont le villageois utilise son milieu de vie pour subvenir à ses besoins.

Dans le cas du canton Ntem 1, il s'agit d'une économie basée sur l'agriculture sur brûlis, la chasse, la pêche saisonnière, les petits commerces et les opérateurs administratifs (Douane, Police, Gendarmerie et Phito-sanitaire). C'est ainsi que nous présentons respectivement ci-dessous, les bases de cette économie.

I.4.1 L'Agriculture 

Essentiellement féminine, l'agriculture (mefup) constitue la première activité économique du canton. Elle se pratique en saison sèche  (ôyone) pour le débroussage, l'abatage par les hommes puis, les brûlis et les semences par femmes qui, jusqu'en saison de pluie  (éssep) continuent dans le sarclage et les récoltes. C'est une activité cyclique qui occupe la quasi-totalité des familles non seulement du canton mais de toute la province. Il s'agit d'une agriculture sur brulis où les femmes, respectivement au cycle agricole, s'organisent parfois en groupe pour des entraides lors des moments de semences ou de récolte d'arachides surtout (ékama). Ainsi, chacune de ces étapes a-t-elle une période qui lui est spécifique dans ce cycle.

Les femmes récoltent ce qu'elles ont semé au préalable. Il peut s'agir du tubercule de manioc (Manihot esculenta), du concombre (Cucumis sativus), banane plantain (Musa paradisiaca), légumes (Fabaceae), arachide (Arachis hypogaea), canne à sucre (Saccharum), etc. L'ensemble de ces produits est avant tout destiné à l'alimentation de la famille. Le cas de la commercialisation fait souvent l'objet d'une grande préparation d'au moins une à deux semaines nommée en fang (éwuang). Cet éwuang consiste chez ces femmes de se rendre en ville (Bitam) pour y écouler leurs productions puis en retour acheter les produits manufacturés notamment alimentaires.

L'agriculture contribue à couvrir les séjours des enfants au village pendant leurs vacances. Il permet aussi de préparer leurs provisions après leurs vacances. Dans ce sens, Mme Angue Marie Justine8(*) affirme que :  

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 A dzâh vâ, bianing ya betsit beye mefane, ya koass ye ochign yafe mefup. Eyong biabôh mefoup, énene, minenga asseki tobôh adzâh kâne abele afup.

1 Ici, au village on vit du gibier, du poisson d'eau douce et surtout des plantations. Quand nous cultivons, le principe est qu'une femme ne peut vivre au village sans avoir une plantation.

2 Biagning ya mefup, nté mônô ye bisseigne bitangane ayessoo. Mefup mavôlô bieh ne biyala bouâne. Eyong bazu mewèghène bayièene abele dzome ya dzi. Eyong fe baaboulaneyang, bayiene ake bidzi biye adza.

2 Nous vivons de cela, en attendant de percevoir la pension. Les plantations nous aident à élever nos familles. Lorsqu'ils viennent en vacances, ils doivent avoir de quoi manger et lors qu'ils s'en vont, ils doivent emporter avec eux, des aliments du village.

3 Ve dzâne dâ nah, bidzi biabègne biavolo fe biè ne bibele ayôme bedôlô éyong biakomâne biwouang. Mefup menefe vâh nâh, ngue éssessang ézing éne a dzâh étévâ, mbot asse akoulou ndzôme éyongté biakomane... 

3 Cependant, ces aliments que nous produisons nous permettent aussi à organiser des partie vente en ville éwouang pour avoir des petites sommes d'argent. De plus, les plantations nous permettent des recevoir les invités ou de répondre à des manifestations dans le village. Chacun fournit quelque chose et on s'organise...

L'agriculture est l'activité principale pratiquée par les populations. Elle concentre l'essentiel des pratiques alimentaire des villageois. Occupant en généralement la gente féminine, l'agriculture est pour les femmes, une question de dignité. Elle est ce par quoi on reconnait leur valeur et grandeur. Dans son discours, Madame Angue pense qu'une femme sans plantation, ne saurait vivre au village quelque soit sa position sociale. D'où le fait de voir l'agriculture comme un véritable atout économique au sein de cette localité qui permet de nourrir les familles, de résoudre certains problèmes. Par ailleurs, il y a également à Ntem 1, des parties de chasse, de pêche et d'autres petites activités à des fins économiques.

I.4.2 La chasse 

La chasse (n'sôme), est une activité masculine pratiquée en toute saison. Elle permet de se procurer du gibier. Comme c'est le cas avec la pêche par exemple, les outils de chasse ont aussi évolué. Les populations font désormais usage du fil métallique (ékweigne) et du fusil (ngâ'ah) au détriment dites pénibles et très ancienne telles que : ékuri (technique à l'étouffement) et ébégne (technique du trou géant).

Le gibier issu de la chasse est autoconsommé ou vendu. L'argent obtenu est destiné à l'achat des produits manufacturés et le renouvelement du matériel de chasse. Comme le note Georgin Mbeng Ndemezogo (2011), la chasse intègre l'imaginaire du rapport à l'animal. Elle se pratique la journée ou la nuit. Tout comme la pêche, les techniques de chasse sont spécifiques au type de gibier. Les chasseurs se refèrent aux empruntes des animaux à fin de les capturer.

I.4.3 La pêche 

La pêche (ayôp), comme nous le verrons englobe la pêche féminine et celle masculine. Elle est une pratique de relais et seconde l'agriculture. A l'origine, elle commence avec les femmes et est devenue mixte au fil du temps. Elle est désormais à la fois masculine et féminine avec des techniques propres à chaque genre. Dans cette repartition, nous retenons de madame Anne Ekoto9(*) l'expliquation suivante du mythe d'Odzamboga :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Odzamboga abe égnîng ye okua. Abe biè befang égne mâme messe massôh biè odzamboga. Bot bebe begnîng ya bidzî biye mefâne ya achigne.

1 Odzaboga fut l'époque de vie de nos ancètres. Chez nous les Fang, toutes nos connaisssances proviennent d'odzamboga. Les populations se nourrissaient en provenance de la forêt et decours d'eau.

2 Binenga ébe bebeh bekele melôk, yake badzeng bilôk mefâne. Befâm ba bekele minsôme.

2 Ce sont les femmes qui allaient pêcher, alors que les hommes faisaient des chasses en forêt.

3 Odzamboga bôt bebeh bedza-hâ fôve kuas ye ochîgne ya tsît ye mefâne

3 Durant l'époque d'odzamboga, on ne se nourrissait que du poisson et de la viande de brousse.

De cette explication, on peut comprendre qu'Odzamboga10(*) est l'époque originelle de toute pratiques socioéconomiques en milieux rural fang. Ces pratiques sont entre autres l'agriculture, la cueillette, la chasse et la pêche. Les explications qui nous ont étés donné nous amènent à comprendre qu'odzamboga est un espace imaginaire. Au fil des générations, les populations fang ntumu l'ont appréhendée comme une époque fondatrice de toute pratique socioéconomique et particulièrement la pêche et ses techniques. Elle sousentend aussi l'origine même de l'identité culturelle des fang.

Nous comprenons que la pêche est à l'origine une pratique féminine. A partir de l'origine de la pêche, nous saisissons ainsi le mythe au sens de John Leavitt (2005 : 7-20). Pour lui, le mythe retourne et explique la réalité. Autrement dit, il est l'explication symbolique d'une réalité empirique.

Les populations vivaient essentiellement de ces pratiques socioéconomiques et y ont développé des techniques spécifiques. Les hommes allaient à la chasse alors que les femmes allaient faire de la pêche à travers la technique du barrage (melôk). La pêche et la chasse participent jusqu'aujourd'hui au comportement alimentaire des populations. Le poisson fait en paquet, fumé ou frais est autoconsommé ou vendu en milieu rural fang.

I.4.4 Les autres activités économiques du canton

En dehors de l'agriculture, la pêche et la chasse, certains jeunes villageois du canton trouvent du travail auprès des agents de la douane, gendarmerie, police et autres autorités pour la fermeture et l'ouverture des barrières moyennant de l'argent. A coté de cela, il y a aussi dans les villages des hommes et femmes qui exercent des petits commerces : des petits restaurants et bars. Nous présentons alors ci-dessous quelques clichés.

Photographie 6: vue d'un jeune villageois à la barrière pointant sa journée à Eboro-Ntem en Août 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Cette photographie présente un jeune homme à côté de la barrière centrale au village Eboro-Ntem. Les jeunes trouvent du travail journalier auprès des agents pour ouvrir et fermer la barrière. Ils passent leurs journées à ce service et sont payé en retour en fin de journée.

Photographie  7: un allignement de petites maisons en planches faisant offices de bars restaurants à Eboro-Ntem en 2015 (Ondo Obame Cédric)

Comme nous pouvons le constater sur cette image, le canton regorge aussi de petits restaurants et bars. Ils font également partie des pratiques économiques. On y vend des boissons, des repas de viande de brousse et de poisson d'eau douce prélevés dans les forêts et cours d'eau du canton.

Tout comme cette image, la photographie ci-dessous complète le cadre que nous venons juste d'évoquer notamment sur les autres pratiques économiques du canton Ntem1. Nous sommes en présence d'un point vente de produits commerciaux à Eboro-Ntem. Ces personnes que nous voyons sont entrain de déballer de la friperie pour vendre sur-place. En arrière plan, nous appercevons des casiers de boissons. Ceci confirme qu'il n'y a pas que la chasse, la pêche ou l'agriculture pour sousentendre une économie.

Photographie 8: point de vente de produit commerciaux (Habits et autres) à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Le canton a donc une économie diversifiée reposant sur l'agriculture, la chasse, la pêche et le commerce (boissons, alimentations et autres). Nous parlons dans ce cadre d'une économe sociale pour répondre aux besoins sociaux.

Nous passons maintenant à la préoccupation de l'hydrographie du canton car, c'est avant tout l'eau qui reste au centre dans cette liaison des hommes aux ressources aquatiques.

I.5 Hydrographie du canton

L'hydrographie du canton repose sur l'ensemble de ses cours d'eau. Ce sont en effet ces cours d'eau qui nous mettent en phase avec les rapports à l'halieutique. Le fleuve ntem est le principal cours d'eau, à ses côtés le kyè et le mvéze. Ces cours d'aeu couvrent l'essentiel de la pratique de la pêche. Surtout, ils sont sollicités lorsqu'il faut recueillir certaines quantités de poissons destinées à des finalités sociales bien déterminées.

Le ntem par exemple permet la pratique de toute technique de pêche présente dans la contrée. C'est d'ailleurs ce qu'en témoigne cet entretien du jeune Willy Meye Me Engouang11(*) : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1  éyong biayi abuigne kuass ne bi kuane, biaque ntem, amuna kuass éne abuigne wégne. Ossikisô wégne vemôh vemebôh.

1  Quand nous voulons avoir beaucoup de poissons pour vendre, nous partons sur le ntem, parce que là-bas, il y a beaucoup de poissons et on ne peut pas en revenir bredouille.

2 Vedzam dâ, éyong wayi ve dzome yadzi, binefe ake abuâne bachigne. Anefenâ, Ntem ône bia bebeigne ya dzâh, achigne vôh éné mefane été.

2 Mais, quand on veut juste avoir de quoi manger, on peut toutefois aller dans les petites rivières. Aussi ntem est plus près du village alors que les autres cours d'eau sont en forêt.

3 Ntem, bine abôh mevale mesou miyop bisse biayi, yafenâ bine wigne mevale mekouass messe, abime biayi... .

3 A ntem, on peut pratiquer toutes les techniques de pêche et avoir du poisson en grande quantité.

Les rapports des populations aux cours d'eau intègrent l'hydrographie du canton. Ces rapports sont traduits par les différents usages des cours d'eau à ntem 1. Ils englobent l'usage quotidien de l'eau et les ressources halieutiques. Le fleuve ntem, le Kye et le Mvéze sont les plus grands pourvoyeurs de ressources aquatiques. Ils apparaissent comme ayant une diversité de ressources aquatiques où, toute technique peut être appliquée et avoir du succès dans la capture des ressources.

Par ailleurs, c'est le fleuve ntem qui permet toute quantité de prélèvement de poisson sollicités. Il apparait dans ce cadre comme une mère dont la préoccupation première est de nourrir ses enfants par tous les moyens. Il recouvre toute une diversité d'espèces halieutiques. Sa proximité au villageois ouvre la porte à une pratique récurrente de la pêche en toute saison. Nous pouvons même dire que c'est le fleuve Ntem qui ravitaille les autres petits cours d'eau car, il est le cours d'eau principal et les autres sont ses affluents.

La pêche se pratique aussi dans les ruisseaux, rivières ou étangs. Ces cours d'eau admettent plusieurs techniques. Dans les quatre villages visités, il y a cinq cours d'eau, lesquels regorgent quasiment les mêmes espèces aquatiques à l'instar du « poisson courant » nommé en fang ``agneng'' (Malepterurus beninensis). Les villageois pêcheurs exploitent donc tout type de cours d'eau pour pêcher en fonction de leurs choix.

Comme nous l'avons déjà mensionné, il existe trois grands cours d'eau dans le canton Ntem1. Il s'agit du Ntem, de Kye et de Mvéze. A ces derniers s'ajoutent des rivières repartis dans l'ensemble des villages. Il s'agit de Tara à Eboro et Engoh ; Meyira et Kye à Akam-si ; Gnabome à Gnabome-Effak ; Minsolo à Bikasse ; Mindzigui, Ntem, meyira et Melôh à Eboro, etc. Voici alors quelques photos du ntem.

Photographies 9 : Le pont d'Eboro sur le ntem et une vue de son amont en 2015 (clichés Ondo Obame Cédric)

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2

Ces photographies nous présentent certaines parties du fleuve ntem qui est le plus grand cours d'eau du canton. Elles présentent le cours d'eau de l'amont vers l'avale. Dans la première image, on peut voir le pont sur le fleuve et également une flèche jaune indiquant un des débarcadaires de certains pêcheurs après leurs parties de pêche sur le fleuve. Quant à la deuxième image, on y apperçois l'amont du fleuve. Mais dans ce travail, nous verrons que ce cours d'eau permet d'autres usages.

En dehors de la pêche, les cours d'eaux servent aussi aux villageois de bain, vaisselles, rouissage du manioc, etc. Cela montre davantage leur pouvoir à assurer le bien-être des populations. Nous disons alors que celles-ci, en vivant avec ces cours d'eau y ont établi toute culture.

Photographies 10 : La rivière Mvéze au canton Ntem1 en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

1 2

3

Ces trois photographies présentent la rivière Mvéze au village Minsele dans le même canton d'étude. On appercoit dans la photographie 1, l'aval de la rivière. On apperçoit des bois mort (nkôkh) baignant dans le cours de la rivière. Ces bois constituent aussi les abrits des poissons à peau lisse (kuass bikop). La photographie 2 présente des invidus dans leur bain à l'image du jeune homme mouillé et assis de dos en avant plan. Il s'agit là d'un des multiples usages des cours d'eau dans le canton. Pour terminer, la photographie 3 montre elle aussi en arrière et en avant plan, des individus prenant leur bain et un jeune garçon dans une piroque. Les cours d'eau du canton contribuent à l'hygiène corporelle des villageois, ils sont aussi des espaces ludiques. Il s'agit d'un rôle symbolique de purification et de détente.

Pour mieux comprendre le pouvoir de l'eau, nous aborderons de façon détaillée ses aspects symboliques dans la deuxième partie de ce travail.

 

En définitive, ce chapitre a fait la description de l'espace sociocilturel, politique, économique et géographique du canton Ntem 1. Cette description passe par la localisation, le peuplement, l'hydrographie et les pratiques socioéconomiques dudit canton. Cet espace s'est présenté comme un « lieu anthropologique » au sens de Marc Augé (1992). Cela nous a amené à compredre que les différents rapports entre les populations et les rapports à l'eau intègrent ce milieu socioculturel. Ce canton est une localité administrative dotée de postes et de brigades de contrôles et autres infrastructures publiques.

Le mode de vie des Fang ntumu du Ntem et surtout leurs rapports sociaux reposent sur des rapports à prédominance économique, nous parlons d'une économie sociale12(*). Aussi, l'accent porté sur le fleuve Ntem et les autres cours d'eau secondaires nous a amené à nous rendre compte de la récurrence de la pratique de la pêche et d'autres multiples usages de l'eau dans le canton. De plus, toute une hydrologie est établit par les villageois eux-mêmes avec leurs cours d'eau. Cette pensée sera davantage dévéloppée dans cette étude lors ce que nous aborderons les chapitres sur les techniques employées et leurs rapports aux villageois pêcheurs ; leurs fonctions et représentations. L'objectif principal était de présenter avant tout notre terrain d'étude.

La question de la dimension technique ou encore de l'ensemble des productions cognitives mise en relief par les populations pour pratiquer la pêche constituera le prochain chapitre. Ce chapitre apportera un éclairage sur la question d'une pêche traditionnelle qui intègre des outils modernes pour se maintenir au fil du temps. Cet aspect sera suivi d'un inventaire et d'une analyse détaillée des techniques de pêche utilisées dans le canton en fonction des critères que nous déterminerons.

* 8 Angue Marie Justine, est âgée de 58 ans environ, de nationalité gabonaise, mère de famille, du clan Essandone et retraitée de la fonction publique. Elle est cultivatrice et praticienne de la pêche. Le 30 Août 2014 à Bitam.

* 9 Ekoto Anne, épouse Nguema Nkoulou, âgée de 70 ans environ, de nationalité camerounaise, du clan bulu, cultivatrice et praticienne de la pêche. Le 03 septembre 2014 à Bitam.

* 10 Odzamboga : un des mythes fondateurs des pratiques socioéconomiques fang dont le cas de la pêche.

* 11 Willy Meye Me Engouang, âgée de 32 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essandone et praticien de la pêche. Le 10 septembre 2014 à Eboro-Ntem.

* 12 Economie sociale : concept dévéloppé par Arjun Appaduraî. Il regroupe un ensemble de coopératives, mutuelles, associations, syndicats et fondations, fonctionnant sur des principes d'égalité des personnes, de solidarité entre membres et d'indépendance économique.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway