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anthropologie des techniques dans la pratique de la pêche au canton Ntem 1


par Cédric ONDO OBAME
Université Omar Bongo - Master 2016
  

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CHAPITRE III : TECHNIQUES DE PECHE ET FONCTIONS CULTURELLES

Nous évoquons les fonctions des techniques de pêche dans ce chapitre parce qu'elles intègrent le rapport des populations du canton Ntem 1 aux techniques de pêche. Autrement dit, c'est à travers le rapport aux techniques de pêche que nous sommes amené à nous intéresser aux fonctions de ces techniques dans les domaines socioculturels des pêcheurs.

En fang ntumu, la fonction se dit (akaleya), c'est-à-dire la raison qui accompagne ou qui amène à accomplir un fait, une pratique. Les techniques de pêche relèvent donc les fonctions culturelles. Ces fonctions font partie des logiques soujacentes qui entourent la pêche. Comme nous le verrons, les techniques de pêche impliquent plusieurs domaines socioculturels. Il s'agit alors de comprendre les rapports de ces domaines avec les techniques de pêche. Elles sont communes et relèvent de la performance cognitive des villageois qui pratiquent de la pêche.

En principe, une fonction est immatérielle. Pour la saisir, il faut aller la rechercher au sein de la société qui pratique le phénomène social étudié. Autrement dit, la fonction identifie le phénomène social qui l'exprime en même temps qu'elle permet de saisir le lien entre ce phénomène et son groupe d'appartenance.

Les fonctions dont il s'agit sont d'ordre économique, religieux, juridique, socio-éducatif etc. L'objectif de ce chapitre est de faire état de ces fonctions. Il s'agit de voir sous une approche diachronique, les fonctions que les techniques de pêche ont toujours rempli dans l'imaginaire collectif des populations ntemoises.

III-1 La fonctions économique des techniques de pêche

Nous précisons à ce niveau que la pêche est déjà en elle-même une pratique économique. C'est une économie de prédation. Cette fonction regroupe la production des ressources aquatiques, la consommation de ces ressources et enfin l'échange de ces ressources. Dans ce cadre, nous sommes dans une anthropologie économique qui étudie les rapports économiques des hommes dans leurs milieux de vie.

Cela est une approche que Claude Meillassoux (1974) appréhende dans son analyse des Gouro de Côte d'Ivoire, et que de Maurice Godelier (2003) utilise aussi à travers son regard économique dans son ouvrage intitulé « La production des grands hommes ». L'anthropologie économique étudie surtout les dispositifs mis en oeuvre par les sociétés humaines afin de produire et échanger les biens matériels nécessaires à leur consommation et à leur reproduction en tant que groupe. Cette anthropologie va nous aidé à comprendre le fondement d'une fonction économique des techniques de pêche chez les ntemois du canton Ntem 1.

III.1.1 La production des ressources aquatiques

La production consiste, du point de vue de l'anthropologie économique, à agir sur la nature pour disjoindre certains éléments matériels afin de les rendre utiles aux besoins des hommes à l'état naturel ou transformé. Quant à la production des ressources aquatiques et autres crustacés, elle ne se fait que par l'utilisation des techniques de pêche dans le biotope aquatique. Ce sont elles qui permettent l'accès aux poissons tel que le souligne le pêcheur et chasseur Ella Mvola Théophile19(*) : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Ntem1 eva, eyong anena wakumu ayop, bibele abouigne mevala meyop. Avala assesse one ayop waye wi koass.

1 Ici à Ntem 1, lorsque tu veux faire de la pêche, on connaît plusieurs types de pêche. Quelque soit ta manière de pêcher, tu captureras du poisson.

2 Osseki ake ochigne ve môh ve mebôh. Wayiène atéra ayem avale n'yobane wé yop éyonté wake ya ébieme wake ayop ya biôh ne obigne kuass.

2 Tu ne peux te rendre à un cours d'eau pour pêcher sans te préparer. Tu dois déjà savoir la technique que tu emploieras. Ensuite, tu t'y rends avec des outils propices pour capturer du poisson.

Les techniques de pêche sont un moyen de production de la ressource. Elles remplissent, dans ce cadre, une de leurs premières fonctions économiques : la production. L'objectif est de produire, une production qui n'est possible que si l'homme met en place des techniques. Ces techniques ainsi un rapport de production, une fonction productive des ressources.

Comme le dit cet interlocuteur, il faut obligatoirement une technique pour capturer ou prelever du poisson. Cela revient donc à produire des ressources. En effet, celui qui pratique la pêche choisit sa technique qu'il matérialise avec des outils adaptés. Dans le procédé économique, c'est le principe de la production qui est le plus important mais, pour ce faire, cela demande des techniques. Dans ce sens, André Georges Haudricourt (1964) parle des techniques en rapport avec les modes de production agricole. Autrement dit, le type de production convoque un type de technique approprié. C'est pour dire que produire nécessite obligatoirement des techniques quelque soit ce qu'on veut produire.

Après cet aspect sur la production, il s'agit maintenant de la consommation de la ressource après leur prélèvement. Cela nous amène à parler de l'autoconsommation considérée ici comme l'une des principales raisons de la pratique de la pêche dans la localité.

III.1.2 Le principe de la consommation

En tant que branche de l'anthropologie économique au même titre que la production et l'échange (circulation des biens), la consommation est selon Arjun Appadurai (2007)  l'usage que l'on fait d'un bien ou d'un service en l'achetant, en se l'appropriant ou en le détruisant. Mais la consommation dont nous parlons ici est celle des aliments halieutiques au sein des familles. Cela nous amène à convoquer le concept d'économie sociale. C'est une économie qui repose sur les principes de solidarité des membres d'un groupe au sens de Jean-François Draperi (2007).

La quasi-totalité des interlocuteurs nous ont fait comprendre que l'objectif premier de la pratique de la pêche est de nourrir la famille. Il s'agit de l'autoconsommation des ressources. Quelque soit la technique utilisée ou la quantité de poisson obtenue à l'issue d'une partie de pêche, c'est avant tout pour l'autoconsommation. Selon certains de nos interlocuteurs, le poisson et la viande de brousse sont au village des aliments qui se consomment occasionnellement. Il s'agit surtout d'une habitude alimentaire dominée par les aliments d'origine végétale (fruits, légumes, arachides, concombre, chocolat, manioc etc.).

Lorsqu'on rapporte du poisson ou de la viande de brousse, on assiste à une sorte de variation de goût alimentaire. Cette variation alterne entre le végétal et l'animal. Pour certaines femmes, le poisson est associé à certains ingrédients d'origine végétale dans le but de varier les aliments. Cela est d'ailleurs soutenu par Mme Ekoto Anne lors qu'elle dit que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Bia seigne mefup à dzâ va, éme biagning ya môh. Abe engoum mbù, biadzi bidzi bia beigne. Ede, eyong avekui nâh biveke melok ngueki nâ kouass éne ngueki tsît, one d'ayame nfuwôno été ngueki ndôk.

1 Au village, nous vivons de nos champs. Tout au long d'une année, nous consommons nos produits issus des champs. Mais lorsqu'il nous arrive de faire une partie de pêche ou qu'on nous rapporte de la viande de brousse, nous pouvons les préparer dans une sauce d'arachide ou de chocolat.

2 One fe dayam nala. Kouass ya tsît bine biem bi ozâng. Âne ébiem biassanla dêhk agnù.

2 Nous pouvons aussi les préparer simplement. Le poisson et la viande de brousse sont des aliments qui nous permettent de changer de goût dans nos bouches ici.

Rappelons que les techniques de pêche permettent la production du poisson. Ce poisson est ensuite autoconsommé au sein de la famille. Nous relevons là le lien entre la technique de pêche et la notion de consommation dans le rapport économique des populations rurales aux ressources aquatiques. Ce que nous pouvons retenir, c'est que la consommation des ressources aquicoles est à comprendre dans les rapports de production de la ressource et dans l'idée de variation des aliments tels que vient de le souligner Mme Anne Ekoto.

Lorsqu'une partie de pêche est fructueuse, une partie de poisson est consommée et l'autre peut être vendue. Pour des personnes sans charges, la pêche peut devenir une activité financière.

III-1.3 La notion d'échange

En anthropologie, la notion d'échange fait référence au ``don'' et ``contre-don'' de Marcel Mauss (1973 : 149-279), mais aussi à la réciprocité. En réalité, Marcel Mauss distingue ce qu'il nomme « échange-don » de l' « échange marchand ». Le premier terme renvoie à une appréhension des systèmes d'échange des sociétés `` archaîques'', où l'objectif de la circulation des bien ne se trouve pas dans la capitalisation, mais plutôt dans la cohésion sociale du groupe. Le second terme quant à lui renvoie à une économie de marché dirigée par la capitalisation des ressources.

Cependant, dans le cas de ce travail, l'échange prend une autre orientation. Il s'agit de la complémentarité de ces deux termes dévéloppé par Mauss.

Au canton Ntem1, la notion d'échange est traduite par la distribution des ressources aquicoles impliquant de ce fait certains pêcheurs et revendeurs ou revendeuses.

Les deux théories de Marcel Mauss se complètent dans le cas des populations ntémoises. Il s'agit donc de la réciprocité des biens. Certains villageois pêcheurs vendent de temps à autre une partie de leurs poissons à des revendeuses. Mais, cette commercialisation n'est pas permanante, elle n'a lieu que lorqu'un besoin financier se présente. En réalité, ils ne vendent que le surplus afin de subvenir à un certain besoin comme le rapporte Ella Mvola Théophile : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Bot bézing bayop ne badzi, ne bayala bouane ve benefe akuane éyong beve wigne abuigne kouass. Bavâ abime nda-ébot daye dzi éyong-té abime vôh bekuane.

1 Certaines personnes pêchent pour manger dans le but de nourrir la famille. Mais, elles peuvent aussi vendre. Après avoir retiré ce qu'on va manger, le reste sera pour la vente.

2 Adangdang alâme abe befam ngueki melok abe binega ébe basubana wigne abui kouass akui minkuègne.

2 Ce sont surtout les techniques d'alâme chez les hommes et melok chez les femmes qui produisent souvent beaucoup de poissons au point de remplir parfois des paniers.

Au-delà de l'autoconsommation, la vente des ressources est souvent faite pour résoudre certains besoins financiers. En revenant sur le rapport aux techniques, nous devons retenir qu'il y a des techniques de pêche qui prélèvent du poisson en grande quantité et permettent de ce fait des ventes, c'est le cas de l'alâme et melok.

Ce sont des techniques de pêche prelévants de grandes quantités de poissons en une seule prise. Les autres techniques selon le même interlocuteur, permettent aussi de vendre du poisson mais demandent plus de temps de travail et de patience pour amasser du poisson en grande quantité.

Les revenus issus de la vente sont destinés entre autres à la satisfaction certains besoins notamment : l'achat du pétrole, lampe ou groupe électrogène, renforcement du matériel de pêche, s'offrir suffisamment du vin, des cartouches, des cigarettes, etc. Pour certains pêcheurs, cet argent peut servir pour la scolarité des enfants ou des tontines20(*).

Au sens de Sophie Goedefroit (2001), nous sommes en présence d'une culture de la dépense des gains obtenus après vente où il est question d'un investissement dans le social et à court terme. Ces dépenses déterminent donc une économie familiale d'autoconsommation. Le cas le plus pratique est celui de la dépense dans la consommation du vin et de la cigarette.

Le poisson est vendu frais soit sur commandes pour certains pêcheurs, soit de manière ambulante surtout pour les jeunes. Certaines femmes le vendent en bouillon dans les petits bar-restaurants. On peut avoir des paquets de poissons allant de 1000cfa et plus. Quant au prix de la commande, il varie en fonction de la quantité de poissons commandée.

Photographie 21 : Paquet de poissons proposé à 1500fcfa à Akame-si.

Cette photographie nous présente en avant plan un paquet de poissons frais proposé à 1000fcfa. Dans ce paquet de poissons, on voit des brochets et ablettes tous fraichement prélevées en plaine journée. Ces poissons ont étés capturés à base de la technique de la pêche à la ligne (ofâh). La notion d'échange dans ce cas se traduit par la vente de ces poissons pour avoir en retour de l'argent. Nous faisons donc la même lecture avec la photographie ci-après.

Photographie 22 : Paquet de poissons proposé à 2000fcfa à Akame-si en 2014 (cliché Ondo Obame Cédric)

Il s'agit sur cette image d'un paquet de poissons vendu à 2000fcfa. Il faut dire qu ces paquets de poissons sont vendus de manière ambulante. Ces photos avaient été prises après une partie de pêche à la ligne (ofâh) dont on avait pris part au village akame-si. On peut voir que les prix des paquets de poissons varient en fonction de la quantité du poisson contenue dans le paquet.

En observant attentivement, le premier paquet contient moins de poissons que le second, d'où la différence des prix. De plus, il y a aussi le type de poisson proposé à la vente. Sur ces photographies, il s'agit des brochets (Hepsus Odoe) et des ablettes (Alestes macroptalmus). Pour le cas des silures et silures chat (Parachenoglanis) par exemple, les paquets sont souvent un peu plus chères que ce soit fumés ou frais. Meye M'engouang rapporte à ce propos que :

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Minyôp mi y'omôs mia dang ki mindzuk ane émi miy'alû. Ede omôs abang ya be m'vagha ébe badang bili. Biachia adzo-ne kua bibas d'abili omôs.

1 La pêche de la journée n'a pas trop de complication comme celle de la nuit. La journée, ce sont les brochets et ablettes qui se font capturer. Il faut dire que tous les poissons à écailles se prennent la journée.

2 Kuas bikop dabili alû. Ede kuass bikop dassili ne oyop alû. Edalé metang massang-la.

2 Les poissons à peau lisse se pêchent la nuit. Voilà pourquoi les prix de vente ne sont pas les mêmes.

La vente du poisson prend en compte le type de poisson capturé, la périodicité de l'utilisation des techniques, même l'ensemble des difficultés ou dangers rencontrés pendant la pêche. Les prix sont fixés par rapport à ces critères.

Pour revenir à la fonction économique de la pêche et ses techniques, nous retenons que ladite pratique repose sur la production des ressources, leur autoconsommation et enfin leur distribution. En dehors de ces aspects économiques, les tecchniques de pêche nous révèlent d'autres fonctions endogènes. C'est ainsi que nous abordons les pratiques religieuses.

III-2 Du religieux dans la pratique de la pêche

Les techniques de pêche relèvent aussi des pratiques religieuses. Il s'agit ainsi de la fonction économique que nous abordons sous trois dimensions à savoir : le fétiche, la prière et l'interdit. Ces dimensions prennent doublement en compte les techniques de pêche et les pêcheurs. Cela amène à faire ressortir une fois de plus le lien entre la technique de pêche, le pêcheur et le contexte religieux.

Dans notre orientation, il est question de voir comment le pratiquant de la pêche associe le fétiche, la prière et l'interdit à la pêche. En d'autres termes, nous nous intéressons aux rapports du religieux aux techniques de pêche par l'entremise des dimensions évoquées.

III-2.1 Le ``fétiche'' ou le médicament

Certains pêcheurs associent le fétiche à leurs parties de pêche. Ce fétiche participe au prélèvement des ressources. On peut même dire que chez ces pêcheurs, le fétiche demeure au centre de la pratique car il protège le pêcheur tout en lui assurant des prises intéressantes. Dans ce sens, Claude Meillassoux (1974) parle des chasseurs qui possèdent le ``médicament'' lorsqu'il étudie les Gouro de Côte d'Ivoire. Pour lui, ce ``médicament'' leur permet de découvrir et d'atteindre le gibier.

En un mot, le fétiche que nous appelons aussi médicament cumule les fonctions de protecteur et de producteur. Celui qui le possède lui consacre prières et sacrifices. Mais à la base, tout est déterminé par le lien qui existe entre le détenteur du fétiche et le fétiche en question. A ce propos Engouang Emmanuel dit que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Abui bot éne nâ dâyop ya mebiang. Benâ mebiang meté mebûn, bayelane âmoh atéria ya amaneyâ n'yopâne. Mebiang makale bôh ya ve bene wign abui koass.

1 Il y a des pêcheurs qui pêchent avec des fétiches. Ils ont foi en leurs fétiches. Ils les prient avant et après une partie de pêche. L'objectif est d'être protéger et faire une bonne pêche.

2 Bot bevoh besing bayop ya mebi. Éba bevôh bebele mekenâ, minkôh ya minkip. Éba bevôh bakeghe bikila bignù. Éde, mébiang mene abô mevala abui...

2 Certains pêchent avec leurs propres selles, d'autres ont des bagues, colliers ou talismans. D'autres encore sacrifient un membre de leur corps. Il y a donc plusieurs sortes de fétiches.

Cet extrait d'entretien nous apprend que le fétiche est une source de protection du pêcheur et de production de ressources. Richard Price (1964 : 84-113) mensionne dans son étude associant magie et pêche en Martinique que : « Le recourt à la magie permet au pêcheur de surmonter son impuissance à assurer le succès de sa tâche (...). Le recours à la magie ravive l'espoir et accorde de la faveur au pêcheur dans sa pratique. Il faut dire que le fétiche dont nous faison état n'est pas qu'un objet matériel. Il peut aussi s'agir d'une pratique magique ou alors d'une entité spirituelle comme le souligne cet auteur.

Comme l'a signalé notre interlocuteur, il y a plusieurs sortes de fétiches qui sont utilisés. Dans l'évolution de notre travail, nous verrons que, c'est chez ce type de pêcheur qu'on rencontre des interdits spécifiques en dehors de ceux qui sont généraux, c'est-à-dire qui peuvent être communs à tout pratiquant de la pêche. En outre, nous allons aussi voir que le pêcheur peut être lui-même son propre fétiche ou encore son propre ``médicament'' dans sa production des ressources aquicoles. Dans ce cas, nous allons parler de « l'homme-fétiche ».

III-2.1.1 ``L'homme-fétiche'' 

Le pêcheur peut constituer lui-même son propre fétiche. Il s'agit d'une catégorie de pêcheur dont le fétiche repose soit sur le sacrifice d'une partie de son corps, soit dans l'aptitude mystique à ``concevoir'' lui-même du poisson au sens d'Aleksandre Cimpric (2011 : 873-892).

Selon les interlocuteurs, ce sont surtout les femmes qui avaient cette aptitude à concevoir du poisson avec la technique de fiss. Par le passée, il arrivait qu'une femme se rende à ses fiss pour pêcher et quand la pêche n'était pas fructueuse, elle concevait mystiquement du poisson (silures) et le repêchait ensuite. Nous sommes là en présence de la logique du corps-fétiche ou de l'animal dans le corps car, il n'y a qu'un animal pour produire un autre animal. Assengone Florence21(*) raconte à ce propos que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Binenga besing bembe nâh ngue akégne mefiss meigne kagha awign embe koass éyongté assîî koass adandang ngôl. Ve mâme meté makang mamane.

2 Il y avait des femmes qui, lorsqu'elles se rendaient dans leurs fiss pour pêcher, s'il n'y a pas assez de poissons à capturer, elles pouvaient concevoir du poisson surtout les silures. Cependant, ces choses sont entrain de disparaitre de nos jours.

Ce récit nous met en phase avec la logique de ``l'animal dans le corps'' humain. En d'autres termes, l'animal renvoie au poisson qui est généré alors que le corps renvoie à lindividu, au pêcheur. Le pêcheur est alors capable à travers son corps de produire du poisson. Quand bien même, ce poisson qui est conçu est destiné à l'autoconsommation. La femme qui utilisait ce type de pratique, le faisait pour le bien de la famille, pour nourrir la famille. Assengone Florence ajoute que : « Lorsque les hommes le faisaient, c'était également pour nourrir la famille mais, ils en vendaient aussi.

C'étaient des pratiques fétichistes traduisant l'univers sorcier dans la pêche. Aleksandre Cimpric (2011 : 873-892) parle de la « métamorphose du pêcheur ». Dans son étude sur les représentations relatives à l'eau, il parle des pêcheurs qui se transforment en ``talimbi'' (caïmans) dans les cours d'eau pour capturer du poisson en Centrafrique. Là encore, nous sommes dans le même univers sorcier car, ce n'est pas n'importe quel individu qui peut avoir ce type d'aptitude, il faut des prédispositions sorcellaires notamment l' « Evus 22(*)». Il s'agit en effet d'un organe symbolique, receptacle du pouvoir sorcellaire en l'homme. Mais chaque individu possède l'Evus et pas obligatoirement des aptitudes sorcellaires.

Cet aspect passéiste montre combien de fois la pêche connaît d'un point de vue diachronique des pratiques religieuses ou sorcellaires intégrées par les populations dans l'objectif d'exploiter la nature et de s'exploiter eux-mêmes.

Lorsqu'on abordera la dimension de l'interdit, nous allons voir que les personnes qui pêchent avec des fétiches ne consomment pas elles-mêmes les poissons capturés. Elles préfèrent soit les donner à manger à la famille ou de les vendre. Nous verrons quelques conséquences de ces pratiques fétichistes.

III-2.2 La dimension de la prière

La prière est souvent un agencement de paroles adressée à une entité spirituelle ou mystique. Elle peut être une formule orale sacrée, ritualisée ou encore une formule spontanée et profane. Elle reste dans cette fonction religieuse un élément incontournable et relève du domaine de la parole. Marcel Jousse (1978) évoque ainsi l'expression de : « Manducation de la parole », une parole symbolique et qui est porteur de sens. La prière est une compétence langagière qui émane de cette parole symbolique, elle est même la parole symbolique.

Quelque soit la technique de pêche pratiquée et quelque soit la vertu religieuse du pêcheur, la prière reste présente. Qu'il possède un fétiche ou non, le pêcheur fait une prière avant et après sa partie de pêche. En principe, elle est ce moyen par lequel le praticien de la pêche se recommande à son ``Dieu''ou son ``médicament'' tel que nous venons de le voir. En retour, ces derniers lui accordent protection et lui assurent une bonne partie de pêche.

Au canton Ntem 1, les populations sont de la religion catholique ou protestante. Ceci fait que les personnes qui ne se reconnaissent pas dans l'usage du fétiche, associent à leur pêche des prières adressées au dieu chrétien. Quant aux pêcheurs ``fétichistes'', les prières sont également adressées à ``dieu'' mais par l'intermédiaire du fétiche qu'ils possèdent. Il faut même dire qu'ils croient plus au fétiche qu'ils ne croient en Dieu. Alors la prière occupe les mêmes fonctions que le fétiche. Dans ce sens, Ella Mvola Théophile nous dit que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Wayem nâ dzam asse éne ya avale mbot âne. mbot ésing âne ayeghelane à zama ngueki dzôme éfe éyong aze abôh minyop.

1 Tu sais, tout dépend des aspirations de tout un chacun. Quelqu'un peut prier Dieu ou quelque chose d'autre lorsqu'il va faire de la pêche.

2 Vedâ maméne mayeghelâne fôhve zama amuna égne abalema éyong make minyop yaâ avema é kouass meve ze dzeng.

2 Quant à moi, mes prières ne sont adressées qu'à Dieu seul car c'est lui qui me protège et me donne le poisson que je viens chercher.

3 Ebot bebele bivus ébe babôh abui mâme ya abele abuing biki minyop.

3 Ce sont ceux-là qui ont l'Evus qui font beaucoup de pratiques et qui ont plusieurs interdits dans la pêche.

La prière a une place importante dans la pratique dans l'exercice des techniques de pêche. Mais, c'est surtout au ``Dieu tout puissant'' selon nos interlocuteurs judéo-chrétiens, à qui celle-ci est très souvent adressée. Cependant, Assengone Nkoulou Florence rappelle que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Melu mvus, abe nâ, éyong bakomâme misôme ngueki mellok, befam bake ayeghelâne melane, ngîî, andécolgu.

1 Par le passée, lorsqu'on préparait de grandes parties de chasse ou de pêche, les hommes allaient prier le melâne23(*), le ngiil24(*) ou l'andécolgu25(*).

2 Binenga bâ bake yeghelâne meburru. Assesse té ne mbiadzam atâ bôbane, ne bewuing abui kouass.

2 Quant aux femmes, elles allaient prier le meburu26(*). C'était dans le but de les protéger des dangers et de leur assurer de bonnes quantités de poissons.

Cet extrait d'entretien rappelle non seulement la place de la prière dans la pratique de la pêche mais surtout, les croyances des populations par rapport leurs divinités. D'où le rapport des hommes avec le monde invisible pourvoyeur de protection et de production des ressources. La prière rassemble ainsi un ensemble de termes ou de phrases intermédiaires, coordonnés et s'adressant à une entité supérieur (divinité). A partir de là, nous relevons une sorte de «manducation de la parole » au sens de Marcel Jousse (1978 :395-597). La prière se fait avec des mots précis. Il s'agit d'une manipulation de la parole. On comprend que celui qui prie sait ce qu'il dit et ne dit que ce qui a du sens.

Nous présentons un extrait de prière adressé au dieu chrétien et reccueilli chez Zé Evariste :

Extrait de prière en fang ntumu

Traduction en français

1 A târe zame mayelânawâ nâ au wulu yama abe minyôp makevami. Târe zame, édzame ézing éne abé étama abobâne. Wâ étame wulu yama. Mimbiabemâme beye afanété ya ochîngne bayiène ake oyap.

1 Dieu le père je te prie pour me recommander à toi tout au long de ma partie de pêche. Seigneur, ne permet à rien de mal ne m'arrive. Toi seul conduis moi. Qu'aucune mauvaise chose de la forêt ni des rivières et fleuves ne m'approche.

2 Târe zama, mevezumadzeng. Vôleyema ne ma wîng kuas mayi ne me yâlâ mvông bot dzam, yafe ne me kuane oyome abime.

2 Seigneur, je suis venu chercher de quoi me nourrir et vendre aussi. Aides-moi à capturer du poisson en abondance.

3 Târe zama, mavewa akiba akâle édissâ ya môane ya nsîsîm santé amen.

3 Seigneur je te remercie au nom du père et du fils et du saint esprit amen.

Cette prière est une recommandation du pêcheur au dieu chrétien. En retour, il accorde protection et production abondante du poisson. Ce qui est aussi intéressant dans cette prière est la façon dont sont articulés les mots et phrases. A cela s'ajoute la ``foi'' qu le pêcheur a envers son dieu ou son médicament au point d'être rassuré qu'il aura ce qu'il veut. On relève d`une part la compassion du dieu chrétien en aidant le pêcheur et d'autre part, il peut s'agir de l'efficacité du contrat du pêcheur et son médicament.

Marcel Jousse mensionne que  la bouche est à la fois instrument de parole et instrument de manducation. On comprend par cette manducation de la parole, cette véritable compétence langagière mise en oeuvre pour atteindre un objectif qui n'est rien d'autre que la protection et la production des ressources. En un mot, la prière est le rapport si non le langage qui sert de communion avec les entités invisibles ou les déités. C'est aussi à ce niveau, un élément de la performance des techniques de pêche.

III-2.3 La question des interdits

Dans le traitement du religieux dans la pratique des techniques de pêche, l'interdit a également attiré notre attention. La question de l'interdit a été abordée par nombre de chercheurs notamment Georgin Mbeng Ndemezo (2011 : 37). Pour lui, la chasse a des interdits.  Ces interdits : « Ne sont pas qu'alimentaire, ils peuvent avoir un rapport avec un lieu précis, avec une activité précise dans l'optique de gérer la faune, la flore et même les hommes (...). L'interdit est alors une sorte de codification du comportement des chasseurs, il leur est exigé une manière d'être face aux animaux que regorge la forêt ». Il ressort que l'interdit est une norme culturelle et symbolique établie par l'homme à fin de se gérer et de gérer ses ressources. A cela Bernard Juillerat (2004 : 43-44) ajoute que : « L'interdit renvoie à une soumission au pouvoir divin ». Ce divin englobe dans ce cas, l'ensemble des entités invisibles (mystiques, spirituelles voire sorcellaires) impliquées dans la question des ressources naturelles halieutiques.

Dans ce même sens, notre orientation porte sur les interdits spécifiques aux pêcheurs dans l'exercice des techniques de pêche, aux consommateurs des ressources halieutiques et aux cours d'eau qui abritent ces parties de pêche au sein du canton. Autrement dit, Nous nous intéressons d'une part aux interdits propres au pêcheur dans l'usage de ses techniques de pêche et dans sa consommation des ressources pêchées. D'autre part, il s'agit des interdits d'une catégorie de consommateur (femmes enceintes et enfant) et les interdits généraux dans la pratique de la pêche.

III-2.3.1 Les interdits du pêcheur

Nous avons relevés des interdits chez le pêcheur. Mais, nous avons compris que le pêcheur se donne souvent à lui-même des interdits. Nous parlons surtout des pêcheurs qui utilisent des ``fétiches'' ou ``médicaments''. Cela revient à dire que les pêcheurs qui ne possèdent pas de fétiche ou ``médicament'' n'ont pas d'interdits propres en dehors des interdits généraux.

Aussi, ces interdits varient en fonction des pêcheurs si non en fonction de leurs fétiches. Cependant, il y a un interdit qui est souvent commun à tout pêcheur exerçant avec des fétiches.

Selon le pêcheur-chasseur Nkouna Obiang Fabrice : « Cet interdit dit que le pêcheur qui capture son poisson avec des médicaments ne le consomme pas lui-même, il préfère le vendre, le donner à manger à la famille ou le partager. S'il venait à consommer ce poisson, il trahit son fétiche car, il se mange lui-même surtout s'il a sacrifié un membre de son corps. En conséquence, il risque de traverser un moment de carrence dans ses parties de pêche. Il peut tomber gravement malade, être paralysé ou mourir. »

Tel que rapporter, cet interdit met en garde ceux qui pêchent avec des fétiches (feuilles, écorses, formules magiques, sorcellerie, etc.) quelque soit la technique employée. Le pêcheur a donc le choix de pêcher avec le fétiche ou naturellement. Il connaît les conséquences de sa pratqiue. Cet interdit définit clairement son fonctionnement, ses avantages et surtout ses inconvénients. Mais ceux qui pêchent naturellement ne connaîssent que des interdits de base portant sur les rapports sexuels et les femmes en manstruation qui en effet souillent les parties de pêche.

Il existe aussi des interdits portant sur les aliments et sur les cours d'eau. Il s'agit des aliments à ne pas consommer lorsqu'on se rend à une sortie de pêche et des comportements à éviter pendant une partie de pêche. A ce propos, Ntsame Micheline27(*) nous fait comprendre que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Eyong biake melok mewulu awok nâ bâdzikî ébieme bine azek, misabô kawgn dzome.

1 Lorsque nous participions à des parties de pêche, on nous interdisait de consommer des aliments sucrés au risque de ne rien capturer.

2 Bewulu fe adzonâ bita avuègne megnô ochi été amunâ d'aduru abông.

2 Aussi, on nous interdisait d'uriner dans le cours d'eau, cela attirerait des malchances.

L'interdit gère l'Homme. Interdire de consommer tel ou tel aliment avant d'aller pêcher quelque soit la technique utilisée au risque de ne rien capturer, revient à dire que le respect de l'interdit participe aussi à la performance de la pratique. Mais, il s'agit en fait d'une performance qui intègre en même temps la logique d'une gestion parcimonieuse des ressources. C'est aussi un raisonnement que notre interlocuteur Ella Mvola Théophile tient avec la technique de pêche alâme dont il est expert.

Pour lui, cette technique est encadrée par des interdits alimentaires. Lorsqu'on va visiter l'alâme, il ne faut pas consommer les aliments tels que : le concombre, le chocolat..., au risque de ne rien capturer. Il faut plutôt consommer le safou ou atanga (Burseraceae), arachide (Arachis hypogaea), etc. Il s'agit pour cette technique d'autres interdits qui favorisent la bonne capture des ressources.

On peut donc comprendre qu'au-delà des interdits généraux communs à toute technique de pêche, certaines techniques de pêche relèvent des interdits propres que le pêcheur doit respecter. Nous proposons donc dans un tableau un récapitulatif des interdits spécifiques au pêcheur.

Tableau 13 : Quelques interdits du pêcheur et leurs conséquences

Les interdits du pêcheur

Les conséquences

Interdits alimentaires

1- Consommer concombre, chocolat et aliments sucrés avant la pêche.

Ces aliments nuisent et défavorisent la pêche.

Interdits aquatiques (cours d'eau)

3- Uriner ou déféquer dans le cours d'eau

Cela perturbe les génies et souille l'eau.

Interdits des outils et techniques de pêche

4- Mélange d'outils et techniques de pêche entre hommes et femmes

Malchance et nonchalance

Interdits de base

5- Rapports sexuels avant une partie de pêche

Malchance, lourdeur, nonchalance et souillure.

6- Aux femmes en menstruation participer à une partie de pêche

Ø

Autres interdits...

7- Consommer son propre poisson capturé à base de fétiche ou de médicament

Risque de maladie, d'accident ou de mort.

Ce tableau regroupe certains interdits du pêcheur. Nous les avons catégorisés en cinq aspects telque le montre ce tableau. Ces interdits ont chacun des conséquences. Il s'agit des logiques normatives qui conditionnent le pêcheur dans sa pratique de la pêche. En d'autres termes, la réalisation d'une partie de pêche favorable résulte du respect de ces interdits.

Les fétiches contribuent également aux parties de pêche fructueuses. Mais, ceux qui les utilisent sont surtout mis en garde quant à la consommation des ressources.

Le tableau ci-dessus montre que l'interdit a toujours été présent dans l'activité de la pêche. Sa fonction a toujours été de gérer l'homme et son milieu de vie. Toutefois, même le consommateur du poisson relève des interdits.

III-2.3.2 Les interdits du consommateur

Les poissons capturés avec l'aide des fétiches sont interdits de consommation aux femmes enceintes et aux enfants. Chez les pové par exemple, Paulin Kialo (2004 :174) explique que : « Les femmes enceintes ne mangent pas les têtes des poissons capturés à base de plantes itchytoxiques (pêche à la nivrée) ». Le cas contraire entrainerait une malformation du bébé.

Cette catégorie d'individus est très vulnérable. La consommation de ce type d'aliments causerait certaines pathologies (malformation du bébé ou réactions cutanées chez l'enfant, ...). Selon les interlocuteurs, il y a des signes pour reconnaître ce type de poisson pris à base de fétiche.

Meye M'enguang Willy et Abessolo Vivien28(*) affirment à ce sujet que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Ekouass beve wigne ya mebiang d'adzimi kî. D'adziène abuègne ya fe nâ ébele kî dekh agnù ane ékouass beve ayem awigne. Avele kouass-té babere de minkôt.

2 Le poisson qu'on a pêché avec des fétiches ne s'ignore pas. Il pourri vite et il n'a pas de goût comme un poisson capturé normalement. Souvent, on fume ce poisson avant de le consommer.

Un poisson ``mal capturé'' pourri rapidement une fois qu'il est sorti de l'eau. De plus, il est ``sans goût''. Ce constat est donc le même avec le poisson capturé à base de plante itchytoxique nommée en fang ndâwola-ntangane. Ainsi, l'interdit se montre réellement comme un mode de gestion des hommes et des milieux.

Tableau 14 : Quelques interdits du consommateur

Les interdits du consommateur

Les conséquences

1- Consommer le poisson capturé à base des médicaments ou plante toxique chez la femme enceinte

Risque de malformation ou perte du bébé

2- Consommer le poisson capturé à base de fétiche ou de plante toxique chez le nourrisson

Risque d'une réaction cutanée du nourrisson

3- Continuer à consommer l'espèce de poisson qui a servie de soins thérapeutiques pour guérrir une maladie dont on souffrait.

Risque de rompre la guérison et de tomber malade à nouveau

Ce tableau présente trois interdits destinés au consommateur de la ressource aquatique. On voit que la femme enceinte et le nourrisson ou l'enfant doivent respecter une certaine hygiène alimentaire pour éviter certains dangers. De plus, il faut dire que l'interdit concerne non seulement le pêcheur mais aussi le consommateur. Dans ce cadre, nous sommes toujours dans la gestion symbolique et parcimonieuse de l'homme et le ressources halieutiques. Les cas pové et fang ntumu sont donc concrets et truduisent enssemble des similarités culturelles.

Après les pratiques religieuses, nous passons maintenat à la notion du foncier dans l'usage des techniques de pêche.

III-3 Techniques de pêche et enjeux foncier

Martin Alihanga (1998 : 123-136) nous fait comprendre que le patrimoine foncier est toujours communautaire. En d'autres termes, il montre comment les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes pensées par les communautés sont en relations avec le domaine foncier. Une pratique sociale est donc en étroit rapport avec le foncier. En observant la pratique des techniques de pêche, nous avons relevé des enjeux fonciers.

Nous lisons le foncier à travers la question de propriété quant à certaines portions des rivières du canton. En clair, cette notion de propriété se traduit surtout par les techniques de pêche de l'abri du poisson (fiss) que nous avons vu chez les femmes et l'étang de poissons (étam kuass) chez les hommes.

Naturellement, un cours d'eau appartient à l'ensemble de la communauté villageoise, mais les fiss qui y sont aménagés appartiennent à des individus (femmes). Si une femme aménage une portion de plan d'eau dans une rivière, cette portion prend dès cet instant la dénomination de fiss. Le fiss devient sa propriété. Le propriétaire fait ainsi valoir ses droits en toute accasion de pêche. On peut dire que l'enjeu foncier vise des formes d'appropriation et de contrôle des espaces halieutiques par des individus, familles, clans, etc.

III-3.1 La technique de fiss ou étôk et le principe de propriété aquatique

Le foncier de l'eau nous amène au rapport entre la technique de pêche dénommée fiss et la notion de propriété. Comme nous venons de le dire, la technique de fiss consiste à choisir dans un cours d'eau donné, un endroit stratégique afin d'y aménager un un lieu qui sera en même temps un abri et un piège pour les poissons. Cet abri va attirer le poisson, le conserver vivant puis le faire capturer au moment venu. Le fiss se réalise avec des morceaux de bois pourris appelés en fang (bibâne). Nous illustrons cette technique à travers la photographie ci-après.

Photographie  23: Un « fiss ou étôk » appartenant à une femme sur la rivière melôh à Eboro-Ntem en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Comme nous pouvons l'observer à tarvers ce cercle, le fiss est un espace aménagé dans une portion de rivière. Il est réalisé avec des morceaux de bois pourri et des feuilles mortes. Sous ces morceaux de bois, les poissons viennent s'abriter et y demeurer. Il s'agit d'une technique qui constitue un habitât propice pour les poissons. C'est souvent en saison sèche qu'il est conseillé de pêcher dans les fiss à cause de la sècheresse des cours d'eaux. Le fiss appartient à la femme qui l'a aménagé. Mme Zang Nguema Géneviève29(*) précise que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Eyong waze abok fiss, watéré adéghé ane ochigne obo. Wadzeng ovome one abô mbeng ne mendzim mallote.

1 Lorsque vous aménagez un fiss, il faut d'abord regarder le positionnement du cours d'eau. il faut rechercher un endroit bien situé où le courant d'eau est moyen.

2 Éyong-té wassoum adzeng bibaâne wakuane biôh ovum wabôh fiss. Égne kouass tatôbô bibâne assi. Ovum wabôk fiss, fiss-té éne andjuè.

2 Ensuite, il faut rechercher des morceaux de bois pourris pour les rassembler à l'endroit où vous aménagez le fiss. Le poisson s'abritera sous ses bois. Un fiss réalisé devient votre propriété.

3 Walllok dôh avale wayi. Minenga assesse ayem mefiss meigne ya éma ébot bevôh.

3 Vous l'exploitez à votre gré et chaque femme reconnaît ses fiss.

Le fiss est une propriété aquatique dans le cadre du foncier de l'eau. Il se réalise que dans un cours d'eau approprié. Pour pêcher dans un fiss qui ne vous appartient pas, on demande à son propriétaire. D'où l'enjeu foncier. Ce récit rappelle que : « Chaque femme reconnait ses fiss et ceux des autres femmes ». Mais, nous tenons à préciser que si nous parlons de la technique du fiss comme image parfaite de l'enjeu foncier, ce n'est pas pour dire que les autres techniques ne peuvent pas aussi traduire une appropriation foncière. La technique de l'allame et d'autres encore peuvent le traduire. Le fiss se révèle alors comme un terroir de pêche individuelle.

Marie Christine Cornier Salem (2004:57-81) définit le terroir comme : «  Une circonscription dont les limites ne sont pas matérialisées par des bornes mais néanmoins reconnues par tous et transmises dans les mémoires collectives ». Le fiss est une sorte de mode juridique de gestion des ressources halieutique dont un individu, une famille ou un clan peut être propriétaire.

De même, Gallais (1967 : 234) cité par le même auteur dit que le terroir foncier est : « L'ensemble des surfaces sur lesquelles, à titre individuel, familial ou lignager, les membres du groupe disposent d'un droit opposable au moins dans certaines circonstances, à son utilisateur extérieur au village ou à la communauté ». Le propriétaire d'un fiss a ses droits. Un fiss appartient aussi aux membres de la famille si le propriétaire n'est plus là.

Quand une partie de pêche est effectuée dans un fiss en l'absence du propriétaire de ce fiss, il est obligatoirement demandé de lui reserver sa part du poisson. Quand il est présent, c'est lui qui partage le poisson issu de son fiss aux autres membres pêcheurs.

III-3.2 Le droit de ``part du propriétaire''

En réalité, il faut rappeler que la technique de fiss est un véritable mode juridique de gestion des terroirs halieutiques. Elle est une norme coutumière et ancestrale qui, en s'appliquant à la pêche féminine, participe à la gestion parcimonieuse des ressources naturelles. En général, l'essentiel de la pêche féminine repose sur cette technique du fiss. Autrement dit, lorsque les femmes vont pratiquer la pêche, c'est toujours dans leurs fiss. On peut comprendre que l'enjeu foncier s'applique surtout à la pêche féminine.

Si une femme pêche dans le fiss d'une autre femme, elle a l'obligation d'informer la propriétaire mais également de lui remettre une part du butain. Dans le cas contraire, l'acte serra considéré de vole et cela peut engendrer des conflits entre ces individus. Marc Auge (1970 :407-421) souligne cet aspect de conflits dans son étude sur les pêcheurs à Port-Bouêt. Il montre comment les maîtres de pêche (propriétaires des terres de pêche et des ressources capturées) ont souvent été en conflit avec leurs employés pêcheurs. Ces conflits sont dûs à la mauvaise rémunération. Nous retenons-là la dimension du conflit dans la pratique de la pêche.

Toutefois, il peut arriver que la propriétaire d'un fiss, du fait de son âge avancé, autorise d'autres femmes à y pêcher. Du retour de la pêche, le propriétaire ferra un partage du poisson rapporté tout en retirant sa part.

Nous voyons alors que le fiss à travers ses caractéristiques est semblables à une autre technique de pêche toute aussi présente au canton Ntem 1. Il s'agit de la technique étame kuass (étang de poissons). Ces techniques de pêche relèvent le foncier et offrent des droits à leurs propriétaires.

Voici ci-après une photo d'un étang de poissons.

Photographie 24 : vue d'un ensemble d'étang de poissons à Bitam en 2015 (cliché Ondo Obame Cédric)

Tout comme le fiss chez les femmes, l'étang de poissons exprime l'enjeu foncier chez les hommes. Nous avons pris cet exemple pour mieux illustrer l'exploitation du fiss. L'étang de poisson obéit au même principe. L'étang est toujours la propriété d'une personne. Présentes dans l'ensemble du département, ces deux techniques sont régies par les mêmes principes à savoir : la notion de ``propriété'' et la qustion de la ``part du propriétaire''. En un mot ces techniques renvoient à la notion de « domaines aquatiques » telles que soulignée par Zang Nguema Généviève dans un de ces récits. On peut même dire que l'étang est la forme modernisée de la technique de fiss.

III-4 La pêche : une pratique socialisante

Un cadre qui socialise inculque à un individu des valeurs, des manières de faire, de sentir et d'agir propres à un groupe. La technique de pêche s'acquiert par l'éducation ou par l'initiation. En parlant d'initiation, Bonaventure Mve Ondo (1991 : 6) dit que : «  L'initiation intègre le processus de socialisation ». Il s'agit d'une initiation qui conduit l'individu à s'imprégner d'un fait, d'une connaissance au sein d'un groupe. Les techniques de pêche sont une pratique culturelle qui constitue un véritable cadre socialisant.

En principe, chaque technique de pêche requiert des connaissances qui lui sont propres. Ces connaissances amènent l'individu non seulement à maitriser telle ou telle technique, mais aussi à être en phase avec l'environnement aquatique. L'objectif est de lire les rapports populations aux techniques de pêche en tenant compte du processus de socialisation.

Stéphanie Nkoghe (2011 : 8) définit la socialisation comme un: « Processus d'intégration de l'individu à son environnement ». Nous rappelons ainsi que l'environnement dont nous parlons est celui aquatique où l'individu est socialisé sur la base du rapport aux techniques de pêche et aux cours d'eau.

C'est en général le principe d'apprentissage (observation, imitation) des techniques de pêche accompagné de la langue fang qui est au centre de cette socialisation.

III-4.1 La formation de l'Homme à travers l'apprentissage des techniques de pêche

Le processus de socialisation aux techniques de pêche tel que nous l'avons annoncé repose en gros sur l'apprentissage. Cet apprentissage participe à la formation du villageois ntemois. Comme nous le savons déjà, à côté de la pêche, il y a l'agriculture, la chasse qui pour leur part offrent aussi des cadres de socialisation en milieu rural. Ces activités socialisent l'individu et la pêche que nous étudions en est un exemple.

Il y a un enseignement à recevoir lorsqu'on apprend à pêcher par exemple. Il faut connaître comment utiliser une technique de pêche. Il faut connaître entre autres :

Quels outils correspondent avec telle ou telle technique ? ;

Quand faut-il pratiquer telle technique ? ;

Quels sont les avantages et inconvénients de telle technique ?

Dans sa thèse doctorale portant sur la forêt, Paulin Kialo (2005 : 148-149) retient que : « La socialisation de la forêt ne passe que par l'apprentissage des individus sur les éléments de cette forêt ». C'est une logique tout à fait similaire avec la pêche et ses techniques. Mais, il n'y a pas que la maîtrise des techniques de pêche comme seul objectif de cette socialisation. Il s'agit aussi de rendre un homme capable d'affronter les dangers de la nature dans le but de se nourrir.

La pêche amène l'homme à dompter la nature, à la posséder au point de la mettre à son service. Le villageois utilise son environnement aquatique pour vivre. Tout ceci passe par une éducation, une socialisation que le groupe lui offre à travers la pêche et ses techniques. Nkoghe Milama Georges30(*) confirme d'ailleurs que : 

Récit en langue fang ntumu

Traduction en français

1 Ayop ane ngum ayeghle. Ngue mbot akumu ayéghé ane bayop éyong-té bayéghé gne. Ayiène ake ya ébot bayem ayop ane biè. Akadéghé avale wabôh.

1 La pêche, c'est une éducation. Si quelqu'un veut apprendre à pêcher, on le lui enseigne. Ce dernier doit toujours accompagner ceux qui savent pêcher comme moi par exemple. Il doit observer comment on fait

2 Ayôp ane ayeghle. Eyong-fe wake ochigne ne wake ayop, wayiène abôh zong amuna ochigne obele mbia be biem.

2 . La pêche est une éducation. Lorsque tu te rends à un cours d'eau pour pêcher, tu dois aussi être courageux car l'eau a beaucoup de dangers.

Notre interlocuteur rappelle que la pratique de la pêche requiert du courage. On doit être courageux lorsqu'on va ou participe à une partie de pêche. Le courage tout comme la force est de ce fait une qualité, une valeur qui amène l'individu à affronter le danger naturel (serpent, scorpion, épine, etc.) et l'effort physique.

En outre, c'est en accompagnant les détenteurs des savoir-faire qu'on apprend à bien pêcher, qu'on acquiert les connaissances relatives à la pratique de la pêche. On se rend compte que dans la pratique des techniques de pêche la socialisation ne passe que par l'apprentissage et l'initiation.

Par ailleurs, la fonction socialisante des techniques de pêche nous amène à nous intéresser à la dimension du chant chez les femmes. Les paroles chantées par les femmes en situatiation de pêche avec la technique melok socialisent aussi.

III-4.2 Une socialisation par le chant : la notion de solidarité

Lors des parties de pêche féminines notamment avec la technique de melok, des chants sont souvent chantés au rythme de l'effort fourni lors de l'écopage des eaux. De même, les travaux champêtres notamment le débroussaillage, l'abattage, le sarclage et les récoltes sont des moments qui amènent souvent à entonner des chants de circonstances. Ainsi, les populations ntemoises cultivent la notion du chant depuis toujours.

Le chant est une parole prononcée et rythmée pour créer une ambiance de courage et de motivation. Cela nous ramène la manducation de la parole de Marcel Jousse (1978). Nous comprenons que ce qui socialise ce sont les paroles chantées. Le rapport est alors celui de la technique et du chant. Il s'agit de l'apport du chant dans la pratique des techniques de pêche.

Cette socialisation est un facteur d'intégration d'individus. Elle vise la solidarité du groupe. Il faut dire que par le passée, il y avait des chants spécifiques à ces moments d'effervescences collectives. Aujourd'hui, n'importe quel chant peut être entonné. Anne Ekoto précise que :  

Récit en langue fang ntumu

Transcription en français

1 Biwulu ayiè bièh éyong biallok mefiss mâh. Eyong mendzime mene abuigne étok, biayiè bièh na bitagha atek ngueki ayene esseign ndzuk.

1 On chante souvent quand on pêche dans nos fiss. Lorsqu'il y a beaucoup d'eau à vider, on chante pour ne pas se fatiguer ou se décourager.

2 Bièh biave biè ngù

2 Les chants nous donnent de la force et du courage.

Les chants donnent de la force et du courage. Ils participent à la performance des techniques. Il faut comprendre qu'il y a des chants avec des mots qui vivifient les individus. On se rend compte que le chant qui intègre la littérature orale éduque.

Nous présentons dans un tableau un extrait de chant propre à la pêche féminine melok que nous a chantée Anne Ekoto.

Tableau 15 : Paroles d'un chant souvent entonné lors des parties de pêche melok chez les femmes.

Chant en fang

Transcription en français

- Lôyô, lôyô, lôyô amuî étoké

- vide, vide, vide mon ami de pêche.

- Lôyô avô mayeke adzalé lôyô

- vide-vite, je veux rentrer au village, vide vite.

-Lôyô, lôyô, lôyô amuî étôké

- vide, vide, vide mon ami de pêche.

-Lôyô avô maye ke adzalé lôyô

- vide-vite, je veux rentrer au village, vide vite.

-Mbura ngôl nkùn, béghelé, amuî étoké

-que le gros silure dans le panier, mon ami de pêche.

-lôyô avô maye ke adzalé lôyô...

- vide-vite, je veux rentrer au village, vide- vite...

Chant reccueuilli chez Anne Ekoto (2014)

Ce chant est un dialogue entre deux personnes. Pour certains, il s'agit d'une belle-mère et sa bru. Pour d'autres par contre, il s'agit de deux amies qui sont en situation de pêche dans un fiss. L'une demande à l'autre de vider rapidement l'eau qui est dans le fiss afin de rentrer au village. Pendant ce temps, cette dernière est chargée du ramassage du poisson.

Il y ressort les critères du temps, de la motivation, du courage et aussi de la ruse. Mais toutes ces paroles sont combinées et chantées dans l'objectif de motiver le pêcheur et de dominer toutes contraintes corporelles (fatigue, paresse, etc.) au cours d'une partie de pêche.

Nous parlons-là de la puissance de la parole, la manducation de la parole, mieux encore, de la socialisation par la parole.

De nos jours, la technique (melok) continue à être pratiqué avec des chants de motivation.

Photographie 25 : Une partie de pêche féminine à Eboro-Ntem en 2014 (cliché Obame Georges)

L'image que nous observons montre des femmes en situation de pêche à travers l'utilusation de la technique (melok). Il s'agit d'une technique collective. La digue qui est en construction par ces femmes ne peut être construite par une seule personne. Il faut plusieurs individus. De plus, le vidage des eaux, le transport des outils, la prise des poissons dans la portion d'eau choisie sont des tâches difficiles, il faut pour cela des hommes, des femmes voire des enfants pour ce faire. Mais, tout ceci est rythmé de chants et d'ambiance. D'où la notion de solidarité.

Melok reste la technique qui réunit encore plusieurs personnes lors d'une partie de pêche. Les interlocuteurs nous précisent que c'est une technique qui ne se pratique pas individuelllement. Il faut toujours plusiers personnes. Ce qui motive le plus c'est lorsque les chants sont repris collectivement surtout quand on affronte l'effort du vidage des eaux.

Par ailleurs, un autre aspect intègre cette fonction socialisante des techniques de pêche. Il s'agit des ``poissons thérapeutiques''.

III-4.3 Les poissons thérapeutiques

La connaissance des poissons thérapeutiques constitue un aspect socialisant dans la pêche et ses techniques. Souvent, les pêcheurs on des commandes sur certains poissons ou autres crustacés qui serviraient à guérir certaines maladies. Si cet aspect nous a intéressé c'est pour montrer que les poissons capturés n'ont pas pour seul objectif la consommation ou la vente. Ils servent aussi à autre chose : soigner certaines pathologies. Il est de ce fait important de le savoir.

Les ngangas31(*) utilisent de certaines espèces halieutiques pour réaliser des protections, des solutions dans le but de soigner. En parlant de l' ``animal thérapeutique'', Georgin Mbeng Ndemezo (2011 : 39) rapporte que : « L'animal a une grande importance dans les soins de santé qui sont offertes aux populations. En effet, le nganga dans ses traitements fera usage non seulement des essences végétales mais aussi des parties d'animaux pour confectionner ses médicaments ». Nous complètons cette observation avec Eric de Rosny (1992 : 97) à travers le cas de la chèvre dans le traitement contre l'EKONG en société camerounaise. Il relève qu'après le rituel de l'immolation de l'animal (...), «  La chèvre est dépecée et grillée. Elle est ensuite découpée en petits morceaux qu'on fait manger aux non-souffrants de l'EKONG à fin de les en préserver ... ».

Il faut alors comprendre qu'en parlant d'animal thérapeutique, nous retrouvons aussi le cas de certains poissons tels que : les silures, le poisson-courant ou poisssons à écailles qui sont souvent mélangés à des feuilles pour participer à certains soins en fonction de la maladie.

Le fait socialisant se trouve alors dans la connaissance de ces espèces aquatiques qui soignent quelque soit la technique qui a amené à leur prélèvement. Nous présentons alors ci-dessous une liste de quelques espèces halieutiques souvent utilisées dans les soins de certaines maladies.

Tableau 16 : Quelques poissons thérapeutiques au canton Ntem 1.

Nom de la maladie en fang et en français

Les poissons thérapeutiques

Manifestations de la maladie

- 1  Ndaghaba : 

(frontanelle)

-1 Silure (ngôh)

- 1 pour soigner la frontanelle du bébé

- 2  avuneya-cara :

- 2 Crabe (cara)

- 2 pour guérir le nourrisson qui fait des selles ou qui se comporte comme le crabe.

- 3  megnôgho :

(urine chronique)

-3 Patte de crevette (nwass)

- 3 utilisé pour soigner l'urine chronique chez l'enfant.

- 4   nkokome :

(stérilité)

-4 Crevette enceinte (nwass)

- 4 utilisé pour les soins de stérilité chez la femme.

- 5  abâne biang :

(protection)

- 5 Silure (ngôl)

- 5 employé pour confectionner des protections après un suivi thérapeutique.

- 6 nbubum :

(femme enceinte)

-6 Silure chat (mvong)

- 6 participe aux soins de dos pour la femme enceinte

- 7 mvuss :

(mal de dos)

- 7 Silure chat

(mvong)

- 7 employé pour les soins du mal de dos.

- 8  bigneng : (Les ampoules)

-8 Poissons à écailles (kouass bibass)

-8 employés pour guérir les ampoules corporelles.

- 9 nbubum : (femme enceinte)

-9 Crevette enceinte (nwass)

- 9 employée pour soigner les femmes enceintes d'une grossesse doulereuse.

Dans ce tableau, nous avons les espèces aquatiques qui participent aux soins médicaux. Il s'agit des espèces suivantes: le silure (ngôh), le crabe (kara), la crevette (m'wass), la famille des silures chat (kuass messome) et enfin les poissons à écailles (kuass bibass). Ces quelques espèces halieutiques sont souvent associées à des feuilles et écorces. Elles sont utilisées dans la confection des remèdes. Mais, d'autres poissons sont aussi souvent utilisés à la demande du guérisseur.

Pour clore ce chapitre, la question de savoir : Quelles sont les fonctions liées aux techniques de pêche au canton Ntem 1 a été notre principal fil conducteur.  Ce chapitre nous a amené à comprendre que les techniques de pêche ont des fonctions culturelles. Elles sont économiques, religieuses, foncières et sociales. De plus, elles sont présentes dans l'imaginaire commun des praticiens de la pêche. Ces fonctions intègrent d'une part les rapports des populations aux techniques utilisées pour pêcher et les rapports entre les populations et les ressources halieutiques d'autre part.

La fonction que remplit une technique de pêche permet en même temps l'identification de cette technique de pêche. L'effervescence des populations dans l'utilisation techniques au canton Ntem1 a permise de comprendre que la pêche implique des pratiques l'économiques, le religieuses, le foncières et socialisantes. Notre régularité sur le terrain nous a amené à retenir ces fonctions liées aux techniques de pêche.

Nous pouvons comprendre de ce chapitre que les techniques de pêche fonctionnent avec des constructions symboliques. La fonction (akeleya en fang ntumu) permet de saisir un phénomène, une pratique culturelle à partir du rôle que joue chacun des éléments constitutifs de ce phénomène ou la pratique culturelle en question. Nous avons ainsi jugé utile de faire d'abord état ces fonctions culturelles dans leur rapport à la pratique de la pêche à travers les techniques, avant d'en venir aux représentations proprement dites qui soutendent ces techniques de pêche dans le canton Ntem 1.

* 19 Théophile Ella Mvola, agée de 53 ans environ, de nationalité gabonaise, du clan essabeigne et pêcheur - chasseur à Akame-si. Le 06/09/2015 à Akam-si, près d'Eboro-Ntem.

* 20 La tontine est un contrat aléatoire correspondant au financement collectif de l'achat d'un actif financier ou d'un bien dont la propriété revient à une partie seulement des souscripteurs.

* 21 Assengone Nkoulou Florence, agée de 64 ans environ, de nationalité gabonaise et retraitée de la fonction publique, du clan Essandone et ancienne praticienne de la pêche. Bitam le 27/09/15.

* 22 L'Evüs désigne, une énergie, une puissance, une force ou un pouvoir logée dans l'abdomen de tout individu.

* 23 Melane : ancien rite initiatique masculin chez lez Fang ntumu du Gabon.

* 24 Ngil : rite initiatique masculin des Fang ntumu du Gabon

* 25 Andécolgu : ancien rite itiatique masculin des Fang ntumu du Gabon

* 26 Meburu : ancien rite initiatique féminin des Fang ntumu du Gabon

* 27 Ntsame Micheline, agée de 53 ans environ, de nationalité gabonaise, cultivatrice et praticienne de la pêche, du clan Essabeigne à Akam-si. Le 13/09/14

* 28 Abessolo Vivien, agé de 28 environ, de nationalité gabonaise, du clan essabeigne, pêcheur occasionnel, Eboro-ntem le 30/09/2015.

* 29 Zang Nguema Géneviève, agée 55 ans environ, de nationalité gabonaise, consommatrice et praticienne de la pêche par occasion. Bitam le 07/08/14.

* 30 Nkoghe Milama, agée de 48 environ, de nationalité gabonaise, du clan effak, chasseur et pêcheur permanant, Bitam le 28/08/2014.

* 31 Nganga : individu muni de connaissances thérapeutiques et parfois sorcellaires.

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