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Les personnages burlesques dans les productions Pixar

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par Laurent Baudry
Université Paris 1 - Master 1 2010
  

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I.3/ É aux corps-objets

Se fondre dans le décor, tout comme Harold Lloyd « se confond avec un mur tapissé en se plaçant simplement contre lui , recouvert d'un tissu au même dessin »1 (A Sailor Made Man, de Fred Newmayer, 1921), ou comment illustrer l'appartenance du corps au domaine du concret ? Cet effet comique a traversé les décennies, puisqu'il est repris dans le film de Zach Braff, Garden State (2004) (annexe 7), tout comme dans Monsters Inc. (Pete Docter, David Silverman et Lee Unkrich, 2001), où un monstre-caméléon se sert de son pouvoir de mimétisme pour espionner les autres. Ainsi placé sur le même plan que le décor, le corps se retrouve relégué au simple statut d'objet, il fait, pour ainsi dire tapisserie. Avant de dégager les enjeux d'un tel déplacement, il faut se pencher sur les différentes méthodes de réification utilisées chez Pixar.

Le premier niveau de passage du corps à l'état d'objet repose, la plupart du temps, sur une simple allusion visuelle. Dans Up (Pete Docter et Bob Peterson, 2009), alors que Carl Fredricksen, un retraité aigri, décide de quitter sa vie monotone en faisant s'envoler sa maison grâce à des milliers de ballons, Russell, un jeune scout, est embarqué malgré lui dans l'aventure. Poursuivis par un chasseur fou aux commandes d'un dirigeable, Carl et Russell doivent faire face à des situations pour le moins incongrues. En effet, alors que Russell se retrouve suspendu dans les airs au tuyau d'arrosage de la maison de Carl, il percute la cabine du dirigeable et trahit sa présence en glissant lentement le long de la paroi vitrée, dans un crissement proche de celui d'un ballon de baudruche. Le motif du ballon ressurgit un peu plus tard lorsque le même personnage, plutôt rond, doit éviter les fléchettes lancées par les avions qui le poursuivent. Le lien est rapidement fait entre la morphologie de l'enfant, le bruit de ballon produit et l'éclatement imaginaire que pourrait causer une de ces fléchettes.

Mais cet amalgame entre l'image que le corps renvoie et l'utilisation qui peut en être faite devient un ressort comique important avec le personnage de Slim dans A Bug's Life (John Lasseter et Andrew Stanton, 1998). De par sa taille et sa minceur, ce phasme est quasi-exclusivement utilisé comme un objet. Il se plaint d'ailleurs de ne jouer que le rôle du balai au sein de la troupe de cirque à laquelle il appartient. Son patron lui répond alors :

1 Petr KRAL, Le burlesque ou la morale de la tarte à la crème, Ramsay, 2007, p.113.

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« T'espérais quoi avec ton physique ? » Car le corps de Slim n'est plus ni moins qu'un long bâton faisant tour à tour office d'épée, de barre de limbo, ou encore de tige de fleur. Il est même confondu avec une branche (ce qui, après tout, est la fonction première du corps d'un phasme), et se décrit comme « la branche avec des bras » pour aider ses amis à le localiser. Le cas de ce personnage fait écho à celui de Buster Keaton qui, durant les premières années de sa carrière, jouait les « serpillères humaines »1. Son père, Joe, l'utilise « pour balayer le sol ou en le jetant dans les coulisses [É] à l'aide d'une poignée de valise cousue discrètement au dos du veston de Buster. Le balai humain fait ainsi son entrée dans le vaudeville. »2

Le cas de Slim n'est pas isolé dans la filmographie du studio, et nombreux sont les personnages à prétendre au statut d'objet. C'est notamment le cas de Bloat, ce diodon3 qui se prend pour un cric gonflable dans Finding Nemo (Andrew Stanton et Lee Unkrich, 2003), ou encore de ce petit monstre qui utilise sa langue comme une corde à sauter dans Monsters Inc. (annexe 8).

Cependant, le corps réifié le plus éloquent reste celui d'Helen Parr dans The Incredibles (Brad Bird, 2004). Mère de famille dans une société où elle est condamnée, comme tous les autres super-héros, à ne pas utiliser ses pouvoirs, elle reprend néanmoins du service sous les traits d'Elastigirl. Comme Slim, son nom a trait à son physique, puisqu'elle peut étirer son corps comme un élastique. Ainsi, Elastigirl épouse la forme d'un tunnel pour éviter le véhicule qui s'approche d'elle, se transforme en parachute improvisé pour secourir ses enfants du crash d'un avion, avant de devenir un zodiaque de fortune pour atteindre la terre. Ce zodiaque reste d'ailleurs purement familial, puisque Dash, son fils, doté du pouvoir de la vitesse, fait office de propulseur à l'embarcation (annexe 9).

En faisant du corps un objet usuel, les studios Pixar perpétuent la tradition comique des premiers temps. Car, comme le remarque Petr Kràl, l'objet « dans le slapstick, est comme doué d'une vie propre, à l'égal de l'homme; on peut même dire que, de tous les partenaires du protagoniste, il est le seul qui puisse lui disputer sa suprématie. »4 Et

1 Buster KEATON, Charles SAMUELS, Slapstick, L'Atalante, 1984, p.21.

2 Peter KRAVANJA, Buster Keaton, Portrait d'un corps comique, Portaparole, 2007, p.19.

3 Aussi appelé poisson-hérisson, le diodon a la capacité de remplir son corps d'eau jusqu'à devenir presque sphérique.

4 Petr KRAL, Le burlesque ou la morale de la tarte à la crème, Ramsay, 2007, p.111.

puisque les objets s'immiscent dans le monde des vivants, le personnage burlesque, qu'il soit humain ou animal, se fait un plaisir de piétiner les plates-bandes des objets.

En s'attachant, dans un premier temps, à maîtriser le langage du corps par l'animation d'objets (chaise, lampes, monocycle, etc.), les créateurs du studio ont inscrit leur personnages dans la tradition burlesque. Avec le temps, l'amélioration des outils a permis de développer les expressions faciales, et donc le langage parlé. Mais la force des personnages Pixar repose sur l'héritage de ces différentes étapes. Car tout en découvrant de nouveaux moyens de communiquer pour leurs créatures, les animateurs ont gardé en tête le potentiel expressif du geste, du mouvement. Ces corps de pixels sont devenus des corps de plus en plus crédibles. Par cet attachement au concret, à la matérialité du corps, ces personnages ont évolué jusqu'à atteindre le plein aboutissement du corps burlesque : la réification. En faisant des objets des êtres animés (tout comme Charley Bowers se plaisait à le faire)1, Pixar fonde une grande partie de son propos comique sur le décalage entre la nature du corps manufacturé et la personnification de ce corps. C'est en retournant ce principe comme un gant (le personnage chosifié) que le même décalage se produit.

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1 cf. A Wild Roomer et Egged Up (Charley Bowers, 1926).

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