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Les personnages burlesques dans les productions Pixar

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par Laurent Baudry
Université Paris 1 - Master 1 2010
  

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CHAPITRE II : LE CORPS COMME OBJET DU DÉLIRE

La première donnée commune au burlesque et à l'animation semble être le délire qui s'installe progressivement dans chaque film. Libres de toute convention, l'un comme l'autre constituèrent dès leurs débuts des avant-gardes artistiques et techniques de premier ordre. De nombreux caricaturistes, illustrateurs et animateurs entrèrent dans le cinéma par le biais du burlesque, et Charley Bowers, cité plus haut, fut l'une de ces passerelles en réalisant plusieurs courts métrages mêlant slapstick traditionnel et animation image par image. Ainsi, dans A Wild Roomer (1926), son personnage met au point une machine capable de tout faire. Le film comporte notamment une séquence dans laquelle cette machine anime la poupée qu'elle vient de fabriquer. « Ce que dit cette séquence, ce n'est rien de moins, ni de plus d'ailleurs, que le pouvoir de l'animation à animer [...j »1 Les productions Pixar regorgent de séquences illustrant ce propos. Étant donné que le personnage burlesque est avant tout un corps défini par ses gestes, sa démarche, sa flexibilité, sa mobilité (et donc son immobilité), quels sont ces mouvements qui amènent le spectateur à rire de lui et avec lui ? Pour répondre à cette question, il faut avant tout s'attarder sur le motif de la marionnette à l'intérieur même des films Pixar, avant de se pencher sur les épreuves subies par ces corps burlesques dans un monde qui ne les ménage pas.

II.1/ La valse des pantins

Dans les dessins animés de Tex Avery, « les protagonistes commentent leur propre nature de créatures dessinées. Sur l'un d'eux est tatouée l'inscription : ''Mon corps est la propriété de la Warner''. »2 Ce procédé est repris avec la présence du copyright Disney sur le postérieur de Buzz l'éclair dans Toy Story. Outre l'aspect comique de ce marketing assumé, la question de la conscience d'être une figurine traverse toute l'intrigue. Woody assène sans arrêt à Buzz une des phrases qui a fait le succès du film : « You are a toy ! ». Ce recul du personnage animé vis-à-vis de sa condition renvoie au questionnement du

1 Dick TOMASOVIC, Le corps en abîme, Sur la figurine et le cinéma d'animation, Rouge Profond, 2006, p.24.

2 Robert BENAYOUN, Le mystère Tex Avery, Editions du Point, 2008, p.77.

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motif de la marionnette. Certes, plusieurs créatures factices apparaissent dans les films du studio, comme l'oiseau fabriqué par les insectes dans A Bug's Life, mais la question de la marionnette est centrale lorsqu'il s'agit d'interroger l'essence même de l'animation.

Woody, figurine faite de tissu rembourré et de plastique ne déroge pas à la règle de la matérialité chère à Lasseter. Sa démarche, liée à sa composition, joue un rôle important dans la façon dont on le perçoit, et le personnage s'en amuse dans Toy Story 2 (John Lasseter, Lee Unkrich et Ash Brannon, 1999), lorsqu'il sort de sa boîte en jouant le stéréotype du shérif sûr de lui (annexe 10). L'effet comique repose alors sur le décalage ente le ridicule de son évidente condition de figurine et le caractère viril du personnage qu'il tente d'incarner. La figurine est alors le vecteur d'une certaine idée burlesque qui serait, « dans l'art, ce qui amplifie sans cesse la force d'expansion du comique en reconduisant ses effets à leur source »1.

Mais le traitement de la figurine en tant que motif comique ne date pas d'hier. En effet, avec le développement de la mécanisation du travail au début du XX ème siècle, l'homme a dû habituer son corps à des rythmes imposés qui ont donné naissance à un rapport au corps inédit. Les burlesques des premiers temps se sont inspirés de ces marionnettes d'un genre nouveau pour développer le thème du pantin. Dans The Circus (1928), Chaplin reprend l'idée de l'immobilité comme point de fuite en se faisant passer pour un automate. Passé du monde du vivant au monde des choses, Chaplin interroge alors la figure de Charlot en plaçant son personnage dans un double niveau de représentation : Chaplin joue Charlot qui joue l'automate. Le personnage burlesque serait-il envisageable en tant que simple marionnette sujette au bon vouloir de son créateur ? Si la réponse par l'affirmative n'est pas évidente pour le slapstick pur, elle semble assez nette en ce qui concerne l'animation. Et cette mise en abîme du métier d'animateur est particulièrement présente dans Ratatouille.

L'intrigue du film repose sur Remy, un rat dont les talents de cuisinier vont l'amener à être adopté par Linguini, un jeune commis du plus grand restaurant de Paris. Comprenant rapidement leurs qualités complémentaires (savoir faire la cuisine et savoir faire l'humain),

1 Elie DURING, Du comique au burlesque : Bergson, Art Press, Hors-série N°24 : Le burlesque, une aventure moderne, ocotbre 2003.

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ils mettent au point un subterfuge : Remy, caché sous la toque de Linguini, contrôle les gestes du jeune homme en tirant sur certaines mèches de ses cheveux (annexe 11). Les premiers essais chez Linguini révèlent la difficulté de l'exercice, notamment quand Remy essaie de lui faire faire sauter une crêpe, celle-ci brise une fenêtre pour atterrir sur le pare-brise d'une voiture (du moins peut-on le deviner au crissements de pneus qui se font entendre en contrebas). Ce gag est également présent dans Johnny English (Peter Howitt, 2002) où Rowan Atkinson joue un agent secret parfaitement incompétent, et provoque un accident en voulant lancer sa veste avec désinvolture sur un portemanteau, laquelle passe par la fenêtre située juste à côté.

Après s'être entraînés, Remy et Linguini testent leur méthode en cuisine. Mais quand le rat veut se faire entendre de son partenaire, il n'a d'autres solutions que de le mordre, provoquant, chez le jeune homme, grimaces, spasmes et sursauts. Ces contractions soudaines de Linguini pourraient faire croire à un ensorcellement vaudou où le corps serait à la fois la poupée (les morsures remplaçant ici les fameuses aiguilles) et la cible du sort (annexe 12). En cela, le personnage s'avère un champ d'expérimentation idéal pour les animateurs, puisque les gestes produits par son corps peuvent (et doivent) être tout sauf habituels.

Et ce phénomène se reproduit quand Remy débarque en cuisine et s'aperçoit que Linguini s'est endormi. Il déploie alors toutes ses forces pour le réveiller, en vain. Lorsqu'une des collègues entre dans la pièce, Linguini, toujours endormi, se meut à son insu. Le rat se fait non plus le marionnettiste d'un complice, mais d'une créature provisoirement privée du contrôle de son corps. Linguini est donc animé par les créateurs du film, mais aussi réanimé par Remy.

Le jeune cuisinier vit d'ailleurs mal un statut qu'il renie : « Je ne suis pas une marionnette ! Et tu n'es pas mon manipulateur ! » lance-t-il à Remy. C'est pourtant le rat qui est maître à bord, puisqu'il parvient à diriger Linguini avec une virtuosité qui révèle la souplesse de ce corps à son propriétaire.1 Ainsi, Remy accomplit une manoeuvre délicate en faisant passer sa marionnette sous un plateau, à la manière d'un danseur de limbo,

1 Le nom du personnage s'inspire certainement du terme linguine, qui désigne une sorte de spaghetti plat.

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stupéfiant tout le monde (y compris Linguini) (annexe 13).

Outre le fait d'exploiter cette relation marionnettiste/marionnette, le cas de ce duo improbable souligne également la capacité du corps animé à s'affranchir de gestes préconçus. Et cette double animation, créé un décalage entre ce qui est attendu du personnage et ce qu'il peut effectivement réaliser. Dès lors qu'il sort du mouvement ordinaire, le corps s'inscrit dans le registre du comique physique, donc burlesque.

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