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Les conséquences du principe que de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.


par Ivan De Nguimbous Tjat Limbang
Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit privé 2018
  

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CONCLUSION CHAPITRE III

158. Le législateur camerounais dans la construction d'un nouveau responsable largement s'est déployé à définir les conditions substantielles nécessaires pour l'entrée des personnes morales dans l'arène de la répression. Ce faisant il a complètement ignoré les conséquences formelles qu'une telle démarche entraine.

Ainsi, admettre la responsabilité pénale des personnes morales sous forme d'énoncé général nécessitait de prévoir des modalités poursuites spécifiques à des êtres désincarnés qui de surcroit peuvent se métamorphoser. Il n'en n'est rien, de telle sorte que seule une adaptation des règles prévues pour la personne physique est envisageable à l'heure actuelle. Dans certains cas l'adaptation est possible, dans d'autres elle est à exclure. Mais au fond, la majorité des règles adaptées n'ont qu'une efficience relative, dans la mesure où les dispositions coercitives qui les accompagnent ne sauraient être appliquées à la personne morale.

159. La forte assimilation de la personne morale à la personne physique permet dans un certain sens de parvenir à une sorte d'égalité de tous devant la justice. Mais elle apparait limitée, car elle prend moins en compte l'équité. Tandis que dans certaines situations, le sort réservé à la personne physique semblerait meilleur, dans d'autres situations, la personne morale paraitrait favorisée. Le droit pénal camerounais, tel qu'il est conçu semble mal armé face à la délinquance des groupements et nécessite de se pencher les différentes failles d'ordre substantielles qui se répercute sur le plan formel ou celles qui sont formelles de nature. Comment donc y parvenir ?

CHAPITRE IV : LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE DES CONSÉQUENCES IGNORÉES PAR LE LÉGISLATEUR

160. La question de la responsabilité pénale des personnes morales n'est pas propre au droit camerounais. Elle s'est posée avec autant d'emphase si n'est même plus qu'en droit interne dans la quasi-totalité des droits étrangers. Mais si la question de la responsabilité pénale des personnes morales semble universelle372(*), les difficultés liées à la prise en compte des conséquences qu'elle induit semblent tout aussi l'être. En fonction des réponses apportées par les systèmes pénaux étrangers, il est possible d'envisager des pistes d'amélioration sur le plan interne. Même si certaines solutions semblent venir de l'intérieur à l'observation du travail jurisprudentiel et doctrinal qui est fait373(*).

Si au regard des précédents développements, l'urgence d'une prise en compte de toutes les implications du principe général de responsabilité pénale des personnes morales se précise, celle-ci doit nécessairement se faire par une vision à la fois cohérente et globale de la politique criminelle. Même si aucune proposition dégagée par la doctrine et même par les droits étrangers ne semble avoir permis de saisir de façon indiscutables toutes les conséquences de l'admission de la personne morale dans le champ répressif, il parait clair que certains principes doivent être écartés même s'ils méritent d'être rappelés, là ou d'autres pourront être retenus.

Au demeurant, seule l'intervention du législateur supplée par la jurisprudence et les institutions de poursuite pourront armer le droit pénal face à la délinquance des groupements. Il apparait alors en vertu du principe de la légalité criminelle que l'intervention du premier conditionne celle des autres. De ce fait, en se basant sur les acquis des conséquences prévues par le législateur, et ce qu'il y a à acquérir dans les conséquences ignorées, il apparait que la répression de la délinquance peut être boostée. Nous attendons plus du législateur qui doit adopter une certaine posture (Section 1) et le cas échéant nous espérons des organes de la procédure pénale une certaine attitude (Section 2).

Section 1 : La posture attendue du législateur

161. La prise en compte des conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales suit de façon globale le même cheminement dans la plupart des systèmes pénaux. En effet, c'est à coup de réajustement que les différentes législations s'adaptent peu à peu aux implications d'une responsabilité pénale des personnes dépourvues d'existence matérielle. Ces réajustements portent principalement sur deux pans : le système d'imputation et la procédure applicable aux personnes morales. La question de la sanction semble avoir été entièrement réglée.

162. Certains ont fait le choix de l'anticipation en procédant en même temps à des modifications substantielles et procédurales374(*). D'autres ont réagi aux nécessités qui s'imposaient.375(*) Bien plus les juges camerounais ont déjà envisagé la représentation de la personne morale devant la justice pénale et la doctrine a apporté des solutions concernant les modalités d'imputation. Ainsi, quels éléments pourraient être tirés des droits étrangers pour une meilleure prise en compte des implications de la responsabilité pénale des personnes morales376(*) ? Il semble que les pistes pouvant améliorer la prise en compte des conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais ont trait tout d'abord à l'élaboration de règles particulières de procédure applicables aux personnes morales (§-1) mais également à la recherche des solutions d'un système d'imputation (§- 2).

§- 1 La prise en compte à traves l'élaboration de règles particulières de procédures applicables à la personne morale

163. Le législateur camerounais devrait adopter une posture claire sur les règles de procédure en matière de poursuite des personnes morales et ne plus laisser le champ à une adaptation parfois infructueuse des règles édictées pour les personnes physiques. C'est ainsi que dans une affaire relative au contentieux des accidents de la circulation, le juge après avoir condamné la personne morale solidairement responsable aux dépends, a décerné un mandat d'arrêt contre la personne morale377(*) et en totale violation de l'article 569 du code de procédure pénale378(*).

Pour prendre en compte l'une des conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales, qui est l'expansion de la possibilité de poursuivre la personne morale, pour éviter que ces violations ne se reproduisent, le législateur doit prendre de mesures procédurales claires et précises. Ainsi, il pourrait s'inspirer des différents modèles instaurés par les droits étrangers, qui malgré leurs divergences visent soit la représentation de la personne morale (A) et aussi l'exercice de l'action publique contre la personne morale (B).

A. L'élaboration des règles particulières concernant la représentation de la personne morale

164. Pour assurer l'identification de la personne morale par le juge pénal379(*) il est nécessaire que celle-ci soit représentée. Mais la particularité de la représentation de la personne morale devant les juridictions répressives fait en sorte qu'un régime spécifique soit aménagé, ainsi au regard de la jurisprudence camerounaise et des droits étrangers concernant la représentation des personnes morales, il est nécessaire d'abord de prescrire les modalités qui encadrent le choix du représentant de la personne morale (1) mais également les mesures qui peuvent être prises contre lui (2).

1- Les règles encadrant le choix du représentant de la personne morale

165. Pour déterminer le représentant de la personne morale, autant le code pénal algérien380(*), que le législateur français381(*) ont décidé de se placer à l'époque des poursuites. Les juges camerounais ont adopté une position légèrement différente. Dans un jugement rendu le 12 octobre 2010 par le TPI d'Ebolowa, le juge affirmait que « La représentation en justice de la personne morale est normalement assurée par son représentant légal à l'époque des faits de la poursuite (...) »382(*). Ce choix semble limité dans la mesure où le représentant en exercice à l'époque des faits de la poursuite, peut ne plus être le même au moment de l'exercice de l'action publique du fait justement des divers changements qui peuvent intervenir entre les faits reprochés et la mise en mouvement de l'action publique383(*).

Bien plus, des précisions méritent d'être apportées. Lorsque les poursuites sont engagées contre le représentant, il va de soi qu'à cause du conflit d'intérêt qui peut en découler, la personne morale et même le représentant peuvent solliciter la désignation d'un nouveau représentant384(*). Ce dernier peut être un mandataire de justice lorsqu'il se pose des situations où la personne morale n'a aucun représentant habilité à la représenter. Lorsque que le changement de mandataire est effectué en cours de procédure ce dernier doit bien évidemment faire connaitre son identité à la juridiction saisie385(*). Le représentant peut également être un mandataire bénéficiant conformément à la loi ou aux statuts de la personne morale d'une délégation de pouvoir à cet effet. Rien n'empêche qu'un employé puisse représenter la personne morale, par le mécanisme de délégation de pouvoir386(*).

166. Le législateur camerounais dispose donc d'éléments intéressants pour encadrer le choix du représentant de la personne morale devant les juridictions reprécises. Il pourra également déterminer les formalités suivantes lesquelles le représentant devra faire connaitre son identité. À ce propos les différents systèmes pénaux étudiés proposent des solutions différentes. Certains ne requièrent aucune formalité particulière, d'autres précisent que le nouveau représentant doit faire connaitre son identité à la juridiction saisie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.387(*) Au fond pour des nécessités procédurales, les moyens laissant trace écrite, doivent être privilégiés par le législateur camerounais.

Au-delà de la question du choix de représentant permettant d'assurer la représentation de la personne devant la justice pénale, se pose la question des différentes règles à lui applicable.

2- Les mesures susceptibles d'être prises à l'endroit du représentant

167. La question des mesures susceptibles d'être prises à l'endroit des représentants de la personne morale est d'une importance capitale. D'abord parce que ceux-ci ne sont pas mis en cause et donc ne devrait pas subir les effets de la répression. Ensuite parce que pour les besoins du procès ceux-ci doivent nécessairement être à la totale disposition des autorités. Entre ces deux enjeux, s'impose la nécessité de prendre des mesures suffisamment flexibles pour s'adapter aux droits d'une personne contre qui aucun reproche n'est personnellement formulé mais qui doit néanmoins se soumettre à la procédure en cours.

168. Le législateur camerounais a le choix en créer un statut particulier pour les représentants des personnes morales ou l'assimiler aux témoins ou civilement responsable388(*). La deuxième solution parait la plus juste. En effet, créer un statut spécifique pour des personnes dont la responsabilité pénale n'est pas mise en jeux alors qu'un régime suffisamment abouti pour des personnes dans la même situation est déjà élaboré, pourrait s'apparenter à une surenchère législative. Tout compte fait, conformément aux articles 92 alinéa 4 et 569 du code de procédure pénale camerounais applicables au témoin, le représentant de la personne morale ne peut faire l'objet ni d'une garde à vue ni d'une détention provisoire, sauf s'il est soupçonné de perturber la recherche des preuves389(*). Le représentant peut aussi être sommé à comparaitre ou interdit de s'éloigner pour les besoins d'enquête.

Une fois les règles sur la représentation en justice de la fixées, il est nécessaire pour le législateur de poursuivre la manoeuvre et d'édicter les règles relatives à l'exercice de l'action publique contre des êtres dépourvus de chair et de sang, afin de mieux cerner les conséquences de la mise en jeux de la responsabilité pénale des personne morales.

* 372 Sur l'universalité du problème de la responsabilité pénale des personnes morales lire BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale. Nouvelle édition [en ligne]. op.cit. p. 419. Plusieurs études de droit comparé ont également été menée dans ce sens, V. à cet effet GEEROMS (S.), « La responsabilité pénale de la personne morale : une étude comparative » in RIDC 1996, p.  533 et s. LEGEAIS (R.), « Les réponses du droit anglais et du droit allemand aux problèmes de la responsabilité pénale des personnes morales »,in Rev. sociétés1993, p. 371.

* 373 V. Jugement ADD/COR du 12 octobre 2010 rendu par le TPI d'Ebolowa.

* 374 C'est le cas du législateur français qui en prenant compte de l'instauration de la responsabilité pénale des personnes morales dans le code pénal et aux adaptations nécessités par celle-ci a créé dans le livre IV du code de procédure pénale un titre XVIII consacré aux règles particulières de procédure applicables aux personnes morales comprenant les articles 706-41 à 706-46. Par la suite, les dispositions des articles 550 et suivants sur les citations et les significations ont fait l'objet d'adaptation pour être appliquées aux personnes morales.Robert (J -H.), « La représentation devant les juridictions pénales des personnes morales ou le syndrome de Pyrrhon », in Apprendre à douter. Questions de droit, questions sur le droit. Etudes offertes à Claude LOMBOIS, PULIM, 2004, pp. 539-548.

* 375 C'est le cas du législateur anglais qui est intervenu pour reconnaitre la responsabilité pénale des personnes morales dans « l'interpretationAct » 1889 par le biais d'une disposition générale, pour ensuite introduire plus tard quelques « statutes » relatifs à la procédure à suivre, ainsi que de nouvelles infractions (the criminal Justice Act 1991. s.25 ; The financial services Act 1986 ; the companiesAct 1985-89). Lire à cet effet NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé général ? », op.cit. pp. 221 et s.

* 376 D'autres auteurs se sont déjà intéressés sur l'apport du droit étranger sur le perfectionnement du régime juridique de la responsabilité pénale des personnes morales sur leur droit interne. Voir dans ce sens BOULANGER, (A). Restructurations sociétaires et responsabilité pénale, op.cit. p. 420.

* 377 Affaire Compagnie Professionnelle d'Assurance et Mendouga c. Andela Marie, TPI/Acc. CA, du 10 février 2009, inédit. Voir NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des lois spéciales vers un énoncé général ? » op.cit. pp. 221 et s.

* 378 Art. 569 du CPP camerounais « La contrainte par corps ne peut être prononcée contre :

a) les civilement responsables ;

b) l'assureur de responsabilité. »

* 379 Phrase empruntée à NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des lois spéciales vers un énoncé général ? »ibid. pp. 221 et s.

* 380 Voir l'article 65 quater de la loi n°04-14 du 10 novembre 2004 (JO n°71, p,5) « la personne morale est représentée dans les actes de procédure par son représentant légal ayant cette qualité à l'époque des poursuites ».

* 381 Article 706-43 du code de procédure pénale français modifié par l'ordonnance n°2019-964 du 18 septembre 2019 « l'action publique est exercée à l'encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal à l'époque des poursuites p. Ce dernier représente la personne morale à tous les actes de procédure ».

* 382 V. Jugement ADD/COR du 12 octobre 2010 rendu par le TPI d'Ebolowa.

* 383 En effet, la personne morale peut changer de représentant ou même se restructurer.

* 384 Cette possibilité accordée à la personne morale et au représentant est applicable en droit français. L'article 706-43 in medio du CPP français dispose « ( ...) toutefois, lorsque des poursuites pour des mêmes faits ou des faitsconnexes sont engagées à l'encontre du représentant légal, celui-ci peut saisir par requête le président du tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un mandataire de justice pour représenter la personne morale... » ; Art. 65 quinquies du CPP Algérien « lorsque les poursuites sont engagée en même temps à l'encontre de la personne morale et de son représentant légal ou à défaut de personne habilitée à la représenter, le président du tribunal, sur réquisition du ministère public désigne un représentant parmi le personnel de la personne morale » cette solution a déjà été proposé en droit camerounais, V. NTONO TSIMI (G.), La responsabilité pénale des personnes morales : essaie d'une théorie générale, op.cit. pp. 78 et s.

* 385 Art. 64 quater in fine du CPP algérien « (...) En cas de changement de représentant légal en cours de procédure, son remplaçant est tenu d'en informer la juridiction saisie ».

* 386 Art. 706-3 al. 2 CPP français.

* 387 Art. 706-3 al. 3 CPP.

* 388V. NTONO TSIMI (G.), La responsabilité pénale des personnes morales : essaie d'une théorie générale, op.cit. pp 80 et s.

Cette solution est celle retenue par le législateur français. V art. 706-44 du CPP français « le représentant de la personne morale poursuivie ne peut en cette qualité, faire l'objet d'aucune mesure de contrainte autre que celle applicable au témoin ».

* 389 Art. 11 CPP du code de procédure pénale camerounais.

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