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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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b. La République corrompue

Car, Tibère semble l'avoir compris trop tard, non seulement la République était morte, mais le principat devenait une nécessité. C'est un propos que l'on retrouve souvent explicité chez les auteurs du XVIIIe, dont les liens politiques avec l'Empire (dans sa forme moderne) influencent la pensée. Mais il n'est pas nouveau : c'est l'interprétation des textes anciens. Ainsi, Gascou fait de Tacite, que l'on a souvent associé au républicanisme de par les critiques qu'il prononce à l'encontre de Tibère, un républicain comprenant la nécessité du principat : il ne le souhaitait pas, mais sans principat, Rome n'aurait pas pu survivre673. Suétone aurait, selon ce même auteur, présenté la sévérité politique, lorsqu'elle se faisait nécessaire, comme une pratique saine674. Ce constat, rapporté à l'époque moderne, est prononcé par Edward Beesly en 1878. L'Empire est un système politique que

personne ne doit souhaiter mais qui, parfois, est la solution aux problèmes politiques : En conclusion de cette intervention, laissez moi vous dire que j'espère que personne ne partira avec l'impression que, puisque j'approuve le gouvernement des Césars, je suis favorable à l'impérialisme moderne. L'établissement de l'empire romain était un grand pas en avant. C'était la seule manière pour que cette civilisation ancienne puisse survivre. Ce fut un bénéfice considérable pour 99% de la population. L'impérialisme moderne est rétrograde. Il empêche la liberté de la presse. Il refuse le droit aux réunions publiques. Il encourage le militarisme. Dernièrement, il en revient à l'hérédité, ce qui est irrévocablement condamné par l'immortelle Révolution française. Ce n'est pas aussi mauvais que le gouvernement d'une classe privilégiée. Mais aucun gouvernement ne peut rejoindre les besoin de la société moderne si il n'est, quelque soit sa forme, républicain dans son esprit.675

Là où le principat devenait nécessaire, c'est qu'en les faits, la République s'était condamnée par sa corruption. Beesly demande à son audience de se vider l'esprit de tout préjugé en faveur du gouvernement républicain : car, depuis plusieurs générations, Rome n'était plus républicaine. Si, en apparence, le pouvoir venait du peuple, il était concentré dans les mains d'une classe privilégiée, celle qui détenait les richesses et pouvait acheter les assemblées en y nommant amis et famille. Cette oligarchie devient pire que la dictature, dans le sens où un homme seul doit oeuvrer avec prudence pour ne pas se retrouver isolé face à une masse mécontente, tandis que cette action de groupe les met à l'abri des révoltes et permet de régner dans l'injustice676. Ainsi Roger Caratini fait

672. Storoni Mazzolani 1986, p. 127

673. Gascou 1984, p. 783

674. Gascou 1984, p. 744

675. Beesly 1878, p. 147-148

676. Ibid., p. 86-87

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débattre deux hommes du peuple, Publius et Nicias, le premier fervent républicain, le second plus nuancé, et dans les faits plus réaliste, venant de proclamer que le principat était une bénédiction :

- Pourquoi donc ? Nous vivons en république depuis cinq siècles, et nous nous en sommes toujours bien trouvés, que je sache, réplique Publius.

- C'est toi qui l'affirmes. Notre République était celle des patriciens et des chevaliers, qui représentaient à peine un dixième de la population romaine et qui avaient tous les droits, la plèbe n'en ayant pratiquement aucun, sinon celui d'aller se faire tuer pour elle en Gaule, en Orient ou en Égypte.

- Elle avait le droit de voter, donc de gouverner par l'entremise de ses élus, Nicias.

- Permets-moi de sourire, Publius : tu confonds Rome et Athènes. Oui, les magistrats étaient élus par le peuple, mais les lois étaient faites par les sénateurs, qui ne l'étaient pas et qui étaient choisis par le censeur dans la classe des patriciens : la République romaine appartenait aux riches et aux puissants, et lorsque les Gracques,

puis César ont voulu y mettre le holà, ils se sont fait assassiner par ceux du parti sénatorial... Belle République, en vérité !

- Celle d'Auguste est une dictature déguisée, Nicias, ce n'est pas mieux et j'ai envie de crier : « Rome, ta liberté

fout le camp ! »

- Il y a deux choses plus importantes que la liberté, dans une société, c'est l'égalité et la loi : elles n'existaient pas au temps de la république sénatoriale, dans laquelle un patricien et un plébéien ne pesaient pas le même poids et où la loi était violée impunément en permanence.677

C'est ce que le peuple attendait des premiers Césars : la réformation d'une République aux valeurs corrompues. César en était le premier défenseur, dans ses prétentions à remédier aux privilèges éhontés et, par l'instauration d'une apparente démocratie, il souhaitait l'égalité entre les Romains libres678. Le despote, quand bien même serait-il détestable, devient moins tyrannique que l'élite corrompue, ce même aux yeux des ennemis du pouvoir à sommet unique. Ainsi Jean de Strada, favorable à « changer l'esclave en homme et les dieux en un Dieu » ne condamne pas directement l'existence du tyran, car le tuer pourrait amener une pire engeance au pouvoir679 :

HUMANUS
Vieillards, vous conspiriez contre Tibère, là,
C'était pour ce Caïus. Contre Caligula
Ce sera donc pour Claude. Et si c'est contre Claude
D'un monstre plus hideux le trône s'échaffaude.680

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand