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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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II - La mort de la République

a. Convictions républicaines

Nous évoquions précédemment l'ascendance claudienne, et la légitimité que Tibère aurait pu en tirer, autant pour son caractère que pour ses prétentions. Mais sans la République, d'où venait tout le sens de la notion de « grande famille romaine », cet héritage perd de son sens. Et avec le principat, c'est la République qui se perd.

Dater la chute de la République est bien difficile, voire impossible. Dans les faits, le Sénat et les institutions républicaines existaient toujours à l'époque de Tibère et jouaient encore un rôle non négligeable. On oppose la République et le principat, mais dès le triumvirat, les institutions avait déjà été remises en question. Certains vont même jusqu'à faire de Pompée le premier représentant du courant anti-républicain, tant sa popularité et l'adulation liée à son surnom de « Grand » le mettaient au-dessus de ses pairs. Ce n'est pas une date que l'on recherche, mais davantage une somme d'événements, dont l'auteur est le seul compilateur. Ainsi, Lucien Arnault fait de la mort de Brutus la première fêlure de la République romaine, suivie par la « prostitution de la gloire » d'Antoine à Cléopâtre, des proscriptions d'Octave et - en dernier rempart - l'assassinat de Sextus Pompée, détruisant à jamais l'institution que défendait le père de celui-ci665. Pour certains même, dès que Rome se mit à conquérir un empire, c'est-à dire bien avant les événements dont nous traitons ici, la République était condamnée666. Si Tibère n'est pas le premier à agir contre elle, il est tenu responsable de sa chute en ayant consolidé le principat balbutiant, alors qu'il aurait pu le faire tomber et revenir aux institutions passées. C'est tout le propos de la pièce de Pellegrin, où la famille de Pompée espère profiter de la mort d'Auguste pour faire d'Agrippa le « régent » de Rome : son règne, qu'il doit établir comme provisoire comme le ferait un consul, doit permettre de revenir sainement du principat à la République.

Pourtant, Tibère aurait pu être républicain. Son hérédité ne le prédestinait pas à s'opposer au régime d'antan, bien au contraire. Son père était un républicain convaincu, raison qui le poussa à s'allier aux Césaricides durant la guerre civile (notons que son grand-père maternel, le père de Livie, est mort à

665. Arnault 1828, p. 15-16

666. Massie 1998, p. 282-283

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Philippes, aux côtés de Brutus et Cassius)667. L'hypothèse d'une pensée républicaine chez Drusus, héritée de son père, a été souvent défendue et avancée comme une cause probable de sa mort précoce668. Enfin, au vu de son manque affiché d'envie d'assumer la succession, alors que Livie l'y encourageait, d'aucuns y verront la peur d'une mère qui a vu son premier fils mourir pour ses prétendues valeurs républicaines et le second risquer le même destin s'il ne peut renoncer à ce qu'elle considère comme une pensée finie et contraire à ses valeurs - certes, elle était Claudienne, mais elle était avant tout la femme la plus influente du monde romain669.

Fidèle à la mémoire de son père adoptif, Tibère aurait renoncé à contrecoeur à son projet de restaurer la République et, tout au contraire, l'aurait condamnée en prenant le contrôle du principat. La succession d'Auguste dans la série The Caesars suit cette logique. En premier lieu, Tibère reçoit les sénateurs pour une réunion politique, cherchant à leur confier le pouvoir et à ne pas s'élever au dessus d'eux, provoquant leur colère. Sa seconde tentative consiste à proposer une division des tâches entre le prince et le Sénat : nouveau refus. Enfin, il doit se résoudre à accepter ce titre provisoire, ne se méprenant pas sur le fait qu'il le gardera toute sa vie, en le présentant comme un métier validé par le Sénat, non comme une récompense qui le rendrait tout puissant. La postérité fit de Tibère un hypocrite : ce refus du pouvoir n'était qu'une manière de se faire désirer - son départ pour Rhodes en était un précédent - et il n'attendait qu'une investiture officielle pour que son pouvoir ne semble pas seulement un fait héréditaire670.

Que le renoncement de Tibère soit un échec personnel ou une volonté hypocrite de cacher ses ambitions, Tacite le jugea comme une injure envers Rome. En perpétuant le principat, le nouveau prince condamnait les valeurs romaines et causait la corruption du pouvoir, perpétrée par ses successeurs belliqueux. Olive Kuntz défend la mémoire de Tibère en nuançant cette accusation : il a tenté d'ébranler la politique de succession d'Auguste en redéfinissant, durant les premières réunions sénatoriales, l'origine du pouvoir - un échec, mais une tentative louable qui n'a pu être constatée à sa juste valeur par les historiens de l'Antiquité, incapables d'en percevoir le courage politique671.

Aux yeux de la postérité, les convictions de Tibère passent pour une utopie désuète. Attaché à un système politique déjà condamné, il aurait été un politicien plus que correct s'il l'avait défendu à l'époque où cela était possible, mais était ici perdu dans une époque qui n'était pas « la sienne ».

667. Roman 2001, p. 20

668. Laurentie 1862 I, p. 257-258

669. Grimal 1992, p. 64-65

670. Martin 2007, p. 242

671. Kuntz 2013, p. 16-17

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Tibère resta toute sa vie un homme du temps passé, au vocabulaire pédant et recherché, pensant comme un consul d'autrefois, non comme le prince qu'il était en apparence672.

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