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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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c. Incapacité à passer le pouvoir

Ce n'est donc pas tant l'abandon du républicanisme qui fait l'objet des critiques politiques envers

677. Caratini 2002, p. 54-55

678. Beesly 1878, p. 90

679. Strada 1866, p. 136

680. Ibid., p. 140

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Tibère, mais l'échec de la pensée qu'il voulait défendre. Devant l'incapacité de restaurer le système politique ancestral et l'absence de partenaires pour l'aider à assumer sa charge, Tibère ne pouvait devenir, aux yeux de la postérité, qu'un tyran écoeuré681. Dominé par l'héritage moral familial, incapable de s'adapter à cette nouvelle époque, il était, dès le départ, voué à échouer : personne ne pouvait l'aider, l'adulation qu'il voulait réprimer était accentuée chaque jour, ses réformes économiques étaient perçues comme de l'avarice et du mépris682. Son règne devient faillite, quelques soient ses efforts pour s'affirmer683. Sans doute n'était-il pas fait pour le principat, ni par nature, ni par éducation. Dénué de la capacité de se faire apprécier, il devait agir seul et subir le jugement implacable des Romains. Pour Kornemann, c'est ce manque « d'auctoritas » qui a empêché les successeurs d'Auguste, dénués de ce talent qu'on ne peut avoir que de naissance, de s'affirmer en tant qu'héritier moraux - du moins jusqu'à Vespasien ou Nerva dans une moindre mesure684. Probablement Tibère était-il un bon administrateur et un bon soldat, mais il n'était pas à sa place685: dans le cadre d'une vieille monarchie bien ordonnée il aurait tenu son rôle avec honneur ; mais les

difficiles missions qu'Auguste lui avait laissées avec ses illusoires institutions républicaines, ainsi que la malveillance du Sénat et les tensions intestines au sein de la famille impériale, furent au-dessus de ses forces.686

Pourtant, il tenta de déléguer le pouvoir. En vain. Ce qu'il voulait obtenir, il ne put en percevoir qu'une partie : il gouverna par le « laissez-faire », n'intervenant que lorsque cela était nécessaire - lui valant une réputation d'hypocrite quand il semblait donner le pouvoir au Sénat tout en le gardant pour lui, se montrant à la fois frustré du manque d'initiatives et de celles allant à l'encontre de ses idées687. Allan Massie fait discourir Tibère au lendemain de la mort d'Auguste, tentant de s'adresser à un Sénat qui refuse de l'écouter :

Père conscrits, nous sommes tous ici les héritiers de la glorieuse histoire de Rome, les enfants de la grande République.
Ma propre famille a, comme vous le savez tous, joué un rôle majeur dans l'épanouissement de la grandeur romaine.
(...) Après les guerres civiles, [Auguste] a restauré les institutions de la République. Il a porté les frontières de l'Empire
en des terres où les armes de Rome étaient inconnues. Il a suivi le principe romain : épargner l'humble et soumettre
l'orgueilleux.
Mais maintenant, mes chers concitoyens, nous devons nous demander, non seulement où nous allons pouvoir trouver
son pareil, mais aussi, de façon plus urgente encore, s'il est bon qu'un seul homme, n'ayant pas les qualités suprêmes
d'Auguste, doive disposer de la même étendue de pouvoir. Je pense, pour ma part, que c'est une tâche qui nous dépasse
tous. Elle me dépasse certainement, quand à moi. J'ai eu l'honneur, pendant ces dernières années, de partager ce

681. Petit 1974, p. 84

682. Storoni Mazzolani 1986, p. 21-22

683. Roman 2001, p. 287-288

684. Kornemann 1962, p. 220

685. Maranon 1956, p. 178-179

686. Abraham F., Tiberius und Sejan, wissenschaftliche Beilage zum Programm des Falk-Realgymnasiums zu Berlin, Berlin : R. Gaertners Verlagsbuchhandlung, 1888, p. 18, in. David-de Palacio p. 71

687. Scarre 2012, p. 34-35

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fardeau, et, croyez-moi, j'en connais le poids. Je sais quelle besogne dure, exigeante et périlleuse représente le
gouvernement d'un Empire tel que celui de Rome.
D'autre part, je vous presse de vous demander s'il est convenable qu'un État comme le nôtre, qui peut se reposer sur
tant de personnages distingués, doive remettre un tel pouvoir à un seule homme. Ne serait-il pas mieux, Pères conscrits,
de partager ce pouvoir entre un certain nombre d'entre nous ?688

Devant l'incapacité de déléguer le pouvoir, Tibère devait accepter sans conditions de devenir le prince de Rome. Ses pensées républicaines n'avaient plus raison d'être, et il devait assumer le rôle qu'on lui confiait et on ne lui laissait pas le choix de refuser. Il ne s'agissait plus de choisir entre République et Empire, la situation devenait « Tibère ou un autre empereur ». Dans Les Mémoires de Tibère, c'est Pison qui le pousse, avec ses mots, à accepter la charge impériale : « tu dois attraper l'Empire par les couilles, mon ami, sinon c'est un autre qui attrapera les tiennes, et cela te fera très mal.689». Des années plus tard, il s'est résigné et prévoit, chez Lucien Arnault, l'Empire au plus républicain de ses proches, Galba :

La liberté qu'on veut sous le règne d'un autre
Sur notre ambition ne saurait l'emporter

Un trône plaît toujours à qui peut y monter !690

Tibère, que les convictions dressaient contre la tyrannie - il aurait pu être un ennemi de César s'il avait vécu à son époque - en est devenu le symbole malgré lui. C'est le « drame de son gouvernement691». Barbara Levick défend ce propos : l'être façonné par l'ascendance Claudienne, puis converti malgré lui aux aspirations Juliennes a vécu toute sa vie dans l'espoir de prendre un jour une retraite méritée après des années de travail pour Rome. Mais entouré d'un peuple servile, insulté par ses ennemis politiques, issus de sa propre famille, il s'enferme dans le mutisme et ne trouve pas le repos. L'exil ne le sauve pas, tant les problèmes l'entourent. Le malheur de Tibère, c'est de n'avoir jamais pu se retirer692.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius