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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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II - Dissimulation, entretenir le mystère

a. L'incompréhension

Le caractère de Tibère est fortement marqué par la suspicion et le repli sur soi. Ce qui aurait pu passer pour de la timidité ou comme l'indice d'un caractère asocial fit l'effet d'une dissimulation, rendant le personnage autant haïssable que mystérieux.

Ce caractère lui était apparemment inné. Dès l'enfance, son pédagogue le surnommait « boue imbibée de sang » tant son attitude était imprévisible. Roger Caratini, lorsqu'il cherche à romancer la biographie de Tibère, propose un récit du professeur particulier au père du jeune garçon, lui expliquant la complexité de son caractère : ce qu'il désire, il feint de ne pas le désirer, et ce qu'il paraît souhaiter n'est qu'une façade. Ainsi, il repousse le miel, qu'il aime notoirement, et réclame un pain sec qu'il abhorre. De même, il feint de ne pas aimer les mathématiques alors qu'il se plaît à faire des calculs en cachette. Plus que se renfermer dans des caprices, il agit étrangement au contact

854. Kaden H., Insel der Leidenschaft, Leipzig : Hans Arnold, 1933, p. 368-370, in. David-de Palacio 2006, p. 177

855. Beesly 1878, p. 117

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des enfants, offrant des cadeaux à ses ennemis et se battant avec ses amis856. Quand il confie à sa mère ne pas aimer Marcellus, une animosité réciproque, Livie doit lui avouer qu'il se rend mal-aimable auprès de ses cousins et cousines par sa froideur et son manque de loquacité857. Ce caractère resta intact au fil des années, et le Tibère qu'ont connu les Romains était toujours ce garçon peu bavard et aussi peu prévisible. Il donnait donc l'impression d'un hypocrite, voire d'un fou858.

Devant cette dissimulation, le peuple romain ne sut comment réagir. Que dire devant le prince qui sanctionnait autant le franc-parler qui lui déplaisait que l'adulation ? S'il posait une question, devait-on aller dans son sens, au risque de passer pour un être servile, ou le contredire, et risquer sa colère859? De cette incompréhension naît l'image de la tyrannie. Pour Laurentie, jamais le despotisme ne fut aussi déguisé, tant Tibère se sentait puissant et refusait tout titre de respect, considérant cela comme une injure860. On l'accusait de ruse, de rancoeur et de cruauté861. On ne peut le reprocher aux Romains ; face à un homme si renfermé et entretenant l'indécision, qui plus est un prince prônant le républicanisme, il est compréhensible qu'on l'ait taxé d'hypocrisie, tant il était impossible de le comprendre862. Ainsi les auteurs hostiles à Tibère se servent de ces accusations

pour le déprécier. Pour Laurentie, toute l'existence de Tibère fut un artifice : Corrompu dans ses moeurs, il chercha la décence dans les moeurs publiques. Né sans passions ardentes et cruelles, il participa aux barbaries du triumvirat comme à un calcul ; et quand tout fut à ses pieds, il se fit un calcul contraire de la bienveillance. Vicieux par instinct, vertueux par politique, tout lui fut un expédient d'égoïsme. Timide à la guerre, il n'eut de courage que pour dominer863.

Toute sa vie, Tibère aurait dissimulé ses vices par l'hypocrisie, les révélant uns par uns au fil de son règne. Dès lors qu'aucun obstacle ne se mit en travers de son chemin, il sombra dans le mal et se plaisait aux supplices qu'il condamnait jusqu'alors, par ruse, souhaitant voir le monde périr864. L'auteur prend l'exemple de la mort de Drusus III pour montrer les failles dans la dissimulation de Tibère, permettant de voir le véritable prince : il ne se cache plus lorsqu'il dresse un complot d'espions contre son petit-fils, alors emprisonné, pour rapporter les pires insultes prononcées par le condamné délirant et les rapporter au Sénat, tant pour souiller la mémoire du jeune homme que pour

856. Caratini 2002, p. 30-31

857. Ibid., p. 38

858. Martin 2007, p. 292-293

859. Lyasse 2011, p. 97

860. Laurentie 1862 I, p. 238

861. Syme 1958, p. 422-423

862. Massie 1983, p. 89-90

863. Laurentie 1862 I, p. 301-302

864. Laurentie 1862 II, p. 35

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satisfaire sa propre cruauté865. Alors on se met à haïr cet hypocrite, qui s'exprime jamais clairement et vit en solitaire. Ce qui pouvait être un vice visible en quelques rares occasions devenait le centre de la politique de Tibère, ponctué de fausses vertus et de vrais crimes866.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand