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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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II - L'oeil du spectateur : Agrippine et Caligula

a. Les Mémoires d'Agrippine , ou une petite fille dans un monde d'adultes

Nous avons préalablement établi que le texte original, qui servit probablement de source à Tacite et qui fustigeait les persécuteurs de la famille de Germanicus, est perdu. Pierre Grimal, dans ce roman de 1992, reconstitue ce qu'aurait pu être le contenu de l'ouvrage. Agrippine commence à écrire au lendemain de la mort de Britannicus, se disant que sa fin est proche : Néron ne l'aime plus et commence à la considérer comme une dangereuse rivale. Le personnage de Tibère n'apparaît que peu, puisque Agrippine la Jeune ne l'a que peu rencontré : le récit de ce règne se fait à travers des souvenirs d'enfance. Pour la petite fille, Caligula était un grand frère qui savait tout, intelligent et malsain, Claude un gentil infirme pas aussi bête que ne le pensaient ses proches (et dont la mort, nécessaire, est le plus grand regret de celle qui dut tuer son ami d'enfance) et Pison un « vilain » à la présence peu rassurante qui lui a volé son père.

Le roman concerne davantage les règnes de Caligula, Claude et Néron que celui de Tibère : ce dernier meurt à la fin du premier tiers du livre, davantage consacré aux rapports humains de la jeune femme qu'aux intrigues politiques. Ce qui nous intéresse, c'est l'image des souvenirs naïfs d'une fillette, rapportés par une adulte soucieuse de raconter son vécu avant de disparaître. Ainsi, elle se souvient vaguement de la marche funèbre en honneur de son père, quand sa mère dut porter l'urne dans ses bras à travers toute l'Italie, affaiblie par l'effort physique et le deuil, une image qui aura

916. Ibid., p. 415-416

263

marqué Caligula, alors âgé de huit ans, celui-ci s'efforçant de la reproduire vingt ans plus tard en faisant porter les cendres de Lepidus à sa jeune soeur. Une nouvelle fois, le traumatisme forge le mauvais prince917. Ce même Caligula apprend l'art de la dissimulation, à la plus grande horreur d'Agrippine, qui perçoit en lui le futur empereur fou :

Je me demandai, avec un peu d'anxiété, comment Gaius se comporterait avec Livie. Je connaissais ses sentiments à son
égard et je m'attendais à ce qu'il se montrât insolent avec elle, et qu'il s'ensuivît un éclat, fort embarrassant pour nous
tous. Or, à ma grande surprise, Gaius se montra le meilleur, le plus attentionné, le plus affectueux des petits-fils, et
Livie, à son tour, le pris en amitié. Elle ne pouvait plus se passer de lui ! Les échos que j'avais de leurs relations me
rassuraient sur le sort de ma mère. Aussi longtemps que Livie s'entendait bien avec Gaius, aussi longtemps on pouvait
espérer que Tibère s'abstiendrait de prendre contre Agrippine des mesures trop sévères. Mais, en même temps, la
manière dont Gaius se conduisait avec son aïeule m'apprenait aussi autre chose. Elle me découvrait en lui un pouvoir
de dissimulation que je n'avais jamais soupçonné chez cet adolescent volontiers insolent, fantasque, que je croyais
incapable de résister à toutes les tentations, aux fantaisies les plus déraisonnables qui lui passaient par la tête. Et le
voilà devenu docile, déférant, flatteur ! Mais j'entrevoyais autre chose encore. Cette volonté qu'il avait de parvenir à
ses fins, en recourant à des moyens détournés, cette habileté dans l'hypocrisie me faisait penser à la manière dont se
conduisait Tibère lui-même. Un instant, je me dis qu'il possédait les qualités qui font un bon empereur. Et si Gaius, un
jour... ?918

Arrive le jour de la mort de Tibère, suivie de celle de Gemellus. Caligula est coupable des deux meurtres, et le frère incestueux et railleur est devenu un monstre :

Sur la mort de Tibère, aucun détail. Et je ne pus jamais lui en arracher davantage. Ce qui m'intrigua toujours. De
toutes les rumeurs qui couraient, laquelle était vraie ? Presque tout le monde s'accordait à penser que Tibère avait été
assassiné. Les avis différaient sur la manière dont cela s'était passé, et sur le nom de l'assassin. Le silence obstiné de
Gaius signifiait-il que c'était lui le coupable, qu'il avait, de ses mains, tué son grand-père ? Je ne pus jamais avoir sur
ce point aucune certitude. Je veux encore douter aujourd'hui qu'il ait accompli un tel acte. Je me souviens que, lorsque,
quelques jours après la mort de Tibère, il fit tuer Gemellus, il insista pour que la mort fût matériellement un suicide,
qu'on ne portât pas la main sur son frère adoptif, mais qu'il s'enfonçât lui-même l'épée dans le corps. Ce qui, fut-il
révélé, n'allait pas sans difficulté, car Gemellus ignorait tout de la manière de tuer et ne savait comment s'y prendre. Il
commença par se blesser, d'une main tremblante. Il fallut l'achever. Voilà ce qui me laisse croire que Gaius ne tua pas
lui-même son grand-père, même s'il chargea quelqu'un de le faire. Il ne voulait pas encourir, par un tel parricide, la
colère des dieux. Je me suis souvent demandé, pourtant, si les dieux avaient été réellement dupes et si la maladie qui
devait le frapper, quelque temps plus tard, n'eut pas là son origine, dans la malédiction provoquée inévitablement par
l'assassinat d'un proche919.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery