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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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B - Le Bouc de Capri

Avant même de se retirer sur l'île de Capri, là où il s'est semble-t-il livré aux pires débauches, Tibère était déjà parti, des années plus tôt, s'exiler sur une autre île, loin de Rome, là où personne ne pourrait le rappeler à la réalité de sa vie. Il nous faut donc ici discuter de ces retraites.

I - Rhodes et le goût de l'exil

a. Expliquer l'exil

Les dernières années de Napoléon Ier ont marquées par l'exil sur des îles, d'abord à Elbe, puis à Sainte-Hélène. De là, il hérite, aux yeux de la postérité, d'une image de « nésiarque183», d'un monarque régnant sur un territoire entouré par la mer, au milieu du néant. Tibère fut confronté à cette même situation, à plusieurs reprises, ce dès l'enfance lorsque ses parents fuient l'Italie et la guerre civile. Avant même de parler de Capri, l'île « maudite » qui lui est associée, il nous faut revenir sur son premier exil insulaire : Rhodes. En 5 av. J.-C., alors que Tibère est dans une position politique très enviable - il est le gendre de l'empereur et le père d'adoption de ses héritiers - il décide de se retirer de la vie romaine et part se réfugier sur une île grecque. L'événement reste inexplicable car il est autant inattendu que justifiable en de nombreux points, sans qu'on puisse décider de la véritable raison de ce départ.

La première hypothèse, celle que Tibère présentait comme la raison officielle, était la volonté de ne pas faire d'ombre aux Princes de la Jeunesse, les héritiers d'Auguste, dont il était le tuteur. Pour E. Kornemann, Tibère éprouvait le sentiment d'être un « bouche-trou du système augustéen », un régent éventuel si le prince venait à mourir avant que ses petits-fils soient prêts à lui succéder. Se reposant sur un précédent, celui de la retraite de Marcus Agrippa sur l'île de Lesbos pour ne pas nuire aux prétentions de Marcellus, Tibère partait au nom de la raison d'État. Le propos est digne, mais l'acte inconsidéré : il renonçait alors à son rang, qu'il avait mérité par ses actions, pour servir les intérêts de deux adolescents sans expérience aucune. Les Modernes y voient une certaine amertume, une nécessité qui pique son ressentiment et le pousse à agir sans réfléchir aux conséquences de son choix.

183. Le terme est utilisé par Régis Martin, entre autres, mais semble être un néologisme

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La seconde hypothèse relève de ses problèmes conjugaux. Malheureux après son divorce d'avec Vipsania, remarié à une femme qu'il déteste et qui le dégoûte, incapable d'en divorcer en raison de la tâche qui lui est attribuée, il ne peut se résoudre qu'à la quitter en abandonnant tout ce qui lui reste. Nous reviendrons ultérieurement sur cette union politique.

La troisième hypothèse relève de son caractère, d'un besoin inné de solitude. Si Tibère s'était exilé une seule fois, on aurait pu parler d'un geste inconsidéré, regretté par la suite. Mais s'il l'a reconduit

des années plus tard, c'est par goût de l'exil. En témoigne le propos d'Ernest Kornemann : Lorsqu'un homme accomplit deux fois dans sa vie une démarche de ce genre, il n'est pas possible que des raisons extérieures l'y aient poussé. Ce sont des facteurs psychologiques qui entrent en jeu, étroitement liés au caractère même de l'individu en question. D'un tempérament indécis et troublé, souffrant d'hésitations et de troubles intérieurs dont il ne parvenait pas à se libérer, Tibère éprouva certainement très tôt le désir de rompre avec le monde extérieur.Lorsqu'on arrache à des êtres de ce genre les créatures qui leur son chères, ils se replient totalement sur eux-mêmes, en particulier quand ils ont, comme Tibère, une nature riche et un penchant pour la vie contemplative.184

Notons une quatrième hypothèse, essentiellement portée par la fiction : celle d'un exil voulu par Auguste, celui-là même qui avait condamné sa fille et ses petits-enfants disgraciés. Dans la série Moi Claude, empereur, Tibère a violemment frappé Julie à la suite de provocations, un acte odieux aux yeux du père : il ne souhaite plus voir cet homme qui lui cause autant de soucis.

Quelles que soient les raisons de cette retraite, on ne peut nier que Tibère n'était pas heureux à cette époque. Incapable de contenir ce sentiment, il aspirait à la solitude. C'est dans cet état moral que le dépeint Francis Adams :

Je suis détraqué, fini
Je ne puis plus. Je dois partir et connaître
Le baume du calme, et la pureté
D'une vie simple. (...)
Ce ne sont des jours et des semaines, non des mois, mais des années
Des années et des âges que mon âme vide le demande
Ce vide ? Elle est même morte. Mon corps périt aussi...
Je restais pour Drusus, aux côtés de mon frère,
Je tenais sa main et j'ai vu le monde le perdre
Et tout cela a rendu ce vide plus douloureux.
Mon seigneur, je me suis trop efforcé

184. Ibid., p. 29

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Je vous prie de me laisser partir, de me libérer185

Le propos est similaire chez Allan Massie, quand Tibère se justifie auprès de sa mère : il se désole à l'idée de peiner ses proches, mais ne peut supporter tant de malheurs : chaque jour, les Princes grandissent et l'éloignent du pouvoir, sa femme lui est odieuse, la flatterie le dégoûte :

Vois-tu, Mère, j'en ai assez, assez de l'hypocrisie et des tromperies, assez de cette lutte pour le pouvoir qui abaisse tout le monde, assez de me laisser acheter par des propos mielleux, assez... de tout. Je suis désolé si je t'ai trahie, mais, si je continuais ainsi, c'est moi que je trahirais. Tout le système a été corrompu, et je veux en sortir...186

Le départ pour Rhodes reste un mystère. Du moins, ce mystère frustre l'historien : cet exil de huit ans, à l'âge « où la maturité se prononce et imprime à chaque nature un sceau définitiÇ87» aurait permis de mieux cerner le caractère de cet homme. Une chose est toutefois certaine : cet exil a eu un impact politique majeur sur le principat.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe