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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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CHAPITRE 4 -

LES ENNEMIS DE TIBERE

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Comme le garçonnet l'observait d'un regard fasciné, Caius Silius reprit son sérieux et dit : « Tu as
compris le maniement de la sica. Tu es assez grand maintenant pour savoir que la mort des trois
frères de ta mère a donné l'Empire à Tibère. Mais garde-le pour toi. »
Gaius pensa qu'il ne devait plus demander à personne pourquoi sa mère pleurait. Et il sentit que
son enfance était terminée.
(...)
Rome se trouvait devant lui, au-delà du fleuve blond., impériale et divine, toute de marbres blancs.
« Voici la ville que Tibère a volé à ton père »

[ Maria SILIATO - Le rêve de Caligula ]

107

A. Germanicus

Durant son règne, Tibère s'est fait des ennemis. C'est par eux, par leurs témoignages ou par leur fin tragique, que l'image du mauvais empereur est née. Nous nous devons donc de revenir sur ces personnages, sur le traitement que leur a réservé la postérité et dans quelle mesure leurs vies et leurs morts ont influencé l'image de Tibère. Germanicus est le premier de ces symboles : neveu puis fils adoptif du prince, sa popularité n'eut d'égale que la tristesse entraînée par sa mort prématurée.

I - Le meilleur des hommes

a. Popularité et bonté

L'image qui prédomine quand nous représentons Germanicus est celle d'un homme populaire et compatissant. Ainsi, Pierre Grimal présente un jeune homme confronté aux mutineries de l'armée, pleurant la mort des condamnés : leurs actes étaient impardonnables, et leur punition justifiée et nécessaire, mais s'ils ont commis des crimes, c'est par désespoir. Ils avaient vécu toute leur vie dans l'admiration d'Auguste, leur prince et leur modèle de grandeur, et sa mort les avait plongé dans la solitude303. C'est le même homme qui, chez Maria Siliato, défait Arminius au combat et ressent une grande amertume dans la victoire, se sentant indigne : son valeureux ennemi est trahi par les siens, mourant dans l'ignominie malgré le courage dont il avait témoigné durant leurs affrontements, laissant sa femme Thusnelda porter leur enfant, tout en étant captive et obligée à défiler au triomphe qu'on accorde au général Romain, privée de tout égard. Germanicus est acclamé par la foule, a apporté la gloire à Rome, a vengé le désastre de Varus mais, à ses yeux, ses actes ont été empoisonnés. Les clameurs ne peuvent l'empêcher de penser à ce qu'il aurait ressenti si la situation avait été inversée : lui traîné dans la boue par ses propres soldats et sa femme bien aimée traitée comme un trophée par les Germains304.

C'est cet homme bon que le peuple a pleuré lorsqu'il apprit sa mort prématurée, tué par une affection contractée en Orient. Pierre-Sébastien Laurentie présente Rome emplie d'émotion à

303. Grimal 1992, p. 17

304. Siliato 2007, p. 16 et 42

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l'annonce de sa maladie, priant pour son bon rétablissement, et éclatant en gémissements et en cris de colère quand la nouvelle de sa mort lui parvint305. Brisés par le chagrin et le sentiment d'injustice, les Romains cessent tout travail pour rendre hommage au jeune général, dénonçant la cruauté du destin et la culpabilité évidente de ses ennemis dans cette mort qu'ils pensent due au poison. C'est, selon Zvi Yavetz, une preuve que les foules étaient capables d'exprimer leurs sentiments sans céder à la violence, un argument allant à l'encontre de la thèse principale de son ouvrage, celle de la violence du peuple romain servile306. Bernard Campan, dans sa pièce Tibère à Caprée, décrit ces scènes de tristesse au retour d'Agrippine portant les cendres de son défunt mari307.

A la lecture des sources antiques et au vu de l'image qu'elles ont suscité, il nous semble indéniable que Germanicus a bénéficié d'un traitement favorable aux yeux de la postérité, retenu comme un héros, le « meilleur des princes », dont la conduite est digne des plus grands des hommes - Linguet le compare à Julien ou à Henri IV, tous morts dans de terribles conditions mais célébrés par la suite pour leur conduite exemplaire308 - prônant l'ambition et la justice. En clair, le « lecteur sensé souhaitera des Rois qui lui ressemblent309 ».

Germanicus a bien des raisons de mériter sa popularité. Par l'hérédité, il est le fils de Drusus I, le général victorieux qui n'avait pas trente ans quand la gangrène le tua310. Il est marié à Agrippine l'Aînée, petite-fille du prince, avec qui il eut une descendance nombreuse: trois fils (Néron, Drusus et Caius) et trois filles (Agrippine, Livilla et Julie) - les arrières-petits enfants d'Auguste311. Enfin, il est le fils adoptif de Tibère, celui qui est son oncle par le sang et le nouveau prince de Rome. Germanicus représente un espoir pour Rome, celui d'un jeune homme ambitieux, qui ne recule pas devant l'ennemi, qui remporte des victoires militaires en Germanie312, présenté après sa mort comme le nouvel Alexandre. Cette image de grandeur est présentée dans la série The Caesars, quand Germanicus revient de campagne et fête ses victoires avec ses proches. C'est un bel homme

305. Laurentie 1862 I, p. 377-378

306. Yavetz 1983, p. 38-39

307. Voir ANNEXE 1

308. Linguet 1777, p. 84-85

309. Ibid., p. 107

310. Drusus étant né trois mois après le mariage d'Auguste et Livie, les ragots - et certains auteurs modernes - y ont vu une raison de douter de l'identité de son père. Était-il, comme le supposent la plupart, le fils de Tiberius Claudius Nero ou le bâtard d'Auguste ? Si cette hypothèse semble dénuée de crédibilité, elle est toutefois prise en considération.

311. Ces enfants sont ceux à avoir survécu à la mortalité infantile, et l'on trouve la mention d'autres enfants morts peu après la naissance. Le propos est le même chez Tibère, on retiendra souvent Drusus II comme son fils unique, alors qu'il avait eu un enfant de Julie, mort en bas âge.

312. Digressons sur ce nom. Son nom de naissance n'est pas renseigné (probablement était-ce Tiberius Claudius Nero ou Drusus Claudius Nero), et son nom d'adoption était Germanicus Julius Caesar. Ce « praenomen » - littéralement « vainqueur des Germains » - ne lui venait non pas de ses victoires mais de l'hérédité : il le doit à son père, vainqueur des Germains, tout comme son neveu Britannicus le devait aux campagnes de Claude en Bretagne.

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victorieux qui, sans le savoir, était désigné par Auguste comme son successeur (il le confesse sur son lit de mort à Tibère, lui demandant d'être le prince de façade le temps que le jeune homme ait la maturité nécessaire pour lui succéder). Il se montre aimable, riant en voyant son frère Claude éméché, non par moquerie mais pour participer à sa joie d'ivresse, lui offrant sa couronne de lauriers pour lui témoigner de son affection. Aussi puissant et acclamé qu'il soit, il n'abandonne pas son ami d'antan, même s'il est source de honte : la bonté est plus forte que la gloire.

C'est cet homme que le peuple acclame lors de son triomphe. Mais, près d'eux, un homme cache son sentiment profond, une jalousie maladive de se voir préférer, à lui le prince dont on ne célébrait les victoires que par nécessité, un jeune homme qu'il considère comme un arriviste. Cet homme, c'est Tibère313.

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