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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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CHAPITRE 1 -

LE PERSONNAGE DE L'ANTIQUITE

Il était fils de Tibérius Néro, et des deux côtés issu de la maison Claudia, quoique sa mère fût
passée par adoption dans la famille des Livius, puis dans celle des Jules. II éprouva dès le berceau
les caprices du sort. De l'exil, où l'avait entraîné la proscription de son père, il passa, comme beau-

fils d'Auguste, dans la maison impériale. Là, de nombreux concurrents le désespérèrent, tant que
dura la puissance de Marcellus, d'Agrippa, et ensuite des Césars Caïus et Lucius. Il eut même dans
son frère Drusus un rival heureux de popularité. Mais sa situation ne fut jamais plus critique que
lorsqu'il eut reçu Julie en mariage, forcé qu'il était de souffrir les prostitutions de sa femme ou d'en
fuir le scandale. Revenu de Rhodes, il remplit douze ans le vide que la mort avait fait dans le palais
du prince, et régla seul, près de vingt-trois autres années, les destins du peuple romain. Ses moeurs
eurent aussi leurs époques diverses : honorable dans sa vie et sa réputation, tant qu'il fut homme
privé ou qu'il commanda sous Auguste ; hypocrite et adroit à contrefaire la vertu, tant que
Germanicus et Drusus virent le jour ; mêlé de bien et de mal jusqu'à la mort de sa mère ; monstre
de cruauté, mais cachant ses débauches, tant qu'il aima ou craignit Séjan, il se précipita tout à la
fois dans le crime et l'infamie, lorsque, libre de honte et de crainte, il ne suivit plus que le penchant
de sa nature.

[ Tacite, Annales, VI., LI ]

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A - Biographie sommaire

Notre travail portant sur la postérité de Tibère, sur les travaux d'historiens, sur les débats autour de thématiques clés de sa vie et sur la représentation fictive de son existence, il serait inconcevable de mener cette étude sans restituer les grandes lignes de la vie de Tiberius Claudius Nero, celui qui fut tant décrié et soumis à de nombreux questionnements. Toutefois, nous ne restituerons ici qu'une biographie sommaire de Tibère, sans inclure d'emblée les débats historiographiques propres à cette étude : il nous faut aller à l'essentiel, rester aussi neutre que possible, volontairement éluder les points soumis aux débats d'historiens (telle la responsabilité de Tibère dans la mort de ses rivaux ou la raison de ses exils), puisqu'ils feront l'objet d'une analyse comparée ultérieure.

I - Vie sous le règne d'Auguste

Tiberius Claudius Nero, ou Tibère, tel que la postérité le nomme5, naît en l'an 42 av. J.-C., aux alentours du 16 novembre6. Il est le fils de T. Claudius Nero (85 av. J.-C. - 33. av. J.-C.) et de Livia Drusilla, ou Livie (58 av. J.-C. - 29 ap. J.-C.). Il est encore un tout jeune enfant lorsque ses parents doivent fuir l'Italie, pour échapper à la guerre civile. Ils reviennent à Rome deux ans plus tard, en l'an 38. Octave, le futur empereur Auguste, rencontre alors Livie et propose de l'épouser, avec l'accord de T. Claudius Nero (désireux d'amnistie). Celle-ci est alors enceinte de six mois et accouche de son second enfant, Decimus Claudius Drusus (Drusus), après le divorce. Tibère reste auprès de son père jusqu'en 33 av J.-C., date du décès de Claudius Nero. Chargé de prononcer l'éloge funèbre du défunt - il a alors neuf ans -, Tibère rejoint ensuite la maison d'Auguste.

Sa carrière politique, sans aucun doute favorisée par son appartenance à la famille impériale, est brillante : tribun militaire en Espagne, à l'âge de seize ans (26-25), questeur à 19 ans, préteur à 26 ans, gouverneur en Gaule l'année suivante, il devient consul - plus haute dignité du système républicain - en 13 av. J.-C., soit à l'âge de 29 ans (et une seconde fois sept ans plus tard). De plus, il se fait connaître par ses talents militaires : après une première intervention en Arménie, pour supplanter le roi ennemi de Rome par un allié (une mission mêlant succès romain et échec

5. Les « tria nomina » romaines, de même que la récurrence des surnoms (Tiberius Claudius Nero est autant le patronyme de Tibère que de son père et de son neveu Claude), pouvant dérouter, il est commode de nommer les Romains par des « surnoms ». Ceux-ci peuvent différer, en témoigne l'exemple du successeur de Tibère, que la postérité nomme alternativement « Caius », son prénom, ou « Caligula », un surnom enfantin que lui donnaient les soldats de son père.

6. Toute date peut-être contestée, et il arrive que les historiens admettent des écarts chronologiques assez importants. Si la datation par année est souvent admise, les dates de naissance précises sont plus souvent contestées. Ici, nous suivons les dates avancées par Zingg 2009.

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personnel : l'ennemi aura été éliminé préalablement à son arrivée), il mène la campagne de Pannonie de 12 à 9 av. J.-C., puis celle de Germanie dès 8 av. J.-C. Son frère Drusus bénéficie d'honneurs militaires semblables et une complicité peut être dénotée entre les deux hommes. Cette amitié fraternelle est rompue par le décès de ce dernier en 9 av. J.-C., à la suite d'une blessure accidentelle durant la campagne de Germanie.

En 16 av. J.-C., Tibère épouse Vipsania Agrippina, fille de Marcus Vipsanius Agrippa, l'homme de confiance d'Auguste. De ce mariage, retenu comme heureux, naît un fils, Nero Claudius Drusus, le 07 octobre de l'an 15 (ou 14). Vipsania est enceinte une seconde fois lorsque son père, alors marié à Julie, fille de l'empereur, décède à la guerre en l'an 12. Auguste cherche alors un nouveau mari pour la fille d'Agrippa et le trouve en la personne de Tibère. Celui-ci doit alors divorcer, à contre coeur. Si les premiers temps témoignent d'une harmonie, ne serait-ce que de façade, par la naissance d'un fils mort en bas-âge, la situation se dégrade vite. Julie, déjà mariée deux fois, qui plus est aux héritiers présomptifs de l'empereur (Marcellus puis Agrippa), semble mal s'accommoder d'un mari de second plan, qui n'est alors que le gardien des héritiers (les deux fils aînés qu'elle eut d'Agrippa : Caius et Lucius). Elle se tourne alors vers des amants, tel Iullus Antonius, le fils de Marc Antoine. Lorsque son père l'apprend, Julie est déshéritée et bannie de Rome. Tibère, alors en exil à Rhodes, doit divorcer d'elle en 2 ap. J.-C.. C'est son dernier mariage.

A son adhésion à la maison impériale, Tibère n'est pas prédisposé à succéder à son beau-père. Si Auguste est privé de fils, d'autres prétendants masculins lui sont désignés. A la suite d'une maladie, l'empereur craint de voir disparaître l'oeuvre de sa vie si un héritier ne vient la perpétuer. Il favorise alors son neveu Marcellus (fils de sa soeur aînée, Octavie), alors adolescent, en le mariant à sa fille. Mais cet héritier présomptif décède peu de temps après, à l'âge de 19 ans. Auguste rappelle alors Marcus Agrippa, un militaire brillant qui fait partie de ses amis les plus fidèles. Mais il ne survit pas non plus à l'empereur, lui laissant néanmoins quatre petits-enfants (dont un fils posthume, que la postérité retient comme Postumus Agrippa). Auguste peut désormais user de descendants mâles directs, les « Princes de la Jeunesse ». Néanmoins, ceux-ci sont encore des enfants (l'aîné, Caius, est âgé de huit ans au décès de son père). L'empereur charge donc son plus proche parent adulte, Tibère, de devenir le beau-père des Princes, chargé de la régence s'il venait à mourir avant que ses petits-enfants prennent la toge virile.

S'il n'est alors qu'un héritier de second plan, Tibère est chargé d'une tâche gratifiante : il a suivi un cursus honorum brillant, est reconnu comme un homme capable et veille sur le garçon chargé de

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devenir le second prince de Rome. Mais, à la surprise des Romains, Tibère décide d'abandonner ses fonctions et de se retirer sur l'île de Rhodes pour y prendre sa retraite. Désormais privé de toute reconnaissance publique, il reste exilé durant huit années. Durant ce laps de temps, les Princes de la Jeunesse ont péri : Lucius se noie près de Massilia, Caius meurt en Orient. Auguste, ne pouvant plus user de Julie pour rattacher un nouvel héritier à sa famille, n'a plus que deux prétendants pour lui succéder : Tibère qui, malgré leur inimitié, est reconnu comme compétent et son dernier petit-fils, Postumus Agrippa, considéré comme intellectuellement inapte. Il adopte alors son beau-fils le 26 juin de l'an 4 ap. J.-C. La situation reste la même durant les dix années suivantes.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard