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Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes. Cas du rapport avec la République Dominicaine, les Etats-Unis et le Chili.


par Roodly RICHARD
Ecole de Droit et des Sciences Economies des Gonaives (UEH)  - Licence 2015
  

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1.5 Impact des travailleurs migrants sur le plan juridique :

Les débats sur les politiques migratoires ne se déroulent pas dans un vide juridique, dans un espace de non-droit où règnerait la raison d'État. Des principes, des textes et des outils existent, notamment pour un internationaliste. Certes l'audace de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 est toute relative lorsqu'elle proclame à l'article 13, alinéa 2, que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays »77. Cette liberté d'aller et venir n'implique pas une obligation pour les pays tiers, en dehors de l'hypothèse du droit d'asile, qui est prévue à l'article 14, alinéa 1 : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays78 » Tout au plus doit-on relever que ce droit de bénéficier de l'asile n'a pas pour contrepartie une obligation incombant à un État déterminé, même si la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, consacrant le principe de non-refoulement, fait peser ce poids sur le pays de premier asile.

Les politiques d'harmonisation européenne n'ont que trop tendance à aborder en même temps les questions d'asile et d'immigration en voyant dans les demandeurs d'asile des immigrants clandestins pour qu'il soit nécessaire de souligner qu'il s'agit là de deux problématiques différentes et de deux régimes juridiques distincts. Dans notre contribution, nous nous en tiendrons à la question générale des droits de l'homme des étrangers et notamment des migrants.

Rares sont les travaux consacrés à la question migratoire en Méditerranée sous un angle juridique qui tiennent compte de l'influence normative européenne sans la survaloriser. D'autres, plus nombreux, répondent à des commandes institutionnelles et relèguent au second plan la problématique de la convergence normative pour porter leur attention sur la description des dispositifs législatifs et réglementaires à l'oeuvre dans les différents foyers migratoires nationaux. Il nous semble, malgré des différences de fond certaines, que les premiers comme les seconds s'appuient sur des présupposés théoriques qui considèrent le droit, au mieux comme un reflet du politique, au pire comme un instrument à son service.

77 Emmanuel Decaux, Droits des travailleurs migrants et droit international des droits de l'Homme Dans Migrations Société 2008/3-4 (N° 117-118), pages 185 à 198. http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm

78 Ibidem

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Cette politique est, en l'occurrence, dicté par un acteur puissant en Méditerranée : l'Union européenne.

De ce fait, la marge de manoeuvre des États du littoral sud de Méditerranée occidentale se trouverait réduite à néant et, par suite, le législateur aurait, dans ces pays, une sorte de compétence liée ou, pour utiliser le vocabulaire idoine, une souveraineté limitée. S'il convient de leur donner raison quant à l'intérêt soudain manifesté, nolens volens, par les États du Maghreb pour la « chose juridique » en matière migratoire, on ne saurait suivre plus avant leur raisonnement sauf, d'une part, à escamoter la dimension géopolitique qui imprègne fortement les relations Euro-méditerranéennes et, d'autre part, à nier toute autonomie normative aux systèmes juridiques autochtones et, au-delà, à la règle juridique en général79 .

La production de la norme juridique en matière migratoire en Méditerranée met à nu plusieurs réalités. Tout d'abord, celle de la communautarisation des politiques d'immigration et d'asile soumise, non pas comme c'était l'objectif tracé à Tampere à des standards élevés en matière de protection des droits de l'homme mais à des standards a minima imposés par les États. L'harmonisation normative qui en était attendue est ainsi distillée dans une politique « utilitariste » conduite par les États réduisant l'asile à l'immigration et celle-ci à l'illégalité.

Ensuite, elle montre la complexité du processus « d'exportation » de la norme juridique et des limites de son « implantation » dans des environnements politiques et institutionnels nationaux différents, particulièrement dans le domaine sensible de la « surveillance et du contrôle » des étrangers, domaine toujours corrélé à la souveraineté nationale qui, dans bien des cas, est mâtinée d'autoritarisme80.

79 Hocine Zeghbib, « Normativité juridique et géopolitique des migrations en Méditerranée », Méditerranée, 113 | 2009, 93-104.

80Hocine Zeghbib, Normativité juridique et géopolitique des migrations en Méditerranée , Méditerranée [En ligne], 113 | 2009, mis en ligne le 31 décembre 2011, consulté le 08 juillet 2019. URL : http://journals.openedition.org/mediterranee/3741

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Critiques de la prise de position.

Sur le plan socioéconomique, d'anciens émigrés aspirent à rentrer (définitivement ou périodiquement) en Haïti, mais les conditions de la concurrence sont faussées. Les règles éthiques de compétition loyale non seulement font défaut dans le système économique traditionnel haïtien, mais surtout les structures familiales archaïques sont entretenues par des groupes hégémoniques qui profitent de la grave fracture socioéconomique du pays. Des banques commerciales haïtiennes liées principalement au secteur de l'importation (et moins à l'investissement productif) trouvent leur compte dans les transferts financiers des émigrés et utilisent ces devises pour compenser le déficit presque constant de la balance commerciale d'Haïti. Selon la Banque inter-américaine de développement (BID), en 2006 les émigrés haïtiens ont transféré la somme de 1,65 milliard de dollars américains vers leurs familles restées en Haïti.

Dans cette perspective, la crise haïtienne c'est aussi le retour (périodique) potentiel de nouveaux acteurs «rémigrés» exigeant une démocratisation du champ économique et la peur des tenants d'un système mercantile mafieux (centralisé principalement à Port-au-Prince) qui ne jurent que par la franchise douanière, l'argent rapide et le financement des troubles sociopolitiques. La décennie 1990 a montré qu'un embryon de groupes d'acteurs économiques transnationaux haïtiens émerge et manifeste sa volonté d'être actif entre les sociétés de départ et d'arrivée. Cela engendre des changements sociaux profonds dans le mode de consommation, d'habillement, etc., par l'accès aux liquidités monétaires et les transferts de nourriture des membres d'une famille, installés en Floride par exemple, vers le reste de la famille habitant les zones rurales en Haïti. Les mouvements de population ont non seulement largement «dédensifié» les campagnes, mais surtout beaucoup de ceux qui y habitent sont, en matière d'habitat et de nouvelles pratiques socioéconomiques, touchés par les rémigrations. Ainsi, les transferts financiers de l'étranger vers les zones rurales haïtiennes rendent le paysan tributaire de ces transferts d'argent. Pour vivre, il est obligé de suivre de manière périodique les fluctuations des devises américaine, canadienne (le dollar de Miami et de Montréal) et européenne (l'euro de Cayenne) par rapport à la monnaie haïtienne (la gourde) pour dégager des marges de manoeuvre financières et réaliser ses projets individuels , dans un va-et-vient identitaire entre les campagnes et les

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bidonvilles en Haïti. Les transferts financiers transnationaux et leurs conséquences socioéconomiques détruisent donc le sens du « pays en dehors », puisque le paysan haïtien malgré lui et à cause de l'émigration familiale au cours de plusieurs décennies est connecté au jeu spéculatif du marché financier international, même si c'est par le bas.

En Méditerranée, plus particulièrement dans sa partie occidentale, se joue, pour le contrôle des mouvements migratoires, une partie d'échec à double entrée : verticalement entre les États littoraux du nord et ceux du sud, horizontalement entre les membres de chacun de ces deux sous-ensembles étatiques ce qui n'est pas sans incidence sur les politiques migratoires de ces États pris séparément et sur leur traduction législative et réglementaire81.

En tous temps et en tous lieux, les migrations entraînent l'extension des réseaux de populations, d'informations, et de biens au-delà du territoire de l'État. En partant d'un pays pour un autre, les migrants se déplacent d'une société au territoire d'un autre État, ce qui produit une convergence des sociétés. La manière de comprendre ce déplacement dépend du lieu depuis lequel on l'observe. Du point de vue des États récepteurs et de leurs peuples, la migration entraîne l'arrivée ici, de personnes étrangères qui auraient dû rester là-bas, dans les terres étrangères.

Les migrants, en revanche, se trouvent entre les deux rives, une situation qui leur fournit des ressources qui comptent dans les relations avec les parents, les communautés, et l'État du lieu d'origine. Cependant, bien que dans les relations avec ceux qui restent là-bas les migrants tirent des avantages de leur mouvement d'un pays à l'autre, la condition d'étranger soit dans le sens social, soit dans le sens juridique les laisses vulnérables82.

81 Cf. Hocine Zeghbib, « Normativité juridique et géopolitique des migrations en Méditerranée », Méditerranée, 113 | 2009, 93-104.

82 Roger Waldinger, La politique au-delà des frontières : la sociologie politique de l'émigration, FMSHWP-2012-20, septembre 2012.

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