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Du contrôle des actes non législatifs du parlement: cas des résolutions portant sur la levée des immunités


par Prophète ZIRHENG'EBWIRA CIRIMWAMI
Université Catholique de Bukavu  - Graduat  2021
  

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE

UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU

UCB

FACULTE DE DROIT

TROISIEME ANNEE DE GRADUAT EN DROIT PUBLIC

TRAVAIL DE FIN DE CYCLE

DU CONTROLE DES ACTES NON LEGISLATIFS DU PARLEMENT

CAS DES RESOLUTIONS PORTANT SUR LA LEVEE DES IMMUNITES

Présenté en vue de l'obtention du diplôme de graduat

Par ZIRHENG'EBWIRA CIRIMWAMI Prophète

Dirigé par l'assistant BULANGALIRE BIRINDWA Espoir

ANNEE ACADEMIQUE 2020 - 2021

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DEDICACE

A mes très chers frères

Maxime Cirimwami Nyunguzacebweru et Prophile Cirimwami Kamole

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REMERCIEMENT

Une oeuvre scientifique n'étant jamais le fruit des seuls efforts personnels, cela est encore plus vrai dans le cadre du présent travail qui est le résultat conjugué de plusieurs personnes dont la liste ne saurait exhaustivement être indiquée.

Un sentiment d'une sincère gratitude au Dieu tout puissant ;

A mes très chers parents : Papa Cirimwami Cebweru Prosper et Maman Namakuta Nkuba Générose pour tous les sacrifices consentis

A tous mes frères et soeurs :

Maxime Cirimwami Nyunguzacebweru

Prophile Cirimwami Kamole

Cyrile Cirimwami Ndusa

Vivien Cirimwami Irenge

Gaëlla Cirimwami Binja

Atoinette Cirimwami Antonya

Joëlle Cirimwami Mwangaza

Joseph Cirimwami Mukuru

Jean Cirimwami Cirho, pour toutes les privations endurées;

A tous mes enseignants, spécialement l'assistant Bulangalire Espoir sous la direction de qui ce travail a été réalisé ;

A tous les amis et

A tous ceux qui ont porté leur pierre à l'édifice pour l'accomplissement de ce travail.

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INTRODUCTION GENERALE

Se définissant à partir des rapports existants entre les différents organes de l'Etat, selon qu'il y a séparation ou concentration des pouvoirs1, le système politique du Congo connait, depuis son accession à l'indépendance, pas mal d'embrouilles relativement à la séparation des pouvoirs. C'est tantôt, à titre illustratif, le cas du législatif pour lequel l'action du judiciaire à l'égard de ses membres est subordonnée à une autorisation préalable de celui-ci.

En effet, notre Loi fondamentale, la Constitution de la RDC, organise trois types de pouvoirs : le pouvoir législatif auquel participe le parlement, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, le Sénat ainsi que les Assemblées provinciales ; le pouvoir exécutif auquel participent le Président de la République et le gouvernement et enfin le pouvoir judiciaire auquel participent les Cours et Tribunaux. Elle consacre, sans s'attarder aux deux derniers, que le pouvoir législatif congolais exerce principalement deux rôles, notamment celui de l'élaboration des lois (dans le respect de leur domaine) et donc un rôle législatif mais aussi celui de contrôler le gouvernement et l'administration.2 Dans son rôle législatif, le parlement vote les propositions et les projets des lois : selon, pour le premier cas, qu'elles émanent de ses membres ou, pour le second, qu'ils émanent du gouvernement.

C'est bien même au regard de la noblesse de ces missions qu'assurent les parlementaires que, suivent l'article 107 de la Constitution, ceux-ci sont nantis d'une protection légale, appelée immunité3, cela dans le but de leur permettre d'exercer lesdites missions dans toute l'indépendance requise. Pour ce faire, les parlementaires bénéficient de deux types d'immunités. D'une part, l'irresponsabilité qui est une immunité de fond en vertu de laquelle

1 P.-R. NAMEGABE, Droit constitutionnel congolais, Cours, Bukavu, UCB, 2019-2020, p. 42

2 Article 100, Constitution de la république démocratique du Congo modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la constitution de la république démocratique du Congo du 18 février 2006, JORDC, n° spécial, 2011

Voir article 2, 23.14 et 23.21, Règlement intérieur de l'assemblée nationale, JORDC, 2019

Voir aussi P.-R. NAMEGABE, Ibidem, p. 65

Voir aussi G. Cornu, Vocabulaire juridique, 3ème éd. revue et augmentée, Paris, 1992, p. 577

3 Article 107, Constitution de la RDC, Ibidem.

« Aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.

Aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas.

En dehors de sessions, aucun parlementaire ne peut être arrêté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'Assemblée nationale ou du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive.

La détention ou la poursuite d'un parlementaire est suspendue si la Chambre dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours »

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le parlementaire est définitivement soustrait à toute action judiciaire tant civile que pénale pour les opinions ou votes émis dans l'exercice de ses fonctions4 ; et de l'autre, l'inviolabilité qui consiste dans une immunité de procédure en vertu de laquelle un parlementaire ne peut être poursuivi pénalement, arrêté ou détenu, en dehors du cas d'infraction flagrante, que si la chambre dont il fait partie y consent.5 Et lorsque celle-ci n'est pas en session, il faut obtenir l'autorisation de son bureau.6

Il peut donc clairement être déduit de ce qui précède que lorsqu'un parlementaire est poursuivi du chef d'une infraction, il ne pourra être posé contre lui des actes d'instruction qu'après l'autorisation de la chambre dont il relève quelles que soit la nature et la gravité du crime qu'il aura commis.

Néanmoins, et revenant au fil d'idée, si le rôle de légiférer est l'une des missions principales du parlement, il convient de préciser, conformément à l'article 24 du Règlement d'ordre intérieur de l'Assemblée Nationale, qu'à côté de celui-ci, les Assemblées législatives ont aussi, dans l'exercice de leurs fonctions, le pouvoir de prendre des actes non législatifs.7 Ici, le règlement parle des résolutions, des recommandations, des motions de censure ou de défiance, ainsi que des motions d'approbation.

Signalons aussi d'emblée, et sans s'y attarder, que bien que n'ayant pas reçu la fonction d'administrer, les assemblées législatives posent quand-même parfois des actes administratifs, notamment en nommant des fonctionnaires, en réalisant des travaux (peinture, entretient,...), en concluant et en attribuant des marchés publics,... Ceux-ci peuvent être qualifiés d'actes administratifs et n'ont, par conséquent, pas à être admis à la censure du juge judiciaire.8 Il n'y aura donc pas ici obstacle de principe à la compétence du juge administratif à leur égard.9

Cependant, il y en a d'autres dont l'appréciation reste ambigüe car de nature politique et, théoriquement parlant, ne sont pas admis à la censure du juge administratif, mais dont la compétence n'est tout aussi pas reconnue au juge judiciaire. C'est notamment l'exemple des

4 G. Cornu, Vocabulaire..., « Op. Cit. », p. 449

5 Idem, p. 447

6 P.-R. NAMEGABE, « Op. Cit. », p. 63

7 Article 24, Règlement intérieur de l'assemblée nationale, Ibidem Voir Article 10, Règlement intérieur du Sénat, JORDC, 2019

8 W. BUSANE, Droit administratif et institutions administratives, Cours, Bukavu, UCB, 2020-2021, p. 56

9 Idem, p. 240

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résolutions portant sur la levée des immunités, et c'est bien ce qui nous intéresse dans le cadre de cette recherche; des recommandations, des motions de censure ou de défiance, ainsi que des motions d'approbation.

En effet, suivant l'article 24 du règlement d'ordre intérieur de l'Assemblée nationale, « La résolution est l'acte de l'Assemblée nationale relatif à son organisation, à son fonctionnement, à sa discipline interne et à la levée de l'immunité parlementaire ainsi qu'à la mise en accusation des personnes dont la compétence lui est dévolue par la Constitution ».10 Et selon Gérard Cornu, elle consistent dans une « délibération adoptée par une assemblée parlementaire, en dehors de la procédure de l'élaboration des lois, en vue de prendre une décision d'ordre intérieur ayant trait au fonctionnement et à la discipline de l'assemblée, ou créer une commission d'enquête ou de contrôle, ou décider une mise en accusation devant la Haute cour de justice. »11

Ceci dit, il est admis que seule la chambre du parlementaire concerné peut autoriser ses poursuites et il en ressort qu'aucune mesure judiciaire ne peut être accomplie à son égard sans avale «politique» préalable de ladite chambre ou du bureau de celle-ci selon le cas. A cet effet la question est de savoir si, avec un égard au principe de l'égalité de tous devant la loi, le pouvoir reconnu au parlement de décider des poursuites de ses membres ne consiste pas en une ingérence du pouvoir législatif sur le pouvoir judiciaire ?

Par ailleurs, il est entendu que la plénière, conformément à l'article 23 du règlement d'ordre intérieur de l'assemblée nationale, a compétence à statuer sur les demandes de levée des immunités d'un parlementaire (député national) présumé auteur d'une infraction. Celle-ci procède dans ce cas, et conformément à l'article 24 alinéa 2 du règlement susvisé, par voie d'une décision non législative, c'est à dire la résolution, telle que prévue à l'article 24.12 Ainsi quel est le contrôle possible à être exercé sur les résolutions parlementaires ainsi adoptées ?

Ces questions et tant d'autres nous permettront d'analyser complètement notre thème dont l'intérêt est manifeste.

10 Article 24 alinéa 2, Règlement d'ordre intérieur de l'assemblée nationale, « Op. Cit. »

11 G. Cornu, « Op. cit. », p. 722

12 Article 24, Règlement intérieur de l'assemblée nationale, Ibidem « Dans les matières non législatives, l'Assemblée plénière statue par voie de résolution, de recommandation, de motion de censure ou de défiance, ainsi que de motion d'approbation.

La résolution est l'acte de l'Assemblée nationale relatif à son organisation, à son fonctionnement, à sa discipline interne et à la levée de l'immunité parlementaire ainsi qu'à la mise en accusation des personnes dont la compétence lui est dévolue par la Constitution.

... »

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HYPOTHESES

En empruntant les termes du professeur José Tasoki, « Aucun problème posé en droit ne peut rester sans solution. On peut toujours, à défaut, imaginer une solution boulevard, pourvu que le problème ne reste pas insoluble ».13

Cela dit, reconnaitre au parlement un pouvoir discrétionnaire de décider de la poursuite de ses membres serait, à première vue, une ingérence du pouvoir législatif sur celui judiciaire car il met déjà en mal l'application du principe de l'indépendance de la justice. Bien au-delà, ce pouvoir instaure, par les immunités parlementaires, une protection qui creuse un certain écart entre les citoyens et qui risquerait d'affaiblir le principe de l'égalité devant la loi.

En outre, les résolutions parlementaires étant des actes politiques, comme tous les autres actes non législatifs du parlement, celles-ci devraient être soumis à la censure du juge constitutionnel car c'est la Constitution qui régule la vie politique d'un pays et, à cet effet, la Cour constitutionnelle en est la gardienne.

INTERET DU SUJET14

Dans un premier temps (intérêt pédagogique), cette recherche contribue effectivement à notre formation de juriste dans la mesure où elle nous permet d'approfondir aussi considérablement les notions apprises dans les cours de Droit Constitutionnel, de Droit pénal général, de la procédure pénale, bien évidemment de l'initiation à la recherche scientifique et bien d'autres cours dont nous ne pouvons apporter la liste exhaustive .

Ensuite (intérêt scientifique), il s'avère beaucoup plus utile de creuser davantage pour ressortir le sens compréhensible de la résolution de levée des immunités parlementaires, afin de bien cerner la portée réelle de cette règle qui perturbe le principe sacré de l'égalité des citoyens devant la loi.

et Enfin (intérêt social), la compréhension de la portée exacte de cette résolution présente un intérêt évident de permettre aux juristes de lever la confusion qui se prévaut sur le contrôle auquel elle est soumise.

13 J. Tasoki Manzele, « Rejet par le Sénat de la levée d'immunité de Matata Ponyo : quelle lecture juridique ? », Trouvable sur https://actualite.cd/index.php/2021/06/18/rejet-par-le-senat-de-la-levee-dimmunite-de-matata-ponyo-quelle-lecture-juridique, consulté le 18 juin 2021 à 17h

14 A. NYALUMA MULAGANO, Initiation à la recherche scientifique, Cours, Bukavu, UCB, 20142015, p. 61

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DELIMITATION DU SUJET

Cette étude se bornera sur l'analyse des instruments juridiques nationaux, spécialement la Constitution de la RDC à partir de 2006, année de son adoption. Exceptionnellement il pourra être fait recours aux textes externes dans le but d'apporter un maximum de lumière à notre travail.

Ce travail sera envisagé dans un cadre restreint qui concerne uniquement les parlementaires.

METHODOLOGIE15

Au cours de ce travail nous aurons à suivre la méthode juridique dans une approche systématique qui consiste à éclairer le sens du texte par le contexte juridique dans lequel il se situe16.

15 A. NYALUMA MULAGANO, « Op. Cit. », p. 31

16 Idem, p. 32

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PLAN SOMMAIRE

Au regard de la complexité du sujet de recherche, le présent travail sera circonscrit en deux chapitres.

Le premier traitera des considérations générales sur les actes non législatifs du parlement et de l'effectivité du principe de l'égalité de tous devant la loi et le second du contrôle des actes non législatifs du parlement.

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CHAPITRE I : CONSIDERATIONS GENERALES SUR LES ACTES NON LEGISLATIFS DU PARLEMENT et EFFECTIVITE DU PRINCIPE DE L'EGALITE DE TOUS DEVANT LA LOI

Le parlement constitue, suivant la réalité constitutionnelle de la République Démocratique du Congo, le pouvoir législatif. Aux termes de l'article 100 de ladite Constitution, le parlement est composé de deux chambres : l'Assemblée Nationale et le Sénat.17 Leurs membres sont appelés parlementaires, ceux-ci représentent la nation18 et ont, selon la disposition constitutionnelle précitée, pour principales missions de voter les lois et de contrôler l'administration, c'est-à-dire le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et les services publics.19

Cependant en analysant plus attentivement cette disposition, nous nous rendons compte qu'elle ne fait allusion qu'aux seules missions principales du parlement. Ceci nous amène à une curieuse interrogation sur l'existence d'autres missions spécifiques qui seraient reconnues au parlement. A cet effet, suivant l'article 23 du Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale qui prévoit une panoplie de matières dont les actes relèvent de la compétence de celle-ci, il est fait égard, à côté desdites missions principales, notamment du pouvoir de légiférer et conformément aux articles 24 du règlement précité et 10 du règlement intérieur du Sénat, à un pouvoir de prendre des actes non législatif dont nous passerons en détail dans les lignes ci-après. Il s'agit des recommandations, des motions de censure ou de défiance, des motions d'approbation et enfin des résolutions.

Section 1. LES ACTES NON LEGISLATIFS DU PARLEMENT et LES MODALITES DE LEUR ADOPTION

§. 1. LA RECOMMANDATION

Si, au sens littéraire, recommander veut dire ordonner à quelqu'un ou le prier avec insistance de faire quelque chose, il convient de dire que le Droit congolais n'en dispose pas du tout le contraire. Celui-ci dispose que l'Assemblée nationale est compétente pour adopter les recommandations mais aussi pour en évaluer l'application.20

17 Article 100, al. 1, Constitution de la RDC, « Op. Cit »

18 H. PORTELLI, Droit constitutionnel, 9ème éd., Paris, Dalloz, 2011, p. 280

19 Article 100, al. 2, Constitution , Ibidem

20 Article 23.22 et 23.23, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, « Op. Cit »

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En effet, la recommandation est un acte non législatif par lequel l'Assemblée Nationale ou le Sénat conseille ou demande avec insistance au Gouvernement, aux entreprises publiques, aux établissements et services publics d'agir dans un sens donné sur une matière déterminée.21 Celle-ci peut être initiée par l'Assemblée plénière, le Bureau de l'Assemblée nationale, les commissions, les groupes parlementaires ainsi que par les députés, individuellement ou collectivement.22 Pour ce faire, une commission est créée au sein de l'Assemblée nationale pour le suivi, l'évaluation et l'exécution desdites recommandations.23

Notons en fait que les recommandations interviennent aussi très souvent dans le cadre parlementaire et peuvent notamment venir en suite d'une information fournit par un député soit sur des faits d'actualité ou sur des faits personnels.24 C'est aussi le cas en matière des vacances parlementaires dont les rapports sont exploités par une commission spéciale et temporaire qui en établit un rapport qu'elle soumet à l'Assemblée plénière et celle-ci, après analyse et traitement, peut l'assortir des recommandations ; lesquelles recommandations doivent, lorsqu'elles contiennent des propositions de sanctions, être exécutées dans les trente jours qui suivent la transmission du rapport au Président de la République, au Premier ministre ou au ministre du secteur concerné. A défaut d'exécution, le Président de l'Assemblée nationale peut saisir l'autorité judiciaire pour l'exécution des sanctions qui relèvent de ces recommandations conformément à la loi.25

Les recommandations sont également envisageables dans le cadre d'une interpellation. Celle-ci est une demande d'explication adressée au Gouvernement ou à ses membres, aux gestionnaires des entreprises publiques, des établissements et des services publics les invitant à se justifier, selon le cas, sur l'exercice de leur autorité ou sur la gestion d'une entreprise publique, d'un établissement ou d'un service public. Ainsi à la fin de procédure d'interpellation, celle-ci peut donner lieu à des recommandations de l'Assemblée nationale.26 Disons que ces dernières font l'objet d'un rapport approuvé par l'Assemblée plénière et transmis par le Bureau de l'Assemblée nationale, selon le cas, au Président de la République, au Premier ministre et au ministre de tutelle dans les soixante-douze heures

21 Article 24, al. 3, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, « Op. Cit » Article 10, al. 3, Règlement intérieur du Sénat, « Op. Cit »

22 Article 24, al. 7, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, Ibidem

23 Article 42.9, Idem

24 Article 83, Idem

25 Article 137, Idem

26 Article 197, Idem

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suivant la clôture du débat. Ainsi lorsque les recommandations envisagées suivant cette démarche contiennent des propositions de sanctions et que dans les trente jours qui suivent la transmission du rapport au Président de la République, au Premier ministre et au ministre de tutelle, ces sanctions ne sont pas prises, le Président de l'Assemblée nationale saisit l'autorité judiciaire compétente pour leur exécution conformément à la loi.27

Cela dit, signalons qu'à la fin de chaque cession, le bureau de l'Assemblée nationale présente un rapport détaillé sur l'exécution des recommandations. Celui-ci prend toutes les dispositions utiles en vue de la mise en oeuvre effective des recommandations adoptées au cours des assises interparlementaires au sein desquelles l'Assemblée nationale a été représentée. Ledit bureau a, dans tous les cas, l'obligation de transmettre les textes desdites recommandations aux différentes autorités nationales concernées dans les huit jours ouvrables qui suivent le dépôt du rapport.

§. 2. LA MOTION

La motion est, selon Gérard CORNU, une résolution prise par l'une des Assemblées parlementaires, en dehors de la procédure d'élaboration des lois et ayant pour objet d'édicter une mesure d'ordre intérieur, non permanente ou d'exprimer un voeu d'intérêt général.28 Signalons, avant le développement de chacune d'elles, que le Droit congolais consacre trois types de motions, il s'agit de la motion de censure, de celle de défiance et enfin de la motion d'approbation.

A. La motion de censure

Suivant Gérard CORNU, la motion de censure est un acte par lequel l'Assemblée Nationale exprime sa défiance au Gouvernement et le contraint à se retirer.29

En effet, le parlement est compétent pour mettre en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure.30 Celle-ci est, suivant le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale, un acte non législatif par lequel ledit Assemblée met en cause la responsabilité du gouvernement conformément à la Constitution.31

27 Article 198, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, « Op. Cit »

28 G. Cornu, Vocabulaire...,« Op. Cit. », p. 525

29 Idem, p. 122

30 Article 23.26, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, Ibidem

31 Article 24, al. 5, Idem

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Ainsi comme les recommandations, les motions de censure, comme toutes les autres d'ailleurs, interviennent souvent dans le cadre parlementaire. C'est ainsi, tel que définie à l'article 192 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale, que même une interpellation peut donner lieu à une motion de censure.32

En effet, la motion de censure est signée par un quart des membres de l'Assemblée nationale et elle est ainsi inscrite à l'ordre du jour de la séance plénière la plus proche, dans les soixante-douze heures, au cours de laquelle, sans qu'aucun nouveau débat ne soit ouvert, l'Assemblée plénière doit procéder à son vote.

En outre, la motion de censure est également envisageable dans le cadre d'une déclaration de politique générale ou de vote d'un texte par lequel le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement sur son programme. En fait, ladite déclaration ou texte est considéré comme adopté dans son entièreté, à défaut il s'en suit une motion de censure conformément à l'article 46 de la Constitution.33

Etant enfin un acte de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement, la motion de censure se constate par sa remise au Président de l'Assemblée nationale par ses signataires. Celle-ci n'est recevable que si elle est signée par un quart au moins des membres de l'Assemblée nationale ; elle est ensuite adoptée par la majorité absolue des membres composant la chambre et lorsqu'elle est rejetée, ses signataires ne peuvent plus en proposer une nouvelle portant sur le même objet au cours de la même cession. Cependant lorsqu'elle est adoptée, le Gouvernement est réputé démissionnaire, et dans ce cas, le Premier ministre remet la démission du Gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre heures.

B. La motion de défiance

Elle est, comme les autres précédemment énumérées, un acte pris dans les matières non législatives du parlement et par lequel l'Assemblée nationale met en cause la responsabilité d'un membre du gouvernement conformément à la Constitution.34 Cette motion est envisageable comme sanction lorsqu'un membre du Gouvernement se soustrait à l'obligation de répondre à une question orale ou écrite posée par un député conformément au

32 Article 197, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, « Op. Cit »

33 Article 213, Idem

34 Article 24, al. 6, Idem

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Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.35 Elle est également envisageable en cas d'interpellation faite à un membre du Gouvernement. En effet, lorsqu'une interpellation donne lieu à une motion de défiance, celle-ci est, pour être recevable, signée par un dixième au moins de membres composant la chambre. Après cette formalité, ladite motion est alors inscrite à l'ordre du jour de la séance plénière la plus proche, soixante-douze heures au plus tard ; et comme pour la motion de censure, l'Assemblée plénière procède au vote de la motion sans qu'aucun nouveau débat ne soit ouvert au cours de la séance convoquée à cet effet.36

Ainsi, contrairement à la motion de censure, le vote de la motion de défiance ne met en cause que la responsabilité d'un seul membre du Gouvernement. Elle est néanmoins, comme celle de censure, constatée par sa remise au Président de l'Assemblée du document portant son intitulé par ses signataires. Enfin lorsqu'une motion de défiance est votée, le membre du Gouvernement contre lequel elle a été votée est réputé démissionnaire.

C. La motion d'approbation

Il s'agit également d'un acte non législatif du parlement par lequel l'Assemblée Nationale approuve le programme du gouvernement et investit celui-ci.37

§. 3. LA RESOLUTION

La résolution consiste dans une délibération adoptée par une assemblée parlementaire, en dehors de la procédure de l'élaboration des lois, en vue de prendre une décision d'ordre intérieur ayant trait au fonctionnement et à la discipline de l'assemblée, ou créer une commission d'enquête ou de contrôle, ou décider une mise en accusation devant la Haute cour de justice.38

Ainsi dans le contexte qui est le nôtre, il est reconnu au parlement congolais parmi d'autres compétences, celle d'adopter les résolutions39 et d'en évaluer l'application.40

En effet, au sens des Règlements intérieurs de l'Assemblée Nationale et du Sénat, la résolution est un acte de l'Assemblée nationale ou du Sénat relatif à son organisation, à son

35 Article 173, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, « Op. Cit »

36 Article 198, Idem

37 Article 24 al. 4, Idem

38 G. Cornu, Vocabulaire..., « Op. Cit. », p. 722

39 Article 23.22, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, Ibidem

40 Article 23.23, Idem

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fonctionnement, à sa discipline interne et à la levée de l'immunité parlementaire ainsi qu'à la mise en accusation des personnes dont la compétence lui est dévolue par la Constitution. Une résolution peut être initiée par l'Assemblée plénière, le bureau de l'Assemblée nationale, les commissions, les groupes parlementaires ainsi que par les députés, individuellement ou collectivement. 41 Pour ce faire, il existe au sein de l'Assemblée nationale une commission chargée notamment du suivi et de l'évaluation de l'exécution desdites résolutions.

Précisons à cette suite qu'en matière des immunités parlementaires, la décision d'en accorder la levée, d'autoriser les poursuites judiciaires ou de suspendre celles déjà engagées est adoptée par la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale sous forme de résolution. Néanmoins cette décision ne s'applique qu'aux infractions pour lesquelles la levée de l'immunité parlementaire, l'autorisation des poursuites judiciaires ou la suspension de celles déjà engagées ont été demandées. Ainsi en cas de rejet, une nouvelle demande relative aux mêmes faits et à la même personne n'est plus recevable au cours de la même session.42 Bien au-delà, il est prévu, suivant l'article 137 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale, que le rapport de la commission chargée d'examiner les rapports des vacances parlementaires soit assorti des résolutions de l'Assemblée plénière ; et dans ce cas ledit rapport est transmis au Président de la République, au Premier ministre ou au ministre du secteur concerné.43

De surcroit, la résolution est également un acte de l'Assemblée plénière par lequel peut être créé une commission d'enquête sur proposition soit d'un député, d'un groupe parlementaire, d'une commission permanente, du Bureau de l'Assemblé nationale ou à la demande du Premier ministre. Cette prérogative peut être exercée par le Bureau de l'Assemblée nationale lorsque cette dernière est en dehors de cession et lorsqu'il s'agit d'un cas d'urgence, à charge pour celui-ci d'en informer l'Assemblée plénière à sa prochaine session.44 Ainsi lorsque le rapport de ladite commission est assorti des résolutions de l'Assemblée plénière celui-ci est transmis au Président de la République, au Premier ministre ou au ministre du

41 Article 24, al. 2 et 7, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, « Op. Cit » Article 10, al. 2, Règlement intérieur du Sénat, « Op. Cit »

42 Article 102 al. 6 et 7, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, Ibidem

43 Article 137 al. 5, Idem

44 Article 202, Idem

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secteur concerné.45 Notons ainsi, comme pour les précédents actes, qu'à la fin de chaque session, le Bureau de l'Assemblée nationale présente un rapport détaillé sur les initiatives de contrôle parlementaire, de contrôle budgétaire et, bien entendu, d'exécution des résolutions.46 Il prend enfin toutes les dispositions utiles en vue de la mise en oeuvre effective des résolutions adoptées au cours des assises parlementaires au sein desquelles l'Assemblée nationale a été représentée et dans tous les cas, ledit Bureau est obligé de transmettre les textes desdites résolutions aux différentes autorités concernées dans les huit jours ouvrables qui suivent le dépôt du rapport.47

Section 2. DE L'EFFECTIVITE DU PRINCIPE DE L'EGALITE DE TOUS DEVANT LA LOI

Pour cerner cette question, il nous est très important de faire un grand détour dans la notion générale de l'Etat de droit, laquelle notion nous permettra, à la suite d'analyses d'acceptions de différents auteurs, une déduction débouchant sur l'égalité de tous devant la loi.

§. 1. L'ETAT DE DROIT

Commençant d'abord par comprendre l'Etat, Hans Kelsen, tel que cité par Isidore MFUAMBA et MUKEBA JULIENNE, estime que celui-ci est « une unité normative spécifique et non une entité susceptible d'être appréhendée selon des lois causales; c'est donc la personnification de l'ordre juridique comme volonté super individuelle; et le dualisme de l'Etat et du droit n'est qu'un objet de connaissance juridique48

Ainsi, suivant un point de vue juridique, l'Etat est simplement définit comme étant une personne morale titulaire de la souveraineté et, dans un sens plus étroit et concret, un ensemble des organes politiques.49

Cela dit, l'Etat de droit est, quant à lui, conçu par Hans Kelsen comme un « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve limitée ».

45 Article 208 al. 1, Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, « Op. Cit »

46 Article 211 al. 1, Idem

47 Article 230 al. 1 et 2, Idem

48 I. MFUAMBA MULUMBA et MUKEBA JULIENNE, « La mise en oeuvre de l'« Etat de droit » en RDC : une cuirasse pour la démocratie ou un poignard qui la saigne? », p. 10 Voir https://www.leganet.cd/Doctrine.textes/DroitPublic/Mfuamba%20Mukeba-Etat%20de%20droit-converti.pdf, Consulté le 27 octobre 2021 à 13h

49 S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, 22ème édition, Paris, Dalloz, 2014, p. 435

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En effet, le concept « Etat de droit » est une expression traduite de l'allemand "rechtsstaat". Ce concept est employé pour caractériser un Etat dont l'ensemble des autorités politiques et administratives, centrales et locales, agit en se conformant effectivement aux règles de droit en vigueur et dans lequel tous les individus bénéficient également de la liberté publique et des garanties procédurales et juridictionnelles.50 Ainsi, dans plusieurs systèmes juridiques, tel qu'en France par exemple, cette notion s'incorpore techniquement dans le principe de légalité. Il est donc un concept juridique, philosophique et politique; celui-ci implique la prééminence du droit sur le pouvoir politique dans un Etat, ainsi que l'obéissance de tous, gouvernant et gouvernés, à la loi.51

L'Etat de droit est définit par les Nations Unies, ci-après UN, comme « un principe de gouvernance en vertu duquel l'ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l'État lui-même, ont à répondre de l'observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l'homme. Il implique, d'autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l'égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l'équité dans l'application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l'arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs».52

En effet, suivant la conception de John LOCKE sur la notion de l'Etat de droit, il estime que dans la société (l'Etat) l'homme ne doit pas être soumis à la volonté d'aucun maitre, mais au seul pouvoir législatif établi par le consentement de la communauté.53 La compréhension de cette acception sera facilité par le juriste Léon Duguit pour qui la notion de l'Etat de droit veut tout simplement dire que l'Etat est subordonné à une règle de droit supérieur à lui-même, qu'il ne crée pas et qu'il ne peut pas violer54; c'est qui nous amène à en déduire qu'il doit y exister un droit antérieur et supérieur à l'Etat. Précisons que par cette affirmation,

50 S. GUINCHARD et T. DEBARD, « Op. Cit. », p. 435

51 Voir

https://fr.wikipedia.org/wiki/État de droit#:~:text=L%27État%20de%20droit%20est,concept%20juridique%2 C%20philosophique%20et%20politique.&text=C%27est%20une%20approche%20dans,ou%20bien%20la%20p uissance%20publique., consulté le 27 Octobre 2021 à 11H

52 J.-C. MAKENGA, « Opinion: existe-t-il un Etat de droit en République Démocratique du Congo ?» Voir https://afrique.lalibre.be/49553/opinion-existe-t-il-un-etat-de-droit-en-republique-democratique-du-congo/, Consulté le 23 octobre 2021

53 J. LOCKE, Traité du gouvernement civil, Paris, Garnier Flammarion, 1984, p. 191

54 L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, 1923, p. 587

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monsieur Duguit combattait la thèse de la jurisprudence allemande qui affirmait que l'Etat crée le droit et qu'il n'est pas limité par ce dernier.55 Selon lui, cette thèse conduisait à un absolutisme à l'intérieur mais aussi à une politique de conquête à l'extérieur.

En revanche, Maurice Hauriou lui estime que deux conditions définissent l'Etat de droit. Il dit, premièrement, que le pouvoir politique doit se soumettre au droit qu'il a lui-même créé ; en suite que le droit qui procède du gouvernement et celui qui procède de la tradition coutumière s'expriment dans une forme de droit supérieur qui est la loi.56 Cependant, en analysant sa première affirmation, Hauriou semble aller à l'encontre de Duguit, pour qui le droit doit être antérieur à l'Etat, en disant que c'est le pouvoir politique qui crée le droit bien qu'il consacre aussi la soumission du pouvoir à celui-ci. S'il convient de comprendre le pouvoir politique, tel qu'employé par cet auteur, comme l'Etat, Hauriou estime que celui-ci crée un droit auquel lui-même sera soumis, c'est-à-dire un droit qui l'organise. Cette conception décousue s'explique pour ces auteurs par le fait que pour les uns, Duguit et Locke, ce qui importe c'est la primauté du droit par rapport au pouvoir tandis que pour l'autre, Hauriou, ce qui chaut c'est la stabilité. Ainsi pour lui, l'état de droit est synonyme d'un État soumis au régime du droit (Rechtsstaat)57 qui veut que le droit soit l'émanation du pouvoir politique. Et, reproduisant ses termes, il estime que « l'Etat consiste en un système des situations stables, autrement dit un système des situations d'état. »58

Y faisant suite, deux auteurs, Evgueni Pasukanis et Carl Schmitt, se sont eux opposés à la validité même de la formule "Etat de droit". En effet, pour le premier, l'Etat de droit a été démasqué par l'accentuation de la lutte des classes qui montre qu'il est la « violence organisée d'une classe de la société sur les autres »59; ce qui veut dire, s'il convient d'en déduire le sens, que l'autorité de ceux qui ont le contrôle du pouvoir s'impose à d'autres classes de la société qui doivent tout aussi en porter la charge. Et pour Schmitt, la théorie de l'Etat de droit veut traiter comme norme la loi qui est fondée sur la décision. Pour s'expliquer, cet auteur estime, quand il décrit l'Etat comme fondé sur une décision politique

55 L. DUGUIT, « Op. Cit. », p. 548

56 M. HAURIOU, Principes de droit public à l'usage des étudiants en licence , Paris, Sirey, 1916, p. 27

57 Idem, p. 17

58M. HAURIOU, Précis de droit administratif, 1900, p. 8

59 E. V. PASUKANIS, La théorie générale du droit et le marxisme, Paris, EDI, 1970, p. 138

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et non sur une norme, que l'Etat de droit est une notion mal fondée et que celui-ci est d'abord, si pas seulement, soucieux de la sécurité juridique60.

Cela étant, et prenant en compte, sans s'y attarder, le contexte de notre pays la République démocratique du Congo, la notion de l'Etat de droit apparait dans la Constitution de 2006 déjà dans l'exposé de motif et dans le préambule. L'instauration de l'Etat de droit est, dans l'exposé de motif, repris parmi les préoccupations majeures qui doivent présider à l'organisation des Institutions de la République. La même Constitution y fait allusion dans son tout premier article sous les termes ci-après : « La République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible,... ». Cependant malgré cette triple intervention du concept "Etat de droit" dans notre loi fondamentale, sa mise en oeuvre semble toujours être, comme le soutien d'ailleurs le Dr Jean-Claude Makenga, un slogan de campagne de tout politicien congolais, d'une part pour attirer la sympathie de la population et d'autre part, pour obtenir l'adhésion de cette dernière à son parti politique.61 Cet auteur estime que les lois en RDC ne sont pas encore à ce jour au-dessus de tout individu/citoyen. Ceci peut, dans une certaine mesure, être notamment corroboré par le caractère souvent impopulaire des différentes décisions de justice pour suspicion d'une éventuelle manipulation politique de celle-ci; comme cela a notamment été le cas lors du procès 100 jours à l'issue duquel plusieurs manifestations avaient été organisées par la population en contestation du jugement.

Ainsi à la suite de toutes ces approches présentées ci-haut, notre tendance se rallie spécialement à la conception de monsieur Duguit, pour qui un Etat de droit suppose l'existence d'un droit antérieur et supérieur à l'Etat et auquel ce dernier se soumet. Celui-ci, pour l'effectivité de sa mise en oeuvre, implique l'observation d'un certain nombre de principes, notamment celui de la hiérarchie des règles de droit, celui de la séparation des pouvoirs et, bien entendu, celui de l'égalité devant la loi. Tous ces principes sont, à égal titre, importants et doivent scrupuleusement être observés par un Etat qui se veut être un Etat de droit. Cependant, dans le cadre de cette étude, celui de l'égalité devant la loi intéresse un peu plus notre attention qu'il sera consacré au paragraphe suivant.

60 C. SCHMITT, Les trois types de pensée juridique, Paris, PUF, p. 89

61 https://afrique.lalibre.be/49553/opinion-existe-t-il-un-etat-de-droit-en-republique-democratique-du-congo/ Consulté le 27 octobre 2021 à 14h08

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§. 2. L'EGALITE DEVANT LA LOI

A. CONTENU

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. ... ».62 Cette disposition constitutionnelle pose un principe général sur la non-discrimination des citoyens sur tous les plans.

Il s'agit, tel que défini par GUINCHARD et DEBARD, d'un principe juridique fondamental en vertu duquel tous les citoyens dans la même situation bénéficient des mêmes droits et sont soumis aux mêmes obligations, sans considération de leur origine ou de leurs croyances.63 Celui-ci s'impose tant au législateur qu'aux autorités exécutives.

B. DE SON EFFECTIVITE EN RDC

L'égalité des citoyens devant la loi est, de prime à bord, définie par notre Constitution en des termes ci-après : « tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois64 Ainsi dans le même angle, celle-ci est entendu, suivant Gérard CORNU, comme étant un principe selon lequel tous les citoyens, sans distinction, sont égaux en droit, c'est-à-dire ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.65

Dans la même optique, et s'il convient d'appréhender l'égalité de tous devant la loi suivant les termes de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 tel que citée par Jacques ROBERT pour qui cette égalité suppose que la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse66, et s'il échoit d'en déduire qu'il s'agit d'un principe qui consiste à garantir un même traitement aux situations semblables, il n'est pas erroné de dire que l'application ou alors l'effectivité de l'application dudit principe n'est pas encore à son apogée en République démocratique du Congo.

En effet, avec la protection des parlementaires consacrée par notre Constitution à son article 107, une nouvelle notion juridique a été développée en droit congolais, celle de l'immunité parlementaire. Disons que pour la concrétisation de cette protection liée au statut des parlementaires et afférente au mandat de ceux-ci (s'il s'agit de l'immunité de procédure), les

62 Article 11, Constitution de la RDC, « Op. Cit. »

63 S. GUINCHARD et T. DEBARD, « Op. Cit. »,25ème éd., 2017, p. 856

64 Article 12, Ibidem

65 G. CORNU, « Op. Cit. »,p. 846

66 J. ROBERT, « Le principe d'égalité dans le droit constitutionnel francophone », Trouvable sur https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/le -principe-d-egalite-dans-le-droit-constitutionnel-francophone, Consulté le 28 octobre 2021

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Assemblées législatives ont acquis le pouvoir de décider eux-mêmes de la possibilité de poursuite de leurs membres en procédant par des actes non législatifs pour lever leurs immunités. Il s'agit, pour ce cas précis, de la résolution parlementaire.

Ici toute la question repose sur le fait de savoir si le pouvoir laissé à un organe politique de décider du sort de ses membres devant la justice ne risque pas de déboucher à une sorte d'arbitraire ?

En effet, il est important de préciser que la discrimination devant la loi ne peut toujours pas concerner la race, la religion, la tribu, ... ; celle-ci peut aussi être prise dans un sens un peu plus complexe et concerner l'application même de la loi. Ainsi, comme ci-haut décrit, nous trouverons qu'avec les dispositions de l'article 107 de la Constitution, la loi, dans la procédure comme dans le fond, n'est pas appliqué de manière tout à fait égale à tous les citoyens.

Certes, il n'est pas absurde d'envisager une sorte de discrimination positive à l'égard des parlementaires relativement à la mission représentative qu'ils assurent, dans un but purement objectif de les épargner de toute pression politique dans l'accomplissement de leur tâche. Cependant il conviendrait que ladite discrimination soit laissée à la disposition du juge qui en assurerait lui-même le contrôle pour leur éviter de se trouver dans une situation où eux seuls peuvent décider de leur sort ; ce qui met en mal l'application à égal titre de la justice aux citoyens.

S. 3. CONCLUSION PARTIELLE

La Constitution, dans son exposé de motif, « réaffirme l'indépendance du pouvoir judiciaire dont les membres sont gérés par le conseil supérieur de la magistrature... », et martèle en même temps cette affirmation en retenant le principe de ladite indépendance parmi les principes démocratiques verrouillés, c'est-à-dire ne pouvant faire l'objet d'aucune révision constitutionnelle.67 Dans cette optique, Gérard CORNU, en donnant l'exemple de l'autorité judiciaire, définit quant à lui l'indépendance comme étant la « situation d'un organe public auquel son statut assure la possibilité de prendre ses décisions en toute liberté et à l'abri de

67 Article 220, Constitutions de la RDC, « Op. Cit. »

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toutes instructions et pressions »68. Par déduction, le pouvoir judiciaire est en devoir d'exercer son action en toute souveraineté et cela de la même façon sur tous les citoyens.

Ainsi entendu, s'il échoit de rallier cette notion de l'indépendance du pouvoir judiciaire aux dispositions de l'article 107 de Constitution précitée, ci-après : « Aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas... », nous comprendrons que, s'il n'est pas approprié de qualifier cette attitude de contradiction ou alors d'incohérence que la loi introduit dans la notion de l'égalité de tous devant la loi, il est quand-même remarquable qu'une brèche non négligeable reste ouverte aux parlementaires de pouvoir se soustraire à l'autorité judiciaire. Dans le même angle, notons qu'en laissant aux parlementaires le pouvoir de décider par eux-mêmes de leur poursuite, égard fait au principe suivant lequel « la vie politique n'est guidée que par les intérêts », il conviendra de voir que la procédure de levée des immunités sera toujours asphyxiée chaque fois qu'un quelconque intérêt politique sera en jeu; et c'est là d'ailleurs qu'un nombre important de dossiers concernant les parlementaires se trouvent classés sans suite notamment pour défaut de la levée des immunités laissant ainsi transparaitre une influence (ingérence) de la politique sur la justice.

Ainsi pour éviter de tomber dans l'arbitraire, un tel pouvoir devrait utilement être soumis à un mécanisme de censure. A cet effet, nous examinerons dans le chapitre suivant la possibilité d'exercer un contrôle sur les actes parlementaires qui sont pris en dehors de la procédure législative.

68 G. CORNU, Vocabulaire juridique, « Op. Cit. », p. 1154

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CHAPITRE II : LE CONTROLE DES ACTES NON LEGISLATIFS DU PARLEMENT

La justiciabilité des décisions parlementaires est une question générale qui renvoie notamment à la question du contrôle juridictionnel possible à être exercé sur les actes du parlement qui sont pris en dehors de la sphère législative.

En effet, les actes parlementaires étant qualifiés d'actes politiques, la censure de ceux-ci, en vertu de leur nature « politique », semble, à l'état actuel de la législation en vigueur, échapper et aux juridictions judiciaires et à celles administratives. C'est donc à ce niveau qu'une question convient d'être posée, celle de savoir si ces actes relèvent du pouvoir discrétionnaire du parlement et du coup non soumis à aucun contrôle ? La recherche de la réponse à cette question nous aidera probablement à comprendre dans quelle mesure ces actes peuvent être censurés.

Ceci dit, nous interrogerons plus tard et scrupuleusement le droit positif congolais dans le but de vérifier la juridiction capable d'exercer un contrôle sur les actes politiques du parlement mais signalons d'emblée que cette compétence n'est, à l'état actuelle du droit congolais, reconnue à aucune juridiction, que ce soit de l'ordre judiciaire ou de celui administratif, les deux ordres étant régis par deux lois organiques différentes.69.

Cependant il est constaté, dans la pratique, qu'à plusieurs reprises la tendance a été de recourir à la Cour constitutionnelle, comme cela a notamment été le cas dans l'affaire FONGO DIMANDJA contre l'Assemblée provinciale du Sankuru. 70 Alors président élu du Bureau définitif de l'Assemblée provinciale du Sankuru, Monsieur FONGO DIMANDJA s'était vu déchoir de ses fonctions par une décision de la plénière convoquée à son insu par un ancien rapporteur, ayant déjà perdu son mandat de suite d'avoir quitté le parti sur la liste duquel il était élu, et présidée par son adjoint, le Vice-président du Bureau définitif de l'Assemblée sus évoquée. Ainsi le requérant sollicitait à la Cour constitutionnelle de déclarer inconstitutionnelle les résolutions qui le relevaient de ses fonctions de Président.

69 Respectivement la Loi Organique N° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et la Loi N°16-027 portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre administratif

70 R. Const. 372/414, PONGO DIMANDJA Charles c./ l'Assemblée provinciale du Sankuru, Requête en inconstitutionnalité les résolutions de l'Assemblée provinciale du Sankuru issues des séances plénières du 28 et 29 Octobre 2016

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A cette requête, la Cour avait dans un premier temps, en invoquant les articles 160 et 162 de la Constitution et 43 de la Loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle71, fait constater qu'elle n'était pas compétente pour connaitre du contrôle de constitutionnalité de la résolution d'une Assemblée provinciale ou de quelque autre décision de ladite Assemblée qui ne correspond pas aux actes cités à l'article 43 de la Loi Organique susvisée. D'ajouté, celle-ci renseigna qu'elle n'était pas non plus juge de la conformité de pareils actes au Règlement intérieur de ladite Assemblé.72

Dans la même optique, la même position avait été maintenue dans l'affaire de l'«Habilitation du Bureau d'âge à finaliser le processus d'examen de la pétition contre un membre du bureau et à assurer sa gestion courante jusqu'à la mise en place d'un bureau définitif ». La même Cour, en invoquant les mêmes dispositions, avait indiqué qu'elle ne pouvait connaitre que de la constitutionnalité des traités et accords internationaux avant la ratification, des lois, des actes ayant force de lois, des édits, des règlements intérieurs des Chambres parlementaires, du Congrès et des institution d'appui à la démocratie, ainsi que des décisions administratives ayant un caractère réglementaire ; tel que cela relève de l'article 43 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle.73

Néanmoins malgré son incompétence en la matière tel que décrit ci-haut, la Cour, en se fondant sur l'idéal de l'Etat de droit, avait renseigné, dans le premier arrêt, qu'elle avait décidé de façon répétée, par sa jurisprudence, qu'elle était compétente pour connaitre du contrôle de constitutionnalité des actes politiques d'Assemblées délibérantes mais cela dans l'unique hypothèse où ceux-ci violaient des droits auxquels la Constitution attache une protection particulière et seulement dans les limites desdits droits.74 Dans le second arrêt, celle-ci avait renseigné qu'elle avait un « pouvoir régulateur de la vie politique » en vertu

71 Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle

Trouvable sur

http://www.google.com/search?q=Loi+organique+n%%B013%2F026+du+15+octobre+2013&cli ent=ms-android-sonymobile&ei=zTk6YcPUFYublwT7yLLYBw&oq=Loi+organique+n%%B013%2F026+du+15 +octobre+2013&gs_lcp=ChNtb2JpbGUtZ3dzLXdpei1zZXJwEAMyBQgEIAEMgYIABAWEB4yB QghEKABMgUIIRCgATIFCCEQoAE6AggpUPQoWPalA2DcsANoAHAAeACAAaBOiAGQtgGS AQkzLTluMS45LTSYAQCgAQGwAQ_AAQE&sclient=mobile-gws-wiz-serp

72 R. Const. 372/414, « Op. Cit. », 20-21ème feuillets

73 R. Const. 1438 Assemblée Nationale, Prorogation du mandat du bureau d'âge afin de lui permettre de finaliser la procédure d'examen de la pétition contre un membre du Bureau définitif sortant et l'expédition des affaires courantes.

74 Idem, 20ème feuillets

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duquel, toujours par sa jurisprudence et dans la poursuite de l'idéal de l'Etat de droit, elle avait étendu sa compétence à l'égard des seuls actes d'Assemblées mais sous une double condition. Premièrement l'acte déféré ne doit relever de la compétence matérielle d'aucun autre juge et ensuite le requérant doit alléguer à suffisance la violation d'un droit fondamental auquel la Constitution accorde une protection particulière.

Cela dit, essayons d'analyser ces deux conditions en les rapprochant des actes parlementaires qui font l'objet du travail.

sommaire suivant






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