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Dette du petrocaribe à  l'épreuve des droits économiques et sociaux en Haïti.


par Jean-DonàƒÂ¨s LETANG
Université Catholique de Louvain Saint-Louis-Bruxelles - Master de spécialisation en droits de l'homme 2018
  

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Chapitre II- Impacts de la dette du Petrocaribe sur des droits économiques et sociaux en Haïti

La dette contractée par Haïti au titre du programme de Petrocaribe a impacté considérablement les droits économiques et sociaux de la population haïtienne. Il convient de noter que cette dette porte atteinte aux droits fondamentaux des couches les plus vulnérables. Dans le cadre de ce chapitre, on abordera les conséquences de cette dette sur la réalisation des droits à l'alimentation, au logement, à la santé, à l'éducation et à la sécurité sociale.

2.1-Impacts de la dette du Petrocaribe sur le droit à l'alimentation

La DUDH proclame le droit à l'alimentation en son article 25. Ce droit fondamental est également garanti par la constitution du 29 mars 1987 qui donne une valeur

48. https://www.lepoint.fr-s, Le 22/06/2019

49 . Citer dans Stratégie nationale de Lutte contre la Corruption, Op. Cit., P. 21.

50 . Idem

51 . Voir Stratégie nationale de Lutte contre la Corruption, ibidem, P. 21.

56. Voir CSCCA Rapport d'audit de la gestion du fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit., P. 192, disponible sur le site : https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf, Consulté le 18/05/2019.

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juridique contraignante à l'ensemble des droits fondamentaux énoncés dans la DUDH, au travers de son article 19. Le PIDESC52 en son article 11consacre ce droit fondamental et fait obligation aux Etats parties d'en assurer la pleine garantie. L'observation générale No 12 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels recommande aux Etats de garantir le droit à l'alimentation de toute personne relevant de leur juridiction. Ainsi qu'il est dit au paragraphe 1er de cette observation : « le droit fondamental de toute personne a une nourriture suffisante est d'une importance cruciale pour la jouissance de tous les droits de l'homme »53. Dans le domaine du droit à l'alimentation, il faut noter que Haïti est confrontée par une situation de dumping agricole. Le marché haïtien est complètement envahi par des produits agricoles importés non seulement de la République Dominicaine, Etat avec lequel Haïti partage ses frontières, mais encore par des produits venant des Etats-Unis d'Amérique et de la Chine. Cette importation à outrance dévalorise la production locale. Ce phénomène déstabilisateur du marché local induit des enjeux majeurs sur la vie économique d'Haïti. Ceci est lié au fait que la mondialisation et de la politique de la libéralisation du marché provoquent l'abaissement drastique des taxes à l'importation. Cette politique mise en place déstructure manifestement le marché local et affectent considérablement les producteurs locaux. Car, ces derniers sont incapables de résister aux forces de frappe des entreprises multinationales américaines, chinoises et dominicaines.

En vue de chercher à résoudre le problème du droit à l'alimentation, l'Etat haïtien a décidé de financer des projets avec le fonds du Petrocaribe dans le cadre d'une politique de relance du secteur agricole. Paradoxalement, parmi « les 409 projets financés avec les fonds de ce programme, seulement 11 projets ont été attribués au Ministère de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) »54.Dans le cadre de cette politique publique visant à promouvoir le secteur agricole, il a été mise en oeuvre « un projet d'une valeur de 36 750 000,00 USD instauré à partir de la résolution du 20 septembre 2008 à la suite de 4 cyclones ayant frappé le pays entre le 16 août et le 8 septembre 2008 »55. Ce projet audité par la juridiction administrative, a été bien exécuté de toute évidence par le Ministère de l'Agriculture qui en avait la charge. Une gestion saine des fonds allouées a été assurée. Toutefois, la Cour n'a retracé aucune analyse de la rentabilité et l'impact social du projet alors que le document présentant le Programme d'urgence Post-cyclonique de Relance de la production agricole le prévoyait »56. Ce projet de relance agricole était loin de constituer un levier capable de relancer la production agricole en Haïti. Il n'a pas permis à l'Etat haïtien de respecter ses obligations concernant la protection et la réalisation du droit à l'alimentation dans le pays. Les droits des personnes nécessiteuses se trouvent affecter. Cependant le

52. Olivier De Schutter, Françoise Tulkens et Sébastien Van Drooghenbroeck, Code de droit international des droits de l'homme, 4edit. Bruylant, Bruxelles, P. 22.

53 . Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale no 12, (Vingtième session mai 99), P. 1.

54 . Voir CSCCA Rapport d'audit spécifique de gestion du Fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit., P.40, disponible sur le site : https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf, Consulté le 17/05/2019.

55 . Voir CSCCA Rapport d'audit spécifique de gestion du fonds de Petrocaribe, No 1, Op. Cit., P 191, disponible sur le site : https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf, Consulté le 17/05/2019.

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Ministère de l'agriculture n'a pas ménagé ses efforts visant à respecter ses engagements internationaux en matière du droit à l'alimentation. C'est ainsi que « le MARNDR a mis en place un projet d'appui à la mécanisation du secteur de l'agriculture dans le pays. Ce projet a été autorisé par deux résolutions pris en Conseil des Ministres pour un total de 5 340 030,01 dollars USD soit 227 971 197, 65 HTG »57. Toutefois, l'audit réalisé par les membres de la Cour permet de constater que ce projet n'a pas été selon les normes de bonne gestion de la comptabilité publique. Le budget estimé dans la fiche technique de ce projet est complètement différent de ce qui a été voté dans la résolution du Conseil des Ministres.

Tableau : Budget estimé dans la fiche technique du projet (Source : la CSCCA)

Structure

Montant

Structuration de la mécanisation agricole

20 000 000.00 HTG

Promotion de la mécanisation agricole

180 000 000.00 HTG

Exécution de campagne agricole

14 250 000. 00 HTG

Total du budget

214 250 000.00 HTG

Tout compte fait, il en ressort la gestion la défaillance du MARDR dans la réalisation de ce projet financé par le fonds de Petrocaribe. Parallèlement, la question de sécurité alimentaire s'aggrave chaque jour d'avantage en Haïti. Cette situation permet à tout le moins de reconnaitre que les différents gouvernements haïtiens, gestionnaires de ce fonds n'ont eu manifestement la volonté de relancer la production agricole en vue de garantir le respect, la protection et la réalisation du droit à l'alimentation.

A la lumière « du rapport d'audit de la CSCCA, un projet de construction de silos de stockage pour sécurité alimentaire avait reçu un financement de (3 024 732,27 dollars US) dans le cadre d'une résolution prise en Conseil des Ministres en date du 22 juillet 2015. La cour a constaté que ce projet a été exécuté en violation de la législation haïtienne relative à la passation des marché publics »58. Comme conséquence, « la Cour recommande à la Direction générale du BMPAD de revoir sa gestion contractuelle afin de se conformer en tout temps aux dispositions des textes régissant la règlementation sur les marchés publics »59. Ce projet représentait une véritable opération de détournement de fonds publics. Il y a lieu de constater que l'Etat haïtien n'a pas respecté ses obligations concernant la jouissance effective du droit à l'alimentation. L'insécurité alimentaire défie les autorités haïtiennes et expose diverses couches de la société au risque de famine. Le constat est accablant : « le pays est sans

57. Voir Rapport 1 de la CSCCA, Op. Cit. P 198, disponible sur le site: https://www.haitilibre.com/docs/PETROCARIBE-31-01-2019.pdf, Consulté le 10/05/2019.

58. Voir CSCCA Rapport d'audit de la gestion du fonds de Petrocaribe, Op. Cit. P. 51-52, disponible sur le site : http://www.cscca.gouv.ht/documents/248.pdf, Consulté le 11/05/2019.

59. Voir CSCCA Rapport d'audit de la gestion du fonds de Petrocaribe, Op. Cit., P.40, disponible sur le site : http://www.cscca.gouv.ht/documents/248.pdf, Consulté le 11/07/2019.

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gouvernement, la monnaie locale dégringole, les prix flambent, l'insécurité alimentaire touche un Haïtien sur deux, et la pauvreté 60 % de la population. Les violations des droits humains et la violence se développent et s'aggravent »60. L'inexécution de ces projets, rappelons -le, a des incidences directes sur le droit à l'alimentation et la flambée des prix, ce qui tend à accroitre la pauvreté à une telle proportion dans le pays. Haïti devient dépendante des produits à l'importation. Le détournement des fonds alloués à ces projets affecte considérablement les conditions matérielles de vie humaine et sape considérablement tout projet de développement durable. Haïti est donc dépendante des produits à l'importation.

Jean Ziegler, Premier Rapporteur des Nations-Unies pour le droit à l'alimentation a eu à faire un triste constat dans lequel il a énuméré les raisons de la faim dans le monde : « Pourquoi meurt-t-on de faim de nos jours ? Il y a cinq grandes raisons : premièrement, la spéculation financière sur les matières alimentaires qui a fait flamber leurs prix [...]. Il y a ensuite les agro-carburants, qui soustraient des terres et des plantes nourricières à l'alimentation humaine. Troisièmes, il y a la dette extérieure, qui étrangle les pays pauvres et les empêche d'investir dans l'agriculture de subsistance. Après, il y a le dumping agricole [...]. Enfin, il y a l'accaparement des terres par les fonds d'investissement ou les grandes multinationales [...] »61. Ces raisons entrainent la dépendance des pays en développement vis-à-vis les Etats Occidentaux et les sociétés transnationales. Ce constat ne fait que traduire dans les faits la situation dans laquelle patauge la population haïtienne. En absence d'une gestion transparente des fonds alloués au programme Petrocaribe Haïti est loin de pouvoir résoudre le problème de l'alimentation.

Aujourd'hui, le peuple haïtien vit ses plus mauvais jours. Le droit à l'alimentation reste et demeure un défi majeur pour l'Etat haïtien. La population haïtienne vit, à de fortes proportions, dans l'extrême pauvreté. Jean Ziegler n'a-t-il pas raison de déclarer : « le droit au bonheur est le premier des droits de l'homme »62. Le peuple haïtien ne peut avoir accès au bonheur sans avoir accès à une alimentation de qualité et de quantité. Il faut préciser que :, « comme tous les autres droits de l'homme, le droit à une nourriture suffisante impose aux Etats parties trois obligations : obligations de respecter, de protéger et de réaliser le droit à l'alimentation »63. Le droit à l'alimentation échappe de manière spectaculaire au contrôle des autorités nationales. C'est de préférence des STN et des sociétés privées nationales qui accaparent des terres des paysans en violant les droits humains. C'est ainsi que ces acteurs non étatiques arrivent à exercer un contrôle systématique sur le marché haïtien : « les maitres de l'empire de la honte organisent sciemment la rareté »64. Les droits de l'homme ne se retrouvent au coeur des priorité de ces sociétés transnationales, ils sont au contraire relégués au second plan. Car le profit emporte sur les droits de l'homme. N'y a-t-il pas lieu de se poser la question suivante : Haïti ne pourrait-elle pas suivre l'exemple de l'Inde en adoptant une

60 . Voir le site web https://www.lemonde.fr, le 20/06/2019.

61 . Jean Ziegler, « Nouvel Observateur », in C. NTAMPAKA, Droits de l'homme et développement, Université Saint-Louis Bruxelles, Edit. 2017-2018, P.4.

62 . Jean Ziegler, L'Empire de la honte, Edit. FAYARD, Paris, 2005, P. 37.

63. Voir à ce sujet Observation générale no 12 du Comité des droits économique, sociaux et culturels, Parag 15, Genève, P. 5.

64 Jean Ziegler, Empire de la honte, Op., Cit., P. 46.

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législation-cadre en vue de relancer le droit à l'alimentation en permettant aux personnes les plus vulnérables d'avoir accès à une nourriture suffisante ? Car, grâce à cette législation-cadre plus de 800 000 000 de personnes bénéficient de l'aide alimentaire en Inde65. A n'en pas douter, avec les fonds contractés dans le programme Petrocaribe, on aurait pu mettre en place une politique de relance agricole afin d'appliquer une telle mesure. Selon « un rapport de la FAO et d'OPS, Haïti affronte la pire situation en termes de prévalence de la malnutrition affecte Haïti, avec près de 47% de la population, soit cinq millions de gens, qui ont faim »66. Il y a « plus de 840 millions de personnes dans le monde, pour la plupart des pays en développement, souffrent chroniquement de la faim, des millions de personnes en proie à la famine par suite de catastrophes naturelles »67. Cette situation de faim n'est pas différente de celle qui se développe en Haïti.

Somme toute, le droit à l'alimentation est le plus violé en Haïti de tous les droits fondamentaux. Cette situation rejoint la position de Ziegler qui eut à déclarer : « le droit à l'alimentation est certainement celui qui est le plus constamment et le plus massivement violé sur notre planète »68. Il renchérit en affirmant que « la faim est donc, et de loin la principale cause de mort et de déréliction sur notre planète »69. L'effectivité du droit humain à l'alimentation représente un grand défi en Haïti.

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