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Jouissance des terres et garantie


par Jules NDEODEME
Université de Yaoundé 2 - Master recherche en droit 2021
  

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CHAPITRE 2 : LA NATURE JURIDIQUE DE LA GARANTIE PORTANT SUR LA JOUISSANCE DES TERRES : L'HYPOTHEQUE

La nature juridique d'une institution renvoie à ce « qui définit cette institution ; ce qui est de son essence et de sa substance. C'est l'ensemble des critères distinctifs qui constituent cette chose en une notion juridique108 ». La nature juridique permet de déterminer le régime juridique de la chose ou de la situation à appréhender. S'agissant des garanties de remboursements des crédits, leur nature juridique s'identifie dans la catégorie des droits réels dits accessoires ou de second degré. Les droits réels accessoires sont des droits attachés aux créances mais portant sur des biens déterminés. Selon la distinction établit par GOUBEAUX, les droits réels accessoires sont des accessoires non pas par production mais simplement des accessoires par affectation109. Les bénéfices de ces droits sont distincts des bénéfices des droits réels principaux que sont l'usage, la jouissance et la disposition. Selon le mécanisme du droit réel accessoire, « le droit réel est vidé de sa substance matérielle ; il n'en reste que les attributs juridiques - droits de préférence et parfois de suite -, offerts au créancier afin de garantir son droit110». L'unique raison de son existence est la créance garantie avec laquelle elle disparait ou plutôt qu'elle permet de réaliser111, ce qui participe de ce qu'un auteur appelle le « droit de disposer du bien d'autrui pour son propre compte112. »

La catégorie des droits réels accessoires, offrant le droit de préférence et un droit de suite en plus pour certains, compte plusieurs garanties. Il y a des garanties mobilières qui portent sur des biens meubles et des garanties immobilières portant sur les immeubles. Il y a une catégorie des garanties qui portent sur tous les biens qu'ils soient meubles ou immeubles. Ainsi, tous les biens du débiteur, meubles comme immeubles, sont considérés comme affectés en garantie de certaines créances113. La nature de droit réel accessoire est tout de même discutée aux garanties de cette catégorie (privilèges généraux), pour défaut de droit de suite notamment. Certains auteurs s'accordent à lui reconnaître cette nature seulement

108 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.679

109 G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit privé, LGDJ, Bibl. de droit privé, t. 93, 1969, n°23. Au sens de l'auteur, il semblerait que l'on ne puisse pas dire qu'une garantie soit un accessoire par production, car dans l'accessoire par production, le principal participe à la structure de l'accessoire, ce dont ne fait pas un droit réel accessoire.

110 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés, op. cit, n°400

111 J. GATSI, droit des biens et des sûretés dans l'espace OHADA, op. cit. p.28

112 B. LOTTI, Le droit de disposer du bien d'autrui pour son propre compte, Thèse, Université de Paris Sud XI, 1999, 519p.

113 L'article 180 de l'AUS détermine ces privilèges généraux et leur régime.

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lorsqu'il s'agit de certains privilèges accordant droit de suite ; c'est le cas du privilège du bailleur.114 Les privilèges généraux sont des traits d'union entre les biens meubles et les immeubles. Les garanties portant spécialement sur ces derniers sont limitées et strictement encadrées. D'ailleurs, c'est en droit français qu'il est possible d'en recenser deux, exception faite des propriétés garanties. Il y a notamment le gage immobilier, sorte de gage sur immeuble avec dépossession du constituant. Puis il y a l'hypothèque115.

Comme évoqué ci-haut, la question se pose de savoir si les droits réels de jouissance des terres comme droits réels immobiliers constituent l'assiette de l'hypothèque ? Ainsi donc, il s'agit de savoir s'il faudrait considérer une hypothèque des droits de jouissance des terres. La garantie portant sur la jouissance des terres s'identifie comme hypothèque (Section 1). Pourtant, il est possible d'identifier des caractéristiques propres à l'hypothèque des droits de jouissance des terres (Section 2), ce qui pourrait faire de cette dernière une hypothèque particulière.

SECTION 1 : L'IDENTIFICATION DE LA GARANTIE AU MOYEN DES
DROITS DE JOUISSANCE DES TERRES COMME HYPOTHEQUE

L'hypothèque est définie comme droit réel sur un immeuble affecté à l'acquittement d'une obligation.116 Plus largement, selon le Doyen CORNU, l'hypothèque est une « sûreté réelle immobilière constituée sans la dépossession du débiteur, par une convention, la loi ou une décision de justice, et en vertu de laquelle le créancier qui a procédé à l'inscription hypothécaire a la faculté, en tant qu'il est investi d'un droit réel accessoire garantissant sa créance, de faire vendre l'immeuble grevé en quelques mains qu'il se trouve (droit de suite) et d'être payé par préférence sur le prix (droit de préférence)117. » Cette définition est non seulement précise mais résume clairement tout le mécanisme qu'est l'hypothèque. Identifier la garantie des droits de jouissance des terres à l'hypothèque amène à se rendre à l'évidence que l'objet commun est la terre (Paragraphe 1). Le législateur en voulant opérer cette identification envisage pour la garantie des droits de jouissance des terres les caractéristiques de l'hypothèque (Paragraphe 2).

114 Ce dernier a un droit de suite en cas d'enlèvement des biens du locataire sans son consentement. MINKOA SHE A., « Privilèges », in Encyclopédie du droit OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011, pp. 1413-1424

115 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés, op. cit, n°630

116 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.515

117 Idem

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Paragraphe 1 : L'identification comme hypothèque au moyen de l'objet des deux garanties

Les textes qui fondent118 les divers droits réels de jouissance des terres évoqués plus haut postulent que l'hypothèque est la garantie dont lesdits droits peuvent être l'assiette. L'assiette est la « base matérielle sur laquelle porte un droit et qui concourt à délimiter concrètement celui-ci.»119 C'est aussi la « base économique, valeur de référence qui sert au calcul d'un droit ou d'une obligation (dette, cotisation).»120 La distinction de l'assiette et de l'objet ne tient pas à grande chose. L'objet est en effet la « chose matérielle, tangible ». L'objet renvoie à la chose ou la matière et l'assiette renvoie de sa part à la valeur.

Lorsque l'hypothèque porte sur l'immeuble ou sur le droit de jouissance de l'immeuble ou des terres, l'objet est commun, c'est la terre et donc l'immeuble. La propriété garantie porte sur les terres et le gage immobilier porte sur le même objet. L'objet d'une garantie est la chose matérielle sur laquelle il porte directement.121 Cet objet peut ne pas être divisé en valeur et dans ce cas, il se confond avec l'assiette.

En effet, la communauté d'objet pour de l'hypothèque lorsqu'elle porte sur l'immeuble entier et lorsqu'elle porte sur un droit de jouissance des terres ne signifie pas unité des droits concernés ni des valeurs économiques à prétendre. Il faudrait envisager l'hypothèque comme portant sur l'immeuble et donc, pour ce cas, ce qui est visé c'est l'immeuble tout entier (A) et toute sa valeur, les droits de jouir et de disposer de l'immeuble. L'hypothèque portant sur les droits de jouissance des terres a une assiette claire et distincte, c'est le droit de jouissance de l'immeuble ou des terres (B).

A. L'immeuble comme assiette de l'hypothèque de l'immeuble

L'hypothèque porte généralement sur tout l'immeuble et ses accessoires par production.122 Ce n'est pas la propriété de l'immeuble qui est mise en garantie sinon il s'agirait d'une propriété garantie. C'est l'immeuble tout entier comme un bien et non comme le droit sur le bien. Certainement la distinction de la mise de la propriété de l'immeuble en garantie suivant les techniques de propriété retenue ou cédée, de la mise de l'immeuble en

118 Article 1er de la loi sur le bail emphytéotique, décret fixant les modalités de gestion du domaine national, décret fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'Etat, décret du 11 août 2015.

119 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.130

120 Idem

121 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.701

122 G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit privé, op. cit. n°23.

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garantie démontre bien que l'immeuble est susceptible de divisions. Cette division est-elle économique ou juridique ? Assurément, une telle division est difficile à clairement situer en droit des biens. La division est tout au moins triple : l'immeuble qui est le bien est distingué de la propriété de l'immeuble qui est un droit et la propriété elle-même peut être distinguée du droit de jouissance de l'immeuble qui peut être un de ses démembrements. C'est la conséquence de la distinction des choses et des biens ainsi que des biens et des droits123.

Ainsi divisé, l'immeuble peut être envisagé pour faire l'objet de trois garanties distinctes. L'hypothèque de l'immeuble, la propriété-garantie de l'immeuble et la jouissance-garantie de l'immeuble. L'objet de l'hypothèque qui est l'immeuble et principalement sa valeur se distingue des autres de manière plus claire au moment de sa réalisation. En effet, au moment de la réalisation de l'hypothèque, l'attribution de la propriété de l'immeuble au créancier n'est qu'une option et jamais un automatisme. Cette attribution est automatique lorsqu'il s'agit de la propriété garantie124.

Egalement, en réalisant l'hypothèque par la voie de la saisie immobilière une solution exceptionnelle est avancée, celle énoncée à l'article 265 de l'AUPSRVE qui dispose ainsi : « Si le débiteur justifie que le revenu net libre de ses immeubles pendant deux années suffit pour le paiement de la dette en capital, frais et intérêts, et s'il en offre la délégation au créancier, la poursuite peut être suspendue suivant la procédure prévue à l'article précédent. » Par ce mécanisme, le débiteur peut affecter ses loyers au paiement de sa dette, il peut en être de même pour un agriculteur qui justifie que ses cultures sur ses propriétés terriennes hypothéquées peuvent suffire à payer la créance au bout de deux années125.

Il se dégage que lorsque l'immeuble est mis en hypothèque, toutes les prérogatives et valeurs économiques de l'immeuble sont mises à contribution pour assurer la mission de désintéressement du créancier. A contrario, lorsque l'objet de garantie est la propriété, seule cette propriété désintéressera le créancier. Lorsqu'il s'agit du gage immobilier, c'est la dépossession de l'immeuble qui est opérée et les fruits sont affectés au désintéressement du créancier. L'assiette de l'hypothèque portant sur la jouissance des terres est à cette suite distincte de celle de l'hypothèque portant sur l'immeuble.

123 F. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens, op. cit. p.2

124 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les sûretés,p. cit, n°750 et s. ; P. CROCQ, Propriété et garantie, op. cit.

125 Cette solution peut être envisageable puisque l'article 265 AUPSRVE citée ne vise pas directement les loyers mais simplement le revenu de l'immeuble, il s'agirait donc de ses fruits, naturels, civils ou industriels.

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