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Jouissance des terres et garantie


par Jules NDEODEME
Université de Yaoundé 2 - Master recherche en droit 2021
  

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CHAPITRE 2 : L'INSTITUTION D'UN REGIME SPECIFIQUE A L'HYPOTHEQUE DE LA JOUISSANCE DES TERRES COMME SOLUTION ENVISAGEABLE

En science juridique, il est important de concevoir ou d'aborder chaque chose selon ses caractéristiques et spécificités, et donc suivant sa révélation comme phénomène juridique238. C'est ce que tente de faire le législateur OHADA en évoquant quelques faisceaux de principes et règles relatifs à l'hypothèque lorsqu'elle porte sur des droits réels de jouissance des terres. Le décret du Premier Ministre du 11 août 2015 relatif aux garanties et suretés sur les baux et concessions domaniaux fait de même puisqu'il évoque quelques dispositions relatives à la nature particulière des terres domaniales et des droits susceptibles d'être reconnus sur lesdites terres. Les dispositions dudit décret augurent en ses débuts une volonté d'évocation de manière exhaustive des règles s'appliquant à l'hypothèque de jouissance. Elles finissent curieusement par faire un renvoi aux dispositions générales de l'hypothèque.

Le renvoi à l'hypothèque portant sur l'immeuble se révèle parfois inapproprié relativement à la constitution de l'hypothèque de jouissance des terres et souvent excessif quant aux effets que la dernière est susceptible de produire. Lesdits renvois traduisent une assimilation, parfois excessive, entre l'immeuble et les droits réels de jouissance susceptibles d'être constitués sur ledit immeuble. Pratiquement, cette assimilation ne peut être vraie, tant il provoque l'inutilisation de la jouissance des terres comme objet de garantie. Cette inutilisation découle de l'organisation du régime de ladite garantie, ce qui pourrait traduire son inutilité.

A la vérité, les droits de jouissance des terres sont en pleine expansion. Les terres se font rares, sinon les propriétaires sont moins disposer à concéder complètement leur propriété. Davantage, des droits réels de jouissance seront constitués et l'acquisition de la propriété sera de moins en moins envisagée. Tout ceci pourra provoquer, de plus en plus, le besoin de recourir aux garanties au moyen desdits droits réels de jouissance. Déjà, la nécessité de constituer garantie au moyen de ces droits s'est fait sentir et l'institution de la possibilité de reconnaissance des droits réels de jouissance sur les terres domaniales a constitué une réponse.

238 C. EISENMANN, « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en science juridique », Arch. Phil. Drt, 1966, pp. 11-26.

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Jouissance des terres et garantie

Relativement à la garantie, lorsqu'elle porte sur la jouissance des terres, il y a lieu de se demander si ses spécificités sont réellement prises en compte. A l'analyse des textes qui l'abordent, il en découle que les règles qui régissent l'hypothèque portant sur les droits de jouissance des terres ont quelque peu pris en compte la nécessité de déterminer les spécificités propres aux droits réels de jouissance des terres (Section 1). Cependant, une analyse rigoureuse de l'appréhension par lesdits textes, aussi bien du concept de jouissance des terres que de l'organisation du régime « adapté » à l'hypothèque de jouissance des terres, révèle que la prise en compte est insuffisante voire inadaptée en certains cas (Section 2).

SECTION 1 : UNE NECESSITE PARTIELLEMENT PRISE EN COMPTE PAR

LES TEXTES

La prise en compte de la nature particulière des droits réels de jouissance des terres et de la garantie susceptible d'être constituée est perceptible, dans le droit positif, à travers quelques règles de constitution (Paragraphe 1) et aussi à travers les effets et modes de transmission et d'extinction de ladite garantie (Paragraphe 2) qu'il évoque.

Paragraphe 1 : les règles spécifiques de constitution à l'hypothèque de la jouissance des terres

Un droit réel de jouissance des terres est un droit particulier pour au moins deux raisons. La première raison est que ledit droit est soit un démembrement du droit de propriété et donc ne recouvre pas l'ensemble des prérogatives du propriétaire, soit c'est une simple prérogative de jouissance reconnue par l'Administration dans les domaines. Comme vu ci-haut, il y a dédoublement de la nature des droits de jouissance des terres. Ce dédoublement est susceptible d'amener à envisager leur hypothèque en fonction de la nature réelle de la jouissance considérée. Le résultat pourrait être, à la suite de la distinction de l'hypothèque de l'immeuble de l'hypothèque de jouissance comme développé dans le cadre de ce travail, la distinction aussi de l'hypothèque de jouissance des terres conférée en vertu d'un droit démembré de l'hypothèque de jouissance des terres conférée en vertu d'un droit réel reconnu sur les terres domaniales par une loi ou un règlement. La dernière distinction, bien que pertinente et fondamentale pour une parfaite appréhension de la jouissance des terres comme garantie, ne serait pas vue dans ses détails.

La seconde raison est qu'un droit de jouissance est un droit limité dans le temps comme il a été développé plus haut. Cette nature particulière est prise en compte par le législateur OHADA et l'autorité règlementaire du 11 août 2015. C'est ainsi qu'ils ont prévu des règles

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spécifiques à la formation de l'hypothèque portant sur les droits réels de jouissance des terres (A) et aussi des règles spécifiques à la publicité de ladite hypothèque (B).

A. Les règles spécifiques relatives à la formation

Les conditions de formation des hypothèques sont de forme et de fond.

Sur le plan de la forme, le recours au Notaire pour l'instrumentation de l'hypothèque conventionnelle demeure, il ne s'agit donc pas d'une condition spécifique à l'hypothèque de la jouissance des terres. En matière de forme, sa spécificité tient au fait que dans sa formation, lorsqu'il s'agit d'une concession provisoire sur le domaine national, en plus du recours au Notaire, le Ministre des Domaines et la commission de crédit sont mises à contribution pour l'établissement du titre foncier au profit du concessionnaire et l'inscription de l'hypothèque par la suite239. Ainsi donc, il ne sera pas constitué d'hypothèque sur la concession provisoire lorsque le Ministre n'est pas saisi par le créancier qui doit avoir eu l'avis favorable de la commission de crédit.

Sur le plan du fond, la qualité de constituant, la nature de l'assiette de la garantie ainsi que la nature de la créance garantie comportent quelques distinctions par rapport à l'hypothèque des terres. Le constituant doit être le titulaire du droit réel de jouissance des terres donné en garantie. Lorsqu'il s'agit d'un droit réel démembrement de la propriété, le titulaire dudit droit240 doit l'avoir inscrit au Livre foncier. C'est dire que lorsque le droit réel de démembrement n'est pas inscrit, il n'est pas susceptible de garantie puisque le droit du titulaire n'est pas public. Ainsi, à la propriété reconnue au Livre foncier et visée par l'hypothèque de l'immeuble, la titularité du droit de jouissance démembré inscrit au Livre foncier est exigée de celui qui donne ce droit en garantie et non le propriétaire. S'agissant des droits réels constitués sur les terres domaniales, c'est le concessionnaire du domaine national241, le permissionnaire ou l'occupant du domaine public artificiel déclassé242 et le preneur à bail243 qui ne peuvent que mettre leurs droits244 en garantie et jamais l'administration qui leur ont concédé lesdits droits de jouissance. Les mêmes dispositions qui évoquent la qualité de ceux pouvant mettre leurs droits de jouissance en garantie

239 Article 21 du décret du 11 août 2015.

240 Article 195 de l'AUS.

241 Article 21 du décret du 11 août 2015.

242 Article 17 du décret du 11 août 2015.

243 Article 22 du décret du 11 août 2015.

244 O. DE DAVID BEAUREGARD-BERTHIER, « Domaine public et droits réels », JCP G, 1995.I.3812

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évoquent notamment les droits susceptibles de telle garantie. Il s'agit de ceux déterminés dans la première partie.

Par rapport à la créance, il a été développé ci-haut que deux règles sont applicables. Pour l'hypothèque portant sur les droits réels de jouissance résultats du démembrement du droit de propriété, ils peuvent garantir toute créance. L'AUS ne prévoit pas de conditions restrictives245. En revanche, l'autorité règlementaire du 11 août 2015246 exige l'exclusivité de certaines créances pour être garanties par les droits réels de jouissance des terres domaniales. Ces restrictions peuvent même aller à déterminer la qualité des créanciers247 ou nécessiter l'agrément de l'Administration pour la partie au profit de laquelle la garantie est consentie248. Exception faite des droits du preneur à bail des terres du domaine national249 qui peut mettre son droit en garantie de toute créance.

Au regard de ce qui précède, des spécificités sont reconnues pour modifier le régime de l'hypothèque de l'immeuble lorsqu'il s'agit de former une hypothèque portant sur la jouissance des terres. Pour l'hypothèque portant sur certains droits réels de jouissance des terres domaniales, en raison de l'exclusivité des créances à garantir, il s'agit plus exactement d'une hypothèque « légale » qui peut être conclue par les parties pour éviter le recours au juge et parfois à l'Administration. C'est donc une hypothèque légale dont le rôle de l'Administration sur certains points se substitue, curieusement250, à celui joué habituellement par le juge. Il y a aussi des spécificités tenant au régime de publicité lorsqu'il s'agit de l'hypothèque de jouissance des terres.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote