B. Fondements de la prison
Chaque année, environ 100 000 personnes sont
condamnées à une peine privative de liberté44.
« La prison est pour notre société la forme la plus
courante, la plus naturelle du châtiment. (...) L'opinion est unanime
à voir dans la privation de liberté, la sanction normale de
l'inobservance des lois. Et de fait, la prison reste la ressource principale de
la justice pénale »45.
Si pour l'opinion publique la peine par excellence est la
prison, la peine privative de liberté est aussi la sanction
pénale préférée du législateur. Ainsi, Roger
Merle et André Vitu notent qu'entre 1965 et 1984, sur 150 nouvelles
incriminations en matière correctionnelle, 109 étaient punies par
une peine d'emprisonnement46.
Depuis sa naissance, la prison n'a pas évolué de
manière linéaire. C'est plutôt une suite d'avancées
et de retours en arrière : tantôt plus laxiste, tantôt plus
sécuritaire ; tantôt orientée vers l'amendement,
tantôt vers l'intimidation.
43 Michel Foucault cité par Valérie
LANCIER, Op.cit., p.7
44 Valérie LANCIER, Op. Cit., p.5.
45 Jean-Marc Varaut, La prison, pour quoi faire
? Cité par Valérie LANCIER Op.cit., p.5
46 Roger Merle, André Vitu, Traité de
droit criminel, Tome 1 : Problèmes de la science criminelle,
Droit pénal général, Paris, Cujas, 1997, 7ème
édition, p.900
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La prison est, depuis toujours, enveloppée de discours
visant à l'améliorer, discours précédés
toutes les fois de préambule dénonçant sa
nocivité.47 Alors, comment la prison ne serait-elle pas la
peine par excellence dans une société où la liberté
est un bien qui appartient à tous de la même façon et
auquel chacun est attaché par un sentiment «universel et
constant» ? La peine privative de liberté apparaît par
conséquent comme la peine la plus égalitaire qui soit,
contrairement à l'amende qui frappe le riche ou le pauvre de la
même manière.
C'est en 1875 qu'est né le concept moderne de la
prison, mettant fin à l'ère de la prison des philanthropes
mêlant le laxisme dans les règles de détention et des
conditions matérielles déplorables. La «prison
républicaine» est fondée sur l'emprisonnement individuel et
des conditions de détention décentes accompagnées d'un
règlement intérieur draconien, imposant notamment l'interdiction
de parler, de consommer de l'alcool, de cantiner...Cela s'avéra
être plus un discours qu'une réalité. En effet, la
concrétisation de ces idées ne se réalisa pas.
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