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La mise en œuvre de la responsabilité de protéger en Afrique. étude de quelques cas récents (Mali, Centrafrique, Libye).


par Bansopa Linda DARATE
Université d'Abomey-Calavi, Bénin - Master II Droit International et Organisations Internationales  2017
  

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CHAPITRE I: DES MODALITES DE MISE EN OEUVRE VARIABLES

« On ne peut attendre que la théorie soit perfectionnée pour commencer à répondre aux situations urgentes dans le monde » a déclaré Edward Luck42 le 12 juillet 201143. Mais s'il est vrai que certaines régions du monde telle que l'Afrique font face à des crises sécuritaires et humanitaires auxquelles il est impérieux de répondre efficacement, il faudrait tout de même que les pratiques tendant à porter secours et à protéger relèvent de l'application de règles claires ayant préalablement fait l'objet d'un consensus au sein de la Communauté internationale ; ce qui ne semble pas être le cas du principe de la responsabilité de protéger. Aussi, assiste-t-on à une application sélective du principe en fonction de la crise (Section 1), ainsi qu'à une appréciation ambiguë des critères du recours à la force dans le cadre du principe (Section 2).

Section 1 : Le traitement des crises au cas par cas

Libye, Mali, République centrafricaine, trois (03) Etats dont les noms résonnent désormais comme des dossiers majeurs de politique internationale en raison des crises auxquelles ils font face. Dans chacun de ces Etats, des interventions militaires sont menées à des fins de protection des populations civiles. L'analyse de ces différents cas fait état d'une divergence des fondements des interventions (Paragraphe 1), ainsi que d'une légalité ambivalente des interventions (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La divergence des fondements des interventions

Dans les trois crises analysées, l'action de la Communauté internationale a été une réaction au cas par cas à des situations déjà critiques, afin d'éviter que celles-ci ne s'aggravent davantage et avec l'idée qu'au-delà d'un certain seuil il serait trop tard pour agir. Ainsi, alors qu'en Libye et au Mali, c'est la menace de dégénérescence de la crise qui a fondé l'intervention militaire (A), en RCA, celle-ci a été décidée suite aux nombreux massacres enregistrés et face à l'imminence d'un crime de génocide (B).

42 Conseiller spécial du Secrétaire Général Ban Ki-moon de 2008 à 2013.

43Conférence sur l'importance des arrangements régionaux et sous régionaux dans l'application du principe de « responsabilité de protéger », AGNU, 65e session, 3e dialogue interactif informel sur le thème de la « responsabilité de protéger », 12 juillet 2011

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A- La menace de commission de crimes internationaux comme base des interventions en Libye et au Mali

La R2P a un champ d'application matérielquel que peu délimité. En effet, les paragraphes pertinents44 du Document final de 2005 intitulés « Devoir de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité » sont assez clairs sur ce point. Ces quatre crimes internationaux sont à la fois la condition de la mise en oeuvre et l'objet de la R2P. Cependant, les interventions en Libye et au Mali tendent à montrer que même en l'absence de ces crimes internationaux, la probabilité de leur survenance peut suffire à déclencher la R2P.

L'intervention militaire, représente une ingérence directe et physique à l'intérieur des frontières d'un Etat. C'est une intrusion très grave, qui présente des risques inévitables d'abus45. Pourtant, dans certains cas exceptionnels, où « la violence est si manifestement attentatoire à la conscience de l'humanité »46, il est nécessaire d'entreprendre une intervention coercitive armée. Dès lors, il paraît primordial de déterminer le seuil de violence qui justifierait une telle intervention. La Commission prévoit que l'intervention armée ne pourra se justifier que dans les cas les plus extrêmes, celle-ci devant avoir pour but de mettre un terme ou d'éviter « des pertes considérables en vies humaines, effectives ou appréhendées, qu'il y ait ou non intention génocidaire, qui résultent soit de l'action délibérée de l'Etat, soit de sa négligence ou de son incapacité à agir, soit encore d'une défaillance dont il est responsable; ou un nettoyage ethnique' à grande échelle, effectif ou appréhendé, qu'il soit perpétré par des tueries, l'expulsion forcée, la terreur ou le viol »47.De manière plus générale, la Commission s'abstient de définir ce que l'on doit comprendre par l'acception « à grande échelle » ou « des pertes considérables en vies humaines ». L'optimisme de la CIISE, qui justifie cetteimprécision en avançant que, dans la pratique, des situations de ce type nedonneront pas lieu à des désaccords majeurs, n'est pas partagé par tous. Eneffet, à quel moment pourra-t-on estimer

44 Document final du Sommet mondial de 2005, 16 septembre 2005, Doc. off. NU A/60/L.1, par. 138 & 139.

45 Voir entre autres BRICMONT J., Impérialisme humanitaire, Droit de l'homme, droit d'ingérence, droit du plus fort ?, Aden, Bruxelles, 2005.

46 Expression empruntée à la CIISE (rapport de la commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats, cité ad note 2, § 4.13).

47 Pour davantage de détails, voir infra « principes de précaution », section 2 du présent document, paragraphe 1

(B).

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que la condition de la juste cause est bien réalisée? Plus cyniquement, à partir de combien de morts peut-on considérer qu'une intervention s'avère nécessaire?

La Commission a inclus dans la première catégorie de circonstances, les cas où la population aurait été massivement exposée à la famine et/ou à la guerre civile, ainsi que les cas de catastrophes naturelles ou écologiques extraordinaires48. Dans toutes ces circonstances, la finalité est d'arrêter ou d'éviter le péril d'une population civile, dans les cas où l'Etat n'interviendrait pas. La CIISE va encore plus loin, en prévoyant qu'une action militaire peut êtrejustifiée pour anticiper ces massacres à grande échelle. Cette possibilité posetoutefois une série de problèmes, dont le plus manifeste est celui de la preuveclaire de la menace de « pertes en vies humaines considérables» ou de «nettoyage ethnique à grande échelle ». Comme solution à cette difficulté, la Commission propose que la gravité de la situation soit évaluée par un organisme non gouvernemental, impartial et universellement respecté tel quela Croix-Rouge49.

La crise libyenne surgit de manière assez inattendue dans le contexte du Printemps arabe50 qui s'est déclenché en Tunisie en décembre 2010 par une révolte populaire qui provoqua la chute de Ben Ali. Le même mouvement s'étend en Égypte et se solde par le départ de Hosni Moubarak. En Libye par contre, ce mouvement s'est développé, mais s'est vite transformé en guerre civile entre les partisans de Khadafi et un groupe de rebelles basé en particulier à Benghazi. Le Guide libyen, Mouammar Khadafi essaie alors de garder le contrôle de la situation en organisant une action combinée de résistance et de répression. Mais très vite la crise s'intensifie et se transforme en guerre civile entre les Khadafistes et les groupes rebelles ayant pour fief Benghazi. C'est dans ce contexte que le Conseil des droits de l'homme dans son rapport A/HRC/RES/S-15/1 du 25 février 2011, condamne la détérioration de la situation des droits de l'homme en Libye depuis février 2011, notamment les violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme en cours, et en particulier les attaques aveugles contre des civils, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la détention arbitraire, la torture et les violences sexuelles contre des femmes

48 Rapport de la commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE), par. 4 §20. 49Ibid., par. 4 § 29.

50 Vague de révoltes dans les pays d'Afrique du Nord contre leurs « dictateurs ». Il a concerné notamment la Tunisie, la Libye et l'Égypte.

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et des enfants, violations dont certaines pourraient constituer selon ledit Conseil, des crimes contre l'humanité51. Ainsi, le Conseil de Sécurité adopta le 26 février 2011, la Résolution 1970. Dans cette résolution, le Conseil de Sécurité « se déclarant gravement préoccupé par la situation en Jamahiriya arabe libyenne, et condamnant la violence et l'usage de la force contre des civils », fait état de « violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme, notamment la répression exercée contre des manifestants pacifiques », tout en « exprimant la profonde préoccupation que lui inspire la mort de civils et dénonçant sans équivoque l'incitation à l'hostilité et à la violence émanant du plus haut niveau du Gouvernement libyen et dirigée contre la population civile ».Suite à l'échec manifeste de la résolution197052, le Conseil de sécurité tirant argument de l'urgence martelé avec beaucoup d'emphase par la France53 notamment, adopta le 17 mars 2011, la Résolution 1973 par laquelle, il instaure une zone d'exclusion aérienne en Libye « afin d'aider à protéger les civils54». Et autorise les États membres à prendre « toutes les mesures nécessaires » pour protéger la population civile.

Pour ce qui est de l'intervention armée au Mali, bien que sollicitée par les autorités maliennes, elle a également été motivée par l'imminence du danger ; la gravité de la menace. En effet, profitant de la confusion qui a suivi le coup d'Etat militaire du 22 mars 2012, les séparatistes touareg du Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA) se sont emparés du nord du Mali avec le soutien d'Ansar Dine, un mouvement islamiste lié à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Des dissensions sont ensuite apparues entre les deux formations. Les séparatistes touareg ont proclamé l'indépendance de la zone, mais les djihadistes ont récusé

51§1 de la résolution A/HRC/RES/S-15/1 du 25 février 2011.

52 Appel à l'arrêt de toute violence contre les civils et au respect des Droits de l'homme, saisie de la Cour Pénale Internationale, embargo sur les armes, interdiction de voyage et gel des avoirs concernant les autorités politiques et militaires libyennes et certains fils de Kadhafi.

53 Alain Juppé, par exemple, lors des délibérations du Conseil de sécurité pour l'adoption de la résolution 1973, a affirmé : «Nous n'avons plus beaucoup de temps. C'est une question de jours, c'est peut-être une question d'heures. Chaque jour, chaque heure qui passe, resserre l'étau des forces de la répression autour des populations civiles éprises de liberté, et notamment de la population de Benghazi. Chaque jour, chaque heure qui passe alourdit le poids de la responsabilité qui pèse sur nos épaules. Prenons garde d'arriver trop tard ! Ce sera l'honneur du Conseil de sécurité d'avoir fait prévaloir en Libye la loi sur la force, la démocratie sur la dictature, la liberté sur l'oppression.» Voir le Compte-rendu de la 6498e séance du Conseil de sécurité. Conseil de sécurité, « Couverture des réunions », http://www.un.org/press/fr/2011/CS10200.doc.htm.

54 Résolution 1973, paragraphe 6.

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l'initiative et se sont engagés à poursuivre leur combat pour l'instauration de la "charia" dans tout le pays. Mieux armés, ces derniers ont pris le dessus. Ainsi, au Mali, l'intervention et plus précisément le lancement de l'opération Serval55 a été décidée alors que les groupes armés avaient pris le contrôle d'une partie du pays depuis plusieurs mois et qu'ils avançaient sur Bamako, dont la chute aurait signifié la désagrégation définitive de l'État malien.

S'il est vrai qu'une action rapide face à une crise peut permettre d'en limiter les effets, il n'en demeure pas moins qu'une action précipitée et insuffisamment préparée peut fortement entacher les processus de négociations. En Libye, la motivation invoquée est certes humanitaire, puisqu'il s'agit de protéger les populations, notamment celles de Benghazi qui étaient sous la menace d'une brutale répression de la part des autorités libyennes. Mais l'intervention militaire des alliés occidentaux n'a pas été précédée d'une véritable tentative de négociation puisque les premiers bombardements contre les objectifs libyens ont commencé deux jours seulement après l'adoption de la résolution. De même, l'urgence est elle-même dictée par l'évolution très rapide de la situation au Mali. Ainsi, le Président François Hollande annonça-t-il la décision d'intervenir au Mali le 11 janvier 2013 au matin, l'action militaire commençant dès la fin de la journée. Ce très faible préavis était la conséquence de la reprise de l'offensive des djihadistes au nord du Mali début janvier qui pouvait directement menacer Bamako.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams