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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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Section II

La légalité, frein au caractère absolu de la liberté de la

preuve

43. Les contrôles et les restrictions qui gouvernent la liberté de la preuve. Le Code de procédure pénale se présente comme un ensemble de règles juridiques procédurales qui réglementent les moyens et les actes qui visent ou tendent vers la recherche des preuves menant à la connaissance de l'auteur de l'infraction et à la démonstration de sa réalité : « le respect des principes encadrant le système juridique doit être assuré dans la recherche libre de la preuve, d'abord et a minima par le contrôle du respect des formes légales imposées à

312

son administration et nécessaires à sa recevabilité ». Toutes les procédures ont comme objectif principal la découverte de la vérité de l'infraction qui a été commise. Étant donné que le principe général dominant la preuve pénale en général, et en particulier dans le système répressif libanais et français, est le principe de la liberté de la preuve pénale, il n'est pas surprenant de dire que cette liberté ne peut pas être une liberté absolue, car cette liberté dans la recherche de la preuve est organisée dans la loi. La liberté est donc absolue dans le champ du choix de ce qui est autorisé par la loi comme moyens pour la détection et la production de la preuve pénale. Par conséquent, cette liberté ne peut pas être hors la loi, et donc le Code de procédure pénale s'efforce toujours d'organiser les conditions, les formes et le processus de la recherche de la preuve pénale dans ces textes par une forme précise. Il n'est pas exagéré de dire que sans la présence de contrôles de la liberté de la preuve, il y a un risque d'empiétement sur la liberté et les droits des citoyens lors de la recherche de la preuve pénale. La législation des procédures pénales est l'une des lois étatiques les plus importantes en raison de sa relation étroite avec la liberté individuelle. Si la liberté de la preuve contribue à permettre au pouvoir de l'accusation d'éviter la difficulté de la preuve,

cette liberté sans contrôle risque de dévaster les libertés

313

. Afin que le juge puisse s'appuyer

73

sur une preuve spécifique, le moyen de son obtention doit être conforme aux obligations de la légalité de preuve, étant donné que le juge pénal n'a pas la liberté absolue dans la

312 M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 84.

313 V. E. Molina, « Réflexion critique sur l'évolution paradoxale de la liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain », in R.S.C., 2002, p. 263 : « La libre admissibilité des preuves pénales semble de prime abord restreinte par l'accroissement du formalisme élaboré dans une perspective nécessaire de rééquilibrage des rapports de force dans le procès pénal ».

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composition de sa conviction à partir des preuves obtenues de manière illégale, même dans le cas où la preuve est sincère. Parmi les exemples clairs de ce cas, on trouve l'obtention de la preuve sous la contrainte et la menace, ou encore sur la base d'une perquisition illégale. Le juge pénal doit donc tirer sa conviction dans le jugement à travers des preuves obtenues de façon légale ou d'après un moyen de preuve compatible avec l'exigence du principe de la légalité de la preuve pénale. Quant aux preuves résultant des procédures illégales, il est interdit en général de s'y fonder. Elles doivent être rejetées totalement, conformément au principe juridique qui veut que tout ce qui est construit sur des actes nuls est lui-même frappé de nullité. La raison essentielle d'exiger la légalité de la preuve pénale est que l'État exerce le droit de punir par le biais des procédures juridiques organisées, légalisées et destinées à réaliser et à assurer des garanties pour l'accusé, en premier lieu le droit sacré de se défendre.

44. La légalité contribue à rendre la liberté de preuve relative. La vérité est sans aucun doute le but premier et le plus important dans le procès pénal, mais « si la manifestation de la

314

vérité est essentielle, elle ne doit pas être recherchée de n'importe quelle manière ». La dominance du principe de la liberté de preuve dans le domaine pénal ne signifie pas que cette

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liberté est absoluese libérant ainsi de toute restriction, car en supposant que cette liberté de preuve soit absolue sans aucune restriction ou contrôle, il ne serait pas donc évident au législateur libanais ou français d'organiser la façon d'obtenir la preuve ou les moyens de recherche et de production de la preuve pénale d'une façon précise dans le Code de procédure

316

pénale. Il est indiscutable que le principe de la légalité de la preuve pénale est la principale restriction face à la liberté absolue de preuve. Pourtant, cela ne peut jamais être considéré comme un retour au système de la preuve légale car cette légalité en tant que principe général encadrant la recherche de la preuve est complètement différente de l'ancien système de preuve légale ayant jadis prévalu en France. En effet, les différences sont nombreuses et doivent être

314 G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, Chronique, pp. 153-156.

315 V. sur ce point : J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 18 : « Il y a d'abord des systèmes favorables à une application très large du principe de la liberté de la preuve, mais, notons-le, pas à une application absolue. Très révélateur de ce point de vue est l'article 427 CPP français, selon lequel "hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve... ».

316 V. M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, p. 84 : « La problématique de la liberté est qu'elle porte en germe la possibilité de son abus dans la volonté parfois marquée de recherché la vérité à tout prix. Le prix de cette recherche doit être borné par le respect d'autres principes qui, eu égard à leur origine de droit naturel et à leur importance, ne peuvent souffrir d'exception, fût-ce au nom de la vérité »

claires afin que ce sujet ne soit pas ambigu. D'une part, la légalité de la preuve pénale coexiste avec la liberté de la preuve sans aucune contradiction avec ou entre les deux principes, mais elle détermine plutôt le cadre et les limites de cette liberté afin qu'elle ne soit pas utilisée dans l'abus contre les droits et libertés individuels. D'autre part, le principe de la légalité de la preuve pénale vise également à garantir l'existence d'un cadre procédural juridique visant à la recherche de la preuve pénale. Ainsi, la liberté de la preuve ne peut pas transgresser les droits fondamentaux, droits de la défense et principe du procès équitable en vue d'atteindre la preuve pénale : « ... la preuve pénale ne peut être admise que si, dans son administration, elle respecte la légalité, que celle-ci s'exprime par des principes généraux du droit, ou par des

lois qui régissent la recherche »

317

. Le rôle du principe de la légalité de la preuve pénale

75

devient évident dans la détermination d'un cadre permanent pour la liberté à la preuve, sans aucune préférence pour une preuve plutôt qu'une autre, pour l'attribution d'une force probante d'une preuve vis-à-vis d'une autre, ou encore pour l'imposition ou la limitation de la démonstration d'une infraction par le biais d'un moyen de démonstration en particulier. Le principe de la légalité de la preuve pénale est plutôt limité à l'imposition de la légalité du moyen à travers lequel la preuve pénale est obtenue parmi les moyens autorisés par la loi, en permettant la liberté du choix de ceux-ci. Il convient de préciser que le principe de la légalité de la preuve pénale n'interfère nullement dans la détermination de la valeur probante de la preuve ou de sa préférence. Tous les moyens sont utiles en application du principe de la liberté de la preuve, et nulle autre personne que le juge compétent ou le tribunal compétent peut estimer la valeur probante de la preuve selon sa propre conviction, en application également du principe de la liberté du juge d'estimer la preuve qui lui est présentée en vertu du principe libanais et français de l'intime conviction du juge. Le nom de la liberté de la preuve porté par ce principe ne signifie pas que cette liberté soit absolue sans aucune restriction ou condition, car il est évident qu'il existe des limites légalement déterminées à ce

principe

318

.

45. Une liberté relative ou non absolue. La liberté de la preuve ne signifie pas qu'il s'agit d'un principe absolu qui ne comporte aucune limite et qui permette de prouver par tous les

317 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 3.

318 V. sur ce point : C. Copain, L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011, n° 90, p. 52 : « Si la preuve est libre, les modalités de recherche de celle ci ne le sont pas. A défaut la contrainte probatoire deviendrait arbitraire et pourrait justifier l'exercice d'un droit de résistance ».

76

moyens. La liberté de preuve ne s'exerce pas sans limite, elle trouve sa limite dans le

319

respect des droits fondamentaux de la personne humaine et la protection des autres droits

320

essentiels. Les moyens de preuve saisis par les procédés modernes d'investigation nous poussent à poser la question qui déjà a été posée par Mme Coralie Ambroise-Castérot : prouver avec quelles preuves ? Les infractions peuvent-elles être établies par tout mode de preuve et sans limites? Sans hésitation, n'importe quel moyen ne pourra pas pour autant être employé. En effet, ce principe de liberté de la preuve ne signifie pas que n'importe quel procédé puisse être utilisé : torture, sérum de vérité, polygraphe (détecteur de mensonges), etc. Il existe donc, selon Mme Coralie Ambroise-Castérot, des procédés interdits parce que la liberté des preuves est une liberté encadrée par la légalité : seuls les modes de preuves

321

légalement prévus sont admissibles devant les tribunaux . Donc, il existe certaines restrictions légales et procédurales. La recherche de la vérité dans le cadre d'un procès pénal connaît des limites aussi bien naturelles que juridiques. En effet, non seulement les capacités humaines sont limitées, mais aussi le droit positif pose des limites bien précises quant aux moyens et au sujet de la preuve ainsi qu'aux critères d'appréciation de la force

probante 322 . Certes, l'intérêt public commande la recherche de la preuve de la manière la plus complète possible ; cependant, il ne saurait autoriser le recours à toutes sortes de pratiques ou

323

d'excès, voire à la violation des droits fondamentaux. Dans un État de droit, il n'est, en effet, pas acceptable que la vérité soit établie par n'importe quel procédé et à n'importe quel prix. Plusieurs solutions sont concevables en ce qui concerne le degré de liberté relatif à

. Si la liberté de preuve permet en principe

324

l'établissement de la preuve des infractions

d'utiliser tous les modes de preuves, cette liberté ne peut pas être une liberté absolue sans limites légales imposées par la loi et les principes généraux fondamentaux puisque l'administration de la preuve pénale touche à la liberté fondamentale de la personne et aux

319 J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 348, p. 186 : « Cette liberté ne s'exerce pas sans limite. Elle ne saurait exister que dans un cadre légal. La violence pour l'obtention d'une preuve est à exclure. ».

320 V. dans le même sens : F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 16 : « Une liberté absolue peut conduire certainement à des abus. C'est pourquoi, la loi contient des principes directeurs destinés à garantir la légalité des méthodes d'investigation et à protéger l'individu contre l'arbitraire dans la recherche des preuves ».

321 C. Ambroise-Castérot, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la quête du Graal de la Vérité », in AJ Pénal, 2005, pp. 261 et s.

322 A. Baratta et R. Hohmann, « Vérité procédurale ou vérité substantielle », in Déviance et Société, Genève, 2000, Vol. 24, n°1, pp. 91-93.

323 F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 22.

324 E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse de droit, op. cit., n° 15, pp. 22 et s.

aspects les plus intimes de la vie privée et parfois à la dignité humaine. Les pouvoirs d'investigation sont sans doute nécessaires à la recherche des auteurs d'infractions et au rassemblement des preuves, mais l'exercice de ces pouvoirs doit se concilier avec celui des

325

libertés individuelles et des autres droits fondamentaux. L'application de la liberté de la preuve dans la manifestation de la vérité du procès pénal est limitée par l'application de certains principes généraux qui interdisent de rechercher la vérité par n'importe quel procédé notamment les procédés illégaux et contraires au droit à un procès équitable.

46. Limites tenant à la liberté de preuve. Dans le droit interne français et libanais, le principe de la liberté de preuve connaît d'importantes limites comme le droit au respect du corps humain, les droits de la défense et le droit à un procès équitable. Sans doute, les modes de preuves ont été élargis en comparaison avec les modes de preuve classiques. L'infraction ne

se prouve plus au XXIe siècle comme elle se prouvait il y a cinquante ans

326

. Certains

77

principes constitutionnels et conventionnels au Liban et en France imposent des restrictions strictes au droit de la preuve pénale. Des obligations et des règles ont été dégagées de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ils ont laissé une influence nette sur le principe de la liberté de preuve. Le Liban et la France sont des membres fondateurs et actifs de l'organisation des Nations-Unies, engagés par ses pactes et par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le premier texte de la déclaration précité a été écrit par le juriste français

M. René Cassin et par le rapporteur du comité, de nationalité libanaise M. Charles Malik. En France, les limites deviennent de plus en plus nombreuses sous l'influence essentielle de la Convention européenne des droits de l'Homme du 4 novembre 1950 ratifiée par la France en 1974. La Cour européenne des droits de l'homme ne se prononce pas directement sur la recevabilité des éléments de preuve, en effet les juges strasbourgeois exercent leurs contrôles sur l'équité de la procédure dans son ensemble en vertu de l'article 6 de la Conv. EDH . Malheureusement, en droit libanais on ne trouve pas une garantie essentielle des droits de l'homme et des droits fondamentaux dans le procès pénal comme celle que l'article 6 de la CEDH et la Cour de Strasbourg intègrent dans le droit français. Par conséquent, la preuve pénale en droit libanais peut être apportée par tout moyen en application du principe de la liberté de la preuve pénale qui ne connaît pas un contrôle du caractère équitable de la procédure dans son ensemble. La liberté de preuve est le principe fondamental en matière pénale mais cette liberté n'est certainement pas totale et hors de toute limite. C'est une liberté

325 F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 16.

326 C. Ambroise-Castérot, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la quête du Graal de la Vérité », in AJ Pénal, 2005, pp. 261 et s.

327

qui n'est pas absolue. Le principe de la légalité dans la recherche de la preuve pénale est considéré comme une restriction et une condition fondamentale vis-à-vis de la liberté de la preuve pénale et transforme celle-ci en un principe relatif. Autrement dit, la liberté de preuve

est relative et s'arrête aux limites de la légalité formelle exigée par la loi328

. Ce sujet sera traité

78

dans le premier paragraphe (§1. Légalité formelle). En outre, la légalité rend cette liberté de preuve conditionnelle. Ce sujet sera abordé dans le deuxième paragraphe (§2. Légalité matérielle).

. § 1. Légalité formelle.

47. La légalité formelle. La preuve pénale ne doit pas naître d'une illégalité formelle. Par légalité formelle, l'on entend le respect des formes. La légalité formelle est basée sur le respect de la liberté de la preuve aux dispositions des lois régissant le processus de la recherche de preuve, s'agissant de la forme que le législateur exige dans le cadre de la procédure pénale visant à recueillir la preuve. En outre, la liberté de la preuve doit respecter toutes les conditions, interdictions ou entraves que le législateur a voulu déterminer dans la procédure pénale lors de la recherche de la preuve ou sa production. La légalité formelle dans le cadre de la recherche de la preuve pénale signifie le respect de l'intimité de la vie privée des individus dans le procès pénal dont la violation ne peut être admise que par un texte juridique autorisant explicitement le type et la nature de cette violation exceptionnelle que le législateur estime prévoir à cause de la nécessité de rechercher la preuve pénale. En outre légalité formelle signifie également que la recherche de la preuve lors du processus de l'enquête finale, c'est-à-dire la phase du jugement, doit être soumise aux principes généraux encadrant la preuve pénale et le jugement final. Ces principes sont la présentation de la preuve lors d'une audience publique, son débat par les parties au procès et la Cour, ainsi que le principe du contradictoire, où les preuves sont mises face aux parties, en recevant les

327 V. en même sens : C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « Mais ce principe de liberté n'est pas sans limite. Certaines restrictions dans la recherche des preuves sont imposées au juge pénal par le législateur ou la jurisprudence. Ce ne sont pas de véritables exceptions au principe de liberté des preuves, qui demeure, car elles ne concernent pas les modes de preuves qui, dans tous les cas, restent libres, mais les moyens de se les procurer et d'en user ».

328 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 249, p. 153 : « La légalité peut revêtir un sens formel et matériel » ; « Le respect de la légalité formelle implique l'existence d'une loi préalable claire et prévisible tandis que la légalité matérielle n'est autre que la conformité au droit : conformité de la loi préalable aux normes supérieurs mais également conformité des actes de procédure à la loi. ».

79

329

aspects de leur défense ou leurs observations à ce sujet. Les preuves obtenues doivent respecter la légalité formelle, de sorte que la violation de règles formelles de procédure pénale, telle que, par exemple la perquisition effectuée sans autorisation ni consentement (perquisition irrégulière) rend la preuve obtenue illégale. L'illégalité formelle résulte encore de l'inobservation et de la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition textuelle comme l'obtention d'une preuve en violation de principes généraux prévus par la loi et gouvernant l'administration de preuves (preuves exclues du contradictoire ou contraires au respect des droits de la défense). En outre, le principe de la légalité de la preuve pénale nécessite le respect des droits de la défense relatifs à la preuve tels que la façon de mener un interrogatoire et ses garanties. On ajoute que la légalité formelle dans la recherche de preuve implique le respect de la loi qui réglemente la procédure de l'utilisation d'un moyen de preuve qui porte normalement par sa nature atteinte au droit de la vie privée ou exactement celle d'un moyen de preuve en contradiction avec le droit au respect de la vie privée. On peut évoquer la légalité des écoutes téléphoniques qui nécessite une base légale propre permettant cette atteinte légale. Sans doute, la violation de la loi qui réglemente le recours à l'écoute téléphonique rend la preuve obtenue illégale, c'est une violation de la légalité formelle de la preuve pénale.

A. Les formalités substantielles.

48. Le non respect des formalités viole la légalité formelle de la preuve. La preuve pénale ne doit pas être collectée et obtenue en violation d'une formalité prescrite par la loi. L'acte de procédure qui vise la recherche des preuves doit respecter la forme imposée avec précision par le législateur, ce qui implique l'application de l'acte de procédure pénale qui organise la recherche de la preuve conformément au modèle défini et prévu par la loi dans les conditions fixées par le Code de procédure pénale selon lesquelles l'inobservation commise rend la preuve illégale et peut entraîner sa nullité. M. Jacques Buisson illustre clairement l'idée précédente en écrivant : « la recherche et le recueil de la preuve sont nécessairement prévus par des règles différentes selon qu'ils sont le fait d'un particulier ou d'un agent public, l'action de ce dernier impliquant la mise en oeuvre de la contrainte étatique contre laquelle il convient, dans un État de droit, de protéger les personnes qui peuvent en être l'objet. Le législateur a

329 V. F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 74, pp. 55-56 : « En réalité, le principe de la légalité de la preuve est sauvegardé sous couvert de deux autres principes, érigés par la jurisprudence en principes généraux du droit : la loyauté dans la recherche de la preuve et la loyauté dans la discussion de la preuve ».

donc organisé les ingérences étatique au sens de la Convention européenne, destinées à permettre cette administration de la preuve. Ainsi, il a soigneusement réglementé divers actes

de recueil de la preuve... »

330

. Il existe, en procédure pénale, des formalités nécessaires à la

80

validité de l'acte de la recherche des preuves dont l'accomplissement ne peut être négligé d'aucune manière, ce sont les formes essentielles, inévitables, obligatoires et indispensables pour que l'acte puisse accomplir sa tâche. Sans doute est-il difficile de préciser rigoureusement la sanction procédurale de cette inobservation de la forme de la procédure dans la recherche de la preuve et en même temps compliqué d'admettre que chaque non-respect des règles de procédure en matière pénale doit automatiquement entacher d'illégalité la preuve collectée. Ce qui nécessite de trouver un critère permettant d'évaluer le non-respect de la forme prévue de l'acte de procédure afin de trouver un équilibre entre l'efficacité de la procédure de recherche des preuves d'une part, et l'application du principe de la légalité des preuves d'autre part, en considérant que certaines formalités prévues par le législateur méritent d'être classées parmi les formalités substantielles de la procédure ou d'ordre public dont la violation conduit à considérer la preuve comme illégale. Une formalité dite substantielle désigne une règle de procédure pénale qui tend à rechercher les preuves dont la méconnaissance totale ou partielle touche la légalité de la preuve parce que cette formalité est indispensable pour garantir les droits de la défense. Cependant, il y a des formalités non substantielles dont l'inobservation ne rend pas les preuves illégales. Ce sont les formalités de nature accidentelle ou secondaire. La question qui se pose naturellement pour distinguer dans chaque cas si la preuve est illégale ou non, est la suivante : l'omission de cette formalité ou les irrégularités commises lors de son accomplissement dans la recherche des preuves ont-elles eu une influence sur la légalité des preuves ? De surcroît, la théorie des nullités qui présente une sanction procédurale joue un rôle essentiel et laisse une influence remarquable sur le caractère impératif des formalités procédurales qui tend vers la recherche des preuves. En tout cas, la preuve résultant d'un acte de procédure pénale doit respecter les formalités prescrites par la loi parce que le législateur qui impose ces formalités vise à sauvegarder les droits pour toute personne soupçonnée ou poursuivie en matière pénale et parfois le législateur considère ces formalités comme des conditions de validité de l'acte de procédure dont résulte la preuve.

330 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

B. Les principes directeurs relatifs à la preuve.

49. Respect des principes généraux à la phase de jugement. La recherche des preuves doit se dérouler en respectant les droits de défense consacrés par le législateur ou par les normes essentielles qui gouvernent le procès pénal, notamment le procès équitable. Divers instruments consacrent, tant en droit interne libanais et français qu'en droit international, les droits de la défense comme un droit fondamental de l'être humain. Dans un procès pénal, les acteurs de la recherche de la vérité judiciaire sont tenus de respecter les obligations relatives

aux droits de défense liées à la recherche et à l'administration de la preuve

331

. D`une manière

générale les principes généraux du droit de défense relatifs à la légalité de la preuve sont les

332

principes de l'oralité des débats, du contradictoire et de la publicité des audiences. Selon M. Jacques Buison, « l'administration de la preuve ne saurait évidemment violer les droits de la défense. Pendant longtemps considérés comme garantis par un principe général du droit, fondés sur le principe du contradictoire dans le procès pénal, ces droits sont aujourd'hui protégés par une norme, supérieure à la loi interne, d'application directe, l'article 6,

paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l'homme »

333

. La légalité formelle

81

de la preuve exige l'application des principes généraux qui sont fixés par les législateurs libanais et français comme étant les principes dominant la phase de jugement. Par conséquent, les conditions de recevabilité de la preuve dans la phase de jugement sont intimement liées au respect du principe du contradictoire, de l'oralité et de la publicité du débat. Le juge du fond ne doit pas former son intime conviction pour juger l'affaire pénale sur la base des éléments de preuve qui portent atteinte aux principes de l'oralité des débats et du contradictoire ou en supprimant la publicité des débats. Les éléments de preuve doivent faire l'objet d'un débat contradictoire au cours des débats. Effectivement, les éléments de preuve non soumis à la

331 V. sur ce point en droit français : J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70 : « L'administration de la preuve obéit également au respect de la légalité formelle, c'est-à-dire aux lois qui en régissent les actes. Ainsi elle ne saurait évidemment méconnaître les droits de la défense prévus par article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme qui impose notamment l'inviolabilité des correspondances entre le mis en cause et son avocat, le droit de se taire lors d'un interrogatoire de police et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination... qui, aujourd'hui est formellement intégré dans la loi, depuis la réforme du 15 juin 2000 (C. pr. pén., art. 63-1)... ».

332 V. R. Lindon, « Pour remédier à certaines obscurités et complications (A propos de la règle de la publicité des débats) », in J.C.P., 1968, I (Doctrine), 2190 : « On sait que la publicité des débats est la règle et que non seulement les débats proprement dits doivent avoir lieu mais qu'encore le jugement doit être prononcé en audience publique ».

333 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 4.

82

contradiction au cours des débats et sur lesquels les parties n'auront pas eu l'occasion et la possibilité de se prononcer seront considérés comme des preuves illégales.

C. La liberté de la preuve au regard du respect de la vie privée.

50. Respect de l'intimité de la vie privée. Chaque personne bénéficie du droit à la protection de sa vie privée qui limite la liberté dans la recherche de la preuve pénale. Il faut respecter et protéger la vie privée ; de même la recherche de la preuve pénale ne peut se faire en violation de la vie privée. L'efficacité dans la recherche des preuves de la culpabilité de l'individu doit respecter la protection de la vie privée, principalement en matière d'écoutes téléphoniques. Le non respect de la vie privée ne peut pas être justifié par l'application du principe de la liberté de preuve. En effet, le droit au respect de la vie privée est reconnu à toute personne, seul le législateur peut intervenir expressément pour autoriser des moyens de preuve qui violent ce droit dans les conditions et selon les limites fixées par la loi qui doit être strictement rigoureuse pour éviter tout risque d'abus de droit. M. Jacques Buison souligne à juste titre que « l'administration de la preuve astreint au respect de la vie privée à laquelle aucune atteinte ne doit être portée qui, prévue par une loi, ne soit nécessaire et proportionnée

334

(Conv. EDH, art. 8, al. 2) ». Donc, la recherche de la preuve ou l'utilisation des différents moyens de preuve en opposition avec le droit à une vie privée doit obligatoirement subir un encadrement de la loi, étant donné qu'en l'absence de loi autorisant et acceptant expressément l'utilisation de ce moyen portant atteinte à la vie privée, il sera considéré comme une violation de la légalité formelle rendant illégale la preuve obtenue. Autrement dit, seule une atteinte légale prévue par le législateur peut permettre l'utilisation de procédés dans la recherche de preuves qui ne respectent pas ou qui touchent le droit au respect de la vie privée. Le législateur apprécie la nécessité de l'atteinte au droit au respect de la vie privée en tenant compte de l'équilibre entre la nécessité de protéger la vie privée des personnes et l'efficacité de la recherche des preuves pour élucider une infraction si cela est nécessaire pour identifier son auteur. Compte tenu de ce qui précède, la liberté de la preuve en matière pénale trouve sûrement sa limite normale dans l'obligation du respect scrupuleux et absolu du droit à la protection de la vie privée de la personne poursuivie et de la personne soupçonnée. Le droit à la protection de la vie privée constitue une limite juridiquement infranchissable par le principe

334 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

de la liberté de preuve dont toute atteinte à la vie privée pour obtenir un élément de preuve rendrait la preuve illégale.

§ 2. Légalité matérielle.

51. Le concept de la légalité matérielle. La légalité matérielle est le respect de la dignité humaine et de la loyauté dans la recherche de preuves parce qu'une preuve ne peut être obtenue en violation des principes de loyauté et de respect de la dignité humaine. Le non-respect de l'un de ces principes suffirait alors à considérer que la preuve en résultant est illégale parce qu'elle a méconnu la légalité matérielle. La légalité matérielle de la preuve pénale est fondée sur le respect et la protection de l'intégrité du corps humain et de sa volonté lors de la recherche et production de la preuve pénale. En effet, ce principe n'admet aucune exception. Il doit être respecté strictement et appliqué d'une façon absolue lors de la recherche de la preuve et sa production afin d'empêcher l'obtention de la preuve pénale par des moyens inhumains et illégaux, tels que la torture de l'accusé en vue d'obtenir son aveu, sa fustigation, l'influence de sa volonté dans tous ses aspects, ou encore l'utilisation de moyens scientifiques afin de le forcer à l'aveu et la présentation d'une preuve contre son gré. En général, les atteintes à ces principes entraînent l'illégalité matérielle de la preuve.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo