WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A. Le respect absolu de la dignité humaine dans la recherche de la preuve

52. Respect ne souffrant pas d'exception. La légalité matérielle réside dans le respect de la dignité humaine et du libre arbitre de la personne qui prohibe de manière absolue et sous toutes ses formes la violence, quelles qu'en soient la forme et la nature, physique ou morale : « la violence dans toutes ses formes, physique ou morale, est évidemment prohibée dans la

335

recherche des preuves, de manière absolue »

. L'interdiction de la violence ne peut souffrir

83

d'aucune exception sur la base de la nécessité de la recherche des preuves ou au nom de la

336

liberté de preuve en matière pénale. Le respect de la dignité humaine dans la recherche de

335 J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 3.

336 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 281, p. 184 : « La recherche des preuves ne peut s'effectuer au détriment de la dignité de la personne. Les investigations impliquant des intrusions corporelles sont très strictement encadrées, les violences exercées pour arracher des aveux sont prohibées et les questions indélicates, lorsqu'elles sont inutiles, doivent être bannies ».

84

la preuve ne permet aucune tolérance et doit être absolu sans aucune exception. Cela signifie que toute violence physique ou morale est strictement interdite dans la recherche de la preuve. En fait, la protection de cette dignité humaine impose que les moyens et procédés de preuve

337

doivent être respectueux de la dignité humaine. La protection de la dignité humaine désigne l'interdiction de toute forme de violence, qu'elle soit physique ou morale pour recherche la preuve pénale. Ce qui précède implique que l'interrogatoire du suspect qui est une méthode parfaite pour rassembler les preuves, doit exclure la torture et autres traitements ou châtiments

338

en concluant à la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de

cruels, inhumains ou dégradants ou la prolongation anormale des interrogatoireset même toute menace. La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France dans l'affaire Tomasi339

l'homme qui interdit les traitements inhumains ou dégradants. L'arrêt rendu par la Cour de Strasbourg le 27 août 1992 a rejeté les arguments présentés par la France sur l'absence

337 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 410, pp. 354-355 : « Conformément à l'État de droit, notion au fort contenu éthique, les magistrats, policiers et gendarmes doivent évidemment respecter la dignité de la personne impliquée dans une procédure. En outre, ils doivent tenir compte de l'intimité de la personne et sa liberté d'expression de sorte que, dans les cas où ces valeurs sont en cause, ils ne doivent agir que s'ils ne peuvent pas faire autrement, que si en d'autres termes, leurs diligences sont nécessaires. Enfin, ces agents doivent agir avec une certaine loyauté, avec honnêteté ».

338 V. sur la prolongation anormale des interrogatoires : Cass. crim., 26 février 1991, B.C., n° 97, p. 242 : « Attendu que l'inculpé ayant prétendu qu'il n'avait pas bénéficié de temps de repos suffisants lors de sa garde à vue, que son audition par la gendarmerie se serait déroulée dans une atmosphère de grande tension et qu'en conséquence le procès-verbal de son audition devait être annulé, la chambre d'accusation, pour rejeter sa demande, énonce d'abord que, si l'audition de X... s'est déroulée dans une atmosphère parfois tendue, les enquêteurs ont expliqué que les réponses faites par X... aux questions qui lui étaient posées n'ont pu lui être suggérées en raison de leur ignorance des circonstances du crime ; Qu'elle relève en outre que les règles énoncées à l'article 64 du Code de procédure pénale ne sont pas prescrites à peine de nullité et que leur inobservation ne saurait en elle-même entraîner la nullité des actes de la procédure lorsqu'il n'est pas démontré que la recherche et l'établissement de la vérité s'en sont trouvés fondamentalement viciés ; que, pour considérer que cette démonstration n'était pas faite en l'espèce, elle relève que l'inculpé avait été informé le 28 juillet à 15 heures 45, après 24 heures de garde à vue, de son droit d'être examiné par un médecin et qu'il s'y était refusé ; qu'il avait en outre été examiné le 28 juillet à 19 heures par un psychiatre qui n'avait pas relevé d'état d'épuisement et qu'enfin, présenté au juge d'instruction, il avait fait une longue déclaration ne révélant pas une intense fatigue ; Attendu qu'en l'état de ces constatations, d'où il résulte que l'inculpé n'a pas été soumis à des traitements inhumains, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen, lequel ne peut, dès lors, être admis » ; V. encore : Cass. crim., 10 mars 1992, B.C., n° 105, p. 272: « Attendu que, répondant aux articulations essentielles du mémoire de l'inculpé qui prétendait que les déclarations de Richard X... au cours de sa garde à vue avaient été faites dans une atmosphère de violence et sous le coup de la fatigue et que les conditions de la garde à vue étaient constitutives de traitements inhumains et dégradants interdits par l'article 3 de la Convention invoquée et qui demandait en conséquence l'annulation des procès-verbaux d'audition, la chambre d'accusation rejette cette demande par les motifs repris au moyen ; Attendu qu'en se déterminant ainsi cette juridiction n'a pas encouru les griefs allégués ; qu'il résulte de ses constatations, que la Cour de Cassation est en mesure de vérifier, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'inculpé n'a pas été privé de tout repos pendant la durée de sa garde à vue, qu'il n'a pas été l'objet de traitements dégradants et inhumains et que ses déclarations ne sont l'effet ni de la fatigue ni de la contrainte; Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ».

339 V. sur l'affaire Tomas: F. Sudre, L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme : mauvais traitements et délai raisonnable », in R.S.C., 1993, pp. 33-43.

85

d'atteinte au minimum de gravité. « D'après le Gouvernement au contraire, le "minimum de gravité" exigé par la jurisprudence de la Cour (arrêt Irlande c. Royaume-Uni précité et arrêt Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, série A no 26) n'a pas été atteint »340. La Cour de Strasbourg considère, pour condamner la France dans cette affaire, que « la Cour ne peut se rallier à cette thèse. Elle n'estime pas devoir examiner le système et les modalités de la garde à vue en France, ni en l'occurrence la durée et la fréquence des interrogatoires du requérant. Il lui suffit de noter que les certificats et rapports médicaux, établis en toute indépendance par des praticiens, attestent de l'intensité et de la multiplicité des coups portés à M. Tomasi ; il y a là deux éléments assez sérieux pour conférer à ce traitement un caractère inhumain et dégradant. Les nécessités de l'enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la protection

due à l'intégrité physique de la personne » 341 . Mme Haritini Matsopoulou a vivement critiqué la permissivité du système répressif français devant les graves violations des droits de l'homme qu'a subies M. Tomasi avec l'approbation des juges français qui n'ont pas sanctionné cette violation flagrante tout au long des diverses phases du procès pénal : « il est vraiment dommage qu'il ait fallu attendre une décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Tomasi, car il aurait été préférable que la chambre d'accusation ou le

342

.

juge de jugement reconnaisse la nullité des actes ainsi accomplis »

53. L'interdiction d'administrer des preuves en violation de la dignité humaine. La collecte des preuves doit avoir lieu dans le respect de la dignité humaine. Certains procédés scientifiques menacent gravement le libre arbitre de la personne et peuvent même conduire à son élimination totale. Tous ces moyens de preuve attentatoires à la dignité humaine ne peuvent être admis dans la justice : « le respect de la dignité humaine interdit de manière absolue toute forme de violence physique ou morale. Sont donc évidemment prohibés ... les procédés scientifiques destinés à obtenir un aveu : polygraphe, narco-analyse, et plus généralement tous moyens chimiques ou médicaux destinés à forcer la volonté d'une personne. Ce principe étant constitutif du noyau dur des droits de l'homme, insusceptible d'ingérence étatique dans la Convention européenne des droits de l'homme, il ne saurait être

343

admis qu'il puisse être méconnu avec le consentement de la personne concernée ». Certains

340 CEDH, 27 août 1992, Tomasi c. France, requête n°12850/87, V. spec. §114.

341 CEDH, 27 août 1992, Tomasi c. France, requête n°12850/87, V. spec. §115.

342 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 878, p. 711.

343 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

86

procédés scientifiques ont été considérés admissibles par les législateurs libanais et français ou par la jurisprudence comme moyens de preuve recevables qui ne violent pas la dignité humaine et le libre arbitre de la personne. Ce n'est pas facile d'évaluer le degré de menace que porte un procédé scientifique pour rejeter ce moyen ou au contraire l'admettre comme moyen de preuve. C'est pourquoi ce sujet fait couler beaucoup d'encre et a provoqué une levée de boucliers.

B. La liberté de la preuve limitée par le respect du principe de la loyauté.

54. La loyauté de la preuve dans la recherche de la preuve pénale. On parle de loyauté dans la recherche de la preuve pénale qui n'existe pas expressément ou formellement par un texte législatif en droit libanais et français. La loyauté dans la recherche des preuves comme principe général a été découverte depuis longtemps par la jurisprudence de la Cour de cassation française au nom de l'éthique judiciaire. Il y a plusieurs arrêts en France surtout de la chambre criminelle de la Cour de cassation française qui se fondent sur ce principe. En droit libanais, ce principe de loyauté est timidement reconnu par la jurisprudence et la doctrine pénales. La loyauté dans le domaine de la preuve pénale n'a jamais été définie par la jurisprudence libanaise et française. La doctrine n'est pas unanime sur la définition et même sur la reconnaissance de l'existence de ce principe comme principe essentiel dans la recherche de la preuve. La loyauté est un principe qui souffre d'hésitation ou d'ambiguïté malgré les différentes propositions de définition proposées par la doctrine française. Ce principe interdit

344

l'utilisation de procédés déloyaux dans la recherche des preuves, le terme de procédé déloyal est assez vaste et contient nombre d'incertitudes et d'ambiguïtés. La définition de la loyauté n'est ni claire, et ni précise. D'autre part, certains auteurs comme MM. Jacques Buisson et Serge Guinchard, considèrent que l'étude du principe de loyauté doit s'inscrire au

. En ce qui concerne la loyauté

345

sein des études relatives au respect de la légalité matérielle

de la preuve, la majorité de la doctrine considère le principe de la loyauté de la preuve

346

pénale dans le cadre de la légalité matérielle de la preuve. Cependant, nous

344 V. sur la loyauté de la preuve : J. Buisson, « La légalité dans l'administration de la preuve pénale », in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6, V. spec. p. 4: « Le principe de loyauté dans la recherche des preuves a pour objet d'interdire à celui qui administre la preuve l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagème ».

345 V. en ce sens: S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 584, p. 588 ; V. encore : J. Buisson, « Preuve », in Rép. pén. Dalloz., février 2003, n° 87 et n° 88, pp. 18-19.

346 V. au contraire : D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse de droit, Université Paris I, 2009, p. 215 : «... c'est

87

préférons, contrairement à l'avis de la majorité des juristes, ne pas classifier le principe de loyauté de la preuve pénale entre la légalité formelle ou matérielle, et par conséquent, le considérer en tant qu'une partie intégrante du principe général de la légalité de la preuve pénale. Pour cette raison, nous allons examiner ultérieurement le principe de loyauté de la preuve pénale de façon distincte, en dehors du champ de la légalité formelle et matérielle.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci