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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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Introduction

1. Définition du principe. Selon M. Patrick Morvan, il n'existe guère de mot plus employé que le mot principe dans les disciplines de la connaissance. Il n'est de science qui ne possède

1

ses principes . Le terme principe vient du mot latin principium qui a tout à la fois le sens de commencement et de commandement, et il retient de son étymologie une double relation avec les idées de priorité et de supériorité, le principe étant à la fois ce qui précède et ce qui régit les choses qu'on lui rapporte. Donc, étymologiquement, le mot principe vient du latin principium, lui-même dérivé du mot princeps formés tous deux de primo (premier) et de caps (de capio, capere : prendre). In principio : au commencement. C'est le premier sens du mot

2

qui a donné principe . Puis est venu le principe, le principat - celui qui est premier - et après bien d'autres sens au pluriel, les «principes» ont signé les éléments fondamentaux, les règles

de base. Selon M. Gérard Cornu, le principe est une règle juridique établie par un texte en

3

termes assez généraux destinée à inspirer diverses applications et s'imposant avec une autorité

4

supérieure . En deuxième sens, le principe est une maxime générale juridiquement obligatoire

bien que non écrite dans un texte législatif5 . M. Philippe Jestaz souligne que le droit français emploie les expressions les plus diverses: « principe (sans autre précision), principe général (au singulier), principes généraux (au pluriel), principe fondamental, essentiel, directeur... Mais aucun esprit sensé n'imaginera qu'il puisse y avoir là autant de notions distinctes: la

6

.

difficulté sera déjà assez grande de cerner la notion de principe »

1 P. Morvan, Le principe de droit privé, L.G.D.J., édit. Panthéon-Assas, 1999, Préface de Jean-Louis Sourioux., p. 3.

2 I. Fadlallah, « Les principes généraux en matière d'arbitrage international », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, Conférence prononcée au Centre d'études des droits du monde arabe, Colloque sur « Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français », à Beyrouth (Liban), le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ. Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe. Beyrouth. Liban, disponible en ligne sur: http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/fadlallah.pdf

3 J.-M. Turlan, « Principe. Jalons pour l'histoire d'un mot », in M. Boulet-Sautel, G. Cardascia et al., La responsabilité à travers les âges, Économica, Paris, 1989, préface de Jean Imbert, pp. 115 et s.

4 G. Cornu (Dir), Vocabulaire juridique-Association H. Capitant, 8e éd., P.U.F., coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 673.

5 G. Cornu (Dir), Vocabulaire juridique-Association H. Capitant, op. cit., p. 673.

6 P. Jestaz, « Principes généraux, adages et sources du droit en droit français », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit

78

2. Notion de principe général du droit. Selon le Petit Robert, ce qui est général: « s'applique à l'ensemble, la majorité ou le plus grand nombre de cas, mais se dit parfois de ce

9

qui est sans référence à une réalité précisée ». M. Gérard Cornu donne à son tour une définition juridique du mot général, « ce qui est général est commun à tous éléments d'un

ensemble » et « s'appliquant à toute une série de cas semblables »

10

et convient au genre

11

entier, par opposition au particulier. Les principes généraux découlent du droit naturel

12

souligne M. George Ripert , qui ajoute « ce sont des règles traditionnelles, en droite ligne des adages, que l'on reconnaît à leur âge, de vieilles règles, souvent en forme latine, souveraines, pérennes, générales. D'essence supérieure, elles s'imposent à tous, même au

législateur »

13

. Pour M. Jean-Louis Sourioux les vocables principe et général nous mettent en

2

présence de termes qui ne sont pas juridiques par nature mais seulement par la détermination

. La notion

14

des « faiseurs de systèmes » juridiques ainsi que des poseurs de normes juridiques

de principes généraux du droit évoque l'idée de normes éminentes de portée très générale que

connaissent la plupart des systèmes juridiques

15

. M. Jean Boulanger note que les principes

français, v. spec. pp. 2 et 3, Conférence prononcée au Centre d'études des droits du monde arabe, Colloque sur « Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français », à Beyrouth, Liban, le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ. Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe, à Beyrouth (Liban), disponible en ligne sur: http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/jestaz.pdf

7 V. F. Casorla, « Les principes directeurs du procès pénal, Principes généraux de droit? Essai de clarification », in Le Droit Pénal À L'aube Du Troisième Millénaire - Mélanges Offerts À Jean Pradel, Cujas, Paris, 2006, pp. 53-69 ; V. aussi : M. De Bechillon, La notion de principe général en droit privé, P.U.A.M., 1998, Préface de Bernard Saintourens.

8 Dictionnaire Alphabétique et analogique de la langue française.

9 P. Robert, Le petit Robert 1, p. 858.

10 G. Cornu (Dir), Vocabulaire juridique-Association H. Capitant, op. cit., p. 410.

11 V. B. Jeanneau, Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, L.G.D.J., 1954; A. Pellet, Recherches sur les principes généraux de droit en droit international, Thèse de droit, Université Paris II, 1974; R. Rodière, « Les principes généraux du droit privé français », in R.I.D.C., 1980, vol. 2, n° spec., p. 309.

12 G. Ripert, Les forces créatrices du droit, 2e éd., L.G.D.J., Paris, 1955, p. 325.

13 G. Ripert, Les forces créatrices du droit, 2e éd., L.G.D.J., Paris, 1955, pp. 325 et s.

14 J.-L. Sourioux, « Le concept de principe général », in Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français, v. spec. p. 1, Conférence prononcée au Centre d'études des droits du monde arabe, Colloque sur « Les dénominateurs communs entre les principes généraux du droit musulman et des droits des pays arabes et les principes généraux du droit français », à Beyrouth (Liban), le 4,5, et 6 octobre 2001, Éditeur :USJ. Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe, à Beyrouth (Liban), disponible en ligne sur: http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/dencom/sourioux.pdf

15 S. Jahel, « Les principes généraux du droit dans les systèmes arabo-musulmans au regard de la technique juridique contemporaine », in R.I.D.C., 2003, Vol. 55, n° 1 Janvier-Mars, p. 106.

3

généraux, dont il constate aussi qu'ils « empruntent une partie de leur majesté au mystère qui les entoure », proviennent aussi d'une systématisation de règles particulières, lesquelles dégagent des généralités à des fins de clarification ; ces principes généraux, qui font parfois référence au droit naturel, voire au lieu commun, ne doivent pas nécessairement être prévus par un texte pour exister ; ils s'appliquent dès qu'ils sont identifiés par la jurisprudence, et constituent des règles générales supportant des règles particulières contraires, ce qui les ferait

16

.

de même nature

3.

17

. Les

Principes fondamentaux et principes généraux du droit. Pour Mme Anne Beziz-Ayache, les principes fondamentaux sont des principes dégagés par le Conseil Constitutionnel

principes généraux du droit sont des principes dégagés par la Chambre criminelle de la Cour

de cassation 18 . A l'encontre de ce qui vient d'être dit, à notre avis, l'expression principe fondamental ne signifie pas strictement que le principe est dégagé par le conseil constitutionnel, vu que la notion de droits fondamentaux est une notion floue qui n'admet pas

19

de définition unique. Le droit fondamental apparaît comme une notion complexe dans laquelle deux acceptions sont mêlées: d'une part, celle de principes dégagés par le Conseil constitutionnel ; d'autre part, celle de principes essentiels qui sont l'expression de la base commune à toutes les règles qui régissent le procès. Ainsi, à plusieurs reprises, l'expression « l'ensemble des règles fondamentales régissant la preuve » est utilisée en interprétant le principe de la liberté de la preuve qui n'est dégagé, ni par le Conseil Constitutionnel libanais et ni par le Conseil Constitutionnel français.

4. Les principes du droit de la preuve. Il est souvent affirmé que la preuve est libre en droit pénal. M. Jacques Leroy va même plus loin en soulignant que le principe de la liberté de la preuve s'applique non seulement à la preuve de l'infraction mais également à la preuve des

16 J. Boulanger, « Principes généraux du droit positif et droit positif », in Le droit privé français au milieu du XXème siècle, Études offertes à Georges Ripert, L.G.D.J., Paris, 1950, t.1, pp. 51et s.

17 A. Beziz-Ayache, Dictionnaire de droit pénal général et de procédure pénale, Ellipses, Collection Dictionnaires de Droit, Paris, 2001, p. 144.

18 V. T. Meindl, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles française et allemande, L.G.D.J., Paris, 2003, Préface de D. Rousseau.

19 V. par exemple, l'usage du terme principe fondamental par le Comité de Bâle ne désigne pas la valeur constitutionnelle des vingt-cinq Principes fondamentaux d'un contrôle bancaire efficace. Le Comité de Bâle a publié le 23 septembre 1997, dans leur version finale, les vingt-cinq Principes fondamentaux d'un contrôle bancaire efficace, qui doivent servir de référence aux autorités de contrôle bancaire du monde entier.

moyens de défense 20 comme l'exige la garantie de l'égalité des armes 21 . Il y a du vrai dans

4

cette phrase, mais une telle assertion ne peut être que partiellement vraie dans un État de droit où nul ne concevrait que la preuve puisse ne pas être régie par la loi. La liberté de preuve doit

. La

22

forcement se concilier avec un principe fondamental qui est le principe de la légalité

liberté de preuve n'est pas absolue et ne s'exerce pas sans limite 23 . Elle ne saurait exister que

dans un cadre légal24 . La condition de respecter le principe de légalité constitue sans doute un correctif à la liberté de preuve, c'est pourquoi on peut parler d'une liberté de preuve relative en matière pénale. En effet, tous les moyens de preuve au sens large ne sont pas admis. M. Jean-Claude Soyer a interprété l'idée de la légalité en disant que la manière de se procurer les preuves n'est pas entièrement libre parce qu'elles doivent être obtenues suivant une procédure que la loi réglemente. La réglementation a pour objet d'assurer l'efficacité de la preuve, afin qu'elle soit incontestable, ou bien d'éviter les abus qui pourraient résulter d'investigations

25

sans limites . Selon MM. Roger Merle et André Vitu, la liberté de preuve comporte des limites, imposées soit par des dispositions légales précises, soit par des principes généraux

non écrits 26 . Le procès pénal est avant tout un problème de preuve. Trois principes guident le droit de la preuve, en France comme au Liban : le principe de légalité, celui de la liberté de la preuve, et celui de l'intime conviction du juge qui signifie la libre appréciation de la preuve, c'est à dire que le juge dispose de la liberté d'accorder aux éléments de preuve la valeur et le

20 J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 347, p. 186 : « le principe de la liberté de la preuve s'applique non seulement à la preuve de l'infraction mais également à la preuve des moyens de défense comme l'exige la garantie de l'égalité des armes. ».

21 V. sur le principe d'égalité des armes en droit français : S. Lavric, Le principe d'égalité des armes dans le procès pénal, Thèse de droit, Université de Nancy, 2008, v. spec. le résumé : « Le principe d'égalité des armes a émergé, dans la procédure pénale française, sous la double influence du droit européen des droits de l'homme et de la jurisprudence constitutionnelle. Correctif du droit à un procès équitable pour la Cour européenne, l'exigence d'un équilibre des droits des parties, aujourd'hui proclamée en tête du code de procédure pénale ».

22 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 551, p. 571.

23 V. M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, p. 267 : « La première limite qui s'impose donc à l'enquêteur est celle du respect du principe de légalité, qui conditionne sa démarche investigatrice. Néanmoins cette seule limite suffit-elle ? La question est de savoir si, pour aboutir à la preuve, l'enquêteur peut laisser libre cours à son imagination (voire à sa ruse) dès lors qu'il ne contredit pas les normes de la légalité ».

24 J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 348, p. 186 : « Cette liberté ne s'exerce pas sans limite. Elle ne saurait exister que dans un cadre légal. La violence pour l'obtention d'une preuve est à exclure. ». « De même la recherche de la preuve doit être loyale. ».

25 J-C. Soyer, Droit pénal et Procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., Paris, 2012, n° 746, p. 317.

26 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 4e éd., Cujas, Paris, 1979, t. 2 Procédure pénale, n° 129, p. 162.

27

poids qu'ils méritent selon sa conscience. Le principe de légalité veut que le Code de

5

procédure pénale définisse à peine de nullité l'ensemble des actes d'enquête, comme les auditions et les interrogatoires, les perquisitions et les saisies, ou encore les écoutes

28

téléphoniques et tous les moyens et les actes de procédure liées à la récolte des preuves. En principe, la loi réglemente l'emploi des divers modes de preuve et le soumet à de nombreuses formalités. Donc le principe de légalité consiste à respecter les règles qui gouvernent

. À l'opposé, la liberté de preuve autorise à faire appel

à n'importe

29

l'obtention des preuves

quel moyen de preuve sans aucun classement hiérarchique des preuves et même sans lier le

30

juge ou son appréciation . En droit libanais, en matière pénale, le principe prépondérant est celui de la liberté de la preuve. L'article 179 du CPP Libanais énonce que « les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement ... ». En droit français, la règle est celle de la liberté. La recherche des preuves pénales est régie par le principe de liberté. L'article 427 du CPP Français dispose que « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». Pourtant la liberté de la preuve des infractions est de plus en plus strictement

encadrée affirme M. Emmanuel Molina. Il est clair que cette liberté ne peut et ne doit pas

31

s'appliquer sans limites. La preuve dans la procédure pénale est libre mais ce principe ne

32

signifie pas que n'importe quel procédé puisse être utilisé, parce que les moyens employés pour rechercher et produire les preuves de l'infraction ne peuvent déborder des cadres posés

33

par le Code de procédure pénale et la jurisprudence . En général, un régime de liberté de la

27 V. A. Hervé, « Du respect de la légalité dans l'administration de la preuve pénale » (À propos de l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation française en date du 12 décembre 2000), in R.P.D.P., 2001, Bulletin de la Société générale des prisons et de législation criminelle, 125e année, n° 3, pp. 590-606.

28 F. Jobard et N. Schulze-Icking, « Preuves hybrides. L'administration de la preuve pénale sous l'influence des techniques et des technologies (France, Allemagne, Grande-Bretagne) », in Etudes et données pénales, 2004, CESDIP, n° 96, p. 15.

29 V. M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1036 : « Les preuves doivent avoir été obtenus dans le respecter les règles qui gouvernent l'obtention de chacune d'elles ».

30 V. G. Vidal, Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, 2e éd., Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau, Paris, 1901, n° 723, p. 764 : « il ne faut pas confondre, à ce point de vue, la fixation légale de la force probante des moyens de preuve, qui constitue le système des preuves légales, avec la réglementation légale des conditions d'admission et de production des moyens de preuve, qui s'impose aux juges pour éviter les abus et les surprises, pour sauvegarder les droits des parties ou d'autres droits également respectables, sans altérer le caractère et la portée du système de la preuve morale et de l'intime conviction ».

31 E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse de droit, Université Aix-Marseille 3, 2000, v. spec. le résumé.

32 C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 245, p. 171.

33 E. Verges, Procédure pénale, Litec, 2005, n° 96, p. 75.

preuve en matière pénale conduit à la liberté d'appréciation de la preuve parce que la libre appréciation des preuves est le pendant de la liberté des moyens de preuve. C'est aussi la

34

liberté, pour le juge, d'admettre ou de refuser une preuve

. Le juge peut donc apprécier

librement la valeur des preuves qui lui sont soumises, rend ses décisions selon son intime conviction.

5. Procès équitable. Le principe du procès équitable dans le procès pénal constitue un rempart contre tous abus de la liberté de preuve parce que l'administration de la preuve pénale ne doit pas être fortement axée vers la recherche à tout prix de la preuve. Pour apprécier l'exigence du procès équitable, le juge ne doit pas négliger l'importance de la légalité de la preuve. Pour ce faire le juge doit prendre en compte la manière dont la preuve a été obtenue et les circonstances dans lesquelles l'irrégularité a été commise pouvant être considérées comme contraires à l'exigence de l'équité du procès pénal, comme par exemple les preuves obtenues à la suite d'une provocation policière, en violation du droit au silence de l'accusé ou encore au moyen d'actes de torture. En résumé, l'efficacité de la justice ne justifie pas l'usage des moyens non équitables. La notion de procès équitable concerne non seulement la procédure

devant un tribunal

35

, mais encore la procédure dans son intégralité depuis le commencement

(l'intervention des autorités) jusqu'au jugement final. L'insuffisance manifeste du principe du contradictoire tant dans l'enquête de police qu'au cours de l'instruction préparatoire ne permet

36

pas de respecter un droit à la preuve juste et équitable . Les droits de la défense font

intrinsèquement partie du procès équitable et de l'égalité des armes

37

. M. Édouard Verny

6

souligne que « la pierre angulaire du droit à un procès équitable est certainement l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, interprété de façon parfois audacieuse

38

par la Cour européenne des droits de l'homme. »Selon Mme Dominique Karsenty, le principe du procès équitable constitue la pierre angulaire de la Convention européenne des

34 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 551, p. 571.

35 V. sur la notion de procès équitable devant les Tribunaux Pénaux Internationaux : R. Adjovi et G. Della-Morte, « La notion de procès équitable devant les Tribunaux Pénaux Internationaux », in H. Ruiz- Fabri (dir.), Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs, Éd. de la Société de Législation comparée, 2003.

36 T. Didier, V. Bosc, C. Gavalda, P. Ramon, A. Vaissière, « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004, n° 26, pp. 113-124, v. spec. p. 119.

37 XVIIIe Congrès International de Droit Pénal, « Les principales transformations du système de justice pénale en réponse à la globalisation », Istanbul (Turquie), 20-27 septembre 2009, V. spec. Section III sur les Mesures procédurales spéciales et respect des droits de l'homme, point 15, p. 156.

38 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 9, p. 9.

7

3940

droits de l'homme. La notion de procès équitablepermet au juge pénal de sanctionner certaines pratiques dans le déroulement du procès pénal en matière de mode de preuve. Pour

. L'expression

41

être équitable, l'institution judiciaire doit assurer au procès certaines qualités

procès équitable a été consacrée par l'art. 6 Conv. EDH. Malgré l'absence de principes directeurs spécifiques à l'administration de la preuve en matière pénale dans les articles de la Convention européenne des droits de l'homme, il ressort de la jurisprudence des instances européennes que le « mode de présentation des moyens de preuve » doit revêtir un caractère

42

équitable . La Cour européenne des droits de l'homme rappelle, dans une jurisprudence constante, que « la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne et il revient en principe aux juridictions nationales d'apprécier les éléments recueillis par elles. La tâche de la Cour consiste donc à rechercher si la procédure examinée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, revêtait un caractère

43

équitable ». En France, la Convention européenne des droits de l'homme fait partie du droit interne français, cependant si la Convention européenne des droits de l'homme évoque le procès équitable dans la phase décisoire, l'article préliminaire introduit en 2000 dans le Code de procédure pénale français va beaucoup plus loin puisque les principes directeurs sont

.

44

applicables à toutes les phases de la procédure pénale y compris toute la phase préparatoire

Au Liban, le droit à un procès équitable n'est pas enraciné dans le système pénal libanais qui souffre de nombreuses lacunes du système empêchant la maturation du principe fondamental

45

du droit à un procès équitable. Le principe du contradictoiretrouve à s'appliquer en principe dès la phase d'instruction, mais est particulièrement fort au cours de la phase du jugement. Lors de cette phase, le contradictoire se traduit par la possibilité pour les parties de défendre leurs intérêts, ce qui implique leur présence, et la possibilité de prendre la parole pour discuter des preuves. Le respect de ce principe implique que chaque partie au procès puisse débattre et contredire les arguments et preuves avancés par l'autre partie. Le principe de l'oralité des

39 D. Karsenty, « Le droit au procès équitable : Évolution récente de la jurisprudence de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2001 de la cour de cassation, publiée en 2002 dans le rapport annuel pour l'année 2001.

40 Ce terme vise l'ensemble des garanties de procédure imposées par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans les matières pénales.

41 C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 204, p. 137.

42 T. Didier, V. Bosc, C. Gavalda, P. Ramon, A. Vaissière, « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », op. cit., p. 121.

43 CEDH, Delta c/. France, 19/12/2009., rendu à l'unanimité.

44 C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 204, p. 137.

45 V. sur le principe du contradictoire : L. Miniato, Le principe du contradictoire en droit processuel, L.G.D.J., 2008.

débats renforce encore le droit à un procès équitable, la finalité du principe de l'oralité des débats est de rendre plus efficace la discussion des preuves afin de permettre d'exercer pleinement les droits de la défense et la liberté de produire toute preuve contraire. Lors d'un procès pénal, une preuve obtenue par la torture entache l'équité du procès.

6. L'importance de la preuve. La preuve en matière pénale a une importance primordiale, le principe est que le procès pénal est avant tout l'affaire de la société et que la recherche de la

46

vérité est une affaire très sérieuse . Soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond, elle permet soit de caractériser les éléments constitutifs d'une infraction, soit, si elle n'est pas

suffisamment établie, d'entraîner la relaxe du prévenu 47 . Le procès pénal a pour but essentiel la découverte de l'infraction et de son auteur afin de présenter au juge des preuves qui forgent sa conviction comme l'indique M. Édouard Verny : « le procès pénal implique la découverte de l'infraction et de son auteur avec le rassemblement d'éléments suffisants pour emporter la

48

conviction du juge ». Selon M. Faustin Hélie, le but de toutes les opérations judiciaires est

. M. François Fourment souligne que « le but ultime

49

d'acquérir la connaissance de la vérité

50

du procès pénal est en effet de dire qui est coupable et qui ne l'est pas ». Dans le procès pénal, l'importance de la preuve n'est plus à dire puisque toutes les règles de procédure n'ont

51

d'autre finalité que la recherche et l'administration des preuves. M. Jean-Yves Chevallier souligne que « dans le domaine répressif, la preuve tend à démontrer l'existence d'une

infraction et à établir qui en est l'auteur matériel et moral »

52

. Selon MM. Georges Levasseur,

8

Albert Chavanne et Jean Montreuil : « du début du procès pénal jusqu'à sa fin, tous ceux qui collaborent à la justice répressive sont obsédés par la recherche et l'exploitation des moyens

46 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).

47 H. Pelletier, Juris-Classeur Procédure pénale, Art. 427 à 457, n° 1.

48 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 34, p. 25.

49 F. Helie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de l'instruction écrite et de la détention préalable, p. 399.

50 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 2, p. 7.

51 A. Decocq, J. Montreuil, J. Buisson, Le droit de la police, 2e éd., Litec, Paris, 1998, n° 1372, p. 671.

52 J.-Y. Chevallier, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 44.

de preuve »

53

. Le juge répressif applique l'adage « pas de preuve pas de droit », en principe «

9

54

pas de punition sans preuve ». Dans le procès pénal, si la preuve est-elle mal ordonnée, la sentence du juge, au lieu de la vérité, peut décréter l'erreur ; au lieu du coupable, condamner l'innocent. La preuve est donc considérée un thème central du procès pénal : « le particularisme du procès pénal se manifeste tout d'abord dans le domaine des preuves, car la preuve revêt, en droit pénal, une importance capitale, du fait qu'elle peut entraîner soit la

55

condamnation à une peine, soit l'acquittement ou la relaxe de l'accusé ou du prévenu ». Mme Haritini Matsopoulou et M. Bernard Bouloc expriment l'importance de la preuve en matière pénale en disant que « le droit de la preuve présente donc un particularisme certain et revêt une importance capitale. Du début du procès pénal jusqu'à sa fin, tous ceux qui collaborent à la justice répressive sont obsédés par la recherche et l'exploitation des moyens de preuve. On comprend que, dans certains pays (anglo-américains notamment), le droit de la

56

preuve constitue une branche spéciale des sciences criminelles. ». Un droit ne sert à rien s'il

57

ne peut pas être prouvé. Ce qui ne peut être prouvé n'existe pas, soulignant toute

58

l'importance de la preuve dans un procès pour faire valoir ses droits. Selon l'expression de

M. Rudolf Von Jhering, juriste allemand du 19e siècle : « la preuve est la rançon des droits

. La preuve revêt une importance capitale, elle est bien souvent considérée comme la clé du

59

»

60

procès pénal. En droit, « la preuve est la clé du succès, c'est en tout cas la clé du procès ». MM. Marcel Planiol et Georges Ripert expriment et illustrent parfaitement l'importance de la preuve en écrivant: « c'est la même chose de n'avoir point de droit ou de n'avoir point de

53 G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 432, p. 176.

54 C.-J.-A. Mittermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A. Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 1.

55 G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e éd., Dalloz, 2012, n° 27, p. 27.

56 B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et Procédure pénale, 18e éd., Sirey, Paris, 2011, n° 432, p. 252.

57 M. Boissavy et T. Clay, Reconstruire la justice, Odile Jacob, coll. La 6e République, Paris, 2006, p. 69.

58 V. sur le particularisme de la théorie de preuve : en droit libanais (en langue arabe) : D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, op. cit., pp. 90 et s.; V. en droit français : J. Patarin, « Le particularisme de la théorie des preuves en droit pénal », in G. Stéfani (dir), Quelques aspects de l'autonomie du droit pénal. Études de droit criminel, Dalloz, Paris, 1956, pp. 7-76.

59 Cité par M. Boissavy et T. Clay, Reconstruire la justice, op. cit., p. 69 et cité par R. Legeais, Les règles de preuve en droit civil : permanences et transformations, Thèse de droit, Poitiers, 1954, éd. L.G.D.J., 1955, p. 3.

60 B. Pacteau, « Preuve », in Encyclopédie Dalloz. Contentieux administratif, 1985, t. 2, p. 2.

61

preuve » . En théorie, l'absence de droit et l'absence de preuve sont des choses différentes.

10

Elles se rejoignent néanmoins dans la pratique. Un droit n'est rien sans la preuve de l'acte ou

62

du fait dont il dérive, la preuve vivifie le droit, elle constitue par voie de conséquence, le

coeur de tout procès et la condition sine qua non63 d'une bonne administration du système judiciaire. L'absence de preuve est traditionnellement considérée comme ayant un effet

64

déterminant sur la procédure, révélé par la maxime latine « idem est non esse et non probari ». Cet adage permet à M. Pierre Pactet d'affirmer « qu'un droit ne représente pour son titulaire d'utilité véritable que pour autant qu'il peut être établi en justice : un droit qui ne

65

peut être prouvé est un droit pratiquement inexistant ». Comme le rappelait encore le doyen

M. Jean Carbonnier à propos de l'adage précité : « les droits sont comme s'ils n'existaient pas

66

s'ils ne peuvent être prouvés ». M. Henri Lévy-Bruhl, auteur d'ouvrages de sociologie criminelle, affirmait : « la preuve est inséparable de la décision judiciaire : c'en est l'âme, et

67

la sentence n'est qu'une ratification ». M. Pierre Bouzat affirme que la preuve pénale dans le système juridique revêt un rôle capital: « Sans preuve en effet, pas d'imputabilité et pas

68

d'application d'une sanction ». La preuve rapportée au procès pénal doit être l'unique base de la sentence pénale. Pour rendre une sentence juste, le juge doit se fonder et se baser sur des preuves contrairement à l'utilisation abusive de la justice militaire qui historiquement prononce sa sentence arbitraire malgré l'insuffisance ou l'absence de preuve. La diversité des finalités et étapes des différentes phases du procès pénal vise à rechercher des éléments de preuve. À notre avis, la preuve est l'élément de légalité de la sentence et la pierre angulaire de tous les droits. La preuve donne accès aux droits devant la justice et contribue largement à la protection des droits. Celui qui ne peut faire la preuve d'un droit est dans la même situation

61 M. Planiol et G. Ripert, Traité élémentaire de droit civil: conforme au programme officiel des facultés de droit, Librairie générale de droit & de jurisprudence, Paris, 1932, Vol. 2, p. 19.

62 D. Mougenot, Droit des obligations - La preuve, Tiré à part du Répertoire notarial, 3e éd., Larcier, revue et mise à jour par D. Mougenot, Bruxelles, 2002, p. 64.

63 Condition sine qua non (la condition nécessaire) était à l'origine un terme juridique latin signifiant « sans laquelle cela ne pourrait pas être ». Dans plusieurs langues, telles l'italien, le français et l'anglais, l'expression est utilisée dans tous les domaines, incluant le droit et l'économie.

64 T. Didier et al., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », op. cit., p. 3.

65 P. Pactet, Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, Thèse de droit, Éditions A. Pedone, Paris, 1952, p. 3.

66 J. Carbonnier, Droit civil - Introduction - Thémis, 25e éd., P.U.F, Paris, 1997, pp. 308 et s.

67 H. Lévy-Bruhl, La preuve judicaire. Etude de sociologie juridique, Librairie Marcel Rivière et Cie., Paris, 1964, p. 7.

68 P. Bouzat, « La loyauté dans la recherche des preuves », in Mélanges Legros, Sirey, 1964, p. 155.

11

69

juridique que celui qui n'a pas de droit. La preuve, au sens large, est aujourd'hui définie comme l'établissement de la réalité d'un fait ou de l'existence d'un acte juridique. Dans un sens plus restreint, on peut entendre par ce terme le procédé utilisé à cette fin. La preuve en droit consiste donc en une démonstration destinée à convaincre le juge de la véracité ou de la fausseté d'un fait, afin qu'il impose à chacun la reconnaissance de ce qui lui est dû, selon

70

l'expression latine « suum cuique tribuere ». Cette définition rejoint celle que donnait M. Jean Domat, célèbre juriste du XVIIe siècle, pour qui la preuve était « ce qui persuade l'esprit

71

d'une vérité ». La preuve est nécessaire dans tous les domaines de la vie quotidienne, chacun peut être amené à prouver ses connaissances, son amitié, sa sincérité et une multitude d'autres choses. Mais elle acquiert une importance particulière en droit, car elle se trouve alors au coeur du procès où elle est notamment nécessaire à la reconnaissance juridique d'un droit

subjectif72

. La preuve peut donc s'analyser comme un élément ou un document qui établit la

réalité de la commission d'un fait ou d'un acte juridique. M. Jean Pradel affirme que le droit de la preuve est l' « ensemble des règles applicables à la constatation d'une infraction, que

73

.

cette constatation soit relative aux faits ou à la personnalité de la personne poursuivie »

74

7. La vérité comme objectif de la preuve. Selon M. Romain Rolland, la vérité est en première, ensuite vient la justice ou plus exactement, il n'y a de justice qu'autant qu'il y a de

7576

vérité. M. Charles Pegy écrivait dans les cahiers de la quinzaine en 1900, « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ; dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste...Quand on manque à la vérité, on manque forcément à

77

la justice : à vérité incomplète, justice incomplète, c'est-à-dire injustice ». Du mot latin

78

veritas, la vérité signifie ce qui est vrai, Mme Valérie Lasserre-Kiesowcroit qu'il est plus

69 P. Dupont Delestraint, Droit civil: les obligations, Dalloz, 1986, p. 84.

70 C'est-à-dire donner ou attribuer à chacun ce qui lui revient.

71 J. Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, éd. veuve Cavelier, Paris, 1771, t. 1, p. 204.

72 M. Parquet, Introduction générale au droit, 4e éd., Bréal, Paris, 2007, p. 83.

73 J. Pradel, Droit pénal comparé, 2e éd., Dalloz, Paris, 2002, p. 429.

74 V. R. Gassin, « Considération sur le but de la procédure pénale », in Le Droit Pénal À L'aube Du Troisième Millénaire - Mélanges Offerts À Jean Pradel, Cujas, Paris, 2006, pp. 109-120.

75 R. Rolland, Charles Péguy, Albin Michel, 1944, Vol. 1, p. 64.

76 Les Cahiers de la Quinzaine est une revue bimensuelle française disparue d'inspiration dreyfusarde fondée et dirigée par Charles Péguy.

77 C. Péguy, Lettre du provincial, in Les Cahiers de la quinzaine, Janvier 1900.

78 V. Lasserre-Kiesow, « La vérité en droit civil », in D., 20 Avril 2010, n° 15, pp. 907-912.

facile pour définir la vérité de commencer par ce qu'elle n'est pas

79

. La vérité selon Mme

Valérie Lasserre-Kiesow « s'oppose à l'erreur, à l'illusion, à l'ignorance, à l'invention, au mensonge, à l'imposture. La vérité est au contraire synonyme de justesse, d'absolu, de réalité

et de conformité avec une donnée de fait »

80

. Dans toute preuve, quelle qu'elle soit, on voit

81

poindre l'idée d'une vérité formelle ou d'une vérité matérielle qui en serait l'objet. La vérité

82

en justice n'a probablement qu'une valeur relative. M. Gérard Cornu écrit : « si la vérité est

83

l'or du Droit, le Droit est, en échange, l'orfèvre de la vérité ». La vérité pour M. Faustin

84

Hélie, n'est autre chose que la conformité des idées qui représentent les faits avec les faits eux-mêmes, et consiste, dans une instruction criminelle, dans la certitude que tel fait existe ou

n'existe pas, que tel individu est ou n'est pas coupable

85

. Mme Gaëlle Dalbignat-Deharo dans

12

sa thèse intitulée « vérité scientifique et vérité juridique », croit que le rôle du juge est de dire le vrai en cherchant une solution juste : « la justice est saisie pour dire le vrai, frapper le coupable de son glaive, donner raison à l'un par la condamnation de l'autre ; la mission du

86

.

juge est de trouver la bonne réponse à la question qui lui est posée, « LA » solution juste »

Selon MM. Alessandro Baratta et Ralph Hohmann, « vérité signifie, selon une tradition qui

79 Selon M. Yves Chartier, conseiller honoraire à la Cour de cassation française : « La place faite à la vérité dans l'application du droit est d'autant plus difficile à déterminer qu'il n'existe de définition incontestable, ni de la notion même de vérité, ni de son contenu. On conçoit donc que la loi s'abstienne de la définir, alors même qu'elle la prend, de façon d'ailleurs exceptionnelle, directement en considération sous des vocables divers, mais d'ambition souvent plus modeste, comme par exemple la vraisemblance, ou l'évidence ». V. Y. Chartier, « Avant-propos (études sur le thème de la vérité) », in Rapport annuel 2004 de la cour de cassation, pp. 37-40, v. spec. p. 37.

80 V. Lasserre-Kiesow, « La vérité en droit civil », in D., 20 Avril 2010, n° 15, p. 907.

81 C.-J.-A. Mittermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A. Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 8.

82 E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse de droit, op. cit., n° 5, p. 7.

83 G. Cornu, « Rapport de synthèse », in Des amis de la culture juridique française- la vérité et le droit (journées canadiennes), Travaux de l'Association Henri Capitant, Economica, 1987, t. 38, p. 11.

84 Pour M. Faustin Hélie, « En général, la certitude d'une vérité n'acquiert point par la démonstration de cette vérité un caractère plus absolu ; car, après comme avant la démonstration, il n'y avait aucun doute. Mais si la démonstration n'ajoute rien à la certitude, elle la confirme et la rend plus inébranlable. Il y a quelque différence entre l'esprit qui affirme instinctivement et celui qui affirme après vérification. Il est clair que le premier est plus réellement le maître de la vérité qu'il a ainsi conquise que l'autre ne l'est de celle qu'il a reçue sans examen et sans contrôle. Pourquoi les géomètres démontrent-ils quelquefois une proposition par elle-même évidente? c'est qu'elle gagne quelque chose à être démontrée ; elle ne devient plus certaine, mais le doute devient plus impossible ». V. F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de l'instruction écrite et de la détention préalable, pp. 402-403.

85 F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray, Paris, 1853, Vol. 5, de l'instruction écrite et de la détention préalable, p. 399.

86 G. Deharo-Dalbignat, Vérité judiciaire et vérité scientifique, Thèse de droit, Université Paris I, 2002, n° 28, p.

28.

remonte à Aristote, l'adéquation entre la pensée et l'objet de la pensée. La «juris-diction» dans le cadre d'un procès pénal, se fonde, selon un principe qui se retrouve dans tous les Codes de procédure pénale, sur la recherche de la vérité. Rechercher le vrai est une nécessité qui s'exprime à trois niveaux: constatation des faits, appréciation des preuves et fixation de la peine. La manifestation de la vérité apparaît ainsi comme un objectif central du procès pénal.

87

Du moins en théorie ». De tout temps, la quête de la preuve a constitué un objectif privilégié

. La preuve ne porte pas

88

pour ceux qui ont en charge la responsabilité de la paix sociale

directement sur l'existence des droits, mais sur l'existence des faits ou des actes de volonté

89

qui donnent naissance aux droits ou aux obligations. La preuve juridique est une preuve judiciaire et se situe au carrefour des règles de fond du droit et des règles de procédure. La

90

preuve est donc ce qui sert à établir qu'une chose est vraie. M. Michel Van De Kerchove pose la question « la manifestation de la vérité apparaît-elle comme un objectif central, voire

exclusif, du procès pénal? »

91

. M. Jeremy Bentham estimait que « le juge, le plus sensible et le

13

plus humain, ne doit être ni l'ami ni l'ennemi du prévenu : il n'est que l'ami de la vérité et des

92

lois. Il ne cherche ni un innocent ni un coupable. Il veut trouver ce qui est ». Pour M. Faustin

93

Hélie la procédure pénale n'a qu'un but, la recherche de la vérité. L'objectif poursuivi par la

est d'aboutir à un degré raisonnable de certitude eu égard aux faits et à la

94

procédure pénale

87 A. Baratta et R. Hohmann, « Vérité procédurale ou vérité substantielle », in Déviance et Société, Genève, 2000, Vol. 24, n° 1, pp. 91-93. A. Baratta et R. Hohmann ajoutent encore que « la nouvelle parole magique dans le champ du procès pénal est «communication». On ne débat pas sur la vérité, on la négocie. La discussion publique et contradictoire sur ce qui s'est «vraiment» passé, laisse la place à un compromis savamment élaboré ».

88 F. Falletti, « L'apport de la police scientifique dans l'enquête et le procès pénal », in R.I.C.P., Genève, 2001, vol. 54, n° 2 (Avril - Juin), pp. 145-151, v. spec. p. 146.

89 R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Janvier-mars 1953, vol. 5, n° 1, pp. 69-75.

90 I. de Lamberterie, « Préconstitution des preuves, présomptions et fictions », in Sécurité juridique et sécurité technique : indépendance ou métissage, Conférence organisée par le Programme international de coopération scientifique (CRDP /CECOJI), Montréal, 30 septembre 2003, p. 3.

91 M. Van De Kerchove, « La vérité judiciaire: quelle vérité, rien que la vérité, toute la vérité? », in Déviance et société, Genève, 2000, Vol. 24, n° 1, pp. 95-101, v. spec. pp. 97-98.

92 J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, Traduit par P.-E.-L. Dumont, 3e éd., Société Belge de librairie. Hauman & Cie, Bruxelles, 1840, t. 2, p. 366.

93 V. F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle, Charles Hingray Librairie Editeur, Paris, 1858, vol. 8, p. 231 : « Quel est le but de la procédure, le but de toute ses précautions et de toutes ses formalités? C'est la recherche de la vérité ».

94 V. Objet de la procédure pénale (en langue arabe) : H. Madi, procédure pénale, 2e éd., Sader Publisher, Beyrouth, 2002, pp. 13 et s.

personne qu'on juge, ce qui passe par un recueil et un examen de preuves pénales

95

. À l'instar

14

des autres disciplines du droit processuel, la preuve est au coeur du procès pénal dont l'objectif

9697

premier consiste dans la découverte de la vérité. Le droit tend à la recherche de la vérité, prouvée et démontrée, mais il n'exclut pas la possibilité quand cela est nécessaire d'une vérité

98

construite. L'objet de la preuve est la recherche de la vérité. Mais la preuve juridique se distingue des preuves scientifiques ou historiques en ce que ces dernières laissent une possibilité de ne pas conclure, alors qu'en droit la vérité doit obligatoirement être établie. M. Jean Domat affirme qu'il y a cela de commun à toutes les différentes sortes de vérités et que la

99

vérité n'est autre chose que ce qui est. Pour connaître une vérité, M. Jean Domat croit que « c'est simplement savoir si une chose est ou n'est pas, si elle est telle qu'on dit, ou si elle est différente. En plus, les preuves qui conduisent à la connaissance des vérités dans les faits, sont bien différentes de celles qui établissent les vérités qu'on enseigne dans les sciences parce que dans les sciences toutes les vérités qu'on peut y connaître ont leur nature fixe et immuable, et sont toujours les mêmes nécessairement, et indépendamment du fait des hommes, et de toute sorte de changement. Ainsi, les preuves de ces vérité se tirent de leur nature même; et on les connaît, ou par leur propre évidence, si ce sont des premiers principes, et des vérités claires par elles-mêmes; ou si elles dépendent d'autres vérités, leurs preuves consistent dans l'enchaînement qui les lie entre elles, et qui les fait connaître les unes par les autres. Mais dans les faits qui peuvent arriver ou n'arriver point, comme dépendants de causes dont les effets sont incertains, ce n'est pas par des principes sûrs et immuables, d'où dépendit ce qui est arrivé, qu'on peut le connaître. C'est pourquoi il faut venir à des preuves

100

. M.

d'une autre nature et c'est par d'autres voies qu'il faut découvrir toute sorte de vérité »

Édouard-Louis-joseph Bonnier écrit : « Nous découvrons la vérité, lorsqu'il y a conformité entre nos idées et les faits de l'ordre physique ou de l'ordre moral que nous désirons

95 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 226, p. 237 : « L'objectif poursuivi par la procédure pénale est d'aboutir à un degré raisonnable de conviction eu égard aux faits et à la personne qu'on juge. Il passe par un recueil et un examen de preuves pénales. ».

96 P. Bonfils et E. Verges, Travaux dirigés de droit pénal et de procédure pénale, 1er éd., Litec, 2004, Thème 18.

97 V. sur la vérité : G. Cornu, L'art du droit en quête de sagesse, P.U.F., Paris, 1998.

98 I. de Lamberterie, « Préconstitution des preuves, présomptions et fictions », in Sécurité juridique et sécurité technique : indépendance ou métissage, Conférence organisée par le Programme international de coopération scientifique (CRDP /CECOJI), Montréal, 30 septembre 2003, p. 1.

99 J. Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Première édition In-octavo, Revue, corrigée et augmentée Par M. Carre, Chez Erasme Kleffer éditeur, Paris, 1823, titre 2, De la séparation des biens du défunt, et de ceux de l'héritier entre leurs créanciers, t. 4, pp. 148-149.

100 J. Domat, Les lois civiles dans leur ordre naturel, titre 2, De la séparation des biens du défunt, et de ceux de l'héritier entre leurs créanciers, t. 4, op. cit., pp. 148-149.

connaitre. Prouver, c'est établir l'existence de cette conformité. Les preuves sont les divers

101

moyens par lesquels l'intelligence arrive à la découverte de la vérité »

. La vérité

scientifique entretient avec la vérité judiciaire des relations profondes et complexes au point qu'est souvent dénoncé le risque d'une démission du juge au profit de l'ingénieur. Les certitudes scientifiques paraissent susceptibles de jouer un rôle déterminant sur l'activité juridictionnelle en imposant une certitude indiscutable au juge ; pourtant, les complexités de la

102

.

notion de vérité judiciaire ne se satisfont pas de la seule connaissance d'une vérité

8. Problèmes de preuve à partir des questions posées. Pour que la loi pénale puisse être appliquée, il faut que l'infraction soit constatée et que la culpabilité du prévenu soit reconnue. L'autorité doit donc rechercher les crimes, les délits et les contraventions, en rassembler les preuves, s'assurer, s'il y a lieu, de la personne des inculpés et les livrer aux tribunaux chargés

. Le procès pénal comprend trois phases principales et distinctes il débute par

104

l'exercice d'une action; il se poursuit par une instruction; il se termine par un jugement

103

de les punir

. En

effet, «tout procès pénal est dominé par le problème de la preuve. Il en est ainsi depuis la plus

haute antiquité »

105

. Toute étude concernant la preuve et le droit de preuve pose trois

questions essentielles liées au problème de la preuve pénale : qui doit prouver, que doit-on prouver et comment prouver ? Qui, comment, jusqu'à quand et pourquoi faire sont autant de

questions qui sont appliquées au sujet de la recherche de la preuve

106

. Mme Michèle-Laure

15

Rassat a exposé cette idée: tout problème de preuve, quel que soit le cadre juridictionnel dans lequel il se situe, pose inévitablement trois questions : qui doit prouver? Comment doit-on prouver? Jusqu'où doit-on apporter la preuve de ce qu'on affirme? À ces trois questions du droit processuel des preuves, la procédure pénale apporte trois réponses sous la forme de trois

107

principes. À la question «qui doit prouver? » la procédure pénale répond par le principe de la présomption d'innocence. La personne pénalement poursuivie doit être présumée innocente

101 É.-L.-J. Bonnier, Traité des preuves en droit civil et en droit criminel, 4e éd., Plon, 1873, n° 1.

102 G. Dalbignat-Deharo, Vérité scientifique et vérité judiciaire en droit privé, Thèse de droit, op. cit., v. spec le résume ; V. G. Dalbignat-Deharo, Vérité scientifique et vérité judiciaire en droit privé, L.G.D.J., 2004, préface de L. Cadiet.

103 R. Garraud, Précis de droit criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, p. 537.

104 R. Garraud, Précis de droit criminelle, 12e éd., Sirey, 1912, n° 291, p. 538.

105 G. Levasseur et A. Chavanne, Droit Pénal et Procédure Pénale, éd. Sirey, Paris, 1963, p. 90.

106 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).

107 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 226, p. 237.

16

jusqu'au moment où elle sera effectivement déclarée coupable. Par conséquent, il appartient aux autres acteurs du procès pénal d'apporter la preuve de la culpabilité d'une personne mise

108

en cause. À la question « comment doit-on prouver? », la procédure pénale répond par le principe de la liberté de la preuve. Les modes de preuve admissibles ne sont pas limités. Tout élément de preuve est donc susceptible d'être utilisé, quelle que soit sa consistance. À la question « jusqu'où doit-on prouver? », la procédure pénale répond par le principe de l'intime conviction du juge. Il n'existe ni reine des preuves, ni preuve absolue : les magistrats se déterminent en fonction de l'effet qu'a produit, sur leur intime conviction, la balance des

109

.

moyens de preuves

9. Les modèles de procédure pénale. Le procès pénal est considéré comme le trait d'union entre l'infraction qui a été commise et la réaction de la société contre cette infraction. On

et le

110

distingue traditionnellement deux modèles de procédure : le système accusatoire

111

système inquisitoire . Deux grands systèmes procéduraux se sont succédé, au long de

108 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 230, p. 241.

109 M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 230, p. 241.

110 V. J. Leroy, Procédure pénale, 3e édition, L.G.D.J., 2013, n° 17, p. 16 : La procédure accusatoire : « C'est le système le plus fréquent de la période féodale. L'exercice de l'action publique est attribué directement à la partie lésée elle-même ou, si elle décédée, à son lignage. Le procès criminel n'est qu'un débat entre la victime et le coupable. La victime allègue l'infraction, offre la preuve et réclame le châtiment ».

111 V. D. Bonnaire, Le modèle accusatoire et l'instruction préparatoire, mémoire de D.E.A., Université de Limoges, 2001 ; J.-F. Burgelin, « Evolution de la procédure pénale française de l'inquisitoire vers l'accusatoire », in Gaz.Pal., 19 février 2005, n° 1, doctr. pp. 206-207 ; J-F. Burgelin, « Un faux problème : accusatoire contre inquisitoire », in Regards sur l'actualité, n° 300, La Documentation française, Paris, avril 2004, pp. 49-55 ; F. Casorla, « Inquisitoire-accusatoire : un écroulement des dogmes en procédure pénale? Le cas français. L'approche du magistrat », in R.I.D.P., 1997, pp. 83-101 ; F. Esquerre, Les procédures accusatoire et inquisitoire, Mémoire de D.E.A., Université Paris 2, 1997 ; J.-P. Ghenassia, « Inquisitoire-accusatoire : un écroulement des dogmes en procédure pénale? Le cas français. L'approche du policier », in R.I.D.P., 1997, pp. 103-110 ; J. Luc, « De la procédure inquisitoire à la procédure accusatoire ou la réforme de la mise en état des affaires pénales de Madame Guigou », in Gaz.Pal, 22 octobre 1998, p. 2 ; J. Lamarque, « Le procès du procès », in Études offertes à Jean-Marie Auby, Dalloz, Paris, 1992, pp. 149-180 ; J. De Maillard(Dir), « Défense et illustration de la procédure inquisitoire », in Justice et politique : l'impossible cohabitation ?, Arléa, Collection Panoramiques, n° 63, Paris, 2003, pp. 118-123; J. De Maillard (Dir), « Du système accusatoire au système inquisitoire. L'aveu » in Justice et politique : l'impossible cohabitation?, Arlea collection Panoramiques, n° 63, Paris, 2003, pp. 124-132 ; H. Mariotte, Le principe inquisitoire, son évolution dans le droit français (essai d'introduction aux projets de réforme du Code d'instruction criminelle), Thèse de droit, Société française d'imprimerie et de librairie, Paris, 1902; M. Porret, « Mise en images de la procédure inquisitoire », in F. Chauvaud, S. Vernois (dir.), La Justice en images, Sociétés & Représentations, octobre 2004, n° 18, , pp. 39-62; J. Pradel, « Défense du système inquisitoire », in Regards sur l'actualité, avril 2004, n° 300, Editeur : La documentation française, pp. 57-62 ; J-L. Sauron, « Les vertus de l'inquisitoire ou l'État au service des droits », in Pouvoirs, revue Française d'études constitutionnel et politique, 1990, n° 55, pp. 53-64; D. Soulez-Larivière, « Les nécessités de l'accusatoire », in Pouvoirs, revue Française d'études constitutionnel et politique, n° 55, 1990, pp. 65-79 ; G. Champy, « Inquisitoire-accusatoire devant les juridictions pénales internationales », in R.I.D.P., 1997, Vol. 68, n° 1-2, Association internationale de droit pénal, Erès, pp. 149-193 ; J. Pradel, « Inquisitoire-

17

112

l'histoire, dans les divers pays d'Europe : le système accusatoire et le système inquisitoire . Il faut rappeler que les modèles de procédure pénale ont une influence remarquable sur l'administration de la preuve pénale et donc sur la légalité de cette preuve, parce que la légalité de la preuve est en relation directe avec les principes qui caractérisent les modèles de

procédure pénale. La procédure pénale est dite accusatoire 113 lorsqu'elle est déclenchée par

114

une accusation. Les caractères principaux de la procédure accusatoire sont l'oralité, le

contradictoire et la publicité. Dès lors, s'affrontent celui qui accuse (la victime de l'infraction par exemple) et qui a saisi la justice, et la personne accusée, désignée comme étant l'auteur ou

115

.

le complice de l'infraction parce que cette procédure est orale, publique et contradictoire

Traditionnellement, la procédure accusatoire est un système de justice qui apparaît protectrice des droits de la personne poursuivie, c'est un système qui présente trois caractères essentiels : il se repose sur une procédure publique, orale et contradictoire. Le système accusatoire présente toutefois des inconvénients notamment en ce que l'enquête à charge repose sur la victime accusatrice ; le manque de moyens pourrait la dissuader de poursuivre l'auteur de l'infraction, conférant une certaine immunité de fait aux délinquants. À l'opposé de ce

système, la procédure est dite inquisitoire116 lorsqu'elle repose sur une formalité initiale dont

Accusatoire: une redoutable complexité », in R.I.D.P., Toulouse, 1997, Vol. 68, n° 1-2, Association internationale de droit pénal, Erès, pp. 213-229.

112 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel: problèmes généraux de la législation criminelle, droit pénal général, procédure pénale, Éditions Cujas, 1967, p. 58.

113 V. E. Chedieu, « La commission de réforme du code d'instruction criminelle en France », in Revue de droit international et de législation comparée, 1870, vol. 2, t. 2, pp. 441-451, v. spec. p. 442 : « Jusqu'au XIIe siècle, le système accusatoire a été seul pratiqué; à partir du règne de Saint-Louis commence la procédure inquisitoriale ».

114 M. Delmas-Marty, « La phase préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009, n° 34, pp. 2 et s : Procédure accusatoire (dite de Common Law) : « l'enquête est menée par chaque partie (l'accusation - à l'origine privée, mais le plus souvent représentée par la police ou le procureur- et la défense) ; tandis que le juge, cantonné au rôle d'arbitre, n'apparaît, pour l'essentiel, qu'à la phase de jugement. La phase préparatoire peut cependant comporter des actes coercitifs, y compris la détention provisoire de l'accusé, qui doivent alors être autorisés par un juge ; mais cette phase est courte, aucun dossier n'étant transmis à la juridiction de jugement qui doit rechercher elle-même les preuves au cours de l'audience. C'est pourquoi la phase de jugement est en principe longue et complexe ; en pratique elle est toutefois simplifiée, dans la majorité des cas, par le « plaider coupable » (guilty plea) qui évite de rechercher les preuves de culpabilité. D'où la pratique pour l'accusation de négocier avec la défense en promettant, en échange du « plaider coupable », de renoncer à une partie des charges ou de demander une peine moins sévère que le tarif légal (plea bargaining ».

115 H. Madi, procédure pénale, op. cit., p. 15.

116 M. Delmas-Marty, « La phase préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009, n° 34, pp. 2 et s : Procédure inquisitoire (tradition dite continentale): « l'enquête est menée par une autorité publique (traditionnellement un juge d'instruction) qui joue un rôle actif pour réunir les éléments à charge et à décharge et décider des mesures coercitives, puis du renvoi en jugement. Le dossier ainsi établi est transmis à la juridiction de jugement au sein de laquelle les juges jouent également un rôle actif à l'audience, notamment dans l'interrogatoire de l'accusé et des témoins. La phase préparatoire est

18

dépend le déroulement du procès et sa solution : l'inquisitio ou l'enquête. Cette enquête est confiée à un magistrat spécialisé qui mène l'instruction de manière écrite et secrète. Cette procédure n'est pas contradictoire. Le juge n'est plus un simple arbitre mais un acteur de la procédure, celui qui met tout en oeuvre pour parvenir à la manifestation de la vérité. L'esprit du système inquisitorial est celui-ci : ni accusateur, ni accusé, mais une personne soupçonnée; le juge se mettant en enquête, cherchant, interrogeant, couchant par écrit ses procès verbaux; nul débat contradictoire; secret pour le public, pour les témoins, pour la personne poursuivie, à l'égard de laquelle on commence par la capture. Cette procédure est connue sous le nom de l'information « probablement, disait avec ironie la premier président de Thou, parce que la preuve qu'on en tire est une preuve sans forme, sur laquelle on ne peut asseoir un bon

117

jugement ».

10. Distinction accusatoire et inquisitoire. Le célèbre pénaliste M. Henri Donnedieu de

118

Vabres définissait la procédure accusatoire comme « ramenant le procès pénal à un duel entre deux parties privées : la personne lésée par le délit, qui est demanderesse, et l'auteur de l'infraction, qui joue le rôle de défendeur. Les deux parties font valoir leurs prétentions

librement, oralement, publiquement, devant le juge » 119 . Selon M. René Garraud, le système accusatoire a deux caractères principaux. Il correspond à la notion élémentaire du procès pénal qui n'est, tout d'abord, qu'un combat simulé entre deux adversaires, combat auquel le juge met fin en donnant tort à l'un ou à l'autre. Il implique, au début, la confusion des deux procédures, pénale et civile, lesquelles, engagées l'une et l'autre par action privée, se déroulent primitivement, dans les mêmes formes, devant les mêmes juges et tendent à obtenir

120

les mêmes satisfactions . Le système dit accusatoire ramène le procès pénal, fort proche du procès civil, à un duel entre la victime et l'auteur de l'infraction, en présence d'un juge simple

souvent longue, entraînant de longues détentions provisoires, en revanche la phase de jugement est généralement plus courte que dans la procédure accusatoire, car il s'agit seulement de compléter le dossier déjà établi ».

117 E. Chedieu, « La commission de réforme du code d'instruction criminelle en France », in Revue de droit international et de législation comparée, 1870, vol. 2, t. 2, pp. 441-451, v. spec. p. 442.

118 V. les auteurs libanais sur le système accusatoire (en langue arabe) : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions Juridiques Halabi, Beyrouth, 2002, pp. 33 et s.; D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, 1er éd., Sader Éditeurs, Beyrouth, 2003, pp. 40 et s.; P. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, 1999, op. cit., p. 11 ; A. Nakkib, Procédure pénale (étude comparative), 1993, Beyrouth, pp. 38 et s ; S. Alye et H. Alye, La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 180.

119 H. Donnedieu De Vabres, Traité élémentaire de droit criminel et de législation comparée, 3e éd., Librairie Sirey, Paris, 1947, n° 1027, p. 577.

120 R. Garraud, Traité théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure Pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 8, p. 11.

arbitre passif. Il assure ainsi une complète égalité entre l'accusation et la défense, si bien qu'il

121

est le plus protecteur des droits de l'accusé

. Ce type de système a donné son nom à la

procédure accusatoire parce que l'État, la Cité en tout cas, exige que les poursuites pénales

122

soient déclenchées par un accusateur et uniquement par un accusateur . La procédure accusatoire étant sous le contrôle du peuple devant lequel l'accusé répond de ce qui est reproché, il était naturel que les juridictions chargées de le juger soient composées de juges non professionnels, élus ou tirés ou sort. C'est le cas des jurés de la Cour d'assises en

123

France . C'est une procédure qui présente un caractère public (non secrète), oral et

124 125

contradictoire . Dans le système Inquisitoire , le juge peut se saisir lui-même et la société est représentée, pendant le procès, par le ministère public. La procédure est écrite, secrète, à l'égard du public comme du suspect, si bien qu'elle est non contradictoire et divisée en

plusieurs phases, au cours desquelles le juge recherche activement les preuves 126 . Le système

de procédure dit inquisitoire 127 est plus scientifique et plus complexe 128 . La procédure inquisitoire prend son nom de la formalité préliminaire qui va influencer tout le processus

129

ultérieur . Le système inquisitoire est basé sur la procédure de l'enquête préalable

(inquisitio) qui place les intérêts de la société au-dessus des intérêts individuels

130

. L'examen

19

du juge n'est pas limité aux preuves produites devant lui, ce système donne au juge le pouvoir de diriger l'instance parce que le juge procède d'office et suivant certaines règles à

121 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 22, p. 12.

122 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 22, p. 38.

123 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 25, p. 39.

124 V. sur l'application du modèle accusatoire : S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 23, p. 38 : « Une procédure publique, orale et contradictoire. ».

125 V. en droit libanais : P. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, op. cit., p.12.

126 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 23, p. 13.

127 V. les auteurs libanais sur le système inquisitoire (en langue arabe) : M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Halabi Law Publisher, Beyrouth, 2002, pp. 36 et s.; D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, 1er éd., Sader Editeurs, Beyrouth, 2003, pp. 44 et s ; P. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, 1999, p. 12 ; A. Nakkib, Procédure pénale (étude comparative), 1993, Beyrouth, pp. 40 et s.; S. Alye et H. Alye, La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, op. cit., p. 181.

128 R. Garraud, Traité théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure Pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 14, p. 16.

129 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 32, p. 43.

130 M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 22.

.

.

l'instruction (écrite et secrète) c'est-à-dire à toute recherches de preuves admises par la loi131

132

Le secret « dans le système inquisitoire » est destiné à renforcer son poids et son efficacité En ce qui concerne les pouvoirs du juge dans le système inquisitoire, ce dernier joue un rôle actif, tant dans la recherche des preuves que dans leur appréciation. Il a l'obligation d'utiliser tous les moyens d'investigations que la loi lui fournit pour instruire à charge comme à

décharge et dispose de pouvoirs importants en matière d'appréciation des preuves

133

. Dans le

20

système inquisitoire, la vérité demande confirmation, et dans le système accusatoire,

élaboration 134 . La différence entre les deux procédures réside essentiellement dans le régime des preuves. Dans le système accusatoire, la preuve est le fardeau de la partie lésée. Dans le

135

.

système inquisitoire, elle sera le fruit de l'investigation qui est faite ou dirigée par le juge

11. Les conséquences des tendances accusatoires ou inquisitoires sur la preuve. Le choix entre système accusatoire et système inquisitoire se traduit dans le processus de recherche des preuves. Leurs différences résultent surtout de l'office du juge et, par conséquent, du rôle respectif des parties dans ces deux instances. L'administration de la preuve fait toujours l'objet de règles précises qui diffèrent selon le choix de système de la procédure. Dans une procédure pénale de type accusatoire, la direction du procès et la charge de la preuve

131 R. Garraud, Traité théorique et pratique d'instruction criminelle et de procédure pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 17, p. 17.

132 V. D. Soulez Larivière, Justice pour la Justice, Éditions du Seuil, Paris, 1990, pp. 95-110 : « Dans le système inquisitoire, l'information du public est monopolisée par l'accusation, et la manipulation du secret est destinée à renforcer son poids et son efficacité. Ce secret est aujourd'hui impossible à tenir pour des raisons techniques et démocratiques. Ce que les multiples commissions de réforme n'ont jamais voulu voir, tant elles sont engluées dans le bain culturel inquisitorial, c'est que le secret de l'instruction recouvre deux marchandises différentes : la juridiction et l'investigation. Voilà l'essence même du système inquisitoire. Le juge d'instruction, parce qu'il est juge, décide des mises en détention, des inculpations, des renvois devant le tribunal ou la cour. C'est sa fonction juridictionnelle. Mais il procède aussi à des enquêtes, lui-même ou avec l'aide des policiers, il entend ou fait entendre des témoins, il procède à la reconstitution des faits. Il ordonne des expertises. C'est sa fonction d'investigation. Dans un État démocratique, la juridiction est publique, et c'est en cela que le système inquisitoire est antidémocratique. Mais pour les investigations, même dans les pays les plus démocratiques, la règle technique est celle du secret, car on ne chasse pas avec un tambour. La raison pour laquelle la discussion sur le secret de l'instruction est vaine, c'est que les têtes pensantes des réformes ne peuvent aborder cette contradiction essentielle mettant en cause la logique même du système inquisitoire qui réunit dans les mains d'un juge d'instruction des fonctions qui ne peuvent être soumises au même régime de publicité et de secret ».

133 Y. Schuliarp, La coordination scientifique dans les investigations criminelles. Proposition d'organisation, aspects éthiques ou de la nécessité d'un nouveau métier, Thèse de Science Forensique, Université paris Descartes thèse en cotutelle avec l'université de Lausanne (Swiss), 2009, p. 33.

134 Y. Schuliarp, La coordination scientifique dans les investigations criminelles. Proposition d'organisation, aspects éthiques ou de la nécessité d'un nouveau métier, Thèse de Science Forensique, Université paris Descartes thèse en cotutelle avec l'université de Lausanne (Swiss), 2009, p. 89.

135 A. Mellor, La torture: son histoire, son abolition, sa réapparition au XXe siècle, Éditeur : Les Horizons littéraires, Paris, 1949, Préface du colonel Rémy, p. 72.

appartiennent aux parties. Le rôle essentiel est donc sur l'épaule des parties. Dans une procédure inquisitoire, la direction du procès et la charge de la preuve appartiennent au juge. Dans la procédure accusatoire, ce sont les parties qui saisissent le juge conformément à

136

l'ancien adage du droit Germanique « sans plaignant, pas de juge »

. Au sein du système

21

accusatoire, le procès est la chose des parties qui prennent l'initiative de préparer leur dossier en en rassemblant les éléments de preuve. Les parties doivent fournir les preuves de leurs prétentions et le juge doit uniquement apprécier leur pertinence. Il ne peut en rechercher lui même de nouvelles, ni les compléter. Avec le triomphe de la procédure inquisitoire sur la procédure accusatoire propre à l'Ancien Régime, la France est passée du système des preuves légales à celui de la liberté de la preuve. Dans le système inquisitoire, le juge a un rôle très actif surtout dans la recherche de preuves, plus particulièrement dans la recherche de la vérité. C'est une procédure basée sur l'enquête dans la recherche de la preuve parce que l'accusation est confiée à des fonctionnaires de l'État qui veulent défendre les intérêts de la société. L'enquête repose sur des interrogatoires, ceux des témoins et ceux des suspects, en plus chaque interrogatoire peut donner lieu ensuite à des vérifications par des contre-interrogatoires, tous les actes de recherche de preuve sont menés par un juge dans le plus

grand secret et sont consignés par écrit 137 . Il s'agit des magistrats qui vont intervenir en tant que parties. La loi va donner au juge pénal des prérogatives importantes en matière d'administration de la preuve, le juge procède à ordonne toute mesure d'investigation et d'instruction nécessaire à la manifestation de la vérité. Des parallèles saisissants peuvent toujours être opérés entre le régime de la preuve et l'état de la société, à un moment donné. L'historien M. Bruno Lemesle croit que le système de preuve est toujours une construction

intellectuelle élaborée à un moment donné de l'évolution d'une société 138 . Selon M. Max

139

Weber

, c'est avant tout le droit formellement réglementé de la preuve qui est à l'origine du

formalisme juridique dans le procès. La preuve s'apparente donc moins à la découverte objective d'un objet préconstitué, matériel ou immatériel, qu'à une élaboration subjective de critères selon lesquels elle devient acceptable pour traduire la vérité judiciaire. La preuve

136 B. Rolland, Procédure civile, 2e éd., Éditeur : Studyrama - Vocatis, coll. Panorama du Droit, 2005, p. 75.

137 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 37, p. 45.

138 B. Lemesle (Dir), « La preuve en Justice de l'Antiquité à nos jours », in La preuve en justice de l'Antiquité à nos jours, P.U.R., 2003, p. 10.

139 Max Weber (1864-1920), juriste de formation puis sociologue et économiste, est considéré comme le fondateur de la sociologie compréhensive. Voir Sociologie du droit, Cet ouvrage, traduit de l'allemand et introduit par Jacques Grosclaude, préfacé par Philippe Raynaud Editeur : P.U.F., 2007 ; Voir encore J.-P. Heurtin et N. Molfessis (Dir), La sociologie du droit de Max Weber, Dalloz-Sirey, Paris, 2006; V. encore P. Bouretz, « La preuve, rationalisation et désenchantement : autour de Max Weber », In Droits, 1996, n° 23, pp. 99-106.

22

informe sur les régimes de vérité qu'une société se donne à un moment de son histoire. Cela signifie encore plus profondément qu'elle est un instrument subordonné, un objet construit et modelé par les juristes suivant les rationalités successives de chaque époque, suivant la façon répond chacune d'entre elles, en fonction des valeurs privilégiées par le groupe, à la question du rôle du juge dans la recherche de la vérité ainsi qu'à la question de la relation entre le droit et le fait de société. On peut ainsi dénouer le fil d'une évolution de la rationalité juridique et de la société, depuis la preuve irrationnelle magique ou religieuse de l'Antiquité jusqu'à la

140

.

preuve formelle dont Max Weber disait qu'elle était à l'origine de la rationalité moderne

12. La naissance progressive d'un système mixte 141 . Chacun des deux types de systèmes de procédure a ses qualités et ses défauts ; aucun ne contient en lui-même les garanties nécessaires à l'administration de la justice criminelle. Aussi, le progrès dans la voie de la civilisation juridique, consiste à emprunter à chacun de ces types de procédure leurs meilleurs éléments et à organiser un type mixte dont une partie de la procédure est empruntée au système inquisitoire et dont l'autre reprend toutes les garanties et toutes les qualités du

142

système accusatoire . M. Faustin Hélie disait sur la naissance du système de procédure

143

mixte : « pourquoi ne pas emprunter à chacun de nos deux systèmes ses mesures les plus salutaires, ses formes les plus utiles? ... Enfin, pourquoi ne pas coordonner leurs règles différentes en ne demandant à chacune d'elles que la puissance qu'elle possède et en la renfermant dans ses limites essentielles? On voit qu'il s'agit d'établir une procédure mixte

144

». Selon MM. Merle et Vitu, on appelle mixte une procédure qui combine, en des

140 E. Jouannet, « La preuve comme reflet des évolutions majeures de la société internationale », in J.-M. Sorel et H. Ruiz Fabri, La preuve devant les juridictions internationales, Pedone, Coll. Contentieux international, Paris, 2007, p. 239.

141 M. Delmas-Marty, « La phase préparatoire du procès pénal. Pourquoi et comment réformer ? », in Les annonces de la Seine, 4 juin 2009, n° 34, pp. 2 et s.: Procédure mixte : « au fil des réformes, des combinaisons fort diverses ont tenté de corriger les défauts de chaque modèle. L'idée générale étant que les pays de tradition accusatoire ont renforcé, à la phase préparatoire, le rôle du juge afin de vérifier la régularité de la procédure et de décider du renvoi en jugement ; tandis que les pays de tradition inquisitoire ont introduit des éléments de contradiction à la phase préparatoire, en admettant un avocat dans le cabinet du juge d'instruction et parfois en supprimant l'institution elle-même pour créer, sous des noms divers, un juge arbitre entre l'accusation (parquet) et la défense ».

142 R. Garraud, Traité théorique et Pratique d'instruction criminelle et de procédure pénale, L. Larose & L. Tenin, Paris, 1907, t. 1, n° 21, pp. 20-21.

143 V. sur le système mixte en langue arabe : P. Nasr, Les principes des procès pénaux. Étude comparative et d'analyse, 1999, p. 13 ; A. Nakkib, Procédure pénale (étude comparative), op. cit., pp. 43 ; D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, op. cit., pp. 47et s.

144 F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray Libraire-Editeur, Paris, 1853, Vol. 5 De l'instruction écrite et de la détention préalable, pp. 52-53.

proportions variables, les traits des deux types procéduraux (accusatoire et inquisitoire)145

.

23

146

Dans le système mixte

, on applique le sy

stème inquisitoire pendant toute la phase du procès

pénal qui précède l'audience de jugement, cependant on applique le système accusatoire lors

147

de l'audience dans la phase de jugement.

13. Contradiction du système mixte. Le problème du système pénal libanais et français réside principalement dans la procédure mixte adoptée, phase d'instruction préparatoire sur la base d'une procédure inquisitoire écrite, secrète et non contradictoire et phase de jugement apparaîssant plutôt accusatoire du fait de son caractère public, oral et contradictoire. M. Faustin Hélie résume la contradiction qui réside au niveau de la preuve dans le système de procédure mixte en écrivant : « il faut remarquer, d'abord, que si la procédure criminelle est indivisible en ce sens que tous ses actes tendent à un même résultat, se lient les uns les autres pour former une même preuve, un même tout jusqu'au jugement, elle se partage néanmoins en deux phases distinctes, en deux séries d'actes et de formalités, et cette division est tellement inhérente à la nature, qu'elle se retrouve dans toutes les législations. Ces deux parties de la procédure n'ont ni le même caractère ni la même fin; l'une est préparatoire, l'autre est définitive; l'une se borne à recueillir les éléments de la mise en accusation, l'autre a pour mission de débattre les preuves et de les apprécier...Or, que fait le système mixte? Il se borne à soumettre à une forme différente ces deux instructions distinctes, qui n'ont pas le même objet, qui ne doivent pas fournir la même preuve; il limite l'emploi de la forme de l'enquête à la recherche des indices et l'emploi de la forme du débat à la discussion des preuves. Est-ce que cette distinction, si simple en elle-même, puisqu'elle ne fait qu'appliquer chaque forme aux choses pour lesquelles elle est faite, est contraire à la pureté des principes du droit? Est-

148

ce qu'elle tend à en troubler l'harmonie? ».

14. Le recul du modèle strictement accusatoire ou inquisitoire. A vrai dire, nous partageons l'idée et l'avis de Mme Coralie Ambroise-Castérot dans sa thèse intitulée « de

145 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel: problèmes généraux de la législation criminelle, droit pénal général, procédure pénale, Éditions Cujas, 1967, p. 73.

146 V. notion du système mixte (en langue arabe) :S. Alye et H. Alye, La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, op. cit, p. 182.

147M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 22 : système mixte : « Dans ce système ..., on applique le système inquisitoire à toute la phase du procès pénal qui précède l'audience de jugement, et le système accusatoire à la procédure d'audience. ».

148 F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle ou Théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray Libraire-Editeur, Paris, 1853, vol. 5 De l'instruction écrite et de la détention préalable, pp. 54-55.

24

l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire », qui souligne que « la distinction entre procédure accusatoire et procédure inquisitoire semble faire partie de l'inconscient collectif juridique. Tout juriste la connait nécessairement ; c'est par son prisme qu'est systématiquement abordée la procédure pénale. Ainsi, l'instruction initialement inquisitoire serait désormais pénétrée d'accusatoire. Autrement dit, elle serait mixte. Or, cette distinction, révélatrice de cet attachement du droit aux oppositions binaires, parait être bien plus affective que cognitive. En effet, prétendre que l'instruction préparatoire est inquisitoire pénétrée d'accusatoire ou mixte ne permet en aucun cas au chercheur de connaitre sa nature

149

». Elle continue à dire qu'en réalité, l'opposition procédurale est inapte à qualifier et à classer les procédures et elle est à la fois erronée et dépassée. Cette incapacité à distinguer et à appréhender les procédures s'explique par deux raisons. Tout d'abord, l'opposition procédurale n'est pas juridiquement fondée ; l'accusatoire et l'inquisitoire sont seulement nés de déformations historiques ; ensuite cette dichotomie est inutile car elle ne peut saisir les réalités procédurales. Enfin, elle conclut que, pour saisir si la nature de l'instruction est accusatoire ou inquisitoire, il est donc nécessaire de se tourner vers des instruments modernes de distinction qui soient clairs, précis et pertinents et qu'il s'agit de la vérité recherchée et des droits de l'homme. Seuls ces nouveaux instruments de qualification permettront de comprendre

. De surcroît, nous ajoutons, qu'il faut trouver un

150

l'instruction préparatoire contemporaine

nouvel instrument conceptuel dont les critères de qualification sont basés sur la légalité, l'impartialité, l'égalité et l'équité du procès pénal. Nous pensons que le système de procédure pénale à notre époque doit adopter une approche basée sur les droits de l'homme qui constitue un cadre conceptuel pour le processus de développement procédural efficace et équitable en même temps, parce que les droits de l'homme constituent progressivement une base commune internationalement reconnue aux niveaux politique et juridique. Les critères précédents sont efficaces pour bien juger, distinguer et réformer un système complexe comme le système pénal151.

149 C. Ambroise-Casterot, De l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire, Thèse de droit, Université de Bordeaux 4, 2000, spec. le résumé.

150 C. Ambroise-Casterot, De l'accusatoire et de l'inquisitoire dans l'instruction préparatoire, Thèse de droit, Université de Bordeaux 4, 2000, spec. le résumé.

151 V. C.-J.-A. Mittermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A. Alexandre,De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 5 : « Les motifs qui guident le législateur traçant les règles de la preuve, sont les mêmes motifs généraux qui ont présidé à toute l'organisation du procès criminel. C'est : l'intérêt de la société, la nécessité de la punition de tout coupable; c'est 2 la protection due aux libertés individuelles et civiles, qui pourraient se trouver gravement compromises par l'effet du procès criminel ; c'est enfin et par suite, 3° la nécessité de ne jamais infliger la peine à un innocent ».

25

15. Système de procédure mixte au Liban et en France. La procédure criminelle au Liban et en France correspond-elle plutôt au modèle inquisitoire ou au modèle accusatoire de procédure? Une procédure seulement accusatoire ou seulement inquisitoire est déséquilibrée, privilégiant à l'excès tantôt les droits de la défense, tantôt les intérêts de la société. La

tentative de les concilier caractérise les systèmes mixtes 152 , qui, en tant qu'ils sont intermédiaires, sont fort divers. En substance, les systèmes mixtes se caractérisent par la division de la procédure en plusieurs étapes, qui appliquent alternativement les principes de la procédure inquisitoire (instruction) et accusatoire (jugement) et par la possibilité reconnue à la

victime comme au ministère public de déclencher les poursuites 153 . Ce système ne permet pas à la défense de participer à l'enquête, comme dans le système inquisitoire, mais la partie poursuivante y est tout de même partiellement associée, comme c'est le cas dans le système

154

accusatoire . Ce système de droit mixte est actuellement en vigueur au Liban comme

souligne MM. Mustafa Awji et Samir Alye

155

et en France comme le démontre M. Patrick

156

Beau

: le système de procédure pénale français résulte de mélange entre deux systèmes de

référence, l'accusatoire et l'inquisitoire. Comme cela a été très judicieusement souligné, les proportions entre la phase préparatoire et la phase de jugement sont parallèles à celle qui partage la dominante accusatoire et la dominante inquisitoire. La part du contradictoire s'est renforcée dans la phase préparatoire de la procédure pénale française, ce qui correspond à une

reconnaissance légitime des droits de la défense 157 . L'adoption de systèmes mixtes en droit libanais et français constitue une véritable et puissante cause d'affaiblissement des garanties procédurales dans la recherche et l'administration de la preuve parce qu'un système de procédure pénale mixte ne présente pas les mêmes garanties dans la recherche de la preuve lors les différentes phases du procès pénal. La procédure pénale libanaise est une procédure pénale marquée par le caractère inquisitoire aux stades décisifs de l'enquête et de l'instruction

152 V. en droit Libanais (en langue arabe) : D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, op. cit., pp. 83 et s.

153 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 24, p. 13.

154 E. Martin, Le rôle du juge des libertés et de la détention en procédure pénale, mémoire Master 2 droit Université Pierre Mendès France (Grenoble), 2006, p. 11.

155 V. en droit libanais (en langue arabe) : M. Awji, Leçons de procédure pénale, op. cit., p. 37 ; S. Alye et H. Alye, La théorie générale la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, op. cit., p. 183.

156 Procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Amiens et président de la Conférence National des Procureurs de la République.

157 P. Beau, intervention devant l'Académie des sciences Morales et politique le 25 mai 2009 consacrée à la réforme de l'instruction.

alors que la phase de jugement se rattache davantage au système accusatoire. On peut conclure que, le Liban a adopté un système dit mixte, mélangeant l'inquisitoire lors de l'enquête et l'accusatoire lors de la phase de jugement. En France, la procédure pénale est caractérisée par sa forme inquisitoire au cours de l'instruction et sa forme accusatoire au cours du procès pénal. Bien évidemment, le système mixte souffre d'un déséquilibre entre la phase préparatoire et la phase décisoire comme le dit Mme Mireille Delmas-Marty « le déséquilibre

du système pénal sape l'État de droit »158. Le système mixte doit être réformé afin de garantir et renforcer tout au long de l'enquête les droits de la défense et les droits à un procès équitable lors de la phase préparatoire en respectant l'égalité des armes entre les différentes parties intervenantes au procès pénal.

16. La définition de la preuve. Selon M. Carl Joseph Anton Mittermaier, « toutes les fois qu'un individu apparait comme l'auteur d'un acte auquel la loi attache des conséquences afflictives, et qu'il s'agit de lui en faire l'application, la condamnation à intervenir repose sur la certitude des faits, sur la conviction produite dans la conscience du juge. La somme des

motifs producteurs de la certitude se nomme la preuve »

159

. Pour M. Edouard-Louis-Joseph

26

Bonnier, lorsqu'on parle de la théorie des preuves, on n'entend pas s'occuper de la preuve du droit. Le but qu'on se propose, c'est la recherche des meilleurs moyens que l'on peut employer

pour vérifier les faits qui sont l'objet des débats judiciaires 160 . Le nom de preuve est ordinairement réservé aux modes de démonstration, soit simples, soit légaux, qui s'appuient

161

sur la foi dans le témoignage . Selon le professeur égyptien de grande réputation M. Abdel-Razeq Al-Sanhouri, en droit positif, la preuve consiste à démontrer devant une juridiction et par des procédures établies par la loi, l'existence d'un fait juridique qui a produit des

conséquences 162 . Il est donc bien évident que les moyens de preuves, la manière de prouver et l'appréciation de la preuve ont considérablement évolué au cours du temps, en fonction des croyances et des événements historiques, en fonction des mentalités individuelles et collectives, mais aussi en fonction des données spécifiques de la procédure. En outre, dans le domaine pénal, cette définition doit être complétée puisque la preuve consiste alors à

158 M. Delmas-Marty, « Le déséquilibre du système pénal sape l'État de droit », in Le Monde, 25 novembre 2010.

159 C.-J.-A. Mettermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, Éditeur : Imprimerie et librairie générale de jurisprudence De Cosse et N. Delamotte, Paris, 1848, traduction de l'allemand en Français par C.A. Alexandre, pp. 62-63.

160 E.-L.-J. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, op. cit., p. 13.

161 E.-L.-J. Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, op. cit., p. 17.

162 A. Sanhourî, L'intermédiaire dans l'interprétation du droit civil, Vol. 2, Le Caire, 1952, pp. 13-14.

27

démontrer non seulement l'existence d'un fait, mais encore son imputation à une personne ainsi que, la plupart du temps, l'intention de celle-ci de commettre un tel fait. Certes, pour

163

l'essentiel, la preuve ne concerne que le fait.

17. Proposition d'une nouvelle définition de la preuve. Nous proposons une définition de la preuve pénale sous le rapport de la conviction du juge et qui s'appuie également sur l'exigence du procès équitable. Alors nous définissons la preuve pénale comme une façon crédible qui est susceptible de convaincre le juge ou le jury par tous les moyens obtenus légalement, loyalement et contradictoirement débattus et discutés servant précisément à déterminer la culpabilité ou l'innocence lors d'un procès pénal en assurant l'exercice le plus

164

.

efficace et le plus effectif du droit de la preuve contraire

18. Une inévitable nécessité de la liberté de preuve. La preuve des faits juridiques nécessite

la liberté de preuve

165

. Contrairement au droit judiciaire civil, la procédure pénale ne prévoit,

en effet, aucune réglementation générale des preuves 166 . L'objet de la mise en état des affaires pénales consiste à établir l'existence ou la véracité d'un fait de nature délictueux en même

temps que son imputation à une personne déterminée 167 . M. Jean-Yves Chevallier souligne

163 V. J. Buisson, « Preuve », in Rép. Pén. Dalloz, février 2003, p. 2.

164 V. sur la notion de la preuve contraire en procédure pénale: P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénal, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, v. spec. la recherche d'un fondement au droit à la preuve contraire dans les principes de présomption d'innocence et de droits de la défense pp. 19-101 et v. spec. L'affirmation du droit au procès équitable comme fondement du droit à la preuve contraire pp. 103-172 ; V. encore le résumé de la thèse : « Le droit de la preuve, imprégné par le principe de la présomption d'innocence, est généralement présenté comme le moyen pour l'accusation de prouver la commission des infractions à la loi pénale. L'étude d'un droit à la preuve contraire renverse par conséquent ce schéma de pensée afin de consacrer un droit, pour la personne poursuivie, de combattre les éléments de preuve présentés par l'accusation et, in fine, de rapporter tout élément de preuve de nature à établir son innocence. Le droit à la preuve contraire, fondé sur le principe de l'égalité des armes issu de la notion européenne de droit au procès équitable, tend à assurer un équilibre entre la nécessaire efficacité de la répression et la prévention de l'injuste condamnation d'un innocent. La notion de droit à la preuve contraire consacre un rôle actif de la personne mise en cause dans l'organisation de sa défense en lui permettant à la fois de produire et d'obtenir tous les éléments de preuve qui lui sont favorables. Il impose de permettre à toute personne mise en cause d'être mis en mesure de se défendre efficacement. D'une recherche active de la preuve, des demandes d'actes formulées dans le cadre de la procédure à la liberté de produire les éléments en défense et à la juste réception par l'autorité judiciaire des moyens produits, le droit à la preuve contraire constitue une exigence d'équité. Ce principe doit pouvoir être opposable au législateur comme au juge. La procédure pénale française est marquée par un certain nombre de réformes dont la finalité est d'assurer l'équilibre nécessaire entre l'intérêt collectif et la préservation des libertés individuelles. Sous l'impulsion du droit européen des droits de l'Homme, ce mouvement consacre la réalité et la pérennité du droit à la preuve contraire ».

165 V. E. Nammour, Cour criminelle (étude comparée), op .cit., n° 1326.

166 L. Kennes, La preuve en matière pénale, op. cit., p. 5.

167 F. Debove et F. Falleti, Précis de droit pénal et de procédure pénale, 2e éd., P.U.F., Paris, 2006, p. 505.

que « tout le monde s'accordera pour considérer que la liberté de la preuve se justifie très simplement et très rationnellement par le fait que dans le domaine répressif il s'agit, non pas de prouver des actes juridiques comme en droit civil par exemple, mais de prouver des faits matériels ou psychologiques, et que l'auteur véritable n'étant guère coopératif, il faut donner au juge le maximum de moyens pour apporter la preuve. Donc, tous les modes de preuve doivent être en principe admis. Mais les droits qui l'affirment haut et fort, à l'instar du droit français, sont bien obligés d'en fixer les limites qui tiennent d'ailleurs à des considérations

très variables »

168

. Dans un arrêt rendu en 1826, la Cour de cassation a déclaré « qu'il résulte

de l'esprit général du Code fondé sur les principes du droit naturel que l'accusé et son conseil ont le droit de dire tout ce qui peut être utile pour sa défense »169. C'est un arrêt qui affirme que la liberté de preuve est un principe qui prospère dans le débat devant la Cour depuis longtemps. Donc depuis à peu près deux cents ans, la liberté de preuve est un concept prisé qui a joué un rôle fondamental dans le procès pénal. Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre du Chambon, c'est l'intérêt supérieur de la société et l'intérêt du présumé innocent, convergeant pour que devant la vérité, tout obstacle juridique tenant aux modes de preuve soit

aplani à travers l'adoption du principe de la liberté de preuve

170

. M. Carl Joseph Anton

28

Mittermaier affirme que plus les règles de la preuve sont sévères, plus le nombre des preuves

171

admissibles est restreint . La preuve en matière pénale ne pouvait être envisagée identiquement à la preuve en matière civile. La preuve pénale tend essentiellement à établir l'existence d'un fait réprimé par la loi et la participation à ce fait de la personne poursuivie. Ce qui est logique, quand il s'agit essentiellement de prouver des faits pour lesquels aucune preuve ne peut normalement être préconstituée. La nécessité de lutter efficacement contre la

172

.

délinquance explique l'adoption de la liberté de preuve par le législateur en matière pénale

Ensuite, les intérêts supérieurs de la société commandaient que la répression ne fût pas désarmée par un système de preuve trop rigide si la justice pénale ne pouvait agir, faute de pouvoir prouver par tout moyen, à l'égard de délinquants inventifs qui font tout pour effacer

168 J.-Y. Chevallier, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 50.

169 Cass, 20 Juillet 1826, Rapp M. Brière, J. P., t. 20, p. 710, cité par F. Hélie, Traité de l'instruction criminelle, Charles Hingray, Libraire-Editeur, Paris, 1858, Vol. 8, p. 525.

170 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon, Procédure pénale, 4e éd., Armand Colin, Paris, 2002, n° 48, p. 32.

171 C.-J.-A. Mittermaier, Traité de la preuve en matière criminelle ou exposition comparée des principes de la preuve en matière criminelle, traduit par C.-A. Alexandre, De Cosse et N. Delammotte, Paris, 1848, p. 5.

172 V. en même sens : E. Molina, La liberté de la preuve des infractions en droit français contemporain, Thèse de droit, op. cit., n° 9, p. 14.

les traces de leurs infractions et qui n'hésitent pas à anéantir les preuves existantes après leur

173

action

. Nous ajoutons, qu'il est impossible de limiter la recherche de la preuve pénale par

certaines méthodes ou règles pour assurer un équilibre nécessaire dans les outils de recherche et le délinquant, tandis que le délinquant a commis l'infraction en toute liberté ou par divers modes et moyens. M. Jacques Buisson affirme que s'il n'y avait pas le principe de la liberté de preuve, la personne poursuivie elle-même pouvait trouver quelque intérêt à une telle souplesse du régime de la preuve afin de faire valoir tous moyens de nature à démontrer sa non-

174

implication dans les faits reprochés.

19. Portée du principe de la liberté des preuves. Le principe de la liberté de la preuve en matière pénale, signifie qu'hormis les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et que c'est au juge d'apprécier, en se fondant

175

sur son intime conviction, la valeur à attribuer aux preuves fournies . Les parties du procès pénal peuvent faire appel à n'importe quel moyen de preuve, sans qu'il y ait une quelconque hiérarchie dans la valeur probante des divers moyens utilisés pour prouver. M. Jean Pradel disait que, l'administration de la preuve constitue l'opération intellectuelle par laquelle un fait

176

est censé être vrai et peut fonder une condamnation . Ainsi toutes les preuves sont

recevables, notamment les plus usuelles qui sont l'aveu et le témoignage

177

. Il faut ajouter que

selon la Cour de cassation française, les constatations directes et les indices sont des faits et circonstances qui, sans fournir la preuve directe de la culpabilité, permettent de conclure par

raisonnement inductif qu'elle doit être reconnue

178

. Les indices, appelés encore présomptions

29

du fait de l'homme, ne doivent pas être confondus avec les présomptions légales, mode de

173 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 555, p. 573 : fondements de la liberté de la preuve : « La preuve ne pouvait être envisagée identiquement dans les deux matières civile et pénale. D'abord parce que, en droit pénal, il s'agit essentiellement de prouver des faits pour lesquels aucune preuve ne peut normalement être préconstituée. Ensuite, et surtout, parce que les intérêts supérieurs de la société commandaient que la répression ne fût pas désarmée par un système de preuve trop rigide face à des délinquants qui n'hésitent pas à anéantir les preuves existantes après leur action. Enfin, on a fait remarquer que la personne poursuivie elle-même pouvait trouver quelque intérêt à une telle souplesse de la preuve afin de faire valoir tous moyens de nature à démontrer sa non-implication dans les faits reprochés. ».

174 J. Buisson, « Preuve », op. cit., n° 46, p. 10.

175 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisee par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.).

176 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 405, p. 350: « on dira que l'administration de la preuve est l'opération intellectuelle par l'effet de laquelle un fait est censé être vrai et peut fonder une condamnation ».

177 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 406, p. 351.

178 Cass. crim., 13 mars 2007, B.C., n° 80, p. 397.

preuve plus rarement admis et qui s'analyse en un renversement de la charge de preuve. Les indices gagnent aujourd'hui en importance avec les développements de la technique : il peut s'agir d'un enregistrement par magnétophone comme l'affirme la Cour de cassation française, « attendu que la partie civile a remis au juge d'instruction un enregistrement sur bande magnétique de propos d'ordre professionnel, tenus par l'avocat X... lors d'une conversation ayant eu lieu dans son cabinet avec la partie civile et qui ont été recueillis à son insu ; que le juge d'instruction a fait procéder à la transcription de cet enregistrement et l'a annexée à la procédure ; Attendu qu'il est vainement fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas avoir ordonné le retrait de la transcription d'un enregistrement qui, selon la chambre d'accusation, ne caractérisait aucune infraction pénale, dès lors que le juge d'instruction ne peut refuser d'annexer à la procédure des documents produits par les parties à l'appui de leur défense, auraient-ils été obtenus par des procédés déloyaux ; que la transcription, ordonnée en l'espèce par le juge et rendue nécessaire pour la consultation de l'enregistrement saisi, ne

179

constitue qu'un indice de preuve pouvant être contradictoirement discuté par les parties »

.

Il peut également s'agir d'un bande vidéo comme l'affirme la Cour de cassation française : « Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure qu'a été saisie et versée à l'information une bande vidéo enregistrée automatiquement par la caméra de surveillance de l'agence bancaire, dont l'origine, contrairement à ce qui est allégué au moyen, est connue et dont l'authenticité n'a pas été contestée ; que c'est dès lors, à bon droit que cette pièce à conviction a été retenue par la chambre d'accusation comme élément de preuve pour être soumise au débat contradictoire ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ... que la procédure est

180

. Il

régulière et que les faits objet de l'accusation sont qualifiés crimes et délit par la loi »

peut aussi s'agir d'un enregistrement par écoute téléphonique : « La mise sur écoutes téléphoniques du domicile d'un inculpé à laquelle il a été procédé sur commission rogatoire du juge d'instruction ne saurait constituer une cause de nullité de la procédure lorsque cette mesure d'investigation a été exécutée sous le contrôle de ce magistrat sans artifice ni stratagème et que rien ne permet d'établir que ce procédé ait eu pour résultat de

181

compromettre les conditions des droits de la défense »

182

. Ou même par cinémomètre

. M.

30

Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer exposent le principe de la liberté de preuve en disant que l'article 427 du CPP français qui énonce le principe de la liberté de

179 Cass. crim., 11 février 1992, B.C., n° 66, p. 166.

180 Cass. crim., 4 avril 1990, Non publié au bulletin, N° de pourvoi: 90-80126.

181 Cass crim., 9 octobre 1980, B.C., n° 55 ; V. Précédents jurisprudentiels : Cass. crim., 12 juin 1952, B.C., 1952, n° 153, p. 258.

182 Cass. crim., 24 mars 1999, B.C., n° 55, p. 135.

preuve, ne définit pas le contenu des modes de preuve admissibles, il ne signifie donc pas que

183

n'importe quel moyen serait autorisé pour établir la preuve d'une infraction

. Selon M.

31

Fréderic Desportes et Mme Laurence Lazerges-Cousquer, l'article 427 du CPP français signifie « plus modestement que l'existence d'une infraction peut être établie par les modes de preuve admis par la loi, sans qu'aucun d'eux ne soit exclu ou au contraire privilégié et sans qu'il y ait à distinguer selon que la preuve résulte des investigations des magistrats et

. L'article

184

officiers ou agents de police judicaire ou qu'elle soit avancée par les parties »

427 du CPP pénal français n'est en définitive rien d'autre que la consécration législative en matière pénale de la solution retenue en matière civile pour la preuve des faits purs et

simples 185 . Mais que désigne les faits purs et simples? L'article 1341 du Code civil interdit aux parties de prouver par témoins ou par présomptions les obligations portant sur une somme supérieure à 1.500 €. Cette règle de preuve n'est pas applicable qu'aux manifestations de volonté ayant pour but immédiat et direct, soit de créer ou de transférer, soit de confirmer ou de reconnaître, soit de modifier ou d'éteindre des droits ou des obligations, manifestations terminologiquement qualifiées par la doctrine d'« actes juridiques ». En revanche, cette règle de preuve ne concerne pas la preuve des faits purs et simples, que la doctrine qualifie de faits juridiques, qui correspondent à diverses situations emportant des conséquences juridiques non voulues par les parties, et qui peuvent être établis par tout mode de preuve légalement admis et notamment par témoins. La notion de faits juridiques s'oppose ici à celle de faits purs et

186

simples pouvant être admis par tous les modes de preuve légaux, notamment par témoins

.

183 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : « Il ne faut pas se méprendre toutefois sur la portée de l'article 427, parfois conçu comme une auberge espagnole. Son objet n'est pas de définir le contenu des modes de preuve admissibles. Il ne signifie donc pas que n'importe quel moyen serait autorisé pour établir la preuve d'une infraction. ». « Les principes supérieurs de légalité et de loyauté imposent des limites dont le législateur ne peut s'émanciper. ».

184 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405.

185 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405.

186 Cass. civ. 1er 27 avril 1977, B.C., n° 192, p. 151 : « en l'état de la vente d'une chose mobilière qui n'a pas fait l'objet d'un acte écrit mais n'est cependant pas déniée, suivie de la contestation qui oppose le vendeur, marchand professionnel, à l'acquéreur, le premier soutenant que la somme versée lors de la remise de la chose ne constituait qu'un acompte le second au contraire prétendant que cette somme correspondait au prix convenu, doit être cassé l'arrêt qui, pour condamner l'acquéreur à verser un complément de prix, se fonde sur les conclusions de l'expert désigné pour évaluer la valeur de la chose, au motif qu'une difficulté se produisant sur l'interprétation du contrat, il convenait de rechercher quelle était la commune intention des parties, alors qu'il s'agissait d'un litige portant, non sur les modalités de la vente ou sur l'interprétation de clauses obscures ou ambiguës d'un acte, nécessaire pour en rechercher la portée, mais sur l'étendue de l'obligation du débiteur, dont la preuve, qui incombait à la venderesse, ne pouvait être rapportée que dans les conditions prévues par l'article 1341 du Code civil, applicable aux faits juridiques, c'est-à-dire à ceux qui ont pour résultat immédiat et nécessaire soit de créer ou de transférer, soit de confirmer ou de reconnaître, soit de modifier ou d'éteindre des obligations ou des droits ».

De ce qui précède, nous trouvons que la rédaction actuelle de l'article 172 du CPP libanais nous permet d'adopter en droit libanais, l'avis précédent de MM. Fréderic Desportes et de Me Laurence Lazerges-Cousquer concernant l'article 427 du CPP français et le concept général du principe de la liberté de preuve en matière pénale. En comparant la rédaction actuelle de

l'article 427 du CPP français avec l'article 179 du CPP libanais 187 , nous avons remarqué que les deux articles emploient en réalité des styles différents pour un même contenu. L'article 179 CPP libanais dispose « les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement. Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire en audience publique. Le juge apprécie les preuves pour former son intime conviction ». L'article 427 du CPP français dispose quant à lui « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ». À notre avis, la liberté de preuve en matière pénale ne peut être qu'une liberté relative de l'administration de la preuve qui permet d'utiliser tous les modes de preuves admis par la loi pour justifier ou démonter les infractions alléguées sans consacrer aucune hiérarchie entre les divers modes de preuve et sans que la loi exige une preuve préconstituée.

20. La consécration législative et jurisprudentielle du principe de liberté de la preuve en droit Libanais. Le procès pénal libanais est dominé par le système de preuve libre, c'est une

liberté dans l'administration de la preuve

188

. Les parties au procès pénal peuvent rapporter les

32

preuves par tout mode de preuve, c'est-à-dire tout moyen peut être accueilli comme mode de preuve afin de convaincre le juge. C'est une liberté, de produire toute preuve, d'activité de recherche et d'administration de la preuve. Ce qui caractérise la théorie de la preuve, dans l'ordre pénal, c'est la liberté des preuves. Si la loi civile détermine des modes de preuves, leur admissibilité et leur valeur probante, en revanche en droit pénal tous les modes de preuves sont permis, pourvu que celles-ci soient recueillies légalement et régulièrement, et qu'elles puissent être librement et contradictoirement débattues. Selon M. Élias Nammour, le principe de la liberté des preuves en droit pénal signifie que tous les modes de preuve sont permis; comme les témoignages, les documents écrits, les présomptions et qu'elles revêtent toutes la

187 L'article 179 CPP libanais énonce le principe de la liberté de preuve en matière pénale en droit libanais.

188 V. sur le principe de la liberté de preuve en droit libanais (en langue arabe) : T.-Z. Saffi, Les tendances actuelles en procédure pénale, op. cit., pp. 345 et s ; E. Nammour, Cour criminelle (étude comparée), op. cit., n° 1323 et s.; H. Madi, Procédure pénale, op .cit., p. 303 et s ; V. liberté de preuve en droit libanais avant la loi 2001 :A. Nakkib, Procédure pénale (étude comparative), op. cit., pp. 321-322.

même valeur. Il incombera au juge, en toute indépendance, d'en tirer les résultats, selon son

189

intime conviction

. L'article 179 du CPP Libanais énonce le principe de liberté de la preuve

« les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement. Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire en audience publique...». Ce texte constitue le

190

a

fondement juridique du principe de la liberté de preuve. Le Conseil judiciaire Libanais

également affirmé le principe de la liberté de preuve dans le procès pénal. Le Conseil

judiciaire Libanais (c'est une juridiction d'exception)191 a affirmé explicitement dans l'affaire de l'assassinat de M. Dani Chamoun ce principe en jugeant que « la preuve est libre dans le

192

procès pénal, tous les moyens sont admis à prouver...»

193

. Le Conseil judicaire libanais

a

33

validé le principe de la liberté de preuve par sa décision rendue dans l'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre M. Rachid Karami en 1987 (L'affaire est confiée au conseil judiciaire) en précisant que « la Cour de justice, apprécie souverainement la valeur probante des éléments provenant de l'enquête puisque la preuve est libre en matière pénale, la Cour

194

.

peut retenir ce qu'elle considère admis et convaincu ou les écarter comme non probants »

Quant à la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, elle affirme que, tous les

189 V. E. Nammour(en langue arabe), Cour criminelle (étude comparée), Sader Éditeurs, Beyrouth, 2005, n° 1325, t. 2, p. 914.

190Au Liban, c'est le conseil des ministres qui renvoie les dossiers devant le conseil judiciaire conformément à l'article 355 du CPP libanais qui dispose : « Une affaire est renvoyée devant le Conseil judiciaire sur décret pris en Conseil des ministres ».

191 Le Conseil judicaire en droit libanais : A sa tête le premier président de la Cour de Cassation qui est aussi le président du Conseil supérieur de la magistrature. Ce conseil statue sur les atteintes à la sécurité extérieure et intérieure de l'État ainsi que sur les atteintes à la sûreté générale et les crimes qualifiées importantes par le gouvernement. Les décisions rendues par le Conseil de justice ne sont pas susceptibles d'appel et ne peuvent pas être annulées. L'Article 356 du CPP libanais dispose : « Le Conseil judiciaire connaît des infractions suivantes : a) les infractions visées par les articles 270 à 336 inclusivement du Code pénal ; b) les infractions visées par la Loi du 11 janvier 1958 ; c) toutes les infractions liées aux transactions concernant des armes ou équipements opérés ou allant être opérés par le Ministère de la défense nationale, ainsi que les infractions liées ou qui en découlent, notamment celles visées aux articles 351 à 366 inclusivement, aux articles 376, 377 et 378 et aux articles 453 à 472 inclusivement du Code pénal, ainsi qu'aux articles 138 et 141 du Code de justice militaire ».

192 Décision du Conseil judiciaire Libanais du 24/6/1995(103 p.), V. spec. p. 29. Le juge-président M. Phillipe Khairallah, juge-assesseur M. Hikmat Harmouch, juge-assesseur m. Kassoufs, juge-assesseur M. Zein et juge-assesseur M. Kawwase ; V. en même sens la décision du conseil du justice du 12/4/1994 (affaire : les 2 frères Antonios), et du 19/10/1994 (affaire : Omran Mouayta).

193 Encore appelé Conseil de justice.

194 Décision du Conseil judiciaire Libanais du 25/6/1999(190 p.). Le juge-président Mounir Honein, juge-assesseur Ahmad al-Moallem, juge-assesseur Hussein Zein, juge-assesseur Ghassan Abou Alwan et juge-assesseur Ralph Riachy.

moyens de preuve sont acceptés sans limites pour apporter la preuve de l'existence de

195

l'infraction.

21. Avis exceptionnel sur l'adoption du principe de liberté de preuve en droit libanais. A l'encontre de ce qui vient d'être dit, et sur la base de l'article 6 du nouveau Code de procédure civile libanais qui impose de suivre les règles générales du Code de procédure civile en l'absence de lois et de règles juridiques, M. Elias Abou-Eid considère que le système de preuve pénal libanais est soumis au régime de la preuve légale et considère que l'article 179 du CPP libanais ne consacre pas la liberté de preuve dans le système pénal libanais. M. Élias Abou-Eid précise que les juges libanais n'appliquent pas l'article 6 du Code de procédure civile, car les juges sont faussement convaincus que le législateur a adopté le principe de la

liberté de la preuve en matière pénale dans l'article 179 du CPP libanais

196

. Selon M. Élias

Abou-Eid, la liberté de preuve pénale n'est fondée sur aucun texte de la loi, ni consacrée par un texte explicite en droit libanais; aucun texte du Code de procédure pénale libanais ne consacre explicitement et directement le principe de la liberté de preuve. Pour ces motifs, face au silence du législateur libanais, on se réfère au Code de procédure civile conformément à l'article 6 du nouveau Code de procédure civile libanais. Voilà pourquoi, du point de vue de M. Elias Abou-Eid, il faut appliquer le système de preuve adopté en matière civile au procès

197

pénal en droit libanais, c'est-à-dire le régime ou le système de la preuve légale. Le Conseil constitutionnel libanais a consacré la solution générale adoptée par l'article 6 du nouveau Code de procédure civile libanais qui dispose : « Les principes généraux du Code de procédure civile s'appliquent dans l'hypothèse où il y a une lacune dans les autres Codes et

lois de procédure »

198

. La solution imposée par l'article 6 précédent et la position de la

34

jurisprudence du Conseil Constitutionnel libanais sont applicables en cas de lacune ou du silence du législateur. Il en résulte que le Conseil constitutionnel libanais considère que le Code de procédure civile constitue le droit commun auquel il convient de revenir lorsque les

195 V. en langue arabe: Cass. crim., arrêt n° 131 du 08/03/1955.

196 V. E. Abou-Eid, Théorie de preuve en procédure civil et pénal, 3e partie, Publication Zein, 2005, n° 16 et s., p. 179 et s ; au contraire v. E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé, Liban et France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n° 1327, n° 1328 et n° 1329, p. 914 et s.

197 V. en langue arabe : E. Abou-Eid, Théorie de preuve en procédure civil et pénal, 3e partie, op. cit., n°16 et s., pp .179 et s.; V. au contraire, E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé, Liban et France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n° 1327, n° 1328 et n° 1329, pp. 914 et s.

198 C.C. lib., n° 2, 3 Avril 1996.

règles de procédure applicables devant lui souffrent de lacunes

199

. Au regard de tout ce qui

35

précède, pour appliquer l'article 6 du Code de procédure civile libanais, il faut examiner si le Code de procédure pénale libanais souffre de graves lacunes et silences du législateur en matière de preuve pénale. Contrairement au point de vue de M. Elias Abo-Eid, la majorité des auteurs spécialisés en procédure pénale et la jurisprudence considèrent que le principe de la liberté de la preuve pénale correspond à celui du système de preuve pénal libanais, mais en

200

écartant toute discussion relative à l'adoption du principe par le législateur libanais . Seul M. Elias Nammour considère que la liberté de preuve en matière pénale est fondée sur les

principes généraux du droit pénal et l'article 179 du CPP libanais. En ce qui nous concerne,

201

on ne peut pas accepter l'idée selon laquelle le régime de la preuve légale doit être appliqué en matière de preuve pénale au Liban. La solution de M. Elias Abou-Eid n'est pas logique et n'avait aucune base juridique parce que les dispositions de l'article 6 du nouveau Code de procédure civile Libanais est applicable en cas de silence de texte de procédure pénale libanais. Mais la question essentielle est de savoir si le Code de procédure pénal libanais ne consacre pas le principe de la liberté de preuve pénale pour appliquer l'article 6 du nouveau Code de procédure civil libanais et si l'on peut considérer qu'il y a une lacune dans le Code de procédure pénale libanais? L'article 179 du CPP Libanais qui pose le principe de la liberté de preuve, se situe dans le chapitre IV du Code de procédure pénale libanais qui est relatif à la procédure de jugement et vérification de la preuve devant le juge unique. Le juge connaît des

202

délits et contraventions , mais la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise en a forgé un principe général de droit comme dans l'arrêt rendu par la Cour de cassation numéro 38 du 23/02/1999, l'arrêt qui a admis la preuve de la mort par tout

moyen de preuve 203 . Sans aucun doute, le système de preuve libre est appliqué en droit libanais lorsqu'il s'agit de prouver en matière pénale. Mais nous pensons souhaitable que le législateur libanais consacre la liberté de preuve dans le procès pénal en des termes clairs et

199 F. Hage-Chahine, « Constitution et droit privé », in Les constitutions des pays arabes, colloque organisé par CEDROMA au mois de février 1998 à Beyrouth est fondamental par son thème: Les Constitutions des pays arabes, Éditeur : USJ. Université Saint-Joseph. Faculté de droit et des sciences politiques. CEDROMA. Centre d'études des droits du monde arabe. Beyrouth. Liban, Date de publication : 2006, V. p. 21.

200 V. en droit libanais (en langue arabe) : H. Madi, Procédure pénale, op .cit., p. 306 ; D. Becheraoui, Procédure pénale - une étude comparative, op. cit., pp. 95-97.

201 V. en droit libanais (en langue arabe) : E. Nammour, La Cour criminelle (étude comparé, Liban et France), op. cit., n° 1325, n° 1326, n° 1327, n° 1328 et n° 1329, pp. 914 et s.

202 En droit libanais, l'infraction punie d'une peine d'emprisonnement de trois ans au plus, d'une peine d'amendes et des peines complémentaires.

203 V. en langue arabe : Cass. crim., 7e Chambre, arrêt n° 38, 23/02/1999, in Les arrêts des Chambres criminelles de la Cour de Cassation pour l'année 1999, éd. Sader, p. 304.

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précis, pour confirmer que la liberté de preuve est applicable devant toutes les juridictions pénales non seulement devant le juge unique pénal. Il semble opportun de consacrer la généralité de l'application du principe de la liberté de preuve par un texte législatif clair et précis sur les bases d'une exigence de clarté de la loi. Le législateur doit faire des textes bien conçus, clairement écrits et juridiquement solides. Nous proposons la même solution en droit français, parce que l'article 427 (alinéa 1) du CPP français qui énonce le principe de liberté de la preuve se situe dans le chapitre relatif au jugement des délits. A vrai dire, le principe de la liberté de preuve pénale est consacré de façon explicite dans le Code de procédure pénale libanais surtout dans l'article premier qui dispose « ce Code réglemente également la constatation des faits pénaux et des éléments de preuve aux fins de l'application des lois pénales ». Conformément à cet article, les règles générales de la preuve sont réglementées dans le Code de procédure pénale ce qui nous conduit à rejeter l'idée de M. Elias Abou-Eid d'appliquer le système de la preuve légale en matière pénale.

22. La consécration législative et jurisprudentielle du principe de liberté de la preuve en droit Français. Par ce principe de la liberté de la preuve, le législateur signifie aux policiers, aux magistrats de la poursuite, de l'instruction ou du jugement, comme à la partie poursuivie,

204

que sont admissibles tous les modes de preuve . L'article 427 du CPP français énonce le

205

principe général de la liberté de la preuve en matière pénale. Cet article se situe dans le

206

chapitre relatif au jugement des délitset la jurisprudence française en a forgé un principe général de droit. Le principe directeur est celui de la liberté qui concerne le mode de preuve utilisé pendant le procès pénal. Ce principe permet l'utilisation des différents moyens de preuves, preuve par oral ou par écrit, preuve par constatation directe, par témoignage, par ouï-dire ou par procès-verbal, preuve authentique, par expertise ou encore par l'aveu. Seules les très petites infractions que sont les contraventions ne peuvent être établies que par procès-verbaux ou rapports, ou par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui.

204 J. Buisson, « Preuve », op. cit., n° 47, p. 10.

205 L'article 427 du CPP français dispose : « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui » ; V. sur la preuve en matière douanière droit français : J. Pannier, « La preuve en matière douanière », D., 2009, n° 23, chron. pp. 1552-1556.

206 Infraction punie d'une peine d'emprisonnement de trois ans au plus, d'une peine d'amendes et des peines complémentaires.

37

207

Par ailleurs, le principe de liberté vise la manière dont la preuve a été obtenue. Donc le principe de la liberté de la preuve en droit français, est clairement formulé par l'article 427(alinéa 1er) du CPP Français à propos de la procédure correctionnelle, mais est applicable à toutes procédures devant la juridiction répressive. Le principe de la liberté de preuve a été consacré en droit français avant même qu'il ne fût formellement exprimé dans l'article 427 du

CCP Français 208 « hors les cas où la loi en dispose autrement les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». La liberté de la preuve laisse aux parties le choix entre les moyens de preuve et le juge est libre pour former sa conviction. Or, en matière pénale, il ne s'agit pas de prouver des actes juridiques, mais des faits. Il faut réunir des preuves permettant de préciser les circonstances matérielles de la commission de l'infraction, d'en découvrir l'auteur et de qualifier les faits. Tous les modes de preuve permettant d'établir la prévention sont donc admis (témoignage, écrits, expertise, aveu, indice...), ce qui est conforme à la nature de l'infraction pénale - fait juridique. En revanche, s'il se trouve dans les éléments constitutifs ou dans les conditions préalables de l'infraction un acte juridique (un contrat pour l'abus de confiance par exemple), la preuve de celui-ci doit être apportée au juge pénal conformément aux règles civiles. Une autre justification du principe de liberté tient à la nature des intérêts en cause. Alors que, dans un procès civil ou commercial, sont essentiellement concernés des intérêts particuliers, le procès pénal met en jeu l'ordre public et la sécurité de la collectivité. L'intérêt supérieur de la manifestation de la vérité justifie la recevabilité de tout moyen de preuve209. La jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation française en matière de preuve a fait une application large de la notion de la liberté de preuve. « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, il leur appartient seulement d'en apprécier la valeur probante, après les avoir soumis à la

discussion contradictoire » 210 . Tous les modes de preuve sont admis en droit pénal, à moins que la loi en dispose autrement. Si ce principe connaît des exceptions concernant les autorités publiques, la jurisprudence refuse d'y apporter la moindre restriction s'agissant des

207 J. Lelieur, « L'application de la reconnaissance mutuelle à l'obtention transnationale de preuves pénales dans l'Union européenne : une chance pour un droit probatoire français en crise ? », in Zeitschrift für Internationale Strafrechtsdogmatik, 2010, n° 9, p. 592.

208 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 555, p. 573 : « Aussi a-t-on consacré le principe de la liberté de preuve avant même qu'il ne fût formellement exprimé dans l'article 427 du Code de procédure pénale ... ».

209 G. Clément, « Le secret de la preuve pénale », in Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz, Collection : Études, mélanges, travaux, 2006, p. 194.

210 Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482.

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particuliers, obligeant ainsi le juge pénal à admettre la recevabilité d'éléments de preuve obtenus de manière illicite ou déloyale. Mais en France, il faut bien souligner l'impact indirect mais efficace de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'application arbitraire ou absolue de la liberté de preuve par les juridictions française. Dans toutes ses décisions rendues en ce domaine, la Cour européenne des droits de l'homme souligne que la recevabilité des preuves relève, en premier lieu, des règles du droit interne et qu'il revient, en principe, aux juridictions nationales d'apprécier les éléments recueillis par

211

elles . Elle constate ainsi que la tâche de la Cour européenne consiste à rechercher si la procédure envisagée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, revêt un caractère équitable. Elle précise, par ailleurs, que les éléments de preuve doivent être produits devant le prévenu en audience publique, en vue d'un débat contradictoire

212

.

et que ce principe ne peut comporter d'exceptions que sous réserve des droits de la défense

23. Problématique de la thèse. La preuve pénale est une nécessité primordiale pour juger un accusé, cependant, le moyen de preuve qui nous mène à la vérité n'est pas accessible d'une quelconque manière car la preuve doit être recueillie d'une manière légale. La loi a cerné les moyens de preuve dans un cadre juridique à travers le Code des procédures pénales ainsi que d'autres Codes et lois, en dépit du contrôle et de la domination du principe de la liberté de la preuve dans le droit pénal libanais et français. Cette thèse aborde une problématique importante concernant le droit répressif, et particulièrement la procédure pénale : l'illégalité de la preuve pénale. Bien que la problématique essentielle et fondamentale traitée dans cette étude porte sur le problème de la légalité de la preuve pénale, l'on ne peut l'aborder directement sans étudier des sujets qui lui sont étroitement liés.

Quelles sont les limites à ne pas franchir et ou s'arrête la liberté de la preuve pénale? Dans un État de droit, durant la recherche et l'administration de la preuve pénale, incontestablement la police et la justice doivent respecter soigneusement les lois et les règles de procédure. Les questions soulevées ci-dessus mènent à une autre question logique : si le principe général est que la preuve est libre dans le système pénal français et libanais, la liberté de la preuve est-elle absolue et sans limites? La réponse à cette question est évidemment catégoriquement négative, car la liberté absolue ne peut être accordée pour prouver en matière pénale. Cette réponse conduit vers une question logique : quelles sont la base et la source de ces restrictions

211 H. Pelletier, Juris-Classeur Procédure pénale, Art. 427 à 457.

212 CEDH, 23 avr. 1997, n° 21363/93, Van Mechelen et autres c/ Pays-Bas.

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que rencontre la liberté de la preuve et quelles sont ces restrictions? La réponse est que la restriction principale est d'ordre juridique. Elle consiste dans le principe de la légalité de la preuve pénale que l'on voit comme une extension du principe de la légalité criminelle qui domine le système pénal dans ses deux pôles : objectif (Code pénal) et formel (procédure pénale). Le principe de la légalité de la preuve pénale que nous allons prouver dans cette étude est tout à fait différent du système des preuves légales qui est étroitement lié à la force probante de la preuve et à la hiérarchie entre les éléments de preuve. Le principal défi dans cette étude est de trouver une réponse claire, satisfaisante et convaincante à la question fondamentale et primordiale qui concerne l'existence du principe de la légalité de preuve pénale. Y'a-t-il vraiment un principe juridique connu sous le nom de la légalité de preuve dans la procédure pénale qui cohabite avec le principe fondamental de la liberté de la preuve qui domine la procédure pénale? Quelle est la notion de légalité de preuve pénale ? Peut-on considérer que le principe de la légalité de preuve constitue un outil juridique pertinent et indispensable afin d'éviter l'arbitraire qui peut résulter de la liberté absolue de la preuve pénale? La légalité constitue incontestablement une limite à la portée du principe de la liberté de preuve pénale. Faut-il commencer à utiliser les termes « liberté de preuve encadrée légalement »? Faut-il réformer ou reformuler la notion classique et extrême de la liberté des preuves en matière pénale? Le principe de la légalité de preuve est-il une nécessité pour protéger les libertés, la vie privée et le respect de la dignité humaine dans la recherche de la preuve pénale? Quelles sont les raisons et les motivations qui expliquent l'importance de la conciliation entre liberté et légalité de preuve? Comment comprendre la notion de la légalité de la preuve pénale?

En outre du principe de la légalité de la preuve pénale en tant que contrainte à la liberté de la preuve pénale, vient un autre principe qui est celui de la loyauté des preuves pénales qui est un principe de nature morale, ce qui exige une définition claire, explicite et cohérente. Quelles sont les différences et les convergences entre légalité et loyauté? Pourquoi la loyauté dans la recherche de la preuve pénale est-elle un principe controversé? Quels sont les facteurs les plus déterminants dans la genèse du principe de loyauté? Quel est le rôle de la jurisprudence dans la création du principe de loyauté? Quels sont les fondements juridiques du principe de loyauté? Quelles sont les causes du déclin du principe de loyauté? Est-ce qu'il peut y avoir contradiction entre loyauté et efficacité dans la recherche des preuves? Est-ce que le principe de loyauté tend vers la consécration d'une notion stable dans la recherche des preuves qui signifie que la fin ne justifie pas les moyens? La loyauté interdit la tromperie et la provocation dans la recherche et l'administration de la preuve pénale. Quel est le rôle de l'émergence de la

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notion de preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi dans cette tendance? Est-ce que l'augmentation et l'évolution de la criminalité a joué un rôle dans la légalisation des outils de recherche de preuve pénale non compatibles avec le principe de loyauté?

La définition ou la précision de la notion du principe de légalité de la preuve pénale exige également l'identification précise d'un autre concept, celui de preuve illégale. Il est, en effet, nécessaire de trouver les critères permettant minutieusement de distinguer la preuve correcte qui est en conformité avec le principe de la légalité de la preuve c'est-à-dire la preuve légale, de la preuve illégale. Comment peut-on juridiquement appréhender la notion de preuve illégale? Comment se caractérise l'illégalité formelle en matière de preuve pénale? Comment peut-on déterminer les cas où la recherche et l'administration de la preuve pénale portent atteinte à la légalité procédurale? Quelles sont les atteintes susceptibles de former l'illégalité formelle pendant le déroulement de la recherche de la preuve pénale qui font l'objet d'une inobservation de la loi? Dans quelles hypothèses l'illégalité peut-elle faire en sorte qu'une preuve porte atteinte au droit à un procès équitable? Le principe de la légalité de la preuve pénale impose le respect des grands principes : le débat contradictoire, l'oralité, la publicité.

La violation du droit au respect de la vie privée dans la recherche de la preuve constitue-t-elle une source d'illégalité formelle? L'encadrement légal de l'écoute téléphonique par le législateur en matière de preuve pénale empêche de considérer la preuve en résultant comme illégale. Comment les législateurs libanais et français ont-ils réglementé certaines hypothèses de mise sur écoute téléphonique? Est-ce que la preuve obtenue par l'enregistrement clandestin est compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale? Les enregistrements audio peuvent être considérés comme preuve pénale, mais les enregistrements clandestins ont-ils valeur de preuve?

Quels sont les critères et les hypothèses qui caractérisent une preuve entachée d'une illégalité matérielle? Les procédés de preuve considérés comme attentatoires à la liberté individuelle et à la dignité humaine constituent-ils des preuves illégalement acquises? Quelles sont les conditions de l'admission de l'aveu comme preuve pénale conformément au principe de la légalité de preuve pénale? Quelles sont les pratiques, procédés et modes utilisés pour obtenir un aveu qui rendent cette preuve entachée d'illégalité? Peut-on accepter l'idée que l'aveu puisse être obtenu sous la contrainte morale? La jurisprudence accepte-t-elle un aveu qui a été obtenu d'une manière illégale? Le recours à certains procédés scientifiques pour obtenir des preuves met en péril ou ouvre la question de la légalité de la preuve pénale acquise

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par ces procédés scientifiques. Est-il permis d'affaiblir ou d'anéantir la volonté du suspect ou de l'accusé afin d'obtenir une preuve? Le recours au sérum de vérité (la narco-analyse) dans le but d'obtenir des éléments de preuve constitue une violation du principe de la légalité de la preuve pénale. De même, une audition effectuée sous hypnose a été qualifiée de moyen de preuve illégal. Les atteintes à l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de la pensée sont-elles admises pour obtenir une preuve? L'utilisation du polygraphe en procédure pénale est-elle compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale? Un texte de loi strict et clair peut-il légaliser l'emploi du polygraphe pour obtenir des preuves pénales? Le recours à l'ADN dans l'établissement de la preuve en matière pénale est-il compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale? Est-ce que le fait de refuser de se soumettre à un test ADN est permis même en présence d'un texte de loi qui oblige le prévenu ou l'accusé à effectuer le test? L'emploi de la force ou de moyens de coercition pour pousser le prévenu ou l'accusé à effectuer un test d'ADN est-il compatible avec le principe de la légalité de la preuve pénale?

Si le principe de légalité de la preuve pénale existe de manière générale, la question se pose de savoir si ce principe existe vraiment en droit libanais et français. Le principe de la légalité de preuve pénale souffre-t-il d'un problème d'existence ou d'un problème de reconnaissance? Le réel problème est celui de la reconnaissance juridique de ce principe. Quelles sont les positions doctrinales et jurisprudentielles vis-à-vis de la reconnaissance du principe de la légalité de preuve pénale? Comment prouver et affirmer l'existence du principe de la légalité de la preuve pénale? Comment le principe de la légalité de preuve pénale peut-il atteindre une reconnaissance juridique suffisante? Le principe de la légalité de la preuve pénale est-il une dérive, un composant ou un aspect du principe général de la légalité criminelle? Quelle est la relation entre le principe général de la légalité criminelle et le principe de la légalité de la preuve pénale? Le principe de la légalité de la preuve pénale est-il un des aspects juridiques du grand principe de la légalité criminelle? Peut-on considérer que le principe de la légalité criminelle est applicable à la procédure pénale? Peut-on parler d'une reconnaissance de la légalité procédurale qui consolide définitivement la reconnaissance de la légalité de preuve pénale?

A travers ce qui a été exposé, on posera la question majeure et l'épineux dilemme : quel est le sort de la preuve illégale? Il est logique de dire que l'application pratique des principes juridiques révèle la vraie valeur que la justice attribue au principe juridique indépendamment de la valeur juridique réelle. Par conséquent, toute évaluation de l'application effective ou pratique du principe de la légalité de la preuve pénale et l'acceptation ou l'admission de la

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preuve illégale et même les éléments de preuve obtenus illégalement par la justice exigent d'abord l'étude de la valeur juridique du principe de la légalité en droit libanais et français afin de procéder ensuite à l'étude des applications pratiques du principe de la légalité de la preuve pénale et de l'évaluation de la position de la justice par rapport à celui-ci. Est-ce qu'on peut parler d'une tendance vers la constitutionnalisation et la conventionnalisation du droit de la preuve et si oui quelle est la manifestation de cette tendance? Quels sont les fondements conventionnels et constitutionnels du principe de la légalité de preuve en droit libanais et français? Quelle valeur juridique revêt le principe de légalité en droit libanais et français? Quel est l'impact de la Charte internationale des droits de l'homme sur la valeur juridique du principe de la légalité de preuve en droit libanais? Quel est l'impact du préambule de la Constitution libanaise sur la valeur juridique du principe de légalité en droit libanais? Le principe de légalité faisant partie du bloc de constitutionnalité en droit libanais, quelles en sont les conséquences sur la valeur juridique du principe de légalité en droit libanais? La Convention européenne des droits de l'homme a-t-elle un impact sur la valeur juridique du principe de la légalité de preuve en droit français? Quel est l'impact du préambule de la Constitution française sur la valeur juridique du principe de légalité en droit français? Le principe de légalité appartient-il au bloc de constitutionnalité en droit français? Quelle est l'influence exercée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (la Constitution de la IVe République) et le préambule de la Constitution française du 4 octobre 1958 sur la valeur juridique du principe de légalité en droit français?

Sans doute faut-il étudier les applications pratiques du principe de la légalité de la preuve pénale et l'évaluation de la position de la justice par rapport à celui-ci. Cela nécessite l'évaluation des solutions offertes par la théorie de l'annulation (La théorie des nullités en matière pénale) et les applications jurisprudentielles du principe de la légalité de la preuve pénale et de diligence dans la loi libanaise et française. Quelles sont les sanctions procédurales possibles ou prévues en droit libanais et français? Quel est l'effet du choix du régime des sanctions? Quelle est l'incidence de la théorie des nullités adoptée par les législateurs libanais et français sur la sanction des preuves illégales? Les nullités textuelles et les nullités substantielles contribuent à sanctionner les preuves obtenues de manière illégale. Quelle est la conséquence de la qualification et de la distinction entre nullités absolues et nullités relatives sur les sanctions des preuves obtenues de manière illégale? Est-ce que l'application de la sanction concernant la preuve illégale peut varier selon l'auteur de la preuve? Est-ce que

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l'application de la sanction concernant la preuve illégale peut varier selon l'objet de la preuve illégale (entre preuve d'innocence et preuve de culpabilité)?

Il sera intéressant de connaître la mesure dans laquelle la théorie des nullités en matière pénale peut assurer l'application effective et exacte du principe de la légalité de la preuve pénale. Cela débouchera logiquement sur la discussion relative à la nécessité de développer le rôle et le cadre de la théorie de l'annulation judiciaire pour assurer l'application effective et espéré du principe de légalité de la preuve pénale ou de sortir du cadre de la théorie générale des nullités en droit de la procédure pénale pour trouver des outils ou des mécanismes juridique innovants et capable d'assimiler le problème de la légalité des preuves pénales et d'assurer l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale en rapport avec sa valeur juridique réelle. Nous abordons là les idées et propositions juridiques développées pour dépasser la théorie de la nullité classique et arriver à une étape stable et permanente sur le sujet de la preuve pénale dont le résultat dans la pratique effective devant la justice serait la reconnaissance totale et évidente de l'idée selon laquelle l'accès à la vérité et à la recherche et l'administration de la preuve pénale ne peut pas se faire par l'utilisation de moyens et de preuves illégales, même si la preuve reflète la vérité réelle, ce qui dans un sens veut dire que ces nouveaux instruments juridiques devraient être en mesure d'exclure la preuve illégale et de supprimer sa valeur probante. Comment peut-on comprendre le traitement de la preuve illégale? Quelles sont les raisons qui motivent l'admission d'éléments de preuve obtenus illégalement? Est-ce que l'absence de texte explicite en droit libanais et français autorisant le juge à exclure du procès des éléments de preuves obtenus de façon illégale justifie l'admissibilité d'un élément de preuve recueilli de manière illégale? Est-ce que la liberté souveraine d'appréciation du juge en matière de preuve pénale qui est aussi appelée système de la preuve morale ou de l'intime conviction adopté en droit libanais et français permet au juge la liberté entière, absolue et illimitée d'apprécier la force probante de chacune des preuves offertes malgré son origine illégale? Est-il possible de fixer des critères stables qui justifient l'exclusion de la preuve illégale? Et, au contraire, est-il possible de fixer des critères stables qui justifient l'admission de la preuve illégale? Faut-il réformer le système des nullités en procédure pénale libanaise et française? Y a-t-il vraiment une nécessité de moderniser l'ensemble du système des nullités en procédure pénale dans le but d'améliorer l'efficacité de l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale? Les législateurs libanais et français doivent veiller à l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale et doivent trancher la question de l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale. Ils doivent ensuite proposer d'adopter de nouvelles modalités et de nouveaux moyens

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juridiques qui permettraient clairement au juge d'exclure un élément de preuve obtenu illégalement. Cependant, l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale peut avoir pour effet de permettre à un délinquant d'échapper à la sanction pénale.

24. Les enjeux de cette étude. Cette étude est une contribution au renforcement et à l'enracinement du principe de légalité de la preuve pénale. Il s'agit de montrer que la recherche de la preuve pénale pour atteindre la vérité ne peut se faire à n'importe quel prix et en recourant à tous moyens ou par le biais la violation des droits et des libertés individuelles des dispositions de la loi et des principes généraux. Cette étude constitue un complément aux études effectuées en France sur le principe de la légalité de preuve pénale. Elle traite toutes les problématiques relatives à l'existence du principe de la légalité de la preuve pénale. S'agissant du droit libanais; cette étude soulève une question qui constitue un supplément qualitatif à la loi libanaise. Rares sont en droit libanais les études ou les articles sur le principe de la légalité de la preuve pénale ou de son concept à l'exception des rares idées dans certains livres de procédures pénales qui ne dépassent pas l'allusion à ce principe et qui sont littéralement traduits des livres français de manière incomplètes et peu claires et souvent de manière ambiguë sans distinction avec le principe de la loyauté de la preuve pénale. Cette étude a donc vocation à combler une lacune dans la bibliothèque juridique libanaise. Elle vise au déploiement et à la consécration de ce principe en l'expliquant de façon claire et objective, alors qu'il a été négligé par la jurisprudence et la doctrine pénale libanaise. Cette étude est donc venue pour mettre fin à des années de marginalisation de ce principe fondamental dans la quête et l'administration de la preuve pénale, et cela constitue un nouveau départ effectif pour une tentative de consécration du principe et de diffusion de celui-ci.

Dans la première partie de cette thèse, nous étudierons la notion de légalité de la preuve. La seconde partie de cette thèse portera sur la mise en oeuvre du principe de légalité de la preuve.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway