Lorsque que les différentes parties impliquées
dans la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique
s'accordent, que soit substituée une compensation en nature au payement
des indemnités pécuniaires, la fourniture d'équivalence
doit être antérieure à la prise de possession par l'Etat du
local frappé d'expropriation. Il est prévu à l'article 13
du décret n° 187/PR/67 du 01 août sur la limitation des
droits fonciers qu'un mois après paiement, fourniture
d'équivalence ou consignation des indemnités, l'administration
peut prendre possession, au besoin par expulsion des occupants, sans nouvel
avis36. Le recasement des personnes expropriées doit donc se
faire dans le délai d'un mois plutôt, avant l'expulsion des
occupants et la démolition de leurs habitations. Le même
délai est prévu en droit français. L'article L.231-1 du
Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique du 01 janvier 2022
énonce que : « Dans le délai d'un mois, soit du paiement
de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement, de sa consignation,
soit de l'acceptation ou de la validation d'un local de remplacement, les
détenteurs sont tenus de quitter les lieux. Passé ce délai
qui ne peut, en aucun cas être modifié, même par
autorité de justice, il peut être procédé à
l'expulsion des occupants »37.
34 Art. 8 Al. 2 la loi n° 85-09 du 4 juillet
1985 relative l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux
modalités d'indemnisation.
35 Art. 8 Al. 3 la loi n° 85-09 du 4 juillet
1985 id.
36 Art. 13 du décret n° 187/PR/67 du 01
Août 1967 sur la limitation des droits fonciers au Tchad.
37 Art. L. 231-1 du code français de
l'expropriation pour cause d'utilité publique, édition
2022-01-01, dernière modification : le 01 janvier 2022.
26
L'on se pose toutefois la question de savoir si le
délai d'un mois, soit tente jours, suffirait largement pour les victimes
d'aménager leur nouveau local, de réaliser tous les travaux
nécessaires à la reconstruction de leurs habitations, et de s'y
installer en toute aise.
Il est tout à fait clair que dans le cas du Tchad,
compte tenu des réalités sociales et économiques, les
expropriés ne peuvent dans un strict délai de trente jours
s'offrir d'autres logements décents, surtout pour les familles
nombreuses. En plus, aucune possibilité de prorogation du délai
n'est prévue. Ceci contribue à restreindre
considérablement le droit des victimes d'accéder un logement
décent.
Notons pour finir que le recasement de la population de
Nguéli s'est fait en violation des conditions de délais
fixées à l'article 13 du décret n° 187/PR/67 sur la
limitation des droits fonciers susmentionné. Les habitants de
Nguéli-sud, expulsés le 21 juin 2013 ont été
recasés le 30 novembre 2016, soit trois ans et cinq mois plus
tard38. Ceux de Nguéli-nord, expulsés quant à
eux le 18 décembre 2013, ont été recasés le 15
juillet 2020. L'on observe ici une violation grave des textes
législatifs qui prévoient que le recasement des victimes soit
antérieur à la prise de possession par l'Etat, des terres
appartenant aux particuliers.
En dépit du retard constaté, les
expropriés de Nguéli ont quand bien même été
effectivement recasés.