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Le droit au logement a l'épreuve de l'expropriation pour cause d'utilité publique: étude du cas de la population de Ngueli/Tchad


par Abba TABOU
Université de Dschang - Master II 2021
  

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B- Le paiement des indemnités et la prise de possession des immeubles expropriés

Un point essentiel de la procédure d'expropriation du point de vue de l'expropriant est évidemment de pouvoir prendre possession des biens expropriés en se libérant du paiement des sommes qui ont été fixées par le juge.

En effet, une fois le transfert de propriété intervenu par l'ordonnance d'expropriation, l'objectif poursuivi dans la déclaration d'utilité publique doit pouvoir être concrètement mis en oeuvre sur les biens concernés et ceci implique que leurs propriétaires et leurs éventuels locataires aient été effectivement indemnisés. Poursuivant son but de mise en oeuvre de l'opération d'intérêt public justifiant l'expropriation, et cherchant à éviter si ce n'est la voie de fait mais tout au moins l'emprise irrégulière79, l'expropriant a la possibilité de prendre possession du bien exproprié suite au jugement de première instance fixant les indemnités dues aux expropriés en les payant, quelles que soient les voies de recours mises en oeuvre.

L'article 11 du décret n° 187 du 01 août 1967 prévoit que l'administration ne peut prendre possession qu'après paiement des indemnités ou fourniture d'équivalence acceptée à

79 Le transfert de propriété interdit en effet de voir une telle prise de possession comme une voie de fait et lui réserve la qualification, moins infamante, d'emprise irrégulière.

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l'amiable par les ayants-droit80. Le paiement des indemnités apparait donc comme la condition sine qua none de la prise de possession du bien par l'autorité expropriante. Il s'agit là d'une condition fixée pour protéger les victimes d'expropriation contre le risque de se retrouver sans abri à l'issue de leur expropriation.

Le droit de l'expropriation prévoit également que cette prise de possession ne peut intervenir qu'un mois après le paiement effectif de l'indemnité (ou la consignation en cas d'obstacle au paiement) au propriétaire81. Ce délai est conçu pour laisser le temps au propriétaire comme aux éventuels locataires ou occupants réguliers indemnisés de quitter les lieux avant la prise de possession. Mais ce délai d'un mois ne commence à courir qu'à compter du jour où l'indemnité est effectivement parvenue dans le patrimoine des expropriés. Cette exigence d'effectivité de la réception des sommes peut être délicate lorsqu'un exproprié refuse le paiement ou lorsque celui-ci doit passer par des formalités préalables. Pour éviter tout débat dans ces cas litigieux, il est évidemment possible d'envisager une prise de possession anticipée avec l'accord de l'exproprié. Il n'en était rien dans le cas de l'expropriation des occupants du site de Nguéli. La prise de possession fut sans délai et sans indemnisation juste et préalable des victimes.

80 Art. 11 du décret n° 187.

81 Art. 13 du décret n° 187 : « Un mois après paiement, fourniture d'équivalence ou consignation des indemnités, l'administration peut prendre possession, au besoin par expulsion des occupants, sans nouvel avis ».

CONCLUSION DU CHAPITRE II

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Au terme de tout ce qui précède, il apparait bien que l'indemnisation des expropriés, enjeu central de la procédure d'expropriation et principale garantie du droit au logement des victimes, relève tout à fait d'une appréciation subjective qui fait des parties et du juge des experts fonciers de terrain. Elle est une mise en oeuvre de règles très précises qui encadrent strictement l'oeuvre des parties, le tout faisant peut-être de cette procédure l'une des plus originales existant en droit. La finalité première de l'indemnisation des personnes expropriées pour cause d'utilité étant d'offrir à celles-ci les moyens de retrouver leur niveau de vie initial, cela implique la construction des nouvelles habitations pour assurer leur droit au logement.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

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Lorsqu'une expropriation pour cause d'utilité publique est envisagée, il est nécessaire qu'un certain nombre de mesures soit mis en oeuvre pour garantir aux victimes leur droit au logement. Parmi ces mesures, la plus importante consiste à reloger les expropriés. Malheureusement, aucun texte législatif tchadien ne prévoit le relogement des personnes expropriées pour cause d'utilité publique. Les seules mesures légales de protection du droit au logement des expropriés, prévues par la loi n° 25 du 22 juillet 1967 consistent d'une part au recasement des victimes et d'autre part, à l'indemnisation de celles-ci. Avant de prendre possession des immeubles frappés d'expropriation, l'autorité expropriante, lorsqu'elle envisage une compensation en nature, fourni l'équivalence aux victimes (attribution des terrains) et leur octroi une indemnité pécuniaire juste et préalable pour permettre à celles-ci de construire de nouvelles habitations.

L'application de ces mesures n'a pas été effective dans le cas de l'expropriation intervenue à Nguéli. D'où la nécessité de fournir dans le cadre de cette étude, des pistes de solutions envisageables pour une protection plus efficace du droit au logement des personnes expropriées.

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SECONDE PARTIE : LES ENTRAVES À LA PROTECTION
EFFICACE DU DROIT AU LOGEMENT DES EXPROPRIÉS
DE NGUÉLI ET LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES

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Compte tenu du caractère fondamental et inaliénable du droit au logement, le législateur tchadien a prévu des dispositions qui protègent les victimes d'expropriation pour cause d'utilité publique. Ces dispositions tiennent essentiellement au recasement de ces victimes, qui doit se faire dans le strict respect d'un certain nombre de conditions, et à leur indemnisation qui doit être juste et préalable. C'est alors que dans la pratique, le véritable problème se pose quant à l'effectivité de ces règles de droit érigées pour garantir aux expropriés leur droit au logement. Dans la plupart des cas d'expropriation intervenues au Tchad, l'on s'aperçoit que l'Etat, faisant usage de son pouvoir régalien violent les droits reconnus aux victimes. Celle de la population de Nguéli est intervenue dans la violation la plus totale des droits des expropriés.

Nous présenterons dans le cadre de cette deuxième partie, les violations des règles protégeant le droit au logement des expropriés (CHAPITRE I) et les solutions envisageables pour une protection plus efficace de ce droit (CHAPITRE II).

CHAPITRE I : LES VIOLATIONS DES RÈGLES DE
PROTECTION DU DROIT AU LOGEMENT DES
EXPROPRIÉS DE NGUÉLI

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En principe, toute expropriation pour cause d'utilité publique ouvre droit à l'indemnisation des victimes. Cette indemnisation juste et préalable, peut être selon les cas en nature ou en espèce. Le législateur laisse ainsi la latitude aux parties de choisir le mode d'indemnisation qui conviendrait mieux aux victimes. De toute évidence, la compensation en nature, c'est-à-dire le recasement des expropriés semble être la mesure la mieux adaptée pour garantir à ces derniers leur droit au logement à l'issue de la procédure d'expropriation. Toutefois, ce recasement doit se faire dans le respect de certaines conditions fixées par le législateur. Pour le cas des victimes dont l'expropriation a touché des maisons d'habitation, une simple compensation en nature serait insuffisante et contraire au principe de l'indemnisation juste. En plus des terrains attribués, ces victimes doivent bénéficier d'une indemnité pécuniaire représentant la valeur des coûts d'investissement, laquelle indemnité permettra à celles-ci de s'offrir des nouveaux logements. Telles sont les différentes règles édictées par le législateur tchadien en vue de garantir le droit au logement des personnes expropriées pour cause d'utilité publique. Mais comme les violations des droits de l'Homme constituent une monnaie courante au Tchad, les droits des expropriés sont de plus en plus violés par l'autorité expropriante. Le cas le plus intéressant est sans doute celui des victimes de Nguéli dont les droits ont été violés à toutes les étapes de la procédure.

Nous présenterons respectivement les violations des règles procédurales et des conditions de délais (SECTION I) et les violations des règles relatives à l'évaluation des biens et au paiement des indemnités (SECTION II).

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SECTION I : LES VIOLATIONS DES RÈGLES PROCÉDURALES ET DES
CONDITIONS DE DÉLAIS

Les textes législatifs prévoient un certain nombre de règles qui régissent la procédure et fixent des délais pour l'accomplissement de certains actes lors d'une expropriation pour cause d'utilité publique. Le respect de ces règles a été problématique lors de l'expropriation de la population de Nguéli.

Il convient de présenter successivement la violation des règles procédurales (PARAGRAPHE I) et celle des conditions de délais (PARAGRAPHE II).

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