CONCLUSION DU CHAPITRE I
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La lecture de la loi n° 25 du 22 juillet 1967 sur la
limitation des droits fonciers et celle du décret n° 187/PR/67 du
01 août 1967 permettent de remarquer que le législateur tchadien a
pris le soin de prévoir des dispositions qui garantissent aux victimes
d'expropriation le droit au logement, en cas d'expropriation pour cause
d'utilité publique. Il convient néanmoins de préciser que
ces règles ne trouvent pas toujours une application effective. Dans le
cas d'expropriation de la population de Nguéli, l'administration ne
s'était guère souciée de garantir aux victimes leur droit
d'être relogées, mettant ainsi en cause la dignité humaine
de ces dernières. En violant ainsi ce droit fondamental de la
population, l'Etat se soustrait par la même occasion, de son engagement
pris dans le cadre du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, de reconnaitre à chaque
personne son droit à un niveau de vie suffisant.
Pour finir, il faut relever que les textes législatifs
qui régissent l'expropriation pour cause d'utilité publique au
Tchad n'assurent pas une garantie suffisante du droit au logement des
expropriés, étant donné qu'aucune disposition ne
prévoit le relogement de ceux-ci.
CHAPITRE II : LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES POUR UNE
PROTECTION PLUS EFFICACE DU DROIT AU LOGEMENT DES
EXPROPRIÉS
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A l'issue de l'étude menée dans le cadre du
précédent chapitre sur les violations des règles relatives
à la protection du droit au logement des expropriés, il en
ressort que les textes législatifs et les pratiques de l'administration
sont loin de garantir aux victimes d'expropriation leur droit à un
niveau de vie suffisant, tel que prévu par les textes internationaux
auxquels le Tchad a adhéré (Pacte international relatifs aux
droits économiques, sociaux et culturels, Déclaration Universelle
de droits de l'homme, Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
etc.).
La question de la violation des droits de l'homme en
général, et celle des personnes expropriées en particulier
est un phénomène récurrent au Tchad. Plusieurs
défis sont à relever par l'Etat tchadien à cet effet. Dans
la présente étude, nous envisagerons des solutions qui
permettront d'assurer dans une certaine mesure, une protection plus efficace du
droit au logement des expropriés. Ces solutions tiennent tout d'abord
à l'humanisation de la procédure d'expropriation (SECTION I) et
à l'adoption des mesures de relogement ainsi que quelques
recommandations formulées à l'endroit de l'administration
(SECTION II).
SECTION I : L'HUMANISATION DE LA PROCÉDURE
D'EXPROPRIATION
L'expropriation est un mal nécessaire des temps
modernes qui a pour finalité d'assurer la promotion de vastes
opérations d'industrialisation, d'urbanisation, de développement
ou de sécurité nationale. Elle reste après tout, une
véritable machine à fabriquer des
déracinés94 et à ce titre, elle a un coût
humanitaire exorbitant pour les populations expropriées et
évincées de leur environnement naturel, social et culturel.
La procédure de l'expropriation au Tchad
nécessite une humanisation, et cette dernière implique une
redéfinition des règles relatives à la prise de possession
(PARAGRAPHE I) et à l'évaluation des biens (PARAGRAPHE II).
94 OWONA Joseph, Droit administratif spécial
de la République du Cameroun, p. 291.
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Paragraphe I : La redéfinition des règles
relatives à la prise de possession des biens expropriés et
à l'évaluation des biens
Nous envisagerons tour à tour la révision du
délai de la prise de possession (A) et l'adoption d'une loi fixant les
bases de calcul de la valeur des biens expropriés (B).
A- La révision du délai de la prise de
possession des immeubles expropriés
Le législateur tchadien a fixé à un
mois, soit trente jours le délai de la prise de possession des immeubles
frappés par l'expropriation, à compter de la date du paiement ou
de la consignation des indemnités, ou de la fourniture de
l'équivalence95. L'article 11 du décret n° 187
sur la limitation des droits fonciers précise que la prise de possession
peut se faire au besoin, par expulsion des occupants et sans nouvel avis. L'on
estime sans doute que le législateur s'est inspiré du droit
français96 pour fixer de telles prescriptions. Ce
délai d'un mois est fixé sans toutefois que les
réalités sociales et économiques du peuple tchadien ne
soient prises en comptes. Si l'on s'appuie sur l'exemple d'une famille de plus
de 10 personnes expropriée, il est quasiment impossible qu'en seulement
trente jours, des nouveaux logements décents puissent être
construits et aménagés pour abriter un tel nombre. Il y a donc
nécessité que ce délai soit révisé. Pour
assurer plus efficacement aux victimes, la garantie d'être
relogées avant la prise de possession, et d'éviter une possible
expulsion, il serait raisonnable que le législateur fixe le délai
de prise de possession à trois mois, soit 90 jours, renouvelable une
fois. Une telle mesure permettra à tous les expropriés, d'avoir
la possibilité de s'offrir des nouveaux logements décents et de
retrouver leur niveau de vie initial, avant que l'Etat ne prenne possession de
leurs anciens immeubles. Cela éviterait que des familles se retrouvent
dans les rues en attendant de trouver d'autres habitations.
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