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La parenthèse comme stratégie d'écriture dans Allah n'est pas obligé de Ahmadou Kourouma


par Théogène Hakuzimana Bizimana
ISP/Goma  - Licence 2017
  

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III.3. L'INTERTEXTUALITÉ COMME EFFET DE LA PARENTHÈSE

L'intertextualité concerne les relations qu'un texte entretient avec un ou plusieurs autres textes par voie de citations, d'allusion ou de référence. De ce fait, tout texte peut se lire comme l'intégration et la transformation d'autres textes. Cela étant, il importe de constater que la parenthèse est un vecteur de ces relations intertextuelles dans Allah n'est pas obligé. Ceci se confirme en lisant l'extrait suivant :

« Sekou avait été obligé de quitter Abidjan et d'abandonner sa Mercedes et tous ses biens à cause d'une sombre affaire de multiplication de billets comme Yacouba (sombre affaire signifie déplorable, lamentable affaire, d'après le Petit Robert). Dès que nous nous sommes assis dans la case, Sekou, par une prestidigation de maître, a sorti de la manche de son boubou un poulet blanc. Yacouba a crié son émerveillement. Moi j'ai été pris par un effroi (effroi signifie frayeur mêlée d'horreur qui saisit, d'après le Petit Robert). Sekou nous a recommandé beaucoup de sacrifices, des durs sacrifices. Nous avons tué deux moutons et deux poulets dans un cimetière. Le poulet qu'il avait sorti de sa manche et un autre. » (p.48)

Dans cet extrait, nous constatons que le narrateur recourt à la parenthèse pour fournir des explications sémantiques. En effet, le « sombre affaire signifie déplorable, lamentable affaire, d'après le Petit Robert» et le « effroi signifie frayeur mêlée d'horreur qui saisit, d'après le Petit Robert» sont des énoncés explicatifs des lexèmes contenus dans les illocutions traduisant les parenthèses. Cette explication s'appuie sur le « Petit Robert ». Ce qui montre que le narrateur cite ou reprend des composantes linguistiques préexistant à la mise en oeuvre du discours textuel qu'il construit. La parenthèse est donc citative, car le connecteur référentiel « d'après », utilisé dans la parenthèse, justifie la stratégie autrement dit : «une telle reproduction est un interdiscours vu que le texte intègre un autre. [...] Et ici l'instance énonciative se dédouble. Citer est, en fait, synonyme de culture. » (Laurent MUSABIMANA NGAYABAREZI, 2015b :246)

Dans ces conditions, le texte est une condensation d'autres textes. Ce qui vient montrer que la parenthèse fait de Allah n'est pas obligé un réservoir de segments textuels offerts à la lecture. Encore ces insertions créent-elles la rupture car, d'un côté, elles ne sont pas régies par le tiroir verbal du récit qui les héberge, celui-ci étant au passé alors que le cadre temporel des insertions est présent. D'un autre côté, elles rompent, elles aussi, la linéarité de l'énoncé en faveur de la référence, trace intertextuelle qui impose un rythme de lecture à son lecteur. Car ce lui-ci ne s'arrête pas au simple constat que le texte entre en relation avec les autre textes, mais il pense cette parenthèse comme outil de compréhension du texte qu'elle complète ou modifie. L'effet d'interpellation résulte donc de cette pratique intertextuelle, à côté de l'insistance naissant de la reprise du segment textuel dans l'intertexte comme pour le « effroi signifie... » où le narrateur reprend le mot «effroi » duquel naît l'intertexte de la parenthèse.

L'autre impact de l'intertexte sur le texte est la résonnance. Le fragment référentiel crée des échos sur le texte au cours des activités de lecture. Car le texte est construit de manière à se faire approfondir. D'abord, par la première voix interprétative qu'est le narrataire, ensuite par la voix du lecteur. Ces manifestations sont présentes dans cet autre passage :

« Après, il annonça ce que ça allait entreprendre. Walahé ! Rechercher le sorcier mangeur d'âmes. Le mangeur d'âmes qui avait bouffé le soldat-enfant, le capitaine Kid, djoko-djoko. (Djoko-djoko signifie de toute manière d'après Inventaire des particularités.) Ça allait le débusquer sous n'importe quelle forme ça se cachait. Ça allait danser toute la nuit et, s'il le fallait, une journée entière encore. Ça n'arrêtera tant qu'il ne l'aura pas trouvé. Tant que ça n'aura pas été totalement confondu. (Confondu signifie, d'après Larousse, que le sorcier reconnaît par sa propre bouche son forfait). (p.64)

Cette séquence présente des marques intertextuelles en passant par les parenthèses. En effet, les assertions «Djoko-signifie de toute manière d'après Inventaire des particularités » et « Confondu signifie, d'après Larousse, que le sorcier reconnaît par sa propre bouche son forfait », témoignent de la pratique intertextuelle. Les titres d'ouvrages cités, bien que propres à la fiction, engendrent l'illusion fictionnelle de la réalité. Car l'intertexte fait penser au texte ayant préexisté à la composition de l'oeuvre. L'intertextualité se lit ici comme une injonction au lecteur car, même peu indispensable au texte, elle montre que le narrateur canalise la lecture du texte, la restreint aux seules précisions qu'il véhicule. Loin d'ennuyer le lecteur, pareille stratégie pallie en quelque sorte le retardement narratif que les limites de la parenthèse provoquent.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci