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Les Etats face aux Drogues


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble 2002
  

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1.1.3 La recherche du consensus italien

1.1.3.1 Le Servizio Sanitario Nazionale (SSN) italien : conflictualité et absence de perspective

Le système de protection social italien, qui inclut le Service sanitaire national, s'est construit autour de trois fractures qui ont façonné l'Etat italien724(*) : une séparation entre Etat national et l'Eglise catholique, une coupure entre l'Etat central et les autorités locales marquée par une forte centralisation administrative (notamment lors du fascisme) qui a permis de développer des institutions d'assistance nationales spécifiques à chaque groupe social. Enfin une troisième coupure a eu lieu entre les Institutions étatiques et la société civile. Ces trois fractures historiques ont délimité un modèle d'Etat-providence (Welfare State) très centralisé. La Constitution italienne s'inspire profondément du modèle de d'Etat-providence britannique. Elle délimite une philosophie de l'Etat social et de la citoyenneté fondée sur le travail.

Les politiques publiques italiennes sont restées très centralisées jusqu'au début des années soixante, avec une faible articulation entre le niveau central et local. Les services sanitaires étaient en revanche très extérieurs à la sphère publique725(*). Au début des années soixante, le boom économique d'après guerre qui avaient permis une forte redistribution de la croissance toucha à sa fin. Une nouvelle programmation économique se mit en place afin d'orienter le développement vers des objectifs sociaux, en favorisant les biens collectifs. Il s'agissait de mettre la croissance au service des classes les plus économiquement et socialement défavorisées.

De fortes mobilisations sociales (syndicale, ouvrière, étudiante) ont eu lieu entre 1968-1969 puis 1972-1973. Elles ont conduit à la formulation de nombreuses revendications sur le plan social, exprimées en terme de droits (« aux études », « à la santé ») exprimées dans le cadre d'un modèle de prévention collectif des risques. Parallèlement, une plus forte décentralisation des politiques publiques était également réclamé726(*). Un vaste mouvement de décentralisation a eu lieu entre 1970 et 1979 notamment par le bais de la création des Régions, dotées de nombreuses compétences d'ordre sanitaire et sociale.

La réorganisation de l'ensemble du Servizio sanitario nazionale (SSN) eu lieu par la loi n.833 du 23 décembre 1978 qui présentait de vastes ambitions. La réforme sanitaire affirme l'accès de tous les citoyens aux Services sur la base de la citoyenneté, le financement des Services par le biais de la contribution sociale, la planification et la programmation du SSN726(*)727(*). Elle confirme également le rôle déterminant attribué aux Régions, supprime la gestion autonome des hôpitaux et leur intégration aux Unità sanitarie locali (USL), et défend la valorisation des services sanitaires extra-hospitaliers. La loi 833/1978 prévoyait également une répartition des tâches décisionnelles entre le niveau national (programmation et attribution des ressources et du personnel), régional (allocation des ressources aux USL et contrôle de la qualité) et local (gestion des services USL). L'USL se fonde sur une unité territoriale mineure censée représentée la « communauté de base » virtuelle des usagers.

Mais la réalisation de la loi 833/1978 fut un échec pour plusieurs raisons: l'insuffisance des instruments de programmation sanitaire, une difficulté à établir un découpage des USL homogène (celle du Val d'Aoste était régionale tandis que d'autres étaient mono communales), la politisation des administrateurs des USL du fait d'un fort lien avec les conseillers municipaux (dominés principalement par la Democrazia Cristiana, DC, du Partito Socialista Italiano, PSI, et du Partito Communista Italiano, PCI)728(*). La politique sanitaire italienne demeure durant les années quatre-vingt très fragmentée.

Le manque de planification du système italien fut accentué par l'impossibilité d'établir un plan de programmation des finances sanitaires depuis le début la fin des années soixante-dix, favorisant ainsi une logique d'urgence de l'intervention étatique, qui reste d'ailleurs davantage politique que sanitaire. L'article 53 de la loi de réforme sanitaire (loi n.833 de décembre 1978) confie au Piano Sanitario Nazionale (PSN) la direction du Servizio Sanitario Nazionale (SSN)729(*). Le Plan a pour mission de définir les « lignes générales de direction et les modalités du déroulement des activités institutionnelles du SSN, dans la reconnaissance de l'exigence de dépasser les conditions d'équipement socio-sanitaire qui existent dans le pays, notamment dans les régions méridionales ». Le PSN a deux buts : un premier de régulation (critères socio-sanitaires de qualité à respecter) et un second redistributif. Les acteurs institutionnels qui contribuent à l'élaboration du plan sont, outre le Minsitère della Sanità et au Servizio Centrale di Programmazione Sanitaria, le Consiglio Sanitario Nazionale (CSN), les Régions, le Gouvernement et notamment le Ministero del Tesoro, les Commissions Sanità du parlement, les deux chambres réunies en session plénière ainsi que l'Istituto Superiore della Sanità d'un point de vue scientifique.

De nombreuses propositions de plans ont été élaborées depuis 1979 mais aucune n'a été adoptée. Le premier PSN de 1979 (pour la période 1980-1982) est reporté en raison d'une crise gouvernementale. Le plan est approuvé par le gouvernement en octobre puis par le Sénat en novembre 1979. Les différents projets vont alors être systématiquement renvoyés en raison des multiples crises gouvernementales qui vont se succéder. Le second obstacle au Plan sanitaire sont les nombreuses critiques qui lui sont à chaque fois opposées. Les médecins refusent un surcroît de contrôle étatique tandis que certains condamnent la part prépondérante accordée aux instances privées et que d'autres regrettent le manque d'autonomie accordée aux régions et la trop forte centralisation du système sanitaire. Ces critiques (centralisation, place du privé) sont récurrentes et ont jusqu'à présent empêché une planification sanitaire pourtant nécessaire. Le système sanitaire national italien est resté incapable de mettre en place des politiques visant à apporter une véritable réponse aux problèmes sanitaires et sociaux. Cette immobilité des politiques sanitaires s`explique selon Elena Granaglia aussi bien par des facteurs internes à la loi n.833 que par une culture politique-et administrative spécifique.

« Fruit des plus grands et des plus emblématiques rêves de planification économiques, la loi n.833 se fonde sur l'idée d'une correspondance automatique entre les intérêts des divers acteurs et ceux généraux, dans une sous-évaluation totale des pré-requis organisationnels et institutionnels nécessaires afin de rejoindre les finalités du SSN. Dans le but d'établir une procédure de planification complexe, hautement représentative, et visant la recherche du consensus le plus grand. Une telle procédure, qui peut être adaptée à un monde idéal, harmonieux et unitaire, s'est démontrée assez inadéquat dans un monde réel comme celui du secteur sanitaire, peuplé d'intérêts divergents, souvent conflictuels, et doté de coûts de transaction élevés »731(*)

Les années 1987-1992 ont été marquées par la mise à l'agenda des interventions socio-sanitaires « d'urgence » notamment dans le secteur de l'immigration (loi 28 février 1990, n.39) et de la toxicomanie (loi 26 juin 1990, n.162). Ces réformes établissaient un important recours aux services privés dont les organisations à but non lucratif (Organizzazione non lucrativa di utilità sociale, ONLUS), ce qui modifia considérablement le paysage socio-sanitaire des années quatre-vingt-dix. Les agences engagées en faveur des « urgences sociales » (toxicomanie, Sida, alcoolisme) se sont multipliées. Elles se caractérisent par de petites structures souples spécialisées dans l'accueil, l`écoute et les premières interventions. Leur financement vient avant tout des organismes publics ou encore d'organisations ecclésiastiques732(*). Le SSN est passé de 1978 à 1993 d'un système territorial horizontal à une sorte d'Agence nationale, gérant d'importantes ressources, se démarquant des services dans sa logique gestionnaire et organisationnelle734(*). Le nouveau système se caractérise par un mouvement vers le haut en renforçant les prérogatives du ministère de la Santé et en réduisant l'autonomie des USL.

Le Servizio sanitario nazionale italien présente trois caractéristiques: une forte coupure entre les structures publiques et privées auxquelles l'Etat a largement recours pour les interventions sanitaires d'urgence (toxicomanie, immigration, prostitution, etc.), un manque de planification et de programmation à long terme qui empêche d'adopter une considération globale des problèmes sur le long terme et enfin l'impossibilité des pouvoirs publics d'établir un consensus parmi les acteurs impliqués dans les politiques sanitaires et sociales. C'est dans ce contexte que va se développer le dispositif de prise en charge de la toxicomanie.

* ibid., p.232

724 Rei Dario, Servizi S

* ociali e politiche pubbliche, op.cit., p.84-85

725 Rei Dario,

*

* ibid., p.89

726

* 727 Rei Dario, ibid.

* , p.90-91

728 Rei Dario, ibi

* d p.110-111

729 Rei Dario, ibid., p.112

730 Granaglia Elena, « La politica sanitari

* a », art.cit., pp.367-381.

731 Granaglia Elena,

* ., p.96-97

732 Rei Dario, ibid., p.100

733 R

* ei Dario, ibid.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote