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La gestion des DRM en perspective


par Herwann Perrin
Université René Descartes Paris V - DESS de Droit et Pratique du Commerce électronique 2004
  

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2 - Le projet de loi sur les droits d'auteurs63(*)

L'exposé des motifs du projet de loi de transposition en droit français de la directive 2001/29 CE indique qu'elle ne demande a priori que des « modifications très limitées du code de la propriété intellectuelle. Il s'agit essentiellement, d'une part, de l'introduction de sanctions en cas de contournement des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres et, d'autre part, de l'institution d'une exception au droit d'auteur en faveur de certains types de copies techniques effectuées lors des transmissions de contenus sur les réseaux numériques ».64(*)

Le projet de loi semble être resté assez proche du texte européen65(*), et c'est le but d'une directive d'harmonisation des législations. Cependant, on notera quelques changements ayant trait principalement à : d'une part, la reconnaissance de nouvelles exceptions aux droits d'auteurs et, d'autre part, à la coexistence de la copie privée et des mesures techniques.66(*)

L'article 7 du projet de loi indique : « les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un idéogramme ou d'un programme, sont protégées dans les conditions prévues au présent titre. Ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels ;

« On entend par mesure technique, au sens de l'alinéa précédent, toute technologie, dispositif, composant, qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue à l'alinéa précédent. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée à l'alinéa précédent est contrôlée grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection, ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection.

« Les licences de développement des mesures techniques de protection sont accordées aux fabricants de systèmes techniques ou aux exploitants de services qui veulent mettre en oeuvre l'interopérabilité, dans des conditions équitables et non discriminatoires, lorsque ces fabricants ou exploitants s'engagent à respecter, dans leur domaine d'activité, les conditions garantissant la sécurité de fonctionnement des mesures techniques de protection qu'ils utilisent ».67(*)

S'ajoute à ces dispositions que le contournement de ces dispositifs anti-contrefaçon mis en place notamment sur les CD ou DVD sera assimilé à de la contrefaçon (article 11 à 15) et sanctionné pénalement. On notera que, la loi Perben II a étendu la peine pour contrefaçon de deux à trois ans de prison et de 150 000 à 300 000 euros d'amende, et à cinq ans et 500 000 euros quand le délit est commis en bande organisée.68(*)

En outre, la directive oblige (article 6.4) les Etats membres à prévoir : « une protection juridique appropriée contre la fabrication, l'importation, la distribution, la vente, la location, la publicité en vue de la vente ou de la location, ou la possession à des fins commerciales de dispositifs, produits ou composants ou la prestation de services qui : a) font l'objet d'une promotion, d'une publicité ou d'une commercialisation, dans le but de contourner la protection, ou b) n'ont qu'un but commercial limité ou une utilisation limitée autre que de contourner la protection, ou c) sont principalement conçus, produits, adaptés ou réalisés dans le but de permettre ou de faciliter le contournement de la protection de toute mesure technique efficace. ». Cette mesure a été transposée dans le Projet de loi à l'article 13.69(*)

Aussi, on regardera avec intérêt une décision du tribunal fédéral de San Francisco en date du 19 février 200470(*) qui a interdit à la Société 321 Studios de poursuivre aux Etats-Unis la production et la commercialisation de tout logiciel permettant la duplication de DVD vidéo.71(*) En effet, cette décision a été prise car ce type de logiciel permet le contournement des mesures de protection et viole ainsi le DMCA de 1998. Ce premier jugement a été rendu et le Tribunal de New York72(*) a confirmé cette approche le 3 mars 2004 dans une autre affaire contre 321 studios. Il précise que le logiciel édité par la société 321 Studios, enfreignait le droit d'auteur. Il a considéré que « However, prohibition of manufacture or trafficking of any technology primarily designed to circumvent a technological measure that either controls access to or protects a right of a copyright owner to or in a work protected under DMCA, obviously is not evaded by the existence or arguably limited alternative uses ».73(*)

Cette faculté devra, elle aussi, être abandonnée en France à l'issue de la transposition de l'article 6.4 de la directive du 22 Mai 2001 sur le droit d'auteur !!

Par contre, on trouve dans l'article 8 al. 374(*) du Projet de loi une disposition qui diffère de la directive dans la mesure où faculté est offerte aux titulaires de droits de limiter le nombre de copies privées, ce qui peut très clairement être fait par la mise en place de DRM. Cette mesure est d`ailleurs d'ores et déjà largement utilisée par les différents acteurs du secteur de la distribution en ligne de contenus.

On suivra alors avec intérêt le Projet de loi lorsqu'il indique que, si les mesures techniques sont légitimes, elles ne doivent pas limiter l'exercice de copie privée.75(*) Or toute la difficulté est bien là : comment concilier la logique de la lutte contre la contrefaçon et le piratage des oeuvres avec celle de l'exception de copie privée à des fins privées ou à destination du cercle de famille...

En effet, les mesures techniques qui permettent de contrôler l'utilisation, la destination, la distribution des oeuvres ont pour finalité d'empêcher toute copie illicite de celles-ci ainsi que toute violation des autres droits exclusifs du titulaire. Le contournement de celles-ci étant illégal à partir du moment où, comme le précise Caprioli, cela a été accompli en connaissance de cause.76(*)

Ainsi, il semblerait qu'à l'avenir l'utilisateur ne puisse tout simplement plus exercer son droit de copie privée. Et, c'est bien la tendance vers laquelle on s'achemine, les fournisseurs de contenus en ligne mettent dans un premier temps en place de telles mesures via les systèmes de DRM77(*) en ligne pour ensuite les appliquer graduellement et en fonction de l'évolution et du renouvellement de l'équipement des utilisateurs/consommateurs aux achats dans le commerce (hors ligne). Certains CD étant déjà réputés comme non copiables, ce qui a d'ailleurs été l'occasion pour les juges de se prononcer dans certaines affaires.78(*) Dans celles-ci, le plus important à notre avis, et on suivra en cela Eric Barbry79(*), n'étant pas que les sociétés aient été condamnées pour vice caché et tromperie mais que le juge impose de « faire figurer au verso de l'emballage du CD la formule suivante en caractère 2,5mmm « Attention, il ne peut être lu sur tout lecteur ou autoradio »80(*) ; « le consommateur en lisant la mention « ce CD contient un dispositif technique qui limite les possibilités de copie » ne peut savoir que ce système anti-copie est susceptible de restreindre l'écoute de son disque sur un autoradio ou un lecteur ».81(*) En cela, il reconnaît de facto l'existence d'un droit des mesures techniques et met uniquement l'accent sur le fait que le consommateur n'a pas été clairement informé des restrictions susceptibles de pouvoir intervenir lors de l'utilisation du support acheté.

On suivra également avec beaucoup d'intérêt les suites de la décision rendu par le TGI de Paris du 30 avril dernier.82(*) L'Union Française des Consommateur (UFC) Que Choisir a été déboutée par celui-ci de sa demande envers Universal, les Films Alain Sarde et Studio Canal. En effet, un particulier ayant acheté le DVD du film de David Lynch Mulholland Drive ne pouvait pas faire une copie privée de celui-ci du fait des mesures de protection du DVD. Le juge a indiqué que la loi était obsolète puisque, du fait de son ancienneté, « elle ne prenait pas en considération la démultiplication récente des supports sur lesquels une oeuvre peut être reproduite ». Et d'ajouter que « la copie d'une oeuvre éditée sur un support numérique ne pouvait que porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ».83(*)

C'est au nom de la lutte contre le piratage que ces mêmes sociétés de perceptions sont aujourd'hui pointées du doigt par la Commission Européenne et plus particulièrement par sa Direction en charge du respect du droit de la concurrence. Seize sociétés d'auteurs, dont la SACEM, qui collecte les droits musicaux, sont concernées. Pour faire court, la Commission souhaite introduire la concurrence entre les sociétés d'auteurs qui libèrent les droits de diffusion de la musique notamment. Les accords de Santiago et de Barcelone, en 2001, stipulaient que chaque diffuseur devait négocier, pays par pays, les licences de diffusion de la musique à acheter en ligne. Cette territorialité et cette exclusivité sont maintenant contestées par la Commission Européenne qui souhaite ouvrir le système et mettre les sociétés en concurrence. Une façon comme une autre d'encourager les sites payants en leur facilitant la vie. De leur côté, les sociétés d'auteurs redoutent que la mise en concurrence des sociétés habilitées à accorder des licences d'exploitation conduise à faire baisser singulièrement le montant des droits au nom de l'attractivité commerciale

* 63 Il devrait être examiné par le Parlement dès le premier semestre 2004.

* 64 Projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, 12 novembre 2003, p. 1.

http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/communiq/aillagon/droitdauteur1103.pdf

* 65 Antoine Gitton, Analyse du projet de loi français sur « le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information », 19 novembre 2003, 18 p. www.droit-technologie.org/2_1.asp?dossier_id=113

* 66 On se limitera ici à l'étude à proprement parler des mesures ayant un impact sur les DRM.

* 67 Ibid, p. 9.

* 68 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, article 34 : « II. L'article L. 335-4 est ainsi modifié : 1° Dans le premier alinéa, les mots : « deux ans d'emprisonnement et de 150 000 EUR d'amende » sont remplacés par les mots : « trois ans d'emprisonnement et de 300 000 EUR d'amende » ; 2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : Lorsque les délits prévus au présent article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 EUR d'amende ».

www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=689004&indice=1&table=JORF&ligneDeb=1

* 69 Article 13 : « Est assimilé à un délit de contrefaçon : « 1° Le fait pour une personne de porter atteinte, en connaissance de cause, à une mesure technique mentionnée à l'article L. 331-5 afin d'altérer la protection, assurée par cette mesure, portant sur une oeuvre ; « 2° Le fait, en connaissance de cause, de fabriquer ou d'importer une application technologique, un dispositif ou un composant ou de fournir un service, destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, du fait mentionné au 1° ci-dessus ; « 3° Le fait, en connaissance de cause, de détenir en vue de la vente, du prêt ou de la location, d'offrir à la vente, au prêt ou à la location, de mettre à disposition sous quelque forme que ce soit une application technologique, un dispositif ou un composant ou de fournir un service destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie, du fait mentionné au 1° ci-dessus ; (...) ». Projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, 12 novembre 2003, p. 12.

* 70 www.321studios.com/PRESS/SJ%20Order.pdf

* 71 Marie-Amélie Gervais, Condamnation par deux fois, de l'éditeur du logiciel "DVD X Copy" permettant le piratage de DVD, 23/03/2004, www.njuris.com/ShowBreve.aspx?IDBreve=642

* 72 U.S. District Judge Richard Owen, case 1:03-cv-08970-RO, Paramount Pictures and Twentieth Century Fox Film v. 321 Studios, http://news.findlaw.com/hdocs/docs/cyberlaw/pp32130304opn.pdf

* 73 Ibid, p. 3.

* 74 Article 8 al. 3 « Les titulaires de droits ont la faculté de prendre des mesures permettant de limiter le nombre de copies ». Ibid, p. 8

* 75 Pour permettre l'exercice des exceptions, le Projet de loi renvoie aux accords contractuels avec les usagers....

* 76 Eric A.Caprioli, Dispositifs techniques et droit d'auteur dans la société de l'information, septembre 2001, www.caprioli-avocats.com/cabinet_caprioli/fr/publs/edocs/Articles/dispoTech_droitAut.htm

* 77 L'ensemble des droits de l'utilisateur lors du téléchargement de musique en ligne est détaillé au Chapitre 2 de cette étude par une comparaison succincte des offres de divers prestataires de contenus en ligne dans le secteur.

* 78 Affaires précitées, note n°36, p. 13-14.

* 79 Eric Barbry, Les mesures anti-copie : Il faut informer le consommateur, Article paru dans le quotidien Les Echos du 18 septembre 2003, www.cyberlex.org/barbry/proce_anti_copies.htm

* 80 TGI Nanterre, 24 juin 2003, Association CLCV c/ SA EMI Music France

* 81 TGI Nanterre, 2 septembre 2003, Madame F.M. et UFC Que Choisir c/ SA EMI Music France et Sté Auchan

* 82 TGI sous la référence : n° de rôle général 03/08/500, 3ème chambre 2ème section, 30 avril 2004. www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=722

* 83 Le juge motive ainsi : (...) Attendu en effet que l'exploitation commerciale d'un film sous forme d'un DVD constitue un mode d'exploitation de nombreuses oeuvres audiovisuelles si bien qu'il n'est pas contestable que ce mode fait partie d'une exploitation normale de telles oeuvres ; Attendu que la copie d'une oeuvre filmographique éditée sur support numérique ne peut ainsi que porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ; Attendu que cette atteinte sera nécessairement grave - au sens des critères retenus par la convention de Berne - car elle affectera un mode d'exploitation essentielle de ladite oeuvre, indispensable à l'amortissement de ses coûts de production ; Attendu que le dispositif de protection dont est doté le DVD acquis par Stéphane P. n'apparaît dès lors pas réaliser une violation des articles L 122-5 et L 211-3 du code de la propriété intellectuelle ; Attendu enfin, qu'il est indifférent que le support vierge acquis par Stéphane P. ait pu donner lieu à la perception d'une rémunération pour copie privée car l'assiette de cette rémunération ne détermine pas la portée de l'exception de copie privée (...) Attendu que si une information précise du consommateur sur l'impossibilité de réaliser une copie privée du DVD litigieux aurait pu figurer sur la jaquette de celui-ci, il demeure que ne constitue pas une caractéristique essentielle d'un tel produit la possibilité de le reproduire alors surtout qu'il ne peut bénéficier de l'exception de copie privée ». www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=722. Le TGI de Paris juge légale la protection des DVD contre la copie privée, 3 Mai 2004,

http://actu.voila.fr/Depeche/depeche_juniors_040503114237.z9h0mp78.html et Paule Gonzalès, Droits d'auteur : vers la fin de la copie privée, 05 mai 2004, www.lefigaro.fr

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