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L'aménagement des droits des actionnaires après l'ordonnance du 24 juin 2004


par Julien Carsantier
Université Paris Dauphine - DEA 122 2005
  

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(1) La privation et la suspension du droit de vote

149. - Privation du droit de vote à titre temporaire. L'action de préférence peut être privée du droit de vote à titre temporaire. Dans ce cas, par exemple, le droit de vote peut être supprimé jusqu'à une date fixée à l'avance ou la survenance éventuelle d'un évènement futur.

150. - Privation du droit de vote à titre permanent. Lorsque l'action de préférence est privée du droit de vote à titre permanent, le titre créé est comparable au certificat d'investissement prévu par l'ancienne législation.

151. - Suspension du droit de vote. Le droit de vote peut être suspendu, pour une durée déterminée ou déterminable.

Jusqu'ici, la loi tenait la suspension du droit de vote comme une sanction297(*). La suspension du droit de vote fait aussi penser à la « clause de stage », qui empêche le nouvel actionnaire de voter pendant les premières années de son entrée dans la société.

152. - Limites à la privation et à la suspension du droit de vote. Il est des limites d'origine juridique, jurisprudentielle et financière à la liberté de supprimer ou de suspendre le droit de vote attaché aux actions de préférence.

Les limites d'origine juridique sont doubles. D'une part, l'article L. 228-11, alinéa 3 du Code de commerce dispose que « les actions de préférence sans droit de vote ne peuvent représenter plus de la moitié du capital social et, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, plus du quart ». Les auteurs sont divisés sur la portée de cette mesure ; certains estiment que pour donner plein effet aux restrictions légales, il convient de prendre en compte, au titre des actions de préférence sans droit de vote, évidemment celles pour lesquelles le droit de vote est totalement supprimé, mais aussi celles pour lesquelles la privation de ce droit n'est que partielle ou temporaire298(*) ; d'autres estiment qu'il faut en outre prendre en compte les actions de préférence pour lesquelles le droit de vote est suspendu299(*) ; quant aux titres qui doivent être pris en considération pour le décompte, faute de précision contraire, il s'agit de la totalité des titres de capital émis, certains seraient-ils, momentanément, dépourvus du droit de vote, comme les actions auto-détenues ou les actions excédant un seuil légal ou statutaire pour le franchissement duquel les déclarations requises n'auraient pas été effectuées300(*). D'autre part, un auteur301(*) s'interroge sur la référence faite, au premier alinéa de l'article L. 228-11 du Code de commerce, à l'article L. 225-122 du même Code302(*), lequel pose le principe de proportionnalité entre l'action et le droit de vote303(*). Il écrit : « la contradiction est donc éclatante : d'une part, l'ordonnance prévoit expressément la possibilité de supprimer le droit de vote et, d'autre part, elle se réfère à un texte imposant le maintien d'au moins une voix par action ». Si l'auteur estime néanmoins que la référence au rapport transmis au Président de la République304(*) et l'interprétation téléologique du texte305(*) sont de nature à écarter les inquiétudes quant à ce point obscur du texte, il souligne à juste titre que l'on ignore quelle sera la position de la Cour de cassation.

Une autre limite, trouvant sa source dans une jurisprudence récente relative au droit de vote de l'usufruitier306(*), pourrait trouver à s'appliquer, selon certains auteurs307(*). La Cour de cassation a en effet énoncé qu'était nulle la clause statutaire privant l'usufruitier de tout droit de vote, ce qui ne lui permettait pas de voter les décisions concernant les bénéfices, limitant encore la marge de manoeuvre des actionnaires quant à la répartition du droit de vote entre l'usufruitier et le nu-propriétaire alors même que la loi autorise expressément les associés à aménager librement cette répartition308(*). Aussi, ces auteurs soulignent que cette jurisprudence est « de nature à brider la créativité des émetteurs »309(*) relativement à la suppression du droit de vote310(*). Toutefois, on observera que dès lors que le droit de vote est supprimé, la suppression vaut pour l'action de préférence, quelle que soit la qualité juridique de celui qui exerce les droits particuliers, qu'il soit usufruitier ou nu-propriétaire ; en conséquence, l'usufruitier ne saurait avoir plus de droits que le titre objet de son usufruit n'en porte, les craintes susmentionnées devant alors être écartées311(*).

Enfin, on peut s'interroger sur la pertinence de la nouvelle logique instaurée par l'ordonnance, dans la mesure où une limite, d'origine financière et pratique, pourrait, selon certains312(*), venir diminuer l'intérêt des actions de préférence sans droit de vote. En effet, priver l'investisseur de son droit de vote revient à lui demander d'investir dans l'entreprise sans toutefois s'occuper de sa gestion, voire se taire ; or, le droit de vote - droit de critique - a une valeur. Si les investisseurs y renoncent, des avantages financiers devront leur être accordés. On peut alors s'attendre à voir apparaître des actions de préférence ressemblant étrangement à des actions à dividende prioritaire sans droit de vote. Or, il a pu être constaté aujourd'hui que ces titres n'ont pas connu le succès espéré. Il faut espérer que les possibilités combinatoires bien plus grandes qu'offrent les actions de préférence en comparaison des anciennes actions à dividende prioritaire sans droit de vote écarteront ces inquiétudes.

153. - Sanction en cas de violation du plafond légal. L'article L. 228-11, alinéa 4 du Code de commerce a précisé les conséquences de la transgression du plafond fixé à l'article L. 228-11, alinéa 3 : « Toute émission ayant pour effet de porter la proportion au-delà de cette limite peut être annulée. »

Il s'agit là d'une faculté d'annulation, ce qui implique aussi une faculté de ne pas annuler. On est alors amené à s'interroger sur les conséquences réelles d'un dépassement du plafond. Il n'est pas envisageable que le juge, se substituant aux statuts ou à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, rétablisse le droit de vote. Dès lors, on peut en conclure que les actions de préférence, valablement émises, continueront à porter les droits particuliers prévus lors de l'émission bien qu'elles représentent plus de la moitié - ou du quart, selon le cas - du capital social. On peut alors imaginer que le juge ne prononcera pas l'annulation si le dépassement est limité ou si l'annulation de l'émission est de nature à causer un préjudice irrémédiable à la société, par exemple dans le cas où les actions de préférence sont la pièce centrale d'un plan de sauvetage financier de l'entreprise313(*).

* 297 Par exemple, art. L. 227-17 C. com. relatif à l'exclusion d'un associé au sein d'une SAS, art. L. 233-14 C. com. relatif à l'obligation de déclaration de franchissement de seuil.

* 298 A. VIANDIER, « Les actions de préférence », art. préc., p. 1531. Contra, Th. MASSART, « Les actions de préférence et la question du droit de vote » , in Le nouveau droit des valeurs mobilières après la réforme du 24 juin 2004, art. préc., p. 84 : « La lecture littérale du texte invite à admettre que cette nouvelle disposition ne concerne que les actions pour lesquelles le droit de vote est totalement supprimé ». L'auteur estime que, du coup, cette limite ne s'imposera jamais en pratique car, « même aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, les actions de préférence donnent un droit de vote pour les résolutions relatives à l'affectation des résultats » ; il ajoute que, par ailleurs, tout porteur d'une action de préférence aura, quoi qu'il en soit, nécessairement un droit de vote puisque le nouvel article L. 228-19 du Code de commerce dispose que « les porteurs d'actions de préférence, constitués en assemblée spécial, ont la faculté de donner mission à l'un des commissaires aux comptes de la société d'établir un rapport spécial sur le respect par la société des droits particuliers attachés aux actions de préférence ».

* 299 A. GUENGANT, D. DAVODET, P. ENGEL, S. de VENDEUIL et S. LE PAVEC, « Actions de préférence : questions de praticiens », art. préc., p. 1161.

* 300 En ce sens, A. VIANDIER, « Les actions de préférence », art. préc., p. 1531.

* 301 Th. MASSART, « Les actions de préférence et la question du droit de vote » , art. préc., p. 84.

* 302 Art. L. 228-11, al. 1er C. com. : « Ces droits sont définis par les statuts dans le respect des dispositions des articles L. 225-10 et L. 225-122 à L. 225-125 ».

* 303 Art. L. 225-122 C. com. : « chaque action donne droit à une voix au moins. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

* 304 Rapp. préc.

* 305 La finalité du texte est de créer un certain nombre de titres sans droit de vote. Il ne faut donc pas prendre le texte à la lettre, sous peine de réduire d'entrée de jeu la portée de la réforme entreprise.

* 306 Cass. com., 31 mars 2004 : JCP E 2004, 929, note A. RABREAU ; Adde, A. VIANDIER, « L'irréductible droit de vote de l'usufruitier », RJDA 2004, p. 859.

* 307 A. LIENHARD, « Présentation de l'ordonnance réformant les valeurs mobilières », Dalloz 2004, p. 1959 ; Th. MASSART, « Les actions de préférence et la question du droit de vote » , art. préc., p. 84.

* 308 Art. L. 225-110 C. com.

* 309 A. LIENHARD, « Présentation de l'ordonnance réformant les valeurs mobilières », art. préc., p. 1959.

* 310 Th. MASSART, « Les actions de préférence et la question du droit de vote » , art. préc., p. 84, va plus loin en soulignant qu'à l'instar du droit allemand, la Cour de cassation pourrait éliminer toute suppression du droit de vote de l'actionnaire au motif que l'article 544 du Code civil s'opposerait à ce que l'actionnaire, quelle que soit sa qualité, soit privé de son droit de vote

* 311 En ce sens, A. VIANDIER, « Les actions de préférence », art. préc., p. 1531.

* 312 V. Th. MASSART, « Les actions de préférence et la question du droit de vote » , art. préc., p. 84.

* 313 V. A. VIANDIER, « Les actions de préférence », art. préc., p. 1531.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille