WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Concentration Coca-Cola et Orangina : Un projet à  bulles


par Aurelia
Université Paris XII - Maitrise de Droit Public Economique 1999
  

précédent sommaire

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B- La libre appréciation du gouvernement sous le contrôle du juge

Le droit de la concurrence ne repose pas sur des règles intangibles fixées a priori, mais sa mise en oeuvre résulte d'une analyse approfondie, comme nous l'avons précédemment vu, des faits économiques. Dans le même ordre d'idée, la puissance publique ne peut intervenir dans les activités économiques en vertu de principes immuables du droit public, mais dans le souci de faire respecter l'exigence d'une concurrence loyale à tous les opérateurs privés. Ainsi une position dominante n'est pas sanctionnable en tant que telle, il faut pour cela qu'elle tombe sous le coup d'un abus. La flexibilité du droit de la concurrence impose un bilan positif des effets de l'opération concernée par rapport aux autres paramètres que recèle le marché : or la concentration envisagée ne manquait pas d'éléments susceptibles de jouer en faveur de la concurrence, tant au niveau du développement des 2 entreprises françaises concernées par l'opération (Pernod-Ricard et Orangina), que sur le plan de la question sociale. Ces arguties constituaient évidemment les points forts de la défense de Coca-Cola. Il convient donc d'analyser la teneur de l'appréciation des autorités de concurrence au regard de cette éventuelle contribution au progrès économique et social, avant d'envisager l'étendue du contrôle effectué par le juge de la légalité des actes administratifs.

Seront abordées successivement les contributions au progrès économique, puis au progrès social.

En vertu de l'art.41 de l'ordonnance, le Conseil de la concurrence apprécie en effet si la concentration n'est pas de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. En l'espèce, il est soutenu que la concentration contribuerait au progrès économique essentiellement de 2 façons : d'une part elle serait de nature à favoriser le développement international d'Orangina ; d'autre part, la vente des actifs permettrait au groupe Pernod-Ricard de se recentrer sur ses activités principales et lui procurerait des ressources importantes qui lui sont nécessaires pour financer son propre développement. Le conseil d'Etat invoque l'imprécision des données fournies. Beaucoup de personnes concernées y ont au contraire vu une réaction défensive non fondée face à l'expansionnisme de la firme d'Atlanta. L'hésitation est permise, a reconnu le commissaire du gouvernement.

L'acquisition aurait certes promis à Orangina une forte expansion sous l'égide de Coca-Cola, en acquérant des parts de marché mondial, améliorant ses possibilités d'exportation et en bénéficiant de la puissance du réseau de distribution de Coca-Cola. Enjeu qu'elle ne peut relever seule. Concernant Pernod-Ricard, la cession d'Orangina lui permettait de recentrer ses ressources sur les alcools, valorisant du même coup sa position globale dans le secteur des boissons alcoolisées ou sévit une concurrence acharnée. La fabuleuse somme de 5 milliards de francs promise par Coca-Cola pour une reprise sans condition de sa branche des «soft-drinks » lui aurait très certainement permis de rattraper le retard enregistré ces dernières années (un recul de 5%). Depuis les complications contentieuses, la valeur boursière du titre a enregistré un repli de 17%. Ce climat d'attente lui est donc très préjudiciable.

Mais ces considérations restent étrangères à l'appréciation que porte le CE, qui considère que ces éléments, bien qu'ils constituent des avantages pour les entreprises concernées, ne participent pas pour autant d'un progrès indéniable pour l'économie dans son ensemble. Le même constat a été établi quant à une éventuelle contribution au progrès social.

Pour prouver sa bonne foi, Coca-Cola avait accepté de signer un accord avec l'intersyndicale d'Orangina, garantissant le maintien de l'emploi et des salaires pour au moins 2 ans dans les usines françaises. De plus, elle s'engageait à maintenir les 35 heures sans baisse de salaire, les dispositifs de la loi Robien en vigueur dans l'entreprise, à n'encourager la mobilité que sur la base du volontariat et à promouvoir le dialogue social. Sauf que les révélations faites par le Canard Enchaîné du 16 septembre, quant à une éventuelle délocalisation des usines françaises en Irlande, a dû attiser encore un peu plus l'intransigeance de Bercy.

Reste à se prononcer sur le point de savoir si, compte tenu des appréciations précédemment portées, les ministres n'ont pas pris une mesure excessive en enjoignant à Coca-Cola de renoncer à l'acquisition d'Orangina, plutôt que de soumettre la concentration à des conditions ou prescriptions. L'avocat de Coca-Cola était scandalisé d'une interdiction totale de l'opération, alors que le Conseil de la concurrence avait lui-même reconnu qu'il n'y avait aucun risque pour la consommation à domicile qui est largement la principale (80% contre 20%), avec pour seule justification des ministres que l'on prend plus ses habitudes au café qu'au supermarché...

Quelle est l'étendue du contrôle exercé par le juge de l'excès de pouvoir?

Selon une jurisprudence ancienne, CE Section 15 octobre 1982, Le Bihan et autres, le juge n'exerce qu'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation en matière de concentrations économiques dans le cadre de la loi du 19 juillet 1977. Ce pouvoir discrétionnaire a été pérennisé sous l'empire de l'ordonnance de 1986, dont l'art.38 énonce clairement que le ministre peut soumettre une concentration au conseil de la concurrence. Il n'est pas tenu d'ouvrir la procédure de contrôle, quand bien même la concentration serait de nature à porter atteinte à la concurrence. Mais lorsque le ministre décide d'engager une procédure, son action est soumise au respect des conditions légales qui apparaissent aux articles 38 et 42 de l'ordonnance : il ne peut prendre de mesures contraignantes qu'à la condition que la concentration soit effectivement anticoncurrentielle et ces mesures doivent être justifiées par le souci de rétablir une concurrence suffisante. A cet égard, les mesures prises à l'encontre des concentrations s'apparentent à des mesures de police économique, car elles peuvent porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. Elles doivent impérativement être guidées par le souci d'assurer une concurrence effective. Agissant dans ce cadre, l'autorité administrative ne peut prendre de mesure excédant ce qui est nécessaire. Cela conduit le juge à un contrôle de proportionnalité (donc normal), comparable au classique contrôle des mesures de police administrative. Or un tel contrôle ne peut avoir lieu qu'en tenant compte du contexte, c'est à dire des engagements que les entreprises étaient prêtes à souscrire pour faire admettre la concentration.

En l'espèce, les ministres ayant relevé un risque d'atteinte a la concurrence sur le marche hors domicile, mais aussi par une sorte de contagion sur le marché de la distribution alimentaire, ont estimé qu'il était nécessaire, pour rétablir une concurrence suffisante, de maintenir Coca-Cola à l'écart d'Orangina, s'agissant du hors domicile, pendant une période suffisamment longue. Ils ont considéré que les garanties proposées par Coca-Cola n'étaient pas convaincantes. Coca avait accepté au cours des négociations de confier la commercialisation des produits Orangina à une entreprise tierce via une licence exclusive de distribution.

La négociation a achoppé sur la durée envisagée pour cette licence : Coca entendant s'en tenir à une durée de 3 ans, les ministres estimant 10 ans nécessaires. L'engagement ne valait pas davantage pour l'ensemble du marché hors domicile, puisqu'il ne visait pas les clients qui ont une activité internationale, ni la fourniture des écoles, de l'armée et des manifestations culturelles ou sportives.

Le CE a confirmé que les garanties ainsi envisagées par Coca-Cola n'étaient pas de nature a conjurer l'impact anticoncurrentiel. Par conséquent, l'injonction de renoncer à l'acquisition des actifs d'Orangina sans distinguer les 2 marchés n'était pas disproportionnée. Il ne s'est donc agit ni d'une erreur économique, ni d'une facilité politique, ni d'un excès de pouvoir.

Au marché revient la fonction de modeler les rapports économiques.

A l'Etat incombe la tâche de le suppléer dans ses absences, de soutenir son mode de fonctionnement en respectant ses principes, ses modalités, mais en l'encadrant dans son activité.

Cette décision mets en lumiere le fait que l'Etat, loin de se disperser aux quatre vents de la mondialisation, sait se faire entendre. La régulation est la clé de son efficacité.

précédent sommaire






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius