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John Carpenter, une mise en scène du menaçant

( Télécharger le fichier original )
par Julien Le Goff
Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle (ESRA) - D.E.S.R.A. 2005
  

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CONCLUSION

Il est impossible sur une si courte étude de faire le tour de Carpenter comme de son oeuvre, riche et iconoclaste. Mais pour résumer, que devrait-on en retenir ? Probablement deux traits majeurs :

D'une part, si Carpenter aime à endosser le rôle du metteur en scène / artisan, gestionnaire avisé des moyens de productions au service de son récit (écoutons-le à ce propos : « Ce dont je suis sûr, c'est que je suis d'abord conduit par le récit. C'est toujours lui qui guide ma démarche de metteur en scène. Je construis toujours mes images à partir du récit et non l'inverse. J'essaie ensuite de viser la plus grande simplicité possible. J'essaie surtout de faire en sorte que mon style, c'est-à-dire la façon dont les images vont raconter l'histoire, soit presque invisible. » (86) ), il est, quoi qu'il en dise, indubitablement un cinéaste d'une profondeur (politique et philosophique) rare et salutaire dans le cinéma contemporain. C'est notamment dans le travail d'épure et d'économie (au sens large du terme) qu'il entreprend à chaque instant que réside le secret de l'universelle résonance de son oeuvre. Sous couvert de divertissement fantastique, Carpenter nous livre bien autre chose : une réflexion sur l'humanité, ce qui fait son prix, ses limites. John Carpenter, si cela était encore à prouver, est, « comme Edgar G. Ulmer ou Phil Karlson en leur temps, un auteur, un vrai » (87). Et à ceux qui trouveraient surprenant que cinéma de genre et cinéma fantastique puissent véhiculer du sens, certifions avec Kent Jones que « l'engagement artistique de Carpenter prétend satisfaire aux conventions du genre et aux exigences de la narration tout en filtrant à travers elles des préoccupations plus profondes. » (88). D'ailleurs Hélène Frappat voit même en Invasion Los-Angeles une symbiose parfaite de la forme (film de science-fiction) et du fond (discours politique) : « un documentaire sur Los-Angeles en 1988, c'est nécessairement un film, à la fois de politique et de science-fiction. C'est l'articulation entre les deux qui fait la force et l'originalité d'Invasion Los-Angeles : pour John Carpenter, la politique est inséparable de la science-fiction, car dès qu'on regarde la réalité sociale, économique et politique d'un pays comme l'Amérique, on bascule dans la science-fiction. (...) Et si l'on regarde de plus près, les « riches » qui peuplent les hauteurs de la ville ne sont-ils pas, vu d'en bas, de chez les « pauvres », aussi étranges que des extra-terrestres ? » (89)

D'autre part, il y a chez Carpenter un mouvement général de l'extérieur vers l'intérieur, un mouvement que l'on pourrait qualifier d'introspectif au sens large du terme : le menace extérieure devient une menace interne, le mal qui menace le héros carpentérien devenant une métaphore du démon intérieur qu'il doit combattre (peur, méfiance, égoïsme, lâcheté...) tout comme les menaces fantastiques que le cinéaste fait peser sur l'Amérique dans sa filmographie deviennent des métaphores des maux qui rongent la société américaine de l'intérieur (fracture sociale, marginalisation, perte d'identité...). Car Carpenter, s'il est un auteur, est également (et peut-être surtout) sincèrement et profondément humaniste. Un humaniste certes parfois critique à l'instar d'un Clint Eastwood, n'hésitant pas à s'attarder sur le « côté obscur » de la nature humaine, mais un humaniste tout de même en ce sens qu'il place l'Homme et ses potentialités de dépassement de soi au centre de son oeuvre, faisant de la survie de l'Humanité (et des ses valeurs, ses principes et son mode de vie) l'enjeu absolument nécessaire d'un combat entre le Bien et le Mal : or comme nous venons de le préciser, pour Carpenter le combat que doit mener l'Humanité c'est d'abord un combat avec elle-même, avec « la sauvagerie et la brutalité qui font partie de chacun d'entre nous et qui est là si on y fait pas attention » (90), mais un combat qui vaut la peine d'être mené car l'homme a en lui les ressources nécessaires et suffisantes pour en sortir vainqueur. Comme il le précise également (91), « il existe deux types de récits d'horreur. Imaginez que nous sommes tous (..) les membres d'une même tribu, et que nous parlons autour d'un feu. Notre chef va nous dire que où se trouve le diable, il va nous protéger de cette manière, en pointant du doigt la zone obscure au-delà de la lumière des flammes. « là-bas dans le noir ce sont nos ennemis, ils ne nous ressemblent pas. » C'est le premier genre de récit d'horreur. Pour le second, dans la même situation, le chef dira que l'ennemi est ici, parmi nous, autour du feu... « Nous sommes tous capables de ce genre de choses. Nous devons choisir de ne pas le faire, et notre humanité nous sauve. » Cette deuxième option est la plus difficile en Amérique car les gens vont directement vers l'autre, « eux », ceux qui n'ont pas la même couleur de peau, qui ont de drôles de chapeaux sur la tête, qui parlent une langue bizarre. Nous sommes comme ça. ». Et ce combat contre « la sauvagerie et la brutalité », Carpenter le connaît mieux que quiconque, lui qu'il l'a expérimenté de (très) près ; ainsi se confie-t-il en novembre 2001 : « J'ai eu affaire au diable très jeune et de très, très près. Un autre genre de diable, c'était... quelque chose de similaire à ce que l'on voit dans certains de mes films... une situation difficile... (...)Ce que je sais, c'est que les films que je tourne sont le résultat de ce qui m'est arrivé. D'un côté ça a été une chance : j'avais quelque chose pour construire une oeuvre, un domaine dans lequel je suis un expert. Mais d'un point de vue personnel, cela a été difficile et ça l'est encore » (92). On notera comment la résilience dont nous parle Carpenter semble soudain un écho bien douloureux aux personnages de son oeuvre qui se construisent eux aussi dans le combat et la souffrance... Mais malgré tout, Carpenter garde foi en l'humanité, comme il le confie à Dario Argento : « Si le regard que vous portez sur la société, et plus largement sur l'humanité, est négatif, si vous ne croyez plus à l'autre, si vous n'êtes plus capable de faire un film motivé par un sentiment d'amour ou d'humanité, alors il faut changer de métier. » (93)

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