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Le régime juridique des étrangers au Cameroun


par Martine AHANDA TANA
Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie de l'université d'Abomey-Calavi de Cotonou au Bénin - DEA droits de la personne et de la démocratie 2004
  

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B) La constance des violations

En mars 1998, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a rendu son rapport sur la situation des droits de l'homme au Cameroun186(*). La FIDH a présenté une kyrielle d'actes liberticides posés par l'Etat. Nous citerons le cas des arrestations arbitraires, de la torture entraînant parfois les décès des détenus et prisonniers dans les commissariats et prisons respectivement, des agressions répétées, de la dépendance de la justice vis à vis du pouvoir politique, de la corruption. Elle a également fait certaines recommandations à l'Etat et à la communauté internationale187(*). Les autorités camerounaises doivent garantir l'inamovibilité des magistrats, assurer de meilleures conditions de vie dans les commissariats et prisons ainsi que lutter contre la corruption et l'insécurité. La communauté internationale doit user de tout son pouvoir pour obtenir le respect des textes dûment ratifiés par l'Etat. Bref, elle doit prendre des mesures pour y rétablir l'Etat de droit, la démocratie et les droits de l'homme.

Aujourd'hui, sept ans après le rapport de la FIDH et tel que nos analyses précédentes le révèlent, nous constatons que rien n'a changé. A titre illustratif, la fiche de dépouillement des enquêtes révèle que les nationaux et les étrangers partagent certaines difficultés. Nous citerons par exemple les mauvais traitements infligés par l'administration pénitentiaire aux prisonniers. Ce constat prouve assez que l'ineffectivité du statut des expatriés au Cameroun est aussi liée à l'ineffectivité des droits de l'homme. D'ailleurs, d'après notre fiche de dépouillement, 40 % d'immigrés pensent que la protection des droits de l'homme est inexistante sur l'ensemble du territoire et 60 % la trouvent insuffisante. En outre, 100% jugent que la protection des étrangers est inexistante. En effet, bien que les nationaux et les non-nationaux souffrent communément de quelques maux, il ne faut surtout pas oublier que ces derniers continuent néanmoins de vivre sous le poids de nombreuses discriminations en raison de leur origine.

Au-delà de la faiblesse du droit communautaire et de l'inexistence de l'Etat de droit, nous nous interrogeons sur les éventuelles causes économiques pouvant aussi expliquer la violation des droits des étrangers au Cameroun. En effet, les Etats du tiers - monde en général et d'Afrique en particulier ont tendance à invoquer le facteur « pauvreté » pour ne pas répondre aux attentes de la communauté internationale. A ce propos et pour ce qui est des droits de la deuxième génération notamment, leur jouissance effective par les étrangers semble limitée par l'article 2(3) du PIDESC qui dispose que « les pays en voie de développement, compte dûment tenu des droits de l'homme et de leur économie nationale, peuvent déterminer dans quelle mesure ils garantiront les droits économiques reconnus dans le présent pacte à des non-ressortissants ». D'ailleurs, le débat sur la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels s'inscrit dans cette logique. Certains éléments attestent en effet du malaise socio-économique dont souffre l'Afrique. A titre illustratif, le continent comprend les trois quarts (3/4) des pays les moins avancés (PMA). De plus, la moitié environ de la main d'oeuvre africaine est soit non employée, soit sous employée. En outre, 50 % des populations des villes habitent dans des bidonvilles ou dans des bas quartiers. En plus, la perte annuelle des ressources extérieures dues à la détérioration des termes de l'échange équivaut au total des recettes en aide des pays africains en développement188(*).

Cette fragilité économique peut constituer un obstacle majeur à l'effectivité du droit des étrangers. A l'échelle de la sous-région centrale et notamment des pays de la CEMAC par exemple, les migrations des travailleurs deviennent problématiques dès qu'apparaissent des difficultés économiques et le chômage dans le pays d'accueil. Des réactions d'exclusions, voire, de xénophobie se déclenchent189(*). Par ailleurs, les problèmes liés à la protection des réfugiés en Afrique découlent très souvent de la pauvreté des Etats d'asile. En effet, leurs ressources diminuent face à l'augmentation du nombre des réfugiés. Il s'agit par exemple des ressources financières indispensables et des structures d'accueil appropriées. Quelques fois même les zones d'installation disponibles et le personnel d'encadrement nécessaire demeurent insuffisants. Déjà en février 1985, les participants au séminaire de Yaoundé, au Cameroun, sur la situation des réfugiés en Afrique Centrale n'avaient pas manqué de déplorer le manque de ressources financières et de structures d'accueil face au nombre de réfugiés en augmentation constante. Ils déclaraient ne plus être en mesure de supporter à eux seuls « le fardeau de plus en plus lourd de la masse des réfugiés qu'ils hébergent »190(*). D'ailleurs, à ce propos, F. WODIE confirme que « les Etats africains sont des Etats sous-développés confrontés à la pauvreté et à la famine. Leur capacité d'accueil sur le plan économique et financier est limitée : la charge massive des réfugiés sur un territoire peut être insupportable pour l'état d'asile »191(*) . Ce qui était vrai en 1985 l'est encore aujourd'hui car l'Afrique est considérée comme le continent de tous les malheurs économiques. De plus, il ne faut pas oublier que la gestion des problèmes des réfugiés incombe également au HCR. Or, cette institution fonctionne grâce aux financements des Etats. Si ceux-ci ne peuvent répondre suffisamment à cette obligation, avec quels moyens le HCR s'acquittera-t-il des missions qui lui sont assignées ?

Cependant, En dépit de ce réel handicap économico-financier, les Etats africains ne doivent pas continuer à multiplier des exactions à l'encontre des étrangers sous prétexte qu'ils sont sous développés. Rien ne pourra expliquer ni encore moins justifier la violation des droits intangibles. De plus, à voir l'importance des fonds alloués par les institutions de Brettons Wood et leurs différentes politiques d'allègement des dettes en faveur de la lutte contre la pauvreté, nous nous demandons si ceux-ci ont vraiment raison d'invoquer à chaque fois le facteur pauvreté pour se décharger de toute responsabilité : comment tout l'argent que les Etats reçoivent est-il géré et que font-ils des aides qui leur sont octroyées ? Par conséquent, le Cameroun est responsable des violations des droits des étrangers car, comme le rappelle nettement le paragraphe 10 de la Déclaration de Vienne de 1993, « l'insuffisance de développement ne peut être invoquée pour justifier une limitation des droits de l'homme internationalement reconnus »192(*).

De ce fait, existerait-il un moyen permettant de remédier à ce que nous considérons déjà comme la « crise de l'étranger  au Cameroun » ?

* 186 Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, Cameroun : arbitraire, impunité et répression, Paris, FIDH, Rapport N° 259, mars 1998.

* 187 Nous tenons à rappeler que le Cameroun est membre de l'ONU, de l'UA (au moment du rapport de la FIDH il s'agissait de l'OUA), de l'Agence de la francophonie, du Commonwealth ; par ailleurs, il est partie avec l'Union Européenne à la Convention de Lomé IV dont l'article 5 lie explicitement la coopération entre les Etats signataires au respect des droits de l'homme. Ainsi la FIDH interpelle-t-elle tous ces acteurs.

* 188 DIENG (Adama), « «Le droit de vivre » dans le contexte africain », IN Association de consultants internationaux en droits de l'homme, essais sur le concept de « droit de vivre », Bruxelles, Bruylant, 1998, pp.180-192.

* 189 Séminaire tripartite sur les migrations de travailleurs dans les pays de la CEMAC, op cit. ( http://www.izf.net/ )

* 190 Ces pays participants étaient l'Angola, le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine, la République du Congo, le Rwanda, Sao Tomé et principe, le Tchad et le zaïre (actuelle République Démocratique du Congo).

* 191 WODIE ( F.W.), « L'Afrique et le droit humanitaire », IN Revue internationale de la croix - rouge, VOL. 68, 1986, pp.265-266, cité par MUBIALA ( Mutoy ), «  La Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine du 10 décembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique et ses liens avec la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés », IN Publications de l'Institut International des Droits de l'Homme.., Op Cit. pp.221-238.

* 192 COHEN-JONATHAN (Gérard), «  Les droits de l'homme, une valeur internationalisée », IN Revue droits fondamentaux, N°1, juillet-décembre 2001. ( www.revue-df.org )

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