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Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A: Témoignages et production historiographique

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par Daniel Iglesias
Université Paris VII-Denis Diderot - Maîtrise d'Histoire 2004
  

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b) De l'expansion à la persécution

La première crise qui révèle le début de la rupture entre le président fraîchement élu et les forces sociales qui le firent élire, ne fut pas à proprement parler un événement politique. Pourtant, la rupture du président avec son neveu, Germán Leguia Martinez, fut plus qu'une simple scission parmi les proches du président. Bien que la séparation entre les deux hommes peut paraître anodine à première vue, voir sans rapport réel avec un contexte politique très chargé, elle signifia la perte pour le président à peine élu, des hommes chargés de mener à terme les objectifs de la Patria Nueva. Le départ de ces jeunes collaborateurs provinciaux connus comme « germancistas », compliqua les plans du président en matière de main mise sur les élites régionales. Il perdit en effet des hommes très appréciés dans les grandes villes péruviennes par leurs idées développées dans les pages de leur journal Germinal. Ces derniers commençaient à se distinguer dans des activités où se distinguait jusqu'alors uniquement des liméniens issus des grandes familles oligarchiques, ce qui séduisait alors des élites locales friandes de plus de pouvoir. Leguia se priva dès lors, des plumes qui contribuèrent à son élection dans les grandes villes péruviennes, et dont il se servit pour rallier les intellectuels de la Sierra à son programme. Mais plus grave pour lui, il du se résigner à voir se former des noyaux indigénistes hostiles à ses projets autour de ce groupe. Passés dans l'opposition où ils dénonçaient la trahison du président à ses promesses en matière de régionalisation et d'ouverture vers des thématiques sociales locales, les « Germancistas » appelèrent à la mobilisation sociale. Dénonçant la situation alarmante du système éducatif péruvien, certains se joignirent, comme par exemple José Antonio Encimas, aux forces contestataires autour de la revue Amauta. D'autres jouèrent un rôle majeur dans la naissance du Front des Travailleurs Manuels et Intellectuels, fondé en 1923 par Víctor Raúl Haya de la Torre. Les principaux rédacteurs de Germinal rejoignirent eux, au nom de la lutte contre l'hydrocéphalie qu'incarnait la capitale, les grands journaux contestataires des villes de Cuzco et d'Arequipa. Quant à ses deux principales figures, Erasmo Roca ou Carlos Doig Lora, elles prirent part à la fondation de la revue Amauta en 1926.

Au-delà de cette rupture venue de l'intérieur, la première campagne journalistique proprement dite contre le nouveau régime, date de janvier 1921. Elle fut orchestrée par le journal de droite de tradition très conservatrice, La Prensa. Dans ses éditoriaux, son directeur Luis Fernán Cisneros y lançait de très sévères critiques contre un président, coupable selon lui, de mener une politique clientéliste et tournée exclusivement vers les intérêts de sa famille. Le gouvernement répondit par l'expropriation du journal, qui passa aux mains d'un des proches du président, et par l'emprisonnement de son directeur accusé de subversion et d'atteinte à la sûreté de l'Etat48(*). Ces deux faits soulevèrent de nombreuses protestations parmi les conservateurs. Le philosophe Víctor Andrés Belaunde, revînt sur le devant de la scène publique pour dénoncer cette atteinte à la liberté de la presse, et en profita même pour critiquer très durement Leguia sur le terrain des libertés individuelles et de l'autonomie de la justice. Il décida de se rallier aux protestations étudiantes que l'affaire avait poussé dans la rue, et « ne cacha pas sa volonté de remplir un devoir qu'il mettait en relation avec la nécessité de célébrer dans la dignité le centenaire de l'Indépendance du Pérou »49(*). Cette obstination rallia à sa cause une partie du personnel diplomatique, duquel il faisait parti en tant qu'ambassadeur. De nombreux diplomates, dont la plus part étaient basés en Europe, renoncèrent à leur charge en guise de protestation contre la politique menée par le gouvernement. Cette fronde diplomatique gagna aussitôt le monde judiciaire50(*) , dont les présidents des principales juridictions, ainsi que le Doyen du Collège des Avocats, Julián Guillermo Romero, émirent de très sévères commentaires à l'encontre des décisions gouvernementales. Ils accusèrent même le pouvoir exécutif, de « violer les droits civiques en ne respectant les mandats des juges s'étant prononcés contre ces transgressions »51(*) .

Cette contestation journalistique ne se limita aux principaux journaux de la capitale. Elle s'exprima également dans les grandes villes péruviennes, surtout dans celles où l'influence intellectuelle des indigénistes et des germancistas demeurait importante. Menés par la plume de Luis Valcarcel, les lettrés du journal El Sol (Le Soleil) firent de Cuzco la nouvelle place forte de la contestation journalistique. Bénéficiant de son prestige grâce à ses écrits sur l'histoire incaïque et les coutumes indigènes, Valcarcel poursuivit plus âprement son travail de critique entamé à Lima, dans les pages du journal El Comercio. Il fit de sa colonne politique, « un instrument de dénonciation et de polémique politique »52(*), ce qui lui causa d'ailleurs des problèmes, et poussa certains de ses détracteurs à l'agresser physiquement. Ces derniers ne supportaient pas en effet ses prises de position contre un président « qui s'entourait de ses proches, et profitait de sa charge pour s'enrichir »53(*). Malgré son aversion contre ce dernier, il ne cacha de voir en lui « un chef d'Etat de premier ordre »54(*). Loin de se limiter à sa seule position dénonciatrice des mensonges de Leguia, Valcarcel raconte dans ses Mémoires, que son journal joua également de sa force sociale pour parachever certains combats politiques contemporains. Il se rappelle à cette occasion, qu'il se pencha sur le problème de la campagne pour un plébiscite sur le statut des provinces péruviennes du sud perdues lors de la Guerre du Pacifique. Il encouragea alors son journal à prendre position en faveur du retour de ces provinces dans le territoire national. L'auteur de Tempête dans les Andes se souvient même que El Sol publia d'évocatrices premières pages avec des titres tels que : « Tacna, Arica, Tarapacá péruviens ! »55(*). L'autre grande ville intellectuelle de province, Arequipa, ne resta pas en marge de ce phénomène d'éveil journalistique. Elle compta même comme nous l'indique Valcarcel, avec «l'un des plus furibond opposant à Leguia, dans la personne le directeur des journaux Voix du Sud (Voz del Sur) et Heraldo d'Arequipa, Alberto Seguin »56(*). Ce dernier mena de telles critiques contre le régime en place, qu'il finit par être déporté en Bolivie. La répression politique ne se limita pas à ce simple cas. Elle toucha directement les auteurs de Cuzco, surtout à partir de 1926 avec le durcissement des critiques contre la réélection de Leguia. L'Etat réagit dans les colonnes du journal partisan La Nation (La Nación), où les opposants y étaient systématiquement critiqués, ce qui fit naître dans le pays, de vifs combats journalistiques. Ne voyant cesser les contestataires, Lima finit par nommer un militaire chargé d'éliminer les journalistiques au poste de préfet de Cuzco. Valcarcel et les siens furent alors persécutés. Ils réussirent quant même à s'en sortir, grâce des sympathisants et à une organisation souterraine bien encadrée. Pour finir, le gouvernement ne pu jamais véritablement imposer une censure totale à l'encontre de tous les journalistes. Certains comme Valcarcel, entretirent au contraire, des liens étroits avec la junte qui fit tomber Leguia en 1930.

Ce lien étroit entre La Réforme universitaire péruvienne et la presse marque une étape importante dans l'évolution interne péruvienne. Elle permit la rencontre de figures qui vont par la suite un grand rôle social et politique. Cette évolution, tout comme la vague réformiste s'estompèrent à partir de 1923, avec l'instauration d'un véritable Etat policier dans le pays. Suite aux événements de mai 1923, le gouvernement chassa du pays les principaux leaders réformistes (Haya de la Torre, Luis Heysen), et reprit en main l'Université. Pourtant, une nouvelle socialisation politique va progressivement resurgir de ces cendres, au cours de la seconde moitié des années vingt. Elle va être l'expression d'un renforcement des liens autour de positionnements politiques, et donner naissance à de nouvelles formes contestations, non plus dans le cadre d'un mouvement purement revendicatif, aux demandes purement universitaires, mais plutôt comme un front plus politique contre l'autoritarisme.

Témoin et acteur de cette évolution, Mariategui va en être l'une des premières victimes. Finalement accusé d'encourager la violence et de propager des idées jugées dangereuses pour la stabilité du pays, Mariategui du de quitter le Pérou en 1919. C'est par suite, au cours de son expérience en Italie, que celui-ci va découvrir le marxisme, l'ouvriérisme, les idées de Sorel, et se doter d'éléments, qui vont le pousser à vouloir fonder une revue qui regroupe l'avant et l'après période réformiste.

* 48 « Emprisonné, ce grand écrivain (Luis Fernán Cisneros) fut envoyé à l'île San Lorenzo, comme intégrant d'un plan subversif. », Basadre Jorge, La vida y la historia, op. cit, p.244

* 49 Basadre Jorge, op. cit, p.245

* 50 Les membres de l'oligarchie péruvienne occupaient à l'époque les hautes charges diplomatiques et judiciaires. Ce qui explique assez facilement cette solidarité de classe ou plutôt de famille.

* 51 Basadre Jorge, op. cit,, p.246

* 52 Valcárcel Luis, Memorias, op. cit., p.223

* 53 Valcárcel Luis, op. cit, p.224

* 54 Valcárcel Luis, op. cit, p.224

* 55 Valcárcel Luis, op. cit, p.223

* 56 Valcárcel Luis, op. cit, p.229

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery