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L'évolution de la notion d'associé

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par Florent Kuitche et Philippe Mankessi
Université Nice Sophia antipolis - Master II droit économique des affaires 2007
  

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Section II : la reconnaissance de la catégorie d'associé unique.

L'article 1832 al 1er du code civil dispose qu'en principe une société exige le concours d'au moins deux personnes. La pluralité d'associé est le premier élément énoncé dans l'article 1832 de code civil. C'est la nature contractuelle de la société qui impose la pluralité d'associés, que le contrat soit considéré comme un accord de volonté ou comme une relation entre deux patrimoines. Deux associés suffisent en effet pour créer une société de personnes ou une société à responsabilité limitée de type traditionnel. Mais quatre sont nécessaires dans les sociétés en commandite par actions et sept dans les sociétés anonymes. Un nombre maximum d'associés n'est fixé que pour la société à responsabilité limitée qui ne peut pas en comprendre plus de cent (Art. L 223-3 du nouveau code de commerce). Dans les sociétés anonymes, le nombre d'actionnaires est très variable : il peut n'être que de sept réunis à grand peine ou être de plusieurs millions.

Cependant, deux formes d'exceptions au principe de la pluralité d'associés coexistent aujourd'hui, et constituent les composantes de la catégorie d'associé unique. La première bien qu'encore réduite tend à s'accroître : une société ne peut être créée par un seul associé que dans les cas prévus par la loi (Paragraphe 1). La seconde qui date de 1966, est ouverte à un plus grand nombre de sociétés : en cours de vie sociale, une société plurale peut n'avoir plus qu'un seul associé (paragraphe 2).

P1) La société créée par un seul associé.

Il est important de noter que plusieurs obstacles ont été surmontés afin de parvenir à la création de la société unipersonnelle. Le premier obstacle tient à la nature contractuelle de la société : on ne peut conclure de contrat avec soi-même. La réponse est relativement aisée : l'acte juridique unilatéral est reconnu lui aussi par le droit objectif comme pouvant, à certaines conditions, créer des effets de droit. Le second obstacle résulte de la nature collective de la plupart des règles de fonctionnement de la société ; il a pu être résolu, au moins en partie, par l'éviction de ces règles et la détermination d'un mode de fonctionnement individualiste. Un troisième obstacle apparaît avec le principe de l'unité du patrimoine, et avec le lien existant entre le patrimoine et la personne en droit français. Cependant, ce lien n'est pas absolu, il existe des exceptions. Et surtout, le choix de la société préserve les principes du droit français : ce n'est pas une personne qui scinde son patrimoine en deux, mais une personne qui crée une autre personne, chacune ayant son propre patrimoine. Il n'existe donc qu'un seul patrimoine par personne, et les difficultés du patrimoine d'affectation sont évitées26(*).

Longtemps refusée par le législateur français, malgré les exemples des pays voisins, cette formule a pourtant d'ardents zélateurs dans la doctrine. L'un des principaux arguments consiste à dire que même interdite, la société d'un seul existe, puisque beaucoup de sociétés apparemment plurales sont en réalité composées d'un associé très largement majoritaire et d'associés minoritaires. Ces derniers ont accepté ce qui n'est souvent qu'une apparence d'engagement (d'où parfois des annulations pour apport fictif ou défaut d'affectio societatis) pour complaire au promoteur de l'affaire. Ces associés de façade n'entendent pas se mêler de la gestion, mais il est fort difficile de prouver qu'ils ont voulu ruser avec le droit des sociétés, qui n'impose qu'un très faible minimum de participation dans les SA et les SARL. L'argument perd de sa force, mais il est aussi confirmé, dès lors que deux formules (EURL et SASU) permettent à une seule personne de constituer une société : il n'est plus nécessaire au maître de l'affaire de créer une société avec des comparses. La personnalité juridique peut être déconnectée de l'idée de groupement. Sa dimension patrimoniale est alors mise en avant : un ensemble de droits et d'obligations autonomes affectés à une activité. Toutefois, elle perd dans ce cas une partie de son assise, car elle a été dès son origine, considérée comme un moyen commode de poursuivre une collectivité, et comme un avantage accordé à ceux qui peuvent mutuellement se contrôler (la pluralité d'associés constitue une garantie de fonctionnement de la personne morale).

Le droit comparé démontre que ces obstacles ne sont pas insurmontables : la société d'un seul a été admise au Liechtenstein (qui l'a cependant abandonné en 1984), en droit Suisse27(*), et surtout en grande Bretagne (One man compagny)28(*) et en Allemagne (Einmanngesellschaft) par les lois du 11 juillet 198029(*) et du 2 Août 199430(*). A vrai dire, ces argument de droit comparé ne sont que partiellement convainquant, puisque la pratique germanique montre surtout que la société à main unique, si elle est à responsabilité limitée, a occasionné un nombre élevé de faillites avec de très fortes insuffisances d'actifs.

La douzième directive de droit des sociétés sur les SARL à un seul associé a été adoptée par le Conseil des Communautés Européennes le 21 décembre 1989, tout à fait dans la ligne de la loi française. La totalité des Etats membres ont optés pour la SARL à associé unique. Observons que la directive s'applique aussi à la société anonyme, lorsqu'un Etat membre permet qu'elle n'ait qu'un seul actionnaire (article 6) ; de plus, un Etat-membre peut ne pas permettre la société unipersonnelle s'il autorise les entrepreneurs individuels à procéder à l'affectation d'un patrimoine professionnel (article 7).

La loi française du 11 juillet 1985 a cependant accepté de mettre à la disposition des usagés une formule comprenant une limitation de la responsabilité. Il s'agit de la SARL à associé unique, autrement dit EURL ; Elle a également permis de créer une forme de société civile agricole unipersonnelle, l'exploitation agricole à responsabilité limitée, EARL. Ces formules ont connu un certain succès, avant d'être substantiellement complétées par la SAS unipersonnelle (article 3, loi du 12 juillet 1999), et la société d'exercice libéral unipersonnel (article 31, loi n° 99-515 du 23 juin 1999)31(*). En revanche, ni la société anonyme, ni la société à nom collectif, ni les commandites, ni la société civile (sauf le cas particulier de l'EARL), ni le GIE, ni l'association ne peuvent être créés par une seule personne. Autrement dit, la personne morale « créée unipersonnelle » reste encore l'exception, ce que fait nettement sentir l'article 1832, alinéa 2, du code civil.

Naturellement, il est important de réfléchir aux contreparties que l'on peut exiger des sociétés unipersonnelles que sont l'EURL et la SASU : bénéficiant de la limitation de responsabilité, l'associé unique doit pouvoir garantir ses créanciers par une bonne information, et par une capitalisation suffisante.

La pratique montre que l'interdiction des sociétés à une seule personne est illusoire. Tous les groupes de sociétés contiennent en majorité des filiales entièrement contrôlées. De nombreuses personnes physiques organisent des sociétés dont elles sont l'unique opérateur réel, même si les associés dormants donnent une apparence de pluralité. Faut-il dès lors étendre la possibilité de l'associé unique à toutes les formes sociales ? A vrai dire, elle n'aurait pas de sens pour les commandites, qui comportent nécessairement deux catégories d'associés même si un commandité peut, dans la SCA, détenir des actions. De plus, elle ne se comprend pas dans les sociétés faisant appel public à l'épargne. Le problème se limite donc à la société anonyme fermée, à la société à nom collectif32(*) et à la société civile. L'existence de la société par action simplifiée unipersonnelle rend peu utile la société anonyme ne comportant qu'un seul actionnaire, et la transparence des deux autres formules enlève à l'unipersonnalité son intérêt essentiel.

En dehors des cas prévus par la loi, les sociétés créées par un seul associé sont nulles. Bien que l'hypothèse soit hautement improbable (il faudrait que le greffe immatricule une société qui doit être plurale sans s'apercevoir qu'elle ne compte qu'un seul associé), on peut brièvement raisonner sur ce point. La condition de pluralité se trouvant dans l'article 1832 du Code civil, la nullité peut être obtenue (article 1844-10 du même code). Cependant, on se demande qui intenterait une telle action d'autant que la régularisation ne semble pas exclue (article 1844-13 du même code).

* 26. V. S. GUINCHARD, « l'affectation des biens en droit privé français », LGDJ, col. Bib. Dr. Privé, t.145, préf. R. Nerson.

* 27. R. PATRY, « la reconnaissance de l'existence d'une personne morale en droit Suisse », études R. Houin, 1985, p. 219, spé n° 7.

* 28. Au Royaume Uni, la « one man compagny » a été reconnu dès 1897 par l'arrêt Salomon V. A. Salomon and Co, Ltd : 1897 AC22, HL.

* 29. V. N. HORN, « L'entreprise personnelle à responsabilité limitée. L'expérience allemande » : RTD com. 1984, p. 1.

* 30. B. LAURIN, « la nouvelle loi allemande sur les « petites sociétés par actions » et la simplification du droit des sociétés par actions » : Petites Affiches 2 nov. 1994, n° 131, p. 11.

* 31 . Comp. La jurisprudence antérieure : CA Paris, 1ere ch. A, 22 janvier 1997 : Bull. Joly 1997, §228, p ; 579, notes J. -J. AIGRE.

* 32. A. REYGROBELLET, « Pour une société à nom collectif... impersonnelle » : D. 2003, chr. 679.

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