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L'évolution de la notion d'associé

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par Florent Kuitche et Philippe Mankessi
Université Nice Sophia antipolis - Master II droit économique des affaires 2007
  

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Partie II : L'extension de la notion fonctionnelle d'associé

La notion d'associé, loin d'être tombée en disgrâce du fait de la remise en cause de ses bases conceptuelles, est plutôt utilisée de manière accrue. Ceci se manifeste principalement par l'usage diversifié dont elle fait l'objet (Chapitre I). Cependant, la notion d'associé est-elle devenue une « auberge Espagnole » dans laquelle on peut ranger ce qu'on veut et quand on veut ? Cette interrogation nous conduit à se demander si le contraste entre le conceptuel et le fonctionnel ne conduit pas la notion d'associé vers une disparité inquiétante (Chapitre II).

Chapitre I : L'usage diversifié de la notion d'associé.

Pour montrer combien actuelle et omniprésente a toujours été la notion fonctionnelle d'associé en droit des sociétés, nous allons nous pencher d'une part sur les situations de concours pouvant exister lors de circonstances particulières découlant de la détermination de la qualité d'associé (section I) , et d'autre part le phénomène d'élargissement de la notion d'associé à l'investisseur professionnel (section II).

Section I : les situations de concours observées.

Les situations de concours de façon générale font référence à l'attribution de la qualité d'associé en cas de titres démembrés ou indivis. Seront donc évoquées ici les situations les plus générales. Ainsi, le concours vertical, c'est-à-dire, celui qui porte sur les droits sociaux en usufruit (paragraphe 1), est différent du concours horizontal, relatif aux droits sociaux indivis (paragraphe II).

P1) le concours vertical : les droits sociaux démembrés.

Comme tous les autres biens, la part ou les actions peuvent être démembrées par le moyen de l'usufruit et de la nue propriété. L'usufruit est un droit réel, par essence temporaire, dans la majorité des cas viager, qui confère à son titulaire l'usage et la jouissance de toute sorte de biens appartenant à autrui, mais à charge d'en conserver la substance (Code civil, article 578) ; présenté comme un démembrement de la propriété, en tant qu'il regroupe deux attributs démembrés du droit de propriété. Il existe Quatre types d'usufruits, l'usufruit à titre particulier portant sur un bien corporel ou incorporel déterminé (exemple : un immeuble, un fonds de commerce, une créance). Ensuite il y a l'usufruit à titre universel, portant sur un patrimoine ou sur une fraction de patrimoine. Il existe également celui établi par la volonté de l'homme. Il peut être constitué par un contrat (soit à titre onéreux, soit à titre gratuit) ou par testament. Enfin il y a l'usufruit légal qui est celui établi par la loi. C'est le cas de l'usufruit du conjoint survivant sur les droits d'exploitation appartenant au conjoint décédé. Quant à la nue propriété, elle est l'expression consacrée par laquelle on désigne les prérogatives conservées par le propriétaire pendant la période où la chose qui lui appartient fait l'objet d'un démembrement de propriété, à la suite de la constitution d'un droit d'usufruit, d'usage ou d'habitation au profit d'un tiers74(*).

Dans ce cas, deux personnes ont des droits concurrents, mais différents sur les mêmes parts. Le phénomène est fréquent, notamment pour des raisons successorales, mais aussi dans le cadre des donations-partages (avec réserve d'usufruit pour le gratifiant) et des libéralités en général, ou pour des raisons de techniques financières. L'usufruit est intéressant en ce qu'il permet d'affecter à une personne des dividendes, et éventuellement le droit de vote, tout en conservant à une autre les autres droits issus des parts ou des actions. Naturellement, l'usufruit représente une valeur moindre que la pleine propriété, ce qui paraît attractif à l'égard de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Quand toutes les parts en usufruit sont entre les mains d'une seule personne, il semble que la société n'ait qu'un seul associé s'il n'y a qu'un seul nu- propriétaire. L'article 18844-5 du code civil fournit une indication en ce sens, à propos de la société devenue unipersonnelle, en énonçant que « l'appartenance de l'usufruit de toutes les parts sociales à la même personne est sans conséquences sur l'existence de la société ». A contrario, on peut entendre que le seul point important, pour dire si la société est devenue unipersonnelle, consiste à savoir s'il existe un seul nu-propriétaire.

Toutefois, l'attribution de la qualité d'associé au seul nu-propriétaire, qui semble conforme à la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation, est aujourd'hui contestée par une partie de la doctrine75(*). Les critères principaux de la qualité d'associé, à savoir l'apport et la participation à la vie sociale, l'affectio societatis, peuvent être remplis par l'usufruitier ; et l'attribution du droit de vote n'est pas elle-même un critère décisif, puisqu'il existe des associés qui sont privés de droit de vote. Il s'agissait de l'arrêt DE GASTE du 4 JANVIER 1994 qui a pu à l'époque être interprété en ce sens que les statuts seraient libres de réserver l'intégralité du droit de vote à l'usufruitier, le nu-propriétaire voyant son droit réduit à celui de participer aux décisions collectives. Solution qui pouvait s'autoriser, sur le plan doctrinal de la théorie selon laquelle, plutôt que le droit de vote, le critère de la notion d'associé résiderait dans le droit d'intervention de la vie sociale » ; mais qui excluait donc que le droit de participer implique le droit de voter. Cet arrêt reposait la question de la titularité de la qualité d'associé en cas de démembrement de droits sociaux, une partie des auteurs, en rupture avec la doctrine classique qui n'attribuait cette qualité qu'au nu-propriétaire, considérant aujourd'hui que l'usufruitier aussi doit se la voir reconnaître76(*). C'est une discussion dont les enjeux sont également pratiques puisque, par exemple, la qualité d'actionnaire ou d'associé détermine le droit de solliciter une expertise de gestion.

Des règles particulières ont été édictées pour les sociétés anonymes et à partir d'elles pour les autres sociétés par action (voir article L225-10 et L225-118 et suivants). Ces textes ont inspiré, en 1978, l'article 1844-4 du code civil, pour le droit commun des sociétés. Selon ce texte, « si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier. Cependant, depuis la loi du 5 janvier 1988, les statuts des sociétés par action peuvent déroger à cette disposition. De plus en droit commun, l'article 1844 dernier alinéa laisse la même liberté dans les autres formes de société. Un arrêt de la troisième chambre civile en date du 2 mars 1994, en a déduit qu'il était possible de donner dans les statuts, le droit de vote à la fois au nu-propriétaire et à l'usufruitier des mêmes parts. Ensuite, l'arrêt CHATEAU D'YQUEM de 1999, rendu il est vrai à propos d'autres objets de droit de vote, permet désormais de douter de la solution résultant de l'arrêt de GASTE, en liant le droit de participer et le droit de vote ; ce qui signifierait alors que le nu-propriétaire devrait toujours détenir le droit de vote au moins aux assemblées extraordinaires. Ajoutons cependant que même pour un nu-propriétaire de parts, la qualité d'associé n'est pas acquise de façon automatique, s'il hérite de parts d'une société dans laquelle il a été stipulé une clause d'agrément à l'égard des héritiers d'un associé décédé. Selon l'avis de l'avocat Général LAFORTUNE, l'arrêt ultérieur du 31 mars 2004 conduirait implicitement à reconnaître désormais cette qualité à l'usufruitier.

Dans un arrêt du 22 FEVRIER 2005 non publié au bulletin, la cour de cassation a affirmé que : « les statuts peuvent déroger à la règle selon laquelle si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, à condition qu'il ne soit pas dérogé aux droits du nu-propriétaire, de participer aux décisions collectives ». Autant que par une autre décision, du 13 juillet 2005, rendue par la deuxième chambre civile, mais après avis de la chambre commerciale, précisant que la clause statutaire selon laquelle l'usufruitier représente valablement le nu-propriétaire pour toutes les décisions sociales quelqu'en soit l'objet, si elle permet à l'usufruitier d'exercer seul le droit de vote, en application des dérogations autorisées sur ce point par l'article 1844, al 4 du code civil, ne peut avoir pour effet de priver le nu-propriétaire du droit de participer aux décisions collectives telles ²qu'il est prévu à l'alinéa 1er du dit article. Toutefois comme le soutien un auteur77(*), dans l'hypothèse où, par son vote, l'usufruitier porterait atteinte à la substance des droits du nu- propriétaire, ce dernier devrait logiquement disposer d'une action en responsabilité contre lui.

Enfin par un arrêt du 29 novembre 2006, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur cette question âprement disputée qu'est celle d'avoir à préciser si un usufruitier de parts sociales ou d'actions a ou non la qualité d'associé. Malheureusement, ce n'est pas la chambre commerciale, ni la première chambre civile, formation rompue au droit des sociétés, qui ont eu l'occasion de se prononcer sur cette question, mais la 3e chambre civile qui, apporte au débat une contribution qui devrait faire grand bruit78(*). La haute juridiction y approuve une cour d'appel d'avoir relevé que la constitution d'un usufruit sur des parts sociales fait perdre à l'usufruitier sa qualité d'associé, et ce, quelque soit l'étendue du droit de vote qui lui est accordée par les statuts. Cependant la portée de cet arrêt est limitée. Même s'il s'agit d'une décision publiée au bulletin, il est difficile de considérer que la cour de cassation y prend une position de principe sur le point de savoir si l'usufruitier de droits sociaux est ou non associé.

On se bornera à rappeler qu'une majorité d'auteur s'est aujourd'hui ralliée à l'idée que l'usufruitier a la qualité d'associé ne serait-ce que parce qu'il en a tous les attributs (droits politiques de l'associé et en particulier le droit de vote, vocation aux bénéfices sous forme de dividende), tandis que d'autres considèrent que le nu propriétaire est seul propriétaire des droits sociaux et partant seul associé. Dans l'impossibilité de pouvoir trancher sur la valeur que l'on doit accorder à cette dernière décision, on pourra retenir que, quand bien même la formulation de l'arrêt commenté invite à ne tirer de conséquences de celui-ci qu'avec prudence, et quand bien même la Cour de cassation n'apparaît pas avoir approuvé expressément la position retenue par les juges du fonds, on ne pourra ignorer cet arrêt qui rejette le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel qui avait clairement dénié à l'usufruitier la qualité d'associé79(*).Ainsi , jusqu'aujourd'hui la question n'est toujours pas tranchée.

Cependant, comme tous les autres biens, les parts ou les actions peuvent également être l'objet de titres indivis. Le débat pour l'attribution de la qualité d'associé dans ce type de concours dit horizontal sont-ils aussi vifs que les précédents ?

* 74. Pour les définitions, V. Vocabulaire juridique, op. cit. P. 465.

* 75. J. DERRUPPE, « un associé méconnu : l'usufruitier de parts ou d'action », Petites Affiches, 13 juillet 1994, n° 83, p. 15 ; M. COZIAN, « du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, qui a la qualité d'associé ? » JCP éd. E, 1994. I. 374.

* 76. F. X. LUCAS, note SS. Rennes, 27 mai 2003, Bull. Jolly. 1187.

* 77. Ph. MERLE, op. cit. n° 492, p. 573.

* 78. F. X. LUCAS, « Refus de la qualité d'associé à l'usufruitier de parts sociale », Droit des sociétés, n° 2, février 2007, commentaire 25.

* 79. B. DONDERO, « du possible refus par la cour de cassation de la qualité d'associé à l'usufruitier de droits sociaux », notes sous cour de Cassation, 3e ch. Civ. 29 novembre 2006, revue des sociétés 2007, p.319.

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