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Prosélytisme et liberté de religion dans le droit privé marocain


par Meriem AZDEM
Université Hassan II - Licence 2007
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Droits de l'homme et libertés fondamentales
   

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Chapitre 2 : Les aspects juridiques du prosélytisme et de la liberté de culte

Durant des siècles passés et aujourd'hui encore, les cultures et les communautés minoritaires ont souffert de leur situation. Parfois, l'épreuve les a écrasé. Parfois, elle les a conduite à la révolte ou à la violence. Juifs et musulmans en Europe, kurdes au Proche-Orient, catholiques en Angleterre, protestants en France, noirs aux États-Unis, musulmans en Bosnie-Herzégovine, chrétiens au Soudan, chiites en Irak...la liste est longue. Ces conflits se sont soldés par de nombreuses pertes humaines.

Dans les années qui suivirent la Deuxième Guerre mondiale en particulier, la notion de liberté religieuse se trouva progressivement assimilée à un droit de l'homme à caractère international que tous les États du monde étaient tenus de protéger. Ce droit ne tend pas seulement à protéger la liberté d'exercice des cultes. En fait, le respect du principe de liberté religieuse renforce incontestablement la crédibilité des efforts en faveur du dialogue interconfessionnel, et par conséquent, tend également à éviter tout conflit interreligieux.

Aujourd'hui, les théologiens islamiques citent le Coran Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 256 « Il n'y a pas de contrainte en religion » pour soutenir le respect de l'islam à la liberté religieuse, et le pape Benoît XVI invite les fidèles à prier « pour que le droit à la liberté religieuse soit reconnu par les gouvernements de tous les peuples de la Terre »70(*).

La communauté internationale prône la liberté de culte et convie les Etats à en faire de même.

La liberté de religion, liberté de culte ou liberté de conscience est une liberté qui lorsqu'elle est accordée permet à chaque individu de pratiquer la religion de son choix, de changer de religion, ou de ne pas avoir de croyance religieuse, dans la mesure où l'expression des croyances en question « ne trouble pas l'ordre public ».

Toutefois, comme tout autre droit ordinaire, le droit d'exercice du culte peut en cas de dépassement des limites de l'usage raisonnable, constituer un abus. Il peut même constituer une infraction si ce droit est utilisé à des fins frauduleuses.

Afin de mieux cerner la portée juridique de la liberté religieuse et du prosélytisme, nous développerons d'abord le principe de la liberté de culte, son contenu, ses limites et les textes qui le consacrent (Section 1), avant d'aborder ensuite les excès de cette liberté qui constitue un prosélytisme puni par la loi (Section 2).

Section 1 : Le principe de la liberté religieuse :

La liberté religieuse est l'un des droits fondamentaux de l'homme. Protéger cette liberté équivaut à protéger un principe commun à tous les êtres humains, le caractère sacré de la conscience dans les questions de vérité ultime, de pratique du culte, de rites et de codes de conduite. Ce droit n'a pas été créé par les gouvernements ; il existait avant eux et avant les sociétés. Comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l'homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit. »

Il y a peu de chance pour qu'un gouvernement qui ne protège pas la liberté de religion et de conscience respecte les autres droits fondamentaux de l'homme tels que la protection contre toute arrestation arbitraire ou contre la torture. De même, l'élévation de la liberté religieuse au rang de droit est le signe d'une démocratie saine, d'une démocratie qui accorde de l'intérêt non seulement à la liberté de conscience mais aux autres droits nécessaires à la liberté religieuse comme le droit d'expression et de réunion71(*).

Le Maroc qui est un Etat musulman72(*) donne l'exemple en garantissant et en protégeant la liberté de culte (A). Mais cela ne veut pas dire que cette liberté est absolue, en ce sens qu'elle comporte des atténuations (B).

A. consécration de la liberté de religion :

Le Maroc, à l'instar de nombreux pays, tend à protéger les droits des citoyens en garantissant et en protégeant les libertés publiques et les libertés individuelles notamment la liberté de religion. La Conférence interparlementaire sur les Droits de l'homme et la liberté de religion dans sa déclaration de conclusion de la 4ème session avait annoncé que la liberté de religion ou de croyance est l'un des droits de l'homme les plus fondamentaux et les plus précieux. Elle a ajouté que là où cette liberté est garantie et protégée par la loi, appliquée par les gouvernements et considérée comme précieuse par les citoyens, le terrorisme au nom de la religion ne s'épanouira pas.

Aujourd'hui, le Maroc dont la population est composée de plus d'une ethnie religieuse, et dont l'emplacement géographique qui est en fait la porte d'Afrique sur l'Europe, est un lieu de rencontre de plusieurs religions. C'est pourquoi le Maroc se doit de protéger la liberté religieuse afin d'éviter tout abus et de préserver la tolérance. Pour ce faire, il ne s'est pas contenter de ratifier ou d'adhérer aux déclarations et traités internationaux déjà existants mais à légiférer lui-même en ce sens en érigeant des textes nationaux qui garantissent la liberté de culte.

* 70Intention de prière de septembre : le droit à la liberté religieuse bulletin quotidien de ZENIT, Rome, Mardi 30 août 2005

* 71 Tom Farr, directeur du Bureau de la liberté religieuse dans le monde, Démocratie et droits de l'homme, novembre 2001 in http://usinfo.state.gov/journals/itdhr/1101/ijdf/frfarr.htm

* 72 Préambule de la constitution marocaine de 1996.

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