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Prosélytisme et liberté de religion dans le droit privé marocain


par Meriem AZDEM
Université Hassan II - Licence 2007
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Droits de l'homme et libertés fondamentales
   

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B. Prosélytisme réalisé au moyen d'une contrainte :

Rien, si ce n'est la volonté et la conviction fruit de sa propre réflexion, ne doit contraindre la conscience du croyant. Aucune pression excessive ne doit s'exercer en faveur ou à l'encontre d'une option religieuse. Personne ne doit être amené vers un chemin spirituel de force. Ainsi, le propagandiste qui exerce sa domination dans le but de priver de sa liberté d'aller et de venir celui qu'il veut convaincre ou contraindre à l'adhésion abuse de sa liberté de religion.

L'exemple des petites filles contraintes par leurs parents à porter le voile peut illustrer cette situation. Certes, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule dans son article 13 que « les Etats parties s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l'Etat en matière d'éducation, et de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions ». Mais, cela ne veut aucunement dire que les parents ont le droit de contraindre leurs enfants à pratiquer un culte sous peine de les punir d'une quelconque manière.

Par ailleurs, la contrainte en matière de religion ne se limite pas aux relations parents enfants, mais une forme plus grave peut être mise en question. Il s'agit des propagandistes qui, faute de pouvoir convaincre par des moyens plus tempérés peuvent recourir à des méthodes coercitives telles que les contraintes physiques ou morales.

1. La contrainte physique :

Le prosélytisme prenant sa source dans des atteintes aux personnes reste exceptionnel. Il est toutefois des cas où les propagandistes cèdent à la facilité et usent de méthodes coercitives pour faire de nouveaux adeptes tels l'enlèvement, la séquestration ou la soustraction de mineur.

Quelques propagandistes, tentés de faire de nouveaux adeptes à tout prix, pourraient user de la force pour amener certains individus au sein du groupement. Ils les maintiendraient ensuite, parmi eux par des méthodes illicites, jusqu'à ce que les nouveaux venus adhèrent aux doctrines professées. Le code pénal protège les croyants contre ces agissements en punissant les auteurs d'enlèvement et de séquestration d'un emprisonnement qui peut aller jusqu'à 20 ans. L'enlèvement est un fait instantané qui consiste à appréhender physiquement, souvent par la force, une personne et à la priver de sa liberté d'aller et de venir. La séquestration suppose que la victime soit privée de cette même liberté pendant un certain temps110(*).

En principe, une détention peut ne pas être précédée d'un enlèvement, et inversement, un enlèvement peut ne pas être suivi d'une détention. Toutefois, dans un but prosélytique, l'enlèvement n'a d'utilité que s'il est suivi par une séquestration, le temps de « convaincre » l'individu enlevé d'adhérer. En effet, contrairement à ce que à ce qu'affirment certains auteurs111(*), aucune conversion n'est instantanée surtout si elle est contrainte.

Logiquement, elle nécessiterait une séquestration au cours de laquelle le future adepte sera éduqué au sein de la communauté religieuse, la doctrine lui sera enseignée et il sera initié aux diverses pratiques, et peu à peu, il comprendra qu'il est en présence de la vérité.

C'est du moins ce que suppose une telle méthode prosélytique qui relève plus de l'imaginaire ou du fantasme que de la réalité. Toutefois, si une telle hypothèse venait à se présenter, elle sera sévèrement sanctionnée par le droit pénal sur le fondement des articles 436 et suivants du code pénal.

La séquestration non précédée d'un enlèvement en matière de prosélytisme est tout aussi rare, mais elle n'en est pas moins concevable. La séquestration consiste à retenir une personne dans un lieu quelconque contre sa volonté. La question est de savoir s'il y a ou n'y a pas une rétention véritable, car généralement les personnes décident de leur propre chef de se joindre à telle ou telle communauté si ce n'est leur entourage ou famille qui les y mène.

Si l'on prend l'exemple du marabout Bouya Omar, généralement c'est la personne « malade » ou son entourage qui demande à la faire interner dans l'enceinte pour suivre le traitement de l'exorciste. En principe, ces personnes sont libres de sortir quand elles veulent. Toutefois, le problème se pose lorsque cette liberté de quitter la communauté est remise en question.

Par ailleurs, la séquestration ne peut être retenue que si le propagandiste use de la force ou la violence afin de maintenir les individus dans son rang. Or, ce n'est pas la violence ou la force qu'on leur reproche, mais plutôt les pressions morales exercées sur les néophytes qui supprimeraient chez eux « toute envie, toute idée même de s'évader112(*)». On ne peut alors considérer qu'il y a séquestration - faute d'élément matériel - si les procédés employés ne visent pas à empêcher matériellement, de sortir du groupe mais plutôt à créer un conditionnement psychologique qui devrait le mettre dans l'incapacité d'en sortir. On en revient alors aux hypothèses de manipulations mentales voire d'embrigadement ou plus généralement à la contrainte morale.

* 110 Merle et Vitu, traité du droit criminel, tome 2, droit pénal spécial, Cujas, Paris 1982, p. 1485 §1834

* 111 Sur la rapidité de certaines conversions, voir notamment, J-P Morin,  le viol psychique : un projets de sectes et la loi, Futuribles novembre 1993, n°181, p.49. L'auteur affirme que certains mouvements religieux « arrivent à convertir en moins de deux heures des individus équilibrés et saints d'esprit » avec des méthodes très sophistiquées auxquelles il donne le nom de « lavage de cerveau », « programmation » ou « viol psychique ».

* 112 P. Boinot, sectes religieuses et droit pénal, RSC 1983, p.409 et s., spéc. P. 430, § 43

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