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Prosélytisme et liberté de religion dans le droit privé marocain


par Meriem AZDEM
Université Hassan II - Licence 2007
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Droits de l'homme et libertés fondamentales
   

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B. prosélytisme destructeur :

Le fanatisme est la forme la plus extrême de la ferveur qui peut être déployée pour convertir autrui. Dans la Rome Antique, les fanatiques désignaient les devins inspirés interprétant les augures et les prêtres de culte de la déesse Me Bellone47(*), qui dans leur délire, s'assénaient de coups d'épées et de hachette faisant gicler leur propre sang.

Le fanatisme religieux contemporain, comme tout autre, est totalitaire. Les fanatiques, certains d'être seuls à détenir la vérité, n'aspirent qu'à l'unité. Leur foi est une, et indivisible et ils veulent l'imposer à tous et partout. Pour ce faire, il n'hésite pas à substituer la persécution aux modes traditionnels de prosélytisme. Cette altération fondamentale de la dialectique religieuse s'épanouit au travers de deux expressions criminelles extrémistes : les actes terroristes et les idéologies responsable de génocides.

1. Un prosélytisme constitutif de terrorisme religieux :

La violence religieuse est apparue pour la première fois entre 66 et 73 après Jésus Christ lorsque la société secrète de Sicaire s'est affirmée en réaction de l'annexion administrative de la province de Judée par Rome. « La religion et le terrorisme partagent donc une histoire commune »48(*).

Les exemples de cette dernière décennie sont éloquents : la secte religieuse japonaise Aum Shinrikyo dispersa du gaz sarin dans le métro de Tokyo en juin 1995, l'organisation Jamaa Al Islamiya du Sheikh Abdel Rahman a perpétré l'attentat contre le World trade Center en 1993, le projet d'empoisonnement de l'eau courante par les milices « chrétiennes-blanches»49(*) ou encore de contamination par le bacille de la typhoïde par l'Ordre du soleil levant50(*).

Plus récemment un groupe islamiste algérien se présentant comme une branche d'Al Qaida au Maghreb a revendiqué une série d'attentats à la bombe à l'est d'Alger le 13 février 2007.

Tous les terroristes religieux semblent unis par la même conviction que leurs actions sont sanctionnées, voire mandatées par Dieu. En dépit d'origines, de doctrines, d'institutions, de religions, ou de pratiques très diverses, ces fanatiques religieux se rejoignent dans la même justification de l'emploi de la violence sacrée : défendre ou étendre leur foi, celle qu'ils décrivent comme la foi originelle. La foi serait donc utilisée comme propulseur à travers le monde de pratiques destinées conjointement à propager l'idéologie religieuse et à sanctionner ceux qui n'y adhèrent pas. C'est ainsi qu'une populaire animatrice - Nassima El Hor - de la chaîne 2M a été menacée de mort par les Islamistes, si elle ne porte pas le voile à l'écran.

Le recours à cette forme de prosélytisme n'est pas nouveau. Il a commencé avec la secte des assassins51(*), mais s'est surtout développé avec la prise d'otages de l'ambassade américaine de Téhéran en 1979, pour atteindre son apogée avec les attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Le phénomène se répète, seul les moyens ont changé : les camions ou les avions-suicides ont remplacé les poignards.

Le Maroc n'a pas était épargné. En août 1994, l'hôtel Atlas Asni à Marrakech est attaqué par deux français d'origine algérienne, armés et cagoulés. Le 11 mai 2002, l'affaire "opération Gibraltar" éclata avec l'arrestation de trois terroristes saoudiens, à Casablanca. En juillet 2002, Youssef Fikri, l'émir du groupe islamiste Al Hijra Wa Takfir52(*) avoue devant la Cour d'Appel de Casablanca avoir commis des meurtres avec préméditation. Parmi ses victimes un notaire de Casablanca tué pour ses idées marxistes et son propre oncle qui avait été assassiné car il sentait l'alcool ainsi que 154 autres agressions perpétrées dans plusieurs villes du Royaume.

Le16 mai 2003, cinq attentats simultanés ont visé la Casa de Espagna, l'Alliance israélite, le restaurant italien Positano, l'hôtel Farah et le cimetière juif. Les faits ont été attribués à des membres de la Salafiya Jihadia53(*) et du Sirat Al-Moustaqim54(*).

Plus récemment, le 11 mars 2007, un individu a été emporté par une charge explosive dissimulée sous ses vêtements dans un cybercafé55(*). Mais les autorités ne parlent pas encore d'acte terroriste car on ne peut qualifier n'importe qu'elle infraction d'acte terrorise.

De là, se pose un problème de définition. Alors qu'il est aisé d'en donner une définition claire dans le langage courant, la situation est plus délicate lorsqu'il s'agit de donner une définition juridique au terrorisme.

Le droit marocain, en effet, ne définit pas le terrorisme de manière précise. Il se contente d'énumérer les infractions qui constituent des actes de terrorisme dans les articles 218-1, 218-3 et 218-4 56(*) du code pénal57(*). Toutefois l'article 218-1 pose trois critères selon lesquels un acte terroriste peut être reconnu comme tel. Il s'agit de la relation qui doit unir l'une des infractions citées par l'article avec une entreprise individuelle ou collective, le but de troubler gravement l'ordre publique et l'utilisation de l'intimidation, la terreur ou la violence. Il semble difficile d'établir la relation unissant l'infraction à l'entreprise individuelle ou collective, d'autant plus que le terme « en relation » figurant dans le texte pénal, prête à une incertitude qui peut découler de son interprétation.

En pratique, la difficulté est néanmoins écartée en matière de terrorisme religieux car les auteurs de l'acte le revendiquent généralement ce qui permet d'établir aisément l'existence de cette relation. Le but du terrorisme religieux étant de convaincre ou de contraindre par la violence, les terroristes doivent bien dévoiler la cause à laquelle ils entendent rallier le plus grand nombre. La notion « d'entreprise » quant à elle devra exclure toute idée d'improvisation. Elle suppose l'existence de « préparatifs et un minimum d'organisation, une certaine préméditation (...), une organisation d'où le hasard est à exclure »58(*).

L'infraction devra ensuite viser à troubler gravement l'ordre public. Cette condition distingue le terrorisme des infractions du droit commun puisqu'elle doit être le but du comportement et non pas son effet59(*). Il faut donc tenir compte du but de l'auteur, et non pas du mobile, car il s'agit là d'une infraction à dol spécial60(*). Le but poursuivi caractérise le mobile et constitue l'élément moral de l'infraction. Ce but est non seulement la volonté immédiate de détruire, mais aussi médiate de troubler gravement l'ordre public.

Le trouble de l'ordre ainsi causé, doit enfin l'être par des moyens particuliers. L'intimidation qui consiste à paralyser l'esprit de hardiesse nécessaire à l'action, la terreur qui s'apparente à l'épouvante, à une peur extrême qui paralyse et la violence qui est un comportement agressif qui provoque la douleur, la peine. Toutefois, terroriser ne se limite pas seulement à terrifier, mais - selon le Littré - à établir le règne de la terreur. C'est une stratégie non pas limitée dans le temps mais assurée d'une certaine continuité, d'où sa gravité.

Le terrorisme religieux serait donc une forme de prosélytisme qui tend à terrifier des personnes faute de pouvoir les convaincre d'adhérer à une religion ou idéologie. Une autre forme de prosélytisme ne tentera plus de rallier ces personnes mais de les supprimer voir de les exterminer.

* 47 Culte d'origine orientale

* 48 B. Hoffman, Holly Terror : The Implication Motivated by a religious, Santa Monica, RAND 1993

* 49 Projet d'attentats aux Etats-Unis (N. Cettina, op. cit. P 242)

* 50 Projet d'attentat mené aux Etats-Unis où en 1972 un mouvement religieux contestataire avait envisagé de répandre les dizaines de kilos de virus dont il disposait dans les réservoirs d'eau des grandes villes du Midwest (N. Cettina, op. cit. P 242)

* 51 Ces chiites exécutaient en public leurs ennemis considérés comme des traîtres à l'Islam, avant de se laisser immoler sans regret, certains que leur statuts de martyr leur donnerai un raccourci vers bonheur et leur ouvrirait d'emblée les portes du Paradis.

* 52 Groupuscule islamiste extrémiste, fondé au début des années 1980 à Sidi Moumen dont l'émir est Youssef Fikri

* 53 Organisation fondée après la guerre du Golf dont l'émir au Maroc est Adbelhaq Moul es Sebbat

* 54 Branche de la Salafia Jihadia née à Sidi Moumen. Elle s'est lancée dans la « purification » des comportements par la violence dont l'émir est Miloudi Zakaria. Ses membres combinent surveillance et police religieuse avec crimes crapuleux.

* 55 Rapporté par la direction générale de la sûreté nationale (DGSN) in Maroc : Attentat à Casablanca : Un mort et 4 blessés dans une explosion dans cybercafé, http://www.infosdumaroc.com/modules/news/article-4151.html source la MAP

* 56 Annexe 1

* 57 Chapitre premier bis ajouté par le Dahir n° 1-031.140 du 28 mai 2003 (26 rabii I 1424), B.O. n° 5114 du 05-06-2003, p. 416-420

* 58 Déclaration du garde des sceaux, Albin Chalandon à l'Assemblée nationale et au Sénat (JORF Débats, août 1986, p3795 et p.4125)

* 59 B. Bouloc, le terrorisme, in problèmes actuels des sciences criminelles, PUAM, 1989, p.65.

* 60 Cette technique est également utilisée en matière de génocides et de crimes contre l'humanité où il est également tenu compte du mobile pour caractériser l'infraction.

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