I.2.
APPROCHE DE BOHN : DÉFINITION ET TEST.
Revenons à la première question conceptuelle
que nous avons posé dès le départ : quelles
politiques fiscales sont soutenable ? Un principe de base de
l'économie est que la possibilité pour un agent d'emprunter est
limitée par la volonté des autres agents de prêter. Cette
question revient donc à un problème d'équilibre
général tel que développé dans le chapitre 1. Quels
sont donc les bailleurs du gouvernement et qu'est ce qui détermine leur
comportement. Selon les hypothèses que l'on se fixera, plusieurs
conclusions sur la soutenabilité fiscale peuvent être
tirées.
Si nous supposons que les prêteurs potentiels du
gouvernement sont des agents rationnels dont la durée de vie est
infinie33(*) et que les
marchés financiers sont complets34(*), on obtient :
(Condition générale de jeu Non-Ponzi) (3.03)
Où u(t,n) est le prix d'équilibre pour
la demande contingente de la période t+n (Bohn, 1995). Si cette
condition n'est pas vérifiée, aucun agent rationnel
n'achèterait une telle dette. Pour limiter l'étendue de notre
analyse, nous supposerons que la dette est non négative. Ainsi
(3.03) devient :
(Condition simple de jeu Non-Ponzi) (3.04)
On peut donc reformuler la CBI et obtenir la relation
suivante :
(CBI) (3.05)
La différence avec (ad hoc CBI) est que le taux
d'escompte des surplus futurs dépend de la distribution des surplus
primaires futur à travers l'état de la nature35(*) et du comportement
optimisateur des prêteurs.
Nous allons maintenant chercher savoir comment tester si une
politique fiscale observée est sur une trajectoire vérifiant
(3.04) et (3.05). Tester une hypothèse nécessite la
maîtrise d'une alternative adéquate. Ainsi la question est de
savoir comment identifier une politique qui ne vérifie pas (3.04)
et/ou (3.05). Trois interprétations sont possibles.
Premièrement une politique fiscale peut fonctionner dans une
économie où (3.04) n'est pas vérifiée.
C'est le cas des économies à générations
imbriquées dans lesquels les prêteurs ont un horizon de
planification fini, et n'impose donc pas la condition de transversalité.
Cette condition n'est pas applicable lorsque les marchés sont incomplets
avec l'influence de la liquidité sur le prix des titres (Bohn, 1999).
Deuxièmement, la politique fiscale peut vérifier (3.04),
mais les mesures observées sur toutes les périodes ne
vérifient pas (3.05) du fait des surplus trop faible. C'est ce
que Bohn (2005) appelle une politique non soutenable. Si les investisseurs
rationnels achètent les titres publics, ils doivent s'attendrent
à observer des changements dans la politique qui supporte la
dette36(*).
Troisièmement, une violation empirique de (3.04) et (3.05) due
à un niveau de surplus primaire très faible peut être un
signal que le gouvernement va avoir un défaut de paiement de sa dette.
Si dans ce cas les titres publics sont vendus alors, il se pose un
problème de rationalité des agents privés. Or si la dette
publique est mesurée à sa valeur faciale, ceci n'est pas
plausible. En résumé, il faut dire que la violation de la
soutenabilité empirique est mieux interprétée comme un
indicateur d'un mouvement futur de la politique fiscale ou de l'environnement
économique dans lequel la politique fiscale est contrainte par la
condition Non-Ponzi. Pour toutes ces raisons, nous pouvons énoncer la
proposition suivante.
PROPOSITION 3.1. [Bohn (1995,
1998)] : Supposons que le ratio surplus-primaire /PIB soit une fonction
linéaire croissante du niveau initial du ratio dette
publique/PIB
37(*)
(3.06)
Pour tout t, où est constant et la composante des autres déterminants. Si est ramené à une proportion du PIB et si la valeur
présente du PIB est finie, alors la politique fiscale satisfait les
conditions (3.04) et (3.05)38(*).
L'intuition derrière cette proposition est que si le
gouvernement élève le surplus primaire à mesure que le
ratio dette s'élève, il prend des mesures correctives qui
permettent de stabiliser le ratio dette et de rendre la dette publique viable.
On parle de politique fiscale soutenable. Il est donc possible de tester la
soutenabilité fiscale en estimant la règle de politique fiscale
ou fonction de réaction de la politique fiscale. La faiblesse de cette
proposition est qu'elle ne dit rien dans le cas de la non
linéarité. Dans le cas de la non linéarité, si pour
une fonction de réaction on a f convexe, alors la politique fiscale est soutenable
(Bohn, 1999). On peut ainsi étendre cette proposition à un
coefficient de réaction variable. Pour une fonction de réaction
linéaire à coefficient variable si on a alors la politique fiscale est soutenable (Canzoneri et al., 2001).
* 33 Le comportement de tels
agents vérifie la condition de transversalité.
* 34 Les agents appliquent le
prix de marché pour déterminer la valeur de leur portefeuille.
* 35
* 36 Ces changements peuvent
être une augmentation des taxes, une baisse des dépenses ou une
augmentation de la dépendance au seigneuriage.
* 37
* 38 Cette proposition est
énoncée dans Bohn (1998) et la preuve disponible à
l'adresse suivante :
http://econ.ucsb.edu/~bohn. Une
première version avec preuve est publiée dans Bohn (1995).
Canzoneri et al. (2001) présente une proposition équivalente avec
le coefficient de réaction variable dans le temps.
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