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Fonds de garantie, quelle cohérence ?

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par Kuitche Takoudoum Florent et Hermine Kugler
Université de Nice Sophia Antipolis - Master II recherche droit économique des affaires 2007
  

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SECTION II : Une divergence de fonctionnement.

Les différents fonds de garantie fonctionnent de façon différente ; cette allégation semblerait d'ailleurs n'être que la conséquence de leurs divergences d'organisation.

Il ressort en effet des développements précédents que le fonds de garantie des assurances obligatoires est une composante du fonds de garantie des victimes du terrorisme et d'autres infractions32(*) ; ceci démontre qu'il existerait une disparité dans l'autonomie même des fonds de garantie. La loi organise en effet différemment l'indemnisation selon les circonstances du dommage c'est-à-dire, selon qu'il résulte d'un accident de la circulation ou de la chasse, d'un acte de violence, ou d'un acte de terrorisme33(*).

La première divergence entre les deux fonds suscités résulte tout d'abord des dommages dont ils ont en charge l'indemnisation. C'est ainsi que le fonds de garanties des assurances obligatoires intervient pour indemniser des dommages résultant d'un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur en circulation34(*), les dommages causés par des personnes circulant sur le sol dans les lieux ouverts à la circulation publique35(*), les dommages corporels occasionnés par les actes de chasse36(*), et depuis la loi du 30 juillet 2003, les atteintes à la personne subies par les victimes ou leurs ayants droits, lorsque ces dommages ont été causés accidentellement par des animaux qui n'ont pas de propriétaires ou dont le propriétaire demeure inconnu ou n'est pas assuré, dans des lieux ouverts à la circulation publique. Le fonds de garantie des victimes du terrorisme et autres infractions a quant à lui la charge des dommages résultant d'actes terroristes et des infractions pénales de droit commun. Une distinction est faite dans ce dernier cas entre les atteintes corporelles graves et les atteintes corporelles légères et aux biens qui sont indemnisés selon des modalités différentes.

Ces divergences se rencontrent également dans les conditions d'indemnisation des victimes et de leurs ayants droit. Ainsi, alors que le fonds de garantie des assurances obligatoires intervient toujours de façon subsidiaire et autonome, le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d'autres infractions est quant à lui dépendant de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) et intervient de façon principale. Une procédure unique devant la commission d'indemnisation des victimes permet d'obtenir le versement des indemnités ou des secours. C'est en effet à cette commission que revient le droit de juger de la recevabilité ou non de la demande et d'en fixer le montant.

Les dispositions de la loi du 6 juillet 1990 qui étend à toutes les victimes le principe de réparation intégrale des atteintes graves à la personne et charge le « fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions » d'en assurer le paiement bénéficient à toutes les victimes de nationalité française même si l'infraction a été commise à l'étranger, mais également à toute victime ressortissant d'un Etat membre de la Communauté Européenne, si les faits ont été commis sur le territoires français37(*) sans oublier les victimes non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté dés lors qu'ils sont en séjour régulier sur le territoire national au jour des faits ou au jour de leur demande d'indemnisation.

Ainsi la demande d'indemnisation d'un étranger en séjour régulier au jour des faits ne peut-elle être déclarée irrecevable au motif que le demandeur n'est plus en séjour régulier au moment de la demande. Inversement la situation irrégulière de la victime au jour de l'acte dommageable ne s'oppose pas à la recevabilité si, au jour de la demande, la régularisation est intervenue38(*). La condition du séjour régulier doit s'apprécier chez la personne se prétendant victime de l'infraction, soit directement, soit « par ricochet », la loi, en visant « la personne lésée » n'ayant pas distinguée entre la victime et ses ayants droit. Il en résulte que ceux-ci, demandeurs en réparation de leur préjudice personnel, doivent remplir les mêmes conditions que la victime directe, s'ils sont de nationalité étrangère.

Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé, pour une veuve et ses enfants de nationalité marocaine et résidant dans leur pays d'origine dont l'époux et le père avait été assassiné en France, qu' « ils ne se trouvaient pas au moment des faits ni au moment du dépôt de la requête, en situation régulière en France et qu'ils sollicitaient non pas la réparation du préjudice de leur auteur, mais celle de leur propre préjudice, et qu'agissant ainsi en tant que personne lésée par l'infraction, ils devaient satisfaire aux exigences de l'article 706-3 du code de procédure pénal »39(*) . A l'inverse et logiquement, l'étranger titulaire d'un titre de séjour régulier en France dont l'épouse, ne disposant pas d'un tel titre avait été violée et tuée en France remplit les conditions pour obtenir réparation de son préjudice personnel par le fonds d'indemnisation40(*).

S'il ressort de cette jurisprudence que la condition d'indemnisation des victimes par le fonds de garantie des victimes du terrorisme et autres infractions s'apprécie au jour des faits ou au jour de la demande, l'étude des fonds de garantie des assurances obligatoires démontre quant à elle que cette condition s'apprécie uniquement au jour de la demande41(*).

Les conditions d'intervention du fonds de garantie des victimes d'infractions sont posées aux articles 706-3 et suivants du code de procédure pénal. L' article 706-3 du code de procédure pénal pose le principe selon lequel, sauf les exceptions qu'il mentionne, « toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'un infraction peut obtenir réparation des conséquences d'atteintes à son intégrité physique ».

En dehors des fonds de garantie d'assurances obligatoires, tous les fonds qui existent en France tels que le fonds de garantie des calamités agricoles, les fonds de prévention des risques naturels majeurs...interviennent de façon principale. La similitude entre ces fonds ne devraient cependant pas faire perdre de vue que ces fonds de garantie sont différents les uns des autres en raison notamment de l'objectif poursuivi par chacun d'eux. C'est ainsi que pour le fonds national de garantie des calamités agricoles, les bénéficiaires n'ont qu'à justifier que les éléments principaux de l'exploitation étaient assurés au moment du sinistre, contre l'un des risques normalement assurable dans la région considérée.

La divergence de fonctionnement des fonds de garantie se retrouve également dans leur mode d'intervention. L'intervention de certains fonds de garantie est fondée sur la responsabilité civile ( c'est le cas du fonds de garantie des assurances obligatoires, le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d'autres infractions, le fonds de compensation des risques de l'assurance construction... ) alors que celle d'autres fonds est fondée sur la seule existence du préjudice résultant du fait dommageable sans qu'il soit nécessaire d'établir une quelconque responsabilité (c'est le cas du fonds de prévention des risques naturels majeurs, le fonds national de garantie des calamités agricoles...).

Ainsi le fonds de garantie des assurances obligatoires ne peut intervenir pour indemniser la victime que parce que celle-ci n'a pu être indemnisée soit par l'auteur de l'accident, soit par l'assureur de celui-ci. Ceci concerne les cas dans lesquels l'auteur du dommage est inconnu insolvable, partiellement couvert par son assurance ou lorsque son assureur est insolvable. Cette subsidiarité implique que le fonds n'a pas à intervenir lorsque l'assurance a vocation à le faire. La victime ne peut donc invoquer le bénéfice du fonds si ses dommages sont susceptibles d'être totalement indemnisés par son propre assureur, par la sécurité sociale ou par un tiers payeur quelconque.

Lorsque l'accident implique plusieurs véhicules, il suffit que l'un des véhicules impliqués soit assuré pour que le fonds soit mis hors de cause. De plus pour obtenir la réparation de son préjudice la victime doit prouver qu'elle n'a pu obtenir réparation par un autre moyen. Le principe de subsidiarité interdit la condamnation in solidum du fonds avec un tiers responsable42(*) et aucun recours en contribution ne peut être exercé contre le fonds43(*). Ainsi un tiers dont le véhicule a été impliqué dans l'accident, condamné à indemniser la victime ne peut se retourner contre le fonds en tentant de prouver que les dommages qu'il a dû prendre en charge en vertu de l'implication ne lui sont pas opposables au niveau de la causalité. Il en est de même de la sécurité sociale qui ne possède aucun recours contre le fonds44(*). Même au stade de la contribution, l'implication vaut présomption irréfragable d'imputabilité des dommages. Cependant la jurisprudence paraît actuellement infléchir sa position en distinguant l'implication dans l'accident, et l'implication dans le dommage dont la preuve contraire serait ouverte au conducteur45(*)

Si telle est la façon dont fonctionne le fonds des assurances obligatoires, force est de constater que celui des victimes du terrorisme et d'autres infractions intervient sans qu'il soit nécessaire pour la victime de démontrer qu'elle ne peut obtenir indemnisation par un autre moyen. Elle a pour seule obligation de notifier au fonds les tiers payeurs susceptibles de réparer tout ou partie du dommage qu'elle a subie. Plus précisément, toute personne remplissant les conditions liées à son intervention peut s'adresser à lui sans avoir à justifier de l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait d'être indemnisée à un autre titre. Il n'est donc pas nécessaire d'établir l'insolvabilité de l'auteur de l'infraction lorsqu'il a été condamné à verser des dommages-intérêts au demandeur.

La Cour de cassation veille attentivement à ce que le fonds ne se décharge pas sur d'autres débiteurs éventuels. Elle ne manque jamais l'occasion de rappeler à cet effet que les dispositions de l'article 706-9 du code de procédure pénale n'imposent pas à la victime d'une infraction de tenter d'obtenir l'indemnisation de son préjudice des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation, préalablement à la saisine d'une commission.

Il a ainsi été jugé dans un arrêt du 6 novembre 1996 dans lequel le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d'autres infractions faisait grief à l'arrêt de la cour d'appel d'avoir fait droit à la demande des ayants droit des victimes tendant à l'obtention des indemnisations provisionnelles, au motif que les victimes d'infractions ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale lorsqu'elles peuvent être indemnisées à un autre titre. La cour de cassation a décidé que les dispositions de l'article suscité et celle de l'article 709-9 du code de procédure pénale n'imposent pas à la victime d'une infraction de tenter d'obtenir l'indemnisation de son préjudice de la part des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation préalablement à la saisine d'une commission d'indemnisation des victimes d'infraction46(*) .

Au delà de cette divergence d'intervention, une autre divergence de fonctionnement résulte des conditions de détermination de l'indemnisation qui doit être allouée à la victime. Il convient de noter à ce sujet qu' alors que le fonds de garantie des assurances obligatoires est seul compétent pour déterminer le montant de l'indemnité à allouer à la victime, le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d'autres infractions est quant à lui sous la subordination de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions qui, institué dans le ressort de chaque tribunal de grande instance.(comme cela ressort des développements effectués plus haut). La CIVI est une juridiction de droit civil dont les décisions peuvent faire l'objet d'appel devant la cour d'appel de Paris et de recours en cassation.

D'autres différences de fonctionnement se rencontrent dans l'étendue de l'indemnisation des préjudices subis par les victimes. Ainsi, alors que le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d'autres infractions, de même que le fonds de garantie des assurances obligatoires offrent dans la majeure partie des cas une indemnisation intégrale aux victimes devant y avoir droit, certains fonds de garantie plafonnent leur indemnisation. C'est alors que le fonds national de garantie des calamités agricoles plafonne l'indemnité allouée aux victimes à 75% des dommages subis.

Les divergences se rencontrent également dans la nature du préjudice indemnisable et dans les droits reconnus aux ayants droit des victimes directs.

Les diversités quant au fonctionnement des fonds de garantie sont nombreuses ; il n'est pas possible de tous les mettre en exergue tout au long de notre étude. Néanmoins il convient de garder à l'esprit que ces divergences résultent avant tout de l'objectif précis que poursuit chaque fonds de garantie.

Le fonctionnement des fonds de garantie n'est pas harmonisé ; chaque fonds fonctionnant de façon spécifique par rapport aux autres. Une étude poussée des fonds de garantie démontre cependant que dans cette incohérence conceptuelle des fonds, se dissimule une cohérence factuelle.

* 32. BIGOT (J), Traité op. Cit. , n° 342, p. 231.

* 33. BIGOT (J), Traité op. Cit. , p. 221.

* 34. V. loi BATINTER du 5 juillet 1985 ; décret 86. 452 du 14 mars 1986.

* 35. Art. L. 421-1 al 3 CA.

* 36. Art. L. 421-8 CA.

* 37. BIGOT (J): traité op. cit. n° 321, p. 216.

* 38.COURTIEU (G), « indemnisation des victimes d'infraction », Jurisclasseur droit des entreprises-assurances. Fasc. 2615, p. 4.

* 39. Cass. 2e civ. 21 juil. 1992: Bull. Civ II, n° 224; D. 1992.

* 40. Cass. 2e civ. ; 2 mars 1994 : Bull. Civ II, n° 80.

* 41 Cass 2e civ. ; 24 octobre 2002, Commentaire 25, GROUTEL (H).

* 42. Cass. 2e Civ, 12 févr. 1986, J.C.P. 86. IV. 110. G.P. 10 juil. 1986, obs. CHABAS (F).

* 43. Cass. 2e Civ, 18 janv. 1989, Arg. 90. 813. , jurisclasseur Droit des entreprises-assurances, Fasc. 276, notes TOMADINI (A).

* 44. BIGOT (J) : Traité op. cit. n° 385, p. 257.

* 45. Cass. 1er Civ. 24 oct. 1990. Responsabilité et assurances, décembre 1990, n° 414, obs. GROUTEL.

* 46. Cass. 2e Civ, 6 nov. 1996, Bull. Civ. II, n°243; jurisclasseur responsabilité civile et assurances, fasc. 260, notes GROUTEL (H), p. 3.

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