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Régime juridique des Banques Centrales d'Afrique: Cas spécifiques de la Banque Centrale des Etats

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par Bakary Junior Bamba
Université de Lausanne en Suisse - DEA (LL.M.) en droit europeen et en droit international économique 2006
  

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C. NATURE JURIDIQUE DU SYSTEME MONETAIRE DONT DEPENDENT LE BEAC ET LA BCEAO

Afin de déterminer le système monétaire dont dépendent la BCEAO et la BEAC, nous procéderons par élimination en commençant par celui qui semble avoir le moins de similitudes avec la zone Franc.

C.1-Le système de change flottant :

Selon S. HANKE49, dans ce système, les autorités nationales déterminent leurs objectifs de politique monétaire de manière autonome, et laissent le marché des changes s'ajuster librement. Ils abandonnent toute gestion de la valeur externe de leur monnaie. En conséquence, le rythme de croissance des agrégats monétaires résulte de décisions politiques purement nationales. La banque centrale peut faire ce qu'elle veut - par exemple fixer le niveau des taux d'intérêt -, mais sa liberté d'action reste contrainte par les répercussions immédiates que ses choix internes ont sur la tenue de son taux de change externe.

Il parait évident que le système dont dépendent la BCEAO et la BEAC ne sont pas des systèmes de change flott ant, eu égard aux analyses faites plus haut et aux dispositions des différents accords passés entre la République Française et les Républiques membres des différentes unions monétaires africaines50.

C.2-Le système de change fixe :

Avec le système des parités fixes, c'est l'inverse : les autorités se donnent pour objectif de maintenir une certaine parité externe et gèrent leur politique monétaire de manière à empêcher le taux de change du marché de diverger. Dans ce cas, la politique monétaire est totalement asservie à l'objectif de change. Il n'y a plus de politique monétaire interne autonome. La croissance des agrégats est déterminée de manière exogène par les mouvements de la balance des paiements. Quand les réserves de devises du pays augmentent, la base monétaire s'accroît, et l'inverse si les réserves en devises se contractent. Dans le cas des deux banques centrales, le taux de change des monnaies est fixé par rapport à la monnaie de référence servant d'étalon

49Steve HANKE « La crise asiatique et le système monétaire international » : http://www.euro92.com/new/article.php3?id_article=641 (février 2006).

50 L'accord de coopération entre la République Française et les Républiques membres de l'Union monétaire ouest africaine du 4 décembre 1973 et la convention de coopération monétaire entre les Etats membres de la BEAC et la République française est signée le 23 novembre 1972 à Brazzaville.

d'ancrage51. Ainsi, en cas de baisse prévisible du cours de la monnaie communautaire (le Franc CFA dans notre cas), la BC intervient sur le marché de change pour acheter sa propre monnaie avec les devises étrangères qu'elle a déjà accumulées. Cette intervention des BC est telle que le cours du Franc CFA préalablement défini demeure touj ours fixe. Dans le cas contraire d'une hausse du cours du Franc CFA, la BC vend sa monnaie. Cette vente est une augmentation de l'offre du Franc CFA dont la valeur est orientée à la baisse pour atteindre le cours d'équilibre fixé auparavant.

<< Dans la réalité, c'est la Banque de France52 qui achète et vend quotidiennement les devises sur le marché des changes pour le compte des Institutions monétaires africaines>>.

Ainsi, l'analyse des institutions monétaires africaines pourrait laisser croire qu'elles dépendent d'un système de change fixe. Les hommes politiques africains et les plus hautes autorités des BC semblent en être convaincus. Nous en voulons pour preuve, la controverse ayant existée entre Monsieur Mamadou Koulibaly, ministre ivoirien de l'Economie en 2000 (aujourd'hui Président de l'assemblée nationale de la Côte d'Ivoire) et le Gouverneur de la BCEAO, Monsieur Charles Konan Banny (aujourd'hui premier ministre du même pays). Mamadou Koulibaly s'était en effet prononcé pour un CFA "flottant" avec un taux de change flexible par rapport au FF et à l'Euro et préconisait une révision des accords liant la Côte d'Ivoire à la France. Ce qui n'était pas l'avis du gouverneur de la BCEAO pour qui << Tout ce qui flotte n'est pas certain et crée de l'incertitude >>, ajoutant que << la monnaie a un prix qui doit être stable et ne pas fluctuer au gré des humeurs des politiques >>.53

Cependant, la présence dans le système du mécanisme dit de compte d'opération fait que nous pouvons dire qu'il ne s'agit pas d'un système de change fixe pur, mais le rapproche de celui dit des caisses d'émission.

C.3-Le système de caisse d'émission ou « currency board »:

Pour les tenants du <<currency board>>, l'avantage du système est de mettre la monnaie hors du contrôle de l'Etat54. D'après << l'instigateur >> du <<currency board>> Steve Hanke, il s'agit << d'une institution qui émet des billets de banque et des pièces de monnaie convertibles à taux

51 1 Euro = 6,55957 FF = 655,957 Franc CFA.

52 Rapport d'information numéro 2907 produit par l'assemblée Nationale de France le 09 juillet 1992.

53 Interview de M. Charles Konan BANNY par l'Agence France Presse 06/10/2000 : http://www.bceao.int/internet/bcweb.nsf/pages/cpr046 .(juin2006)

54 <<currency board>> : théorie, Olivier BERTRAND / Nicolas BOUZO, article publié dans la revue Labyrinthe d'automne 1999, No.4.

fixe et à vue dans une monnaie de réserve étrangère >>. La monnaie est uniquement créée en contrepartie des réserves figurant à l'actif du <<currency board>>. Celui-ci n'accepte pas de dépôts. Ses réserves sont constituées d'obligations de haute qualité et à rendement élevé, libellées dans la monnaie de réserve. Ses profits proviennent de la différence entre l'intérêt gagné sur les obligations qu'elle détient, et le coût de circulation des billets et des pièces. Le <<currency board>> n'a pas de pouvoir monétaire discrétionnaire. Seules les forces du marché déterminent l'évolution de l'offre de monnaie. Il s'agit d'une véritable dénationalisation de la monnaie. En effet, la seule politique monétaire consiste à échanger à taux fixe ses billets et pièces contre la monnaie de réserve.

Le <<currency board>> s'articule autour de trois principes55:

- La fixité du taux de change de la monnaie nationale avec la monnaie d'ancrage choisi ; - La convertibilité intégrale de la monnaie émise par l'institut d'émission ;

- La garantie de cette convertibilité intégrale par une couverture au moins égale à 100% de la base monétaire par les réserves officielles de change du <<currency board>>.

La BC soumise aux règles du <<currency board>> n'est plus en mesure de mener une politique monétaire et n'est plus en me sure d'as surer les fonctions de prêteur en dernier ressort.

Une analyse des principes ci-dessus semble révéler un élément de différence entre ce système et les principes régissant le fonctionnement des banques centrales de la zone Franc. Il s'agit du troisième principe qui impose une couverture au moins égale à 100% de la base monétaire par les réserves officielles de change. En effet, comme le fait remarquer S. HANKE, << pour l'émission des francs CFA il n'y a jamais eu de règle imposant aux banques d'émission de la Zone Franc une contrainte de réserve à 100 % en francs français.>>56.

Cet avis qui semble assez pertinent donne à réfléchir, lorsqu'on prend la peine d'analyser plus en profondeur, le fonctionnement des mécanismes régissant la zone Franc.

En effet, le seul point de différence entre un <<currency board>> pur et le système monétaire dont dépend la zone Franc serait l'obligation d'une couverture au moins égale à 100% de la base monétaire par les réserves officielles de change. Or comme nous l'avons relevé précédemment, dans les faits, les accords liant les Etats membres de la BCEAO et de la BEAC à la France leur imposent de déposer 65% de leurs avoirs extérieurs sur les comptes d'opérations ouverts auprès du Trésor français et 35% sous la forme de dépôts en compte auprès de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) ou d'instituts d'émission étrangers

55 Jérome BLANC / Jean François PONSOT, << Crédibilité et Currency Board : le cas Lituanien >>, Revue d'Economie Financière N°75, Pages 113 à 127.

56Steve HANKE, << La crise asiatique et le système monétaire international >>:
http://www.euro92.com/new/article.php3?id_article=641 (Février 2006).

ou encore sous la forme de bons non négociables. Ce qui équivaut bien à 100% des réserves de change.

A ce stade de notre analyse, reprenons donc les principaux éléments caractérisant le <<currency board>> afin de les confronter à la réalité du fonctionnement des deux BC objet de notre étude :

PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DU
«CURRENCY BOARD»

CONCORDANCE AVEC LA BCEAO ET LA BEAC

Fixité du taux de change de la monnaie nationale avec la monnaie d'ancrage choisi

Oui, (article 2 de la convention entre la France et l'UMOA et article 9 de la convention entre la France et les États membres de la BEAC)

Convertibilité intégrale de la monnaie émise par l'institut d'émission

Oui (article 1er de l'accord de coopération entre la France et l'UMOA et article 2 de la convention de coopération

monétaire entre la France et les États membres de la
BEAC)

Garantie de cette convertibilité intégrale par une couverture au moins égale à 100% de la base monétaire par les réserves officielles de change

Non officiellement, mais oui dans les faits compte tenu : - de la centralisation de 65% des réserves de change prévue par l'article 2 de la convention de coopération monétaire entre les États membres de la BEAC et la République Française et article 3 de l'accord de

coopération entre la République Française et les
Républiques membres de l'UMOA

- de la détention des 35 % restant de leurs avoirs extérieurs sous la forme de dépôts en compte auprès de la BRI ou d'instituts d'émission étranger... conformément à l'article 11 des statuts de la BEAC et à l'article 2 de la convention de compte d'opérations de la BCEAO

Monnaie mise hors du contrôle de l'Etat

Oui, ainsi que l'a démonté la dévaluation de 1994
imposée aux Etats de l'UEMOA et de la CEMAC

Absence de pouvoir monétaire discrétionnaire

Oui, ainsi que l'a démonté la dévaluation de 1994
imposée aux Etats de l'UEMOA et de la CEMAC

Incapacité de la BC de mener une politique monétaire

Elles ne le peuvent qu'avec l'accord de la France qui est présente au conseil d'administration des deux BC

 

A l'analyse, ces six points semblent parfaitement caractériser le système monétaire dont dépendent la BCEAO et la BEAC qui pour nous dépendent en fait d'un système de <<currency board>>, même si rien, ni dans les textes officiels ni dans les déclarations des autorités des deux zones monétaires ne l'affirme. Qui plus est, la principale et la plus récurrente critique

faite aux responsables politiques des pays membres de ces deux BC est l'absence de souveraineté monétaire et d'indépendance vis-à-vis de la France. Chose qui serait normale, si on considère être dans un système de <<currency board>>.

La controverse est nourrie par l'attitude des dirigeants africains qui se défendent d'une telle dépendance vis-à-vis de la France et clament leur totale autonomie. Ils avancent comme preuve de cette indépendance entre autres, la politique << d'Africanisation >> des cadres des deux BC menée depuis les années soixante-dix et l'organisation institutionnelle de l'UEMOA et de la CEMAC. En effet, conformément aux textes régissant le fonctionnement des deux unions monétaires et comme nous l'avons mentionné dans le premier chapitre de cette étude, il est du ressort du conseil des ministres de définir la politique monétaire et de crédit de l'Union.

Si ce dernier argument milite en faveur de la thèse de l'indépendance des deux BC, il est cependant intéressant de relever le contrôle que continue d'exercer la France sur les politiques monétaires de la BCEAO et de la BEAC grâce à sa présence au sein de leurs instances dirigeantes.

Nous en voulons pour preuve, la possibilité qu'a la France de mettre un veto lors de la prise de certaines décisions capitales par l'entremise des règles de majorité grâce à sa présence aux conseils d'administration des deux banques57. Ainsi par exemple, tant que le rapport entre le montant moyen des avoirs extérieurs de la BCEAO et le montant moyen des engagements à vue demeure égal ou inférieur à 20%58, les décisions supplémentaires du conseil d'administration en matière d'escompte ou de réescompte d'effets publics à dix ans au plus doivent être arrêtées à l'unanimité59. De même au niveau de la BEAC, le Gouverneur de la Banque est nommé par la Conférence des Chefs d'Etat de la CEMAC, sur proposition du Conseil d'Administration statuant à l'unanimité.60

Indépendantes ou pas, la meilleure façon de s'en convaincre est de confronter la BCEAO et la BEAC aux critères d'indépendance d'une BC.

57 Article 29 des statuts de la BEAC et 49 des statuts de la BCEAO

58 Article 51 Alinéa 4 des statuts de la BCEAO

59 Article 52 Alinéas 3 et 8 des statuts de la BCEAO

60 Article 40 Alinéa 1 des statuts de la BEAC

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand