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Régime juridique des Banques Centrales d'Afrique: Cas spécifiques de la Banque Centrale des Etats

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par Bakary Junior Bamba
Université de Lausanne en Suisse - DEA (LL.M.) en droit europeen et en droit international économique 2006
  

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B. LES COMPTES D'OPERATION

La mise en oeuvre des principes définis précédemment est rendue possible par l'application d'un mécanisme particulier, les comptes d'opérations37, dont les modalités de fonctionnement ont été formalisées par des conventions conclues entre le ministre français de l'Économie et des Finances et le représentant de chacun des instituts d'émission de la Zone Franc38.

B.1-Leur fonctionnement :

Les comptes d'opérations sont des comptes à vue ouverts auprès du Trésor français au nom de chacun des deux instituts d'émission : la BCEAO, la BEAC. Ces comptes sont rémunérés et offrent la possibilité d'un découvert illimité. En pratique, les comptes sont débités de toutes les sorties de devises vers le reste du monde (principalement pour les importations et les transferts de capitaux à l'étranger), ils sont crédités de toutes les rentrées de devises (surtout les exportations, le tourisme, les capitaux versés aux pays africains titulaires des comptes)39. Le compte est uniquement établi en Euro40, de ce fait toutes les devises doivent être converties au préalable dans cette monnaie (suivant la cotation du jour sur le marché des changes de Paris). Il en est de même des devises dont le pays a besoin pour ses paiements en dehors de la zone.

B.2-Le dispositif de sauvegarde :

Si les banques centrales peuvent recourir sans limitation aux avances du Trésor français, cette faculté doit, dans l'esprit des accords, revêtir un caractère exceptionnel.

Pour éviter que les comptes d'opérations ne deviennent durablement débiteurs, des mesures dont certaines de nature préventive, ont été prévues :

- Ainsi, lorsque le rapport entre les avoirs extérieurs nets et les engagements à vue de chacune des banques centrales est demeuré au cours de trois mois consécutifs inférieur à 20 %, le conseil d'administration de la banque centrale concernée se réunit en vue d'adopter les

37 Pierre JAILLET et Emmanuel CARRERE, << La zone Franc, une zone monétaire robuste, en voie d'intégration économique >>, Revue d'Economie Financière N°75, page 185. 38 http://www.finances.gouv.sn/convcope.html pour le compte d'opération entre la République Française et la BCEAO et http://www.beac.int/index.html pour le compte d'opération entre la République Française et la BEAC

39 Sergio BORTOLANI, << Rôle de la Banque Centrale en Afrique >> page 257.

40 A l'origine en Franc français, puis en Euro depuis le 1 er janvier 1999.

mesures appropriées (relèvement des taux directeurs, réduction des montants de refinancement, etc.) ;

- La convention de compte d'opération signé le 04 Décembre 1973 entre l'Etat Français et l'UMOA précise41 que lorsque les disponibilités en compte d'opérations présentent une évolution qui laissera prévoir leur insuffisance pour faire face aux règlements à exécuter par son débit, la BCEAO aura différentes options. Elle pourra alimenter le compte d'opérations par prélèvement sur les disponibilités qu'elle aura pu se constituer en devises étrangères autres que le franc (l'Euro à présent). Elle pourra également, demander la cession à son profit, contre francs CFA, des devises détenues par les organismes publics ou privés des pays membres42. Enfin, elle aura la faculté d'inviter les États-membres à exercer leurs droits de tirage sur le Fonds monétaire international;

- Les statuts de la BEAC43 prévoient que lorsque le compte d'opérations est débiteur durant trois mois consécutifs, les montants de refinancement maximum sont réduits de 20 % dans les pays dont la situation fait apparaître une position débitrice en compte d'opérations et de 10 % dans les pays dont la situation fait apparaître une position créditrice d'un montant inférieur à 15 % de la circulation fiduciaire rapportée à cette même situation ;

- Enfin, les statuts des banques centrales précisent que leurs concours aux Trésors nationaux ne peuvent excéder 20 % des recettes fiscales (BCEAO)44 ou budgétaires ordinaires (BEAC)45 encaissées lors du dernier exercice budgétaire.

B.3-Les critiques apportées au mécanisme de compte d'opération :

Un grand nombre d'auteurs, économistes et juristes africains trouvent de grands inconvénients au mécanisme de compte d'opération. Ainsi, K. YASSANE considère46 que << le système du compte d'opération a pour principal inconvénient d'entraîner une limitation très sensible de la souveraineté des Etats africains en matière monétaire, voir même dans le domaine de la politique économique générale >>. Il justifie cette critique par le fait que la France participe à la gestion et au contrôle des deux banques centrales, en contrepartie de la garantie monétaire offerte aux états Africains.

41 Article 5 de la convention de compte d'opération du 04 Décembre 1973.

42 Pratique dite du <<ratissage >>.

43 Article 11 des statuts de las BEAC.

44 Article 16 des statuts de las BCEAO.

45 Article 18 des statuts de las BEAC.

46 Kerfalla YASSANE, << Contrôle de l'activité bancaire dans les pays de la zone Franc >>, page 43.

Pour N. AGBOHOU47, << les dirigeants africains stockent ou immobilisent dans les caisses du trésor français les immenses capitaux financiers indispensables au développement socioéconomique de l'Afrique>>. Ainsi, leur collaboration qu'il considère négative avec l'ancienne puissance colonisatrice en ferait << de simple rentiers financiers >>. Pour cet économiste ce mécanisme est l'expression même du défaut d'indépendance des deux banques centrales.

Au-delà de ces critiques, le point qui pour nous est important à éclaircir, est celui relatif à la capacité des BC d'assumer, dans cet environnement, leurs principales fonctions (l'émission monétaire, la conduite de la politique monétaire et la gestion des réserves de change). En fait, un examen approfondi du fonctionnement de ces Banques Centrales permet d'observer que si la première fonction (institut d'émission) semble pleinement assumée, les deux dernières fonctions relatives respectivement à la conduite de la politique monétaire et à la gestion des réserves de change, semblent leur avoir complètement échappé.

Ainsi, la non observation scrupuleuse des réglementations en vigueur, l'absence d'un contrôle rigoureux des banques primaires par les Banques centrales et les politiques de crédit laxistes ont engendré une distribution anarchique et inappropriée du crédit intérieur dans 1 'ensemble des pays membres des BC. Il s'ensuivit évidemment une cascade de faillites de banques dans l'ensemble de la Zone Franc, devant finalement conduire à la brutale dévaluation du Franc CFA en 1994 décidée unilatéralement par la France, la Banque mondiale et le FMI et imposée aux Etats membres de la BCEAO et de la BEAC. Preuve si besoin est du fait que ces deux BC ne sont pas réellement maîtres de leurs politiques monétaires.

Par ailleurs, concernant la gestion des réserves de change (troisième fonction majeure), la position des Banques Centrales de la Zone Franc (côté africain) qui les subordonne au Trésor Public français et à la BCE, leur ôte toute autonomie et capacité dans le management de leurs avoirs extérieurs.

Il ne saurait, du reste, en être autrement au regard du contenu des arrangements monétaires liant les pays africains de la Zone Franc et la France. En effet, ces Banques Centrales africaines sont tenues comme mentionné plus haut, de déposer 65% de leurs avoirs extérieurs sur les comptes d'opérations ouverts auprès du Trésor français. Cette disposition apparemment favorable aux pays africains par rapport à la situation antérieure (avant la réforme de 1972 pour la B.E.A.C et 1973 pour la B.C.E.A.O, ils devaient déposer 100% de leurs avoirs extérieurs) et qui leur permet désormais de détenir un maximum de 35 % de leurs avoirs extérieurs en devises convertibles autres que l 'Euro, demeure à l'analyse peu significative quant au fond.

En effet, d'une part, les accords spécifient que ces avoirs ne peuvent être détenus que sous la

47 Nicolas AGBOHOU, << Le Franc CFA et l'Euro contre l'Afrique >> page 69.

forme de dépôts en compte auprès de la Banque des Règlements Internationaux (BRI) ou d'instituts d'émission étrangers ou encore sous la forme de bons non négociables, à deux ans ou plus d'échéance, émis par certaines institutions financières internationales « dont la vocation dépasse le cadre géographique de la zone d'émission et auxquelles participent les Etats membres de la Banque »48.

D'autre part, les 65% restants des avoirs extérieurs qui doivent obligatoirement être déposés sur le compte d'opérations auprès du Trésor français, continuent de l'être (antérieurement en franc français mais en Euro depuis l'institution de cette monnaie). Au final, si on fait le compte, cela revient à dire que pratiquement 100% des avoirs extérieurs des deux BC échappent à leur contrôle. Ce qui, fondamentalement, pose le problème de la souveraineté monétaire des BC africaines.

Cependant, il serait opportun de se demander si cet état de fait n'est pas la conséquence logique du choix de système monétaire. En d'autres termes, le système monétaire dont dépendent la BCEAO et la BEAC ne conduit-il pas à une absence de souveraineté monétaire ?

48 Disposition de l'article 1 1des statuts de la BEAC et de l'article 2 de la convention de compte d'opérations de la BCEAO

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille