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FAI: vers un devenir médium


par Gregory de Prittwitz
CELSA - la Sorbonne
Traductions: Original: fr Source:

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3. Création de chaîne ; paroxysme du devenir medium

Numéricâble lance en octobre 2007 sa chaîne Ma Chaîne Sport, qui propose une véritable programmation de chaîne, avec des temps forts dans la journée. Du contenu, pas premium mais exclusif sert la création de la chaîne. Orange avait devancé son concurrent du câble avec OrangeSport TV. "Nous avons créé Orange Sports TV car nous n'avons jamais pu diffuser l'Equipe TV, dont CanalSat a l'exclusivité [...] et Canal nous a retiré la diffusion de la chaîne Infosport, qui était filiale de TPS "120(*) explique Hervé Payan, directeur des partenariats et services chez Orange. Un exemple supplémentaire de la capacité des FAI à s'affranchir des diktats des éditeurs historiques qui font valoir l'exclusivité obtenue sur certaines chaînes. Orange prévoit par ailleurs une mise en service de ses chaînes Cinéma et Séries pour fin 2008. Au nombre de six, elles seront diffusées sur téléviseur, Internet et mobile dans une logique de convergence sur laquelle nous reviendrons en aval. Il convient de s'attarder sur le principe de créer une chaîne. La particularité de cette démarche réside dans la capacité du FAI à répondre aux données du marché, à anticiper avec promptitude les évolutions des usages et à considérer le marché comme une course vers l'innovation, vers la création. L'agrégation de ces aptitudes correspond à la description que fait Bodinat de la stratégie de valeur.

Créer une chaîne pour une entreprise dont le métier de base est de mettre en place des outils de diffusion d'information n'est pas anodin. La rapidité à laquelle une entité comme Orange sait se métamorphoser en véritable éditeur de chaîne est époustouflante, quand on sait la difficulté que représente le lancement d'une chaîne, à en croire les résultats d'exploitation de nombreuses chaînes thématiques. L'approche contextuelle nous offre la possibilité d'imaginer la verticalité progressive de la stratégie du groupe Orange, qui de l'utilisation de tuyaux est passé à l'agrégation de contenus délinéarisés, puis à l'achat de catalogues et de contenus pour déboucher vers le lancement de plusieurs chaînes, qui, logique de domination oblige, ne seront disponibles que sur l'offre Orange TV. Pour Xavier Couture, patron de la division `Contenus' de France Télécom, «chaque chaîne est un service premium éditorialisé»121(*), affirmant que «la technologie lance un défi à la création» par l'enrichissement de l'offre qu'elle permet.

À travers le lancement de plusieurs chaînes linéaires, Orange colle aux dispositifs médiatiques inhérents aux chaînes de télévision historiques. On peut s'interroger dans ce cas sur la stratégie d'adhérence de l'opérateur. Celle-ci s'apparentait-elle au final à un vecteur d'acception plus qu'à une finalité ? Il semblerait que oui, puisque même si les stratégies d'adhérences conformes à la longue traîne sont profitables, cette tendance illustre une recentralisation de l'opérateur vers le linéaire. Bien que la délinéarisation des contenus de ces chaînes sur plusieurs supports doive être mis en parallèle avec une forme d'adhérence aux usages dans la maîtrise du contexte spatio-temporel par l'utilisateur, il demeure une volonté de s'adresser à la masse.

Il n'empêche que dans le monde des médias, le lancement de chaînes par un groupe télécom est une véritable révolution. Elle illustre la puissance de frappe des détenteurs de réseaux et de leur propension à investir le marché du contenu. Cet investissement massif est le paroxysme de la tendance au « devenir medium » d'au moins un FAI sur le support le plus populaire, la télévision. Cela remet en question les rapports fondamentaux entre éditeurs et fournisseurs d'accès, mais aussi la capacité d'accès aux contenus. Bien que l'on puisse considérer qu'il s'agit là de l'extinction progressive des monopoles sur l'édition de contenus, il subsiste un écueil majeur, systémique.

Le fait qu'un fournisseur de flux soit aussi éditeur de contenus pose quelques questions. Pour attirer toujours plus de clients, les nouveaux éditeurs réservent leurs offres à leurs abonnés. Légitime est la question de la démocratisation des accès aux contenus. On peut estimer qu'il est paradoxal de s'ériger en éditeur de contenus et de refuser leur accès à une majorité de la population. Nous nous attarderons sur ce point lorsque nous évoquerons la pérennisation des FAI sur le marché des contenus. Il n'empêche qu'à travers cette démarche, l'ère des éditeurs inamovibles semble prendre fin, matérialisée par un marché stagnant autant qu'une incapacité à prendre en compte l'évolution des usages.

La somme de toutes les activités constitutive de l'identité d'Orange se solde par une extension de son territoire médiatique, à laquelle il faut associer une intégration progressive à chaque niveau de la chaîne de production de contenu jusqu'à la diffusion sur une chaîne, en propre, à travers un canal de diffusion, en propre. Car, selon Didier Lombard, PDG d'Orange, « les contenus sont l'oxygène de s(m)es réseaux ».122(*)

* 120 DUMOUT Estelle - 20/09/07 - ZDNet

* 121 GONZALES Paule -08/10/2008- Le Figaro

* 122 Interview réalisé par Les Echos - 16/10/08

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