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FAI: vers un devenir médium


par Gregory de Prittwitz
CELSA - la Sorbonne
Traductions: Original: fr Source:

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4. Des logiques de groupe vers une convergence des supports

L'ancrage médiatique se fait donc toujours plus fort au sein des stratégies du groupe Orange. La concurrence, aussi récente soit-elle s'inquiète de voir un acteur aussi puissant s'inscrire profondément, et semble-t-il durablement dans l'éditorialisation de contenus. Le premier concurrent est le groupe CanalPlus, puisqu'il est autant éditeur qu'agrégateur que propriétaire de chaînes. La concurrence est moins forte avec un éditeur comme TF1, qui a réduit ses activités à l'éditorialisation de chaînes, capitalisant sur la valeur de ses espaces publicitaires et de la distribution de programmes. Les relations entre Canal et Orange se sont distendus dès lors que Canal a fait montre de sa volonté de garder « le monopole sur la télévision payante. Orange a créé sa propre chaîne de sport après son refus de lui céder Infosport » selon Xavier Couture.

L'exemple qui met le mieux en perspective la guerre frontale qu'Orange veut mener à l'égard de CanalPlus sur le contenu est celui des droits d'acquisition des programmes de football de la Ligue 1. L'offre Ligue 1, si elle est capable de soulever de telles enchères est qu'elle est centrale pour la vitalité d'un groupe média comme Canal. La bipolarité du marché des opérateurs satellite s'est muée en monopole lorsque TPS a perdu les enchères menées sur l'acquisition de ces droits, puisque ce type de contenu premium à la substitualité très faible est un élément majeur de souscription mais aussi de résiliation pour l'opérateur qui n'en dispose pas. En 2006, Orange investit 8 millions d'euros par an pour les droits sur le support mobile. En 2008, ce sont 200 millions d'euros par an. Illustration claire de la stratégie d'Orange sur le premium, elle démontre aussi sa capacité financière pour acquérir la diffusion de 34 matchs sur leur nouvelle chaîne en propre, OrangeFoot.

Il est légitime de s'interroger quant à la capacité de Canal à prolonger sa mainmise sur les droits premium de l'offre Ligue 1 en 2012. Si Orange venait à les acquérir, et cela est envisageable, comment CanalPlus pourrait-il survivre ? La réponse se trouve sûrement dans le fait que CanalPlus n'est pas un acteur indépendant. En effet, la guerre frontale menée par Orange à l'encontre de CanalPlus prend une dimension supérieure, puisque le rachat de NeufCegetel par SFR contribue à donner au groupe Vivendi les mêmes capacités de convergence : fixe, mobile, télévision.

Les convergences sont ainsi au coeur de la concurrence qui prend forme entre le groupe Vivendi et Orange. Cependant, Vivendi reste un groupe capitalistique, ses arbitrages se font rares, et les coopérations qui paraitraient cohérentes entre propriétaire des réseaux et éditeurs de contenus sont à la merci des échanges entre CanalPlus et SFR. Il est tentant d'imaginer aujourd'hui la teneur du combat que se mènent Orange et Vivendi à travers ses filiales CanalPlus et SFR. Bien que la direction de SFR estime que la société n'a pas vocation à être éditeur de contenus et à coller par extension à la stratégie, il demeure que CanalPlus et SFR sont aujourd'hui concurrents dans l'édition de contenus, sur le mobile et sur le fixe à travers la VOD, ou encore le maintien d'exclusivités au seul Canalsatellite. On peut s'interroger sur la stratégie de Vivendi. Devant l'hyperpuissance du groupe Orange, comment SFR, dans le fixe et mobile et Canal, dans le contenu linéaire et non linéaire, seront-ils respectivement aptes à affronter un adversaire plus puissant financièrement, mais aussi capable d'interconnexions entre les supports, poussant au bout les logiques de convergences ? Puisque SFR refuse de prendre le pas d'Orange en matière d'investissement dans le contenu, quelle sera à terme l'alternative aux offres TV d'Orange ? Probablement CanalPlus. Même si l'offre de CanalPlus est aujourd'hui plus qualitative que celle d'Orange, le pouvoir financier de l'éditeur historique représente à peine un dixième des capacités d'Orange. Ce à quoi il faut ajouter une capacité à amortir les investissements sur différents supports ainsi que la détention des réseaux. Il ne faut pas omettre qu'Orange est capable de faire supporter ses coûts d'investissements pour les contenus à travers les gains que génèrent le fixe ou le mobile. Sans une intervention de l'Etat qui scinderait les activités d'Orange pour une concurrence par secteur plus juste, il est difficile d'estimer les chances respectives de SFR et Canal dans la course aux contenus face à Orange.

À ce jour, Orange ne parvient pas encore à égaler les offres de Canal, même s'il faut faire preuve de prudence avec le lancement des cinq nouvelles chaînes de fiction. Canal dispose tout de même de 400 exclusivités par an, d'un accord-cadre avec cinq grands studios américains, d'un circuit de production et de distribution rodé, d'un studio de création plébiscité, d'une image de marque forte et appréciée, d'une très large base d'abonnés, et des contenus premium les plus forts, notamment avec le football ou les séries les plus demandées.

À la lecture de cette liste, il paraît peu probable de voir Orange détrôner l'éditeur historique. D'autant plus lorsque l'on compare les taux de couverture d'Orange et de CanalPlus. Ce dernier est disponible partout en France, par câble, satellite, ADSL, et distribué par l'ensemble des fournisseurs d'accès. L'opérateur téléphonique historique n'est aujourd'hui capable de fournir sa télévision qu'à la moitié de ses abonnés. Le taux de couverture national est donc sans commune mesure entre les deux éditeurs. Cependant, comme indiqué en amont, Orange a annoncé que les zones blanches, qui qualifient les endroits qui ne sont pas couverts par l'ADSL en triple play seront comblées par une diffusion satellite. Cette solution résout donc les problèmes de couverture d'Orange.

Quelles que soient les volontés de chacun des acteurs dans le contenu et sa distribution, un élément est constitutif de l'ensemble des stratégies globales : la convergence. Elle est effectivement très présente dans l'approche de ces groupes, pour qui le Quadruple Play123(*) est déterminant dans les gains de parts de marché. Une fois de plus, Orange fait preuve d'une capacité d'adhérence aux attentes des utilisateurs tout en menant à bien leur entreprise de convergence. En effet, le lancement de chaînes linéaires est accompagnée d'une logique de prolongement du contenu, tant dans le temps que sur les supports. Les films proposés seront accessibles à la demande pendant trente jours après leur première diffusion en direct. Les contenus proposés sur le linéaire seront disponibles à la demande pendant trente jours, ce qui illustre la prise en compte des évolutions des usages, dans la volonté de l'actant médiatique d'être décideur de la temporalité de la réception du flux.

Selon Xavier Couture, « il s'agit d'offrir aux abonnés plus que de la télévision»124(*). L'offre de prolongement des cinq chaînes sur les mobiles Orange, pour un abonnement de 6 euros par mois, relève d'une capacité de l'opérateur à extirper le contenu de son support initial. On peut parler de la fin du dogme du linéaire et d'une prise en compte des différents supports dans l'élaboration d'une offre de contenus.

Cette capacité de réactivité et d'adaptation met en relief la propension des opérateurs à être force de proposition et à s'adapter aux besoins des utilisateurs. La dichotomie avec les éditeurs historiques est prégnante et marque plus encore combien la détention des outils de transport des flux est aujourd'hui déterminante. Les logiques de convergences entre les supports sont au coeur des mutations médiatiques auxquels prennent part des groupes aux stratégies diverses. Après avoir mis en relief les stratégies des acteurs, tant en termes d'éditorialisation qu'en termes de logiques économiques, nous verrons par la suite comment cette implantation peut être pérenne. Nous nous interrogerons sur les perspectives qui s'offrent à ce marché et aux différents acteurs.

* 123 Quadruple Play : voix Fixe, voix mobile, télévision, Internet

* 124 GONZALES Paule -08/10/2008- Le Figaro

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