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Microfinance et Petites et Moyennes Entreprises (PME) en Haïti dans le courant des années 2000 à 2006 : Cas de Sogesol et ACME

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par Donija AUGUSTIN
Université d'Etat d'Haiti, Institut National d'Administration, de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI) - Licence en Administration, option Gestion des Affaires 2008
  

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Chapitre III

La situation socio-économique d'Haïti (2000 à 2006)

3-1- Situation Economique

3-1-1- Situation macroéconomique globale

3-1-2- Déterminants du marasme économique 2000 à 2006

3-1-3- Anatomie des différents secteurs de l'économie

a) Le secteur Primaire

b) Le secteur Secondaire

c) Le secteur Tertiaire

3-1-4- Niveau de développement humain

3-1-5- Problématique de la distribution de crédit formel dans l'économie

3-2- Situation sociale

3-2-1- Inégalités et pauvreté

3-1- Situation Economique

Le fonctionnement des Petites et Moyennes Entreprises en Haïti n'est pas différent de celui de l'économie dans son ensemble. Pour saisir les mécanismes de fonctionnement des PME sur la période, il s'avère nécessaire de faire une description, plus ou mois, succincte de l'économie haïtienne de 2000 à 2006. En outre, l'économie haïtienne connaît un phénomène de pauvreté séculaire durement lié aux conditions d'accès à l'indépendance du pays et combiné à des facteurs d'ordre sociologique et politique. Depuis la proclamation de la souveraineté nationale, l'on cherche les moyens à assurer un niveau de vie adéquat à la population. Jusqu'à présent, les haïtiens succombent sous le poids de la misère et du sous-développement. Les politiques économiques incohérentes, les chocs sur le marché international, les turpitudes politiques, l'explosion démographique, les cataclysmes sont autant de facteurs qui inhibent le développement économique de ce pays. Par voie de conséquence, Haïti occupe, en permanence, la position du plus pauvre de l'hémisphère occidental, avec le revenu per capita le plus bas de la région, et est classée parmi les pays les plus pauvres du monde. Elle est toujours parmi les lanternes rouges dans tous les classements du développement. Dans les paragraphes qui suivent, nous ferons une description plus détaillée de la situation économique et sociale d'Haïti, principalement sur la période allant de 2000 à 2006.

3-1-1- Situation macroéconomique globale

En 2006, l'économie a affiché un taux de croissance de 2,30%, dans le prolongement du taux de croissance positif de 1,8% enregistré en 2005, mettant ainsi fin au cycle de ses croissances négatives qu'elle a connues depuis 2001. Avec la transition de 2004, elle commence à se remettre des situations de troubles socio-politiques qui, dorénavant, constituent une constante de notre histoire. La période 2000 à 2006 n'est pas différente des autres années très pénibles que connait l'économie depuis 1986. Pour un taux de croissance démographique de plus de 2%, le taux de croissance moyen annuel du PIB de 0.085% sur la période n'arrive pas à répondre aux besoins nés de l'augmentation de la population. Le taux d'inflation est maintenu à deux chiffres en connaissant une montée vertigineuse en 2003 avec un taux de 42.46% pour se maintenir à 12.41% en 200642(*). L'Indice des Prix à la Consommation(IPC), qui mesure le prix d'un panier de biens, est sans cesse croissant passant de 156.52 en 2000 à 193,54 en 200243(*). Le taux de chômage est estimé à 30% pour l'ensemble du pays et est le plus important en milieu urbain. Le faible niveau d'investissement témoigne l'étroitesse du marché du travail. Sur l'ensemble des actifs occupés 12,7% sont des employés et 82,1% sont des travailleurs indépendants44(*), généralement assimilables aux activités de débrouillard pour assurer la survie à cour terme. Le PIB/capita est estimé en 2004 à US$ 41145(*), le plus bas de la région.

3-1-2- Les causes du marasme économique de 2000 à 2006

Depuis 1986 jusqu'à nos jours, l'économie nationale a subi des chocs dont elle n'arrive pas encore à s'en remettre. Les conséquences pèsent encore lourd sur le fonctionnement des activités économiques. Selon les économistes haïtiens, les causes de la misère de l'économie nationale sont liées à plusieurs facteurs. On retient d'abord les chocs exogènes venant de l'économie mondiale. Dans les années 80, l'économie mondiale a connu une récession dont les retombées sont très négatives sur l'économie haïtienne dont le modèle de croissance est orienté vers les exportations et le tourisme. La détérioration des termes de l'échange a porté un coup fatal aux principales denrées d'exportations et l'économie entame un cycle de récession. En 1991, Haïti a fait l'objet d'un embargo commercial qui a contribué à affaiblir davantage les structures de l'économie. Tous les secteurs étaient durement touchés par cette situation qui a fait monter d'un cran le chômage. Les ressorts de l'économie sont brisés et elle n'arrive jamais à reprendre son niveau de croissance antérieur. A cela s'ajoutent l'élimination du cheptel de porc et la campagne du gouvernement américain par l'association au peuple haïtien du virus du SIDA (Syndrome Immunodéficience Acquis). Par l'effet de cette dernière, le tourisme, qui faisait la force de l'économie dans l'année 70, a reculé complètement. Haïti a perdu, désormais, la position de super destination touristique des caraïbes. Le modèle de croissance économique, assise sur l'exportation et le tourisme, n'est plus de mise. La combinaison de ces facteurs a contribué à maintenir le pays dans la pauvreté que nous connaissons maintenant.

En suite, il y a le facteur d'instabilité politique. Les troubles politiques sont monnaies courantes dans la vie sociopolitique et économique des haïtiens depuis 1986. Suite à l'embargo de 1991, le retour à l'ordre constitutionnel, en 1994, constitue un facteur de reprise pour l'économie. En témoignent les taux de croissance positifs enregistrés soit 2.7% en 1997, 2.2% en 1998, 2.7% en 1999 qui, on doit le préciser, sont loin de pouvoir assurer un niveau de bien-être à la population. On a assisté, par contre, à un retournement de la réalité en 2000 suite au pourrissement de la situation sociopolitique résultant des élections contestées du 21 mai 2000. Les conséquences sont visibles sur l'économie. Le taux de croissance du PIB a chuté à 0,9% en 2000, puis, est négatif, soit -1.1% en 2001, -0,9 en 2002, 0,4 en 2003 et -3,446(*) en 2004. La dégradation de la situation de 2000 à 2004 a annihilé les efforts de redressement effectués à partir de 1995. Le PIB s'est fortement contracté et, entre 2001 et 2004, il ne représente que 42,93% de ce qu'il a été entre 1981 et 198547(*). Les investissements publics ont baissé considérablement. L'apport de la coopération externe, dans le financement des secteurs productifs et des infrastructures, représente 16,85% de ce qu'il a été entre 1956 et 1991. Les investissements étrangers ont tout simplement rebroussé chemin pour esquiver le climat de turpitude politique d'Haïti. De 1990 à 2002, l'investissement direct étranger représente moins de 1%48(*) de l'ensemble des capitaux investis dans les caraïbes. La fameuse << opération Bagdad49(*) >> et la vague d'incendie, de kidnapping et de meurtre qui s'en suivaient, ont contribué, en moins d'un an, à la fermeture de plusieurs entreprises accentuant ainsi la descente aux enfers de l'économie sur la période.

Les économistes notent aussi les effets des politiques d'ajustement structurel dont le contenu visait un ensemble d'objectifs fondamentaux qui sont, entre autres : la réalisation des grands équilibres macroéconomiques, la libéralisation des échanges c'est-à-dire la régulation par les marchés et la réduction des rôles de l'Etat dans l'économie, la priorité accordée à l'investissement international et à la privatisation, une économie tournée vers les exportations, la flexibilité et la pression sur les salaires ainsi que la réduction des systèmes de protection sociale, la réduction des dépenses budgétaires de l'Etat et la dévaluation de la monnaie. Ces politiques économiques, appliquées en Haïti en deux occasions, ont aussi contribué à basculer l'économie dans les gouffres parce qu'elles n'étaient pas accompagnées des mesures complémentaires. La libéralisation outrancière de l'économie qui est l'une des filles de ces politiques, suivant une stratégie de promotion des exportations, a produit des résultats inverses par rapport aux objectifs fixés. Paradoxalement, les exportations ont chuté et les importations augmentent sans cesse. La production locale, n'étant pas en mesure de faire face à la concurrence des produits importés qui, dorénavant, sont astreints à un niveau plus bas de taxation, s'amenuise considérablement. Les effets de ces politiques ne disparaissent pas encore. Le taux de couverture des importations par les exportations en Haïti est de 33% en 200650(*).

D'autres causes sont aussi évoquées pour expliquer le drame terrible de l'économie haïtienne comme la faiblesse des dépenses d'investissement dans le budget de l'Etat. Le budget de fonctionnement a toujours la part du lion. Cet état de fait est à la base de l'absence quasi-totale des infrastructures publiques comparativement aux voisins de la région. Ce qui rentre dans l'ordre des facteurs structurels qui expliquent le drame de l'économie. Le faible niveau de capital physique, en termes de moyens de transport, de télécommunications, d'électricité, de ports et d'aéroports, combiné au faible niveau de capital humain expliquent la faible productivité et la faible compétitivité de l'économie haïtienne51(*).

3-1-3- Anatomie des différents secteurs de l'économie

a) Le secteur primaire

Selon la classification des comptes nationaux de l'Institut Haïtien de Statistiques et d'Informatique (IHSI), le secteur primaire regroupe l'agriculture, la sylviculture, l'élevage, la pêche et les industries extractives. Depuis plusieurs années, le secteur primaire est en décroissance. Sa contribution dans le produit intérieur brut s'amenuise de plus en plus. Cela s'explique par la baisse continue de la production agricole. En raison des faiblesses structurelles qui la caractérisent et sous l'effet de la libéralisation de l'économie, l'agriculture est évincée et n'arrive pas à résister à la concurrence des produits importés. La part de l'agriculture dans le PIB est passée de plus de 50% en 1975/76 à moins de 30% en 200652(*). Paradoxalement, le secteur primaire, principalement l'agriculture, emploie la majorité de la population active. Le taux de croissance de la production agricole et sa part, dans le produit intérieur brut, est donné dans le tableau suivant :

Tableau 1 : Evolution de taux de croissance de l'agriculture et sa part en % dans le PIB de 2000 à 2006

Années

00

01

02

03

04

05

06

Taux de croissance

-3,62%

0.90%

-3,72%

0.24%

-4,81%

2.60%

1,71%

Part du PIB

26,2

26,7

25,8

25,7

25,4

25,6

25,4

Source : http://www.brh.net

b) Le secteur secondaire

Ce secteur, regroupant, entre autres, les industries manufacturières, électricité et eau, bâtiment et travaux publics, ne représente pas une grosse composante du PIB en raison de la faiblesse du niveau d'investissement en Haïti, que ce soit l'investissent direct étranger ou l'investissement local. Sur les dix dernières années, ce secteur n'a pas contribué amplement à la croissance du PIB. Sa part du PIB reste, en moyenne, autour de 15%. Ce secteur n'est pas non plus un grand pourvoyeur d'emplois dans l'économie. Sa contribution dans le PIB est synthétisée dans le tableau ci-dessus.

Tableau 2 : Part en % du secteur secondaire dans le PIB de 2000 à 2006

Années

00

01

02

03

04

05

06

% du PIB

15,3

15,03

15,6

15,7

15,9

16,0

15,09

Source : http://www.brh.net

c) Le secteur tertiaire

Regroupant selon les comptes nationaux, le commerce, restaurants et hôtels, transport et communications, autres services marchands ; le secteur tertiaire est celui qui supporte l'économie. La contribution au PIB est en constante croissance. L'entrée sur le marché des nouveaux opérateurs dans le secteur de la communication contribue à amplifier le dynamisme du secteur. A coté de cela, les activités du secteur informel favorisent beaucoup la croissance du secteur. Le fait divers à signaler est que, dans tous les pays où le secteur tertiaire est en évolution, il a un effet d'entrainement sur les autres secteurs. Ironie du sort, en Haïti, le secteur tertiaire évolue en déconnexion avec les autres secteurs. Cela peut s'expliquer par la prépondérance des activités de commerce des produits importés et l'utilisation de ces produits comme matières premières dans le secteur de la restauration. Les activités de commerce, restaurant et hôtel représentent plus de 50% des activités économiques dans le secteur. Sa contribution dans le PIB est donnée dans le tableau suivant.

Tableau 3 : Contribution du secteur tertiaire dans le PIB

Années

00

01

02

03

04

05

06

% du PIB

50,8

50,9

51,6

51,5

51,4

51,1

51,3

Source : http://www.brh.net

3-1-4- Niveau de développement humain

Le développement humain est un concept récent de la littérature des sciences économiques. Fruit des oeuvres de l'économiste indien Amartya Sen (prix Nobel d'économie de 1998), ce concept est instrumentalisé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), dans les années 90, pour déterminer le niveau des avancées générales des aspects fondamentaux du niveau de vie des humains à travers le monde. Il construit, à cet effet, un indicateur dénommé Indice de Développement Humain (IDH) qui est une mesure chiffrée du développement. Il prend en compte les critères de longévité et de santé mesurés par l'espérance de vie à la naissance ; le niveau d'éducation mesuré par l'alphabétisation des adultes et la scolarisation au niveau primaire, secondaire et supérieur ; et le niveau de vie décent mesuré par le niveau du revenu per capita en parité du pouvoir d'achat (PPA). Un rapport global est publié chaque année pour beaucoup de pays à travers le monde. Ainsi, dans les différents classements généraux, Haïti est-elle toujours classée parmi les pays où les gens vivent en dessous du niveau moyen de développement. Selon le recensement général de la population et de l'habitat de 2003, le degré d'alphabétisme de la population de 10 ans et plus est de 61,0% dans l'ensemble du pays. Sur l'ensemble de la population de 5 ans et plus 37,4% n'ont aucun niveau, 35,2% ont atteint le niveau primaire, 21,5% ont le niveau secondaire et 1,1% ont le niveau universitaire dont 1, 04% hommes et 0,7% femmes. Les indicateurs démographiques sont très alarmants. Le taux de natalité est de 28 naissances vivantes pour 1000 habitants dans l'ensemble du pays. L'indice synthétique de fécondité est de 4,0 enfants par femme. Le taux de mortalité infantile est 68.3. L'espérance de vie à la naissance est de 49,1 ans pour les hommes et 55,0 ans pour les femmes53(*). Le revenu per capita en 2004 est de $US 41154(*) en parité du pouvoir d'achat. Il y a un très grand écart de ces indicateurs de développement par rapport à l'ensemble des pays de la région. Voici un tableau présentant l'évolution de l'IDH en Haïti, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Tableau 4 : Classement de Haïti selon l'IDH de 2000 à 2006

Années

Rang

IDH

00

150

0,440

01

134

0,467

02

146

0,471

03

150

0,467

04

153

0,463

05

153

0,48

06

154

0,482

Source : Programme des Nations Unies pour le Développement, Rapport mondial sur le développement humain (pour les différentes années ci-dessus mentionnées)

On doit préciser que selon l'appréciation de la valeur de l'IDH, les pays, ayant un indice en dessous de 0.5, ont un très bas niveau de développement humain, le niveau du bien-être est très faible.

3-1-5- Problématique de la distribution du crédit formel dans l'économie

Le système financier haïtien est composé des institutions bancaires et non bancaires et d'autres structures informelles. Dans cette partie, nous analyserons la distribution du crédit au niveau du système bancaire formel. Dans le chapitre 5, nous parlerons en détail de la distribution du crédit dans les institutions de microfinance.

L'analyse des données relatives au fonctionnement du système bancaire haïtien permet de constater des tendances lourdes suivantes :

a) la priorité est accordée à un seul secteur dans l'encours de crédit,

b) Faible nombre d'emprunteurs relativement au nombre de déposants,

c) Une faible quantité d'emprunteurs bénéficient presque de la totalité de l'encours des prêts.

En 2005, selon la BRH, 10% des emprunteurs du système bancaire ont bénéficié approximativement de 80% du crédit total. Les crédits, dont bénéficie cette minorité, se situent dans la tranche de prêt supérieure à 5000 000 de gourdes. Paradoxalement, les déposants, incluant les pauvres, voient leurs comptes rémunérés à un taux négatif, compte tenu du taux d'inflation. Fritz Deshommes parle « d'une subvention implicite des riches emprunteurs par les petits épargnants55(*) ».

Gerald Germain et Dal Brodhead parlent d'un conservatisme, au niveau du système bancaire, qu'ils expliquent par le fait de la concentration des crédits au niveau de la même minorité de bénéficiaires, dans la même géographie et dans le même secteur d'activité56(*). Ils appuient leur point de vue sur la base d'une enquête réalisée sur le système bancaire qui avançait que 90% des prêts sont concentrés dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Selon cette même enquête, près de deux tiers des prêts, soit 62.8% sont octroyés à des activités de commerce. Et, pour huit banques commerciales, 81% des crédits, en moyenne, se font à court terme. En fait, pas de financement pour les petites et moyennes entreprises qui, selon les banquiers de la place, présentent des risques trop élevés.

Selon les données de la BRH, on a pu observer cette tendance pour les années 2000 à 2006, période sur laquelle s'étend notre étude. L'offre de crédit est quasi statique sur la période considérée. Le tableau ci-dessous illustre cet état de fait.

Tableau 5 : Tableau illustratif du nombre d'emprunteurs et de déposants dans le système bancaire de 2000 à 2006.

Années

Nbre d'emprunteurs

Nbre de déposants

Ratio Emprunteurs/Déposants

00

6381

n/a

n/a

01

6223

375 386

0,0165

02

6124

404 470

0,0151

03

5963

487 470

0,0122

04

6462

580 276

0,0111

05

7138

680 374

0,010

06

7218

795 751

0,009

Source : BRH, Rapport Annuel pour les années sus-indiquées.

Moins de 1%, en moyenne, de gens empruntent tout l'argent déposé dans le système bancaire. Cette exclusion financière concourt à l'essor prodigieux, en parallèle, des institutions de microfinance et d'autres formes de crédits informels qui, par nature, visent les couches pauvres en leur permettant de bénéficier des prêts de faibles montants pour ériger ou renforcer leurs petites affaires.

3-2- La situation sociale d'Haïti de 2000 à 2006

La situation sociale d'Haïti est aussi dramatique que la situation économique. En effet, le tissu social haïtien est déchiré par la pauvreté entretenue par de violentes inégalités. Très peu de gens ont accès à l'eau potable, aux soins de santé, à l'éducation et aux infrastructures comme électricité et les technologies de l'information et de la communication. En fait, Haïti est l'un des pays les plus inégalitaires de la planète. L'image du pays montre un pays à plusieurs vitesses ou plusieurs pays dans un seul, tellement les disparités sont énormes. Les unités de la population se diffèrent suivant les zones de résidence, les structures de consommations, le niveau d'éduction, la distribution du revenu. Cette réalité renforce les poches de la pauvreté qui gangrène la population. Les paragraphes qui suivent mettront l'accent sur les différents indicateurs de la pauvreté et des inégalités qui caractérisent la société haïtienne.

3-2-1- Pauvreté et inégalités

La littérature des sciences économiques catégorise deux niveaux de pauvreté : la pauvreté extrême ou pauvreté absolue dans laquelle les gens vivent avec moins de $US 1 par jour, en parité du pouvoir d'achat, et un autre seuil de pauvreté dans lequel les gens vivent avec moins de $US 2 par jour, en parité du pouvoir d'achat. En 2006, la population est estimée à 9.6 millions d'habitants dont 56% vivent en dessous du seuil de pauvreté absolue et 76% vivent avec moins de $US 2 par jour57(*). La pauvreté est plus accentuée en milieu rural avec un pourcentage de 63%. Selon le type de pauvreté retenu, soit la pauvreté humaine mesurée en termes de consommation des services sociaux de base ou la pauvreté monétaire mesurée en termes de niveau du revenu, la situation est alarmante. En Haïti, pour ce qui concerne la pauvreté humaine, près de 24% des accouchements sont assistés par un personnel médical, conséquemment les risques pour un enfant de mourir avant 5 ans est de 86 %o, seulement 41% des enfants entre 12 et 23 mois ont été complètement vaccinés et 11% n'ont reçu aucun vaccin. Les maladies comme la grippe, la pneumonie, la diarrhée, la malnutrition sont souvent les causes principales de la mort des enfants. Le paludisme, la typhoïde, la tuberculose et les autres infections sont très répandues et constituent des maux majeurs qui gangrènent la population58(*). Le taux de couverture des services d'eau potable est de 54% à Port-au-Prince et 46% dans les villes secondaires et le milieu rural59(*). Malgré la diminution qu'il a connue ces dernières années, le taux de prévalence du VIH/SIDA est encore très élevé en Haïti. Cette situation de pauvreté constitue un facteur de blocage sérieux à l'épanouissement physique et humain de la population. Elle crée des marginaux, des gens qui n'arrivent jamais à s'intégrer dans la société en jouant pleinement leur rôle économique, politique et social. La lutte pour la survie est leur principale préoccupation. En corollaire, leurs actions contribuent davantage à dégrader l'environnement face à un Etat faible, dépourvu de la capacité à promouvoir le bien être de la population et aussi à assurer ses fonctions régaliennes.

Les inégalités se présentent en Haïti sous quatre formes : les inégalités spatiales suivant la dichotomie « rural/urbain », les inégalités de genre, les inégalités pauvres et non pauvres, et les inégalités liées aux catégories socioprofessionnelles60(*). La manifestation concrète de ces inégalités est reflétée dans la distribution de la richesse nationale et la consommation des biens et services. Ainsi, selon le Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP), sur 10 personnes, environ 7,6 sont considérées pauvres, ne disposant pas de $US 2 par jour par personne. Les 40% des plus pauvres de la population n'ont accès qu'à 5,9% du revenu total ; ce qui traduit une forte concentration de la population dans les couches pauvres, tandis que 20% des plus nantis captent 68%. Donc, 80% de la population ne disposent que de 32% du revenu total contre seulement 2% des plus riches disposant de 26%61(*). Le coefficient de Gini, qui mesure le degré d'inégalité de la distribution du revenu dans une société, est de 0.65362(*). Dans les pays développés, la part du profit dans la valeur ajoutée se situe entre 33 et 37% ; tandis qu'en Haïti, elle est entre 56 à 66%63(*). Au niveau de la consommation des biens et services, les inégalités sont aussi très poussées. Il ressort des études réalisées sur Haïti que les dépenses alimentaires représentent la majeure partie du budget des ménages pauvres, soit 53,4%64(*), puis les dépenses d'éducation. Les dépenses de santé et de loisir y sont pour un faible pourcentage. Ce qui laisse voir qu'un taux élevé de croissance du PIB ne peut rien signifier en termes de réduction de la pauvreté, car la richesse créée par cet effet serait toujours captée par la petite minorité. D'où la nécessité d'une politique économique cohérente, suivant une vision claire et bien définie dont les retombées profiteraient à tous indistinctement. Sans nous opposer aux efforts d'augmenter le niveau d'investissement au niveau de grandes firmes, il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'une politique de promotion des petites et moyennes entreprises serait de nature à assurer une redistribution plus équitable de la richesse nationale.

* 42 BRH, Rapport annuel 2006

* 43 BRH, Rapport annuel 2002, p 146.

* 44 http:// www.ihsi.ht.

* 45 http:// www.lamicrofinace.org

* 46 BRH, Rapport annuel 2005, p 141

* 47Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, Politique Macroéconomique et Pauvreté en Haïti (1981-2003), Port-au-Prince, 2006, p19.

* 48 Ibid., p19.

* 49 Désignation, par leurs auteurs, des activités de violences urbaines effectuées après le départ pour l'exil de Jean Bertrand Aristide en 2004 et 2005.

* 50 Calcul effectué à partir de données de la BRH.

* 51 Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, Politique Macroéconomique et Pauvreté en Haïti (1981-2003), Port-au-Prince, 2006, p29.

* 52 Wilson Laleau, Vingt cinq ans de reformes économiques en Haïti : les défis pour l'avenir, Pour le dialogue national, Port-au-Prince, 2006, p 5.

* 53 Etat du monde, Annuaire économique et géopolitique mondiale, Paris, éd. la découverte et Syros, 2003, p 607.

* 54 http:// www.lamicrofinance.org

* 55 Fritz Deshommes, Politique économique en Haïti, Rétrospectives et perspectives, Port-au-Prince, Ed. Cahiers universitaires, 2005, p95.

* 56 Dal Brodhead et Gerald Germain, UNDP microfinance Assement, Microstart Feasibility Mission, Port-au-Prince, May 1997. (www.uncdf.org)

* 57 République d'Haïti, Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté DSNCRP (2008-2010), POUR REUSSIR LE SAUT QUALITATIF, 2007, P31-32

* 58 Ibid, p39.

* 59 Ibid.

* 60 Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, Inégalités et Pauvreté en Haïti, p13.

* 61 République d'Haïti, Document de Stratégie Nationale pour la croissance et la reduction de la pauvreté DSNCRP (2008-2010), 2007,p 31.

* 62 Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, Inégalités..., p15.

* 63 Wilson Laleau, vingt ans de réformes économiques en Haïti : les défis pour l'avenir, Pour le dialogue national, Port-au-Prince, 2006, p 17.

* 64 République d'Haïti, Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté DSNCRP (2008-2010), POUR REUSSIR LE SAUT QUALITATIF, 2007, p 32.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon