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de la libération de la créativité théorique au renouveau de la philosophie africaine dans sur la "philosophie africaine" de paulin hountondji

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par kouamé hyacinthe kouakou
Université de Bouaké (côte d'ivoire) - Maîtrise 2005
  

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B - RÉORIENTATION DU DISCOURS PHILOSOPHIQUE AFRICAIN

À ce stade de notre parcours, il apparaît intéressant de citer ces mots de Paulin HOUNTONDJI qui s'appréhendent comme une sorte de récapitulatif à ce qui précède, nous permettant aisément d'entrevoir l'idée qu'il entend se faire de la philosophie africaine, rejetant du coup la fausse vision de cette philosophie-là : «On commence en effet à comprendre que la philosophie africaine n'est pas cette hypothétique vision du monde collective spontanée, irréfléchie, implicite, avec laquelle on l'avait jusque-là confondue. On commence à admettre qu'elle n'est pas ce système de croyances tacites auquel adhéraient consciemment ou inconsciemment tous les Africains en général, ou plus spécialement les membres de telle ou telle ethnie, de telle ou telle société africaine. On reconnaît qu'en ce sens la «philosophie bantoue», la «philosophie dogon», la «philosophie diolla», la «philosophie yoruba», la «philosophie fon», la «philosophie wolof», la «philosophie sérère», etc. sont autant de mythes inventés par l'occident ; qu'il n'y a pas plus de «philosophie» africaine spontanée qu'il n'y a de «philosophies» occidentale ou française, allemande, belge, américaine, etc., spontanées, qui feraient silencieusement l'unanimité entre les Occidentaux, ou entre tous les Français, tous les Allemands, etc. ; que la philosophie africaine ne peut exister que sur le même mode que la philosophie européenne : à travers ce qu'on appelle une littérature.»92(*) HOUNTONDJI relègue à jamais l'ethnophilosophie aux oubliettes et avec elle ses problématiques fondamentales ; toutes choses qui constituent à ses yeux une entrave à la vraie philosophie africaine.

Soucieux d'intégrer la philosophie africaine dans ce vaste domaine de la philosophie en général, HOUNTONDJI estime tout simplement que la philosophie africaine doit exister sur le modèle de la philosophie européenne, aujourd'hui référence de premier plan en matière de philosophie. C'est pourquoi il estime que la philosophie africaine doit à jamais tourner le dos à cette unanimité primitive, à cette vision du monde collective, spontanée et irréfléchie qui la caractérisait jusque-là.

Nous l'avons souligné, l'implication logique d'une telle rupture d'avec l'ethnophilosophie et ses problématiques apparaît sans doute comme la prise de parole individuelle, la responsabilisation de l'Africain qui doit se poser comme philosophe. Mais HOUNTONDJI prévient : «Il ne suffit pas d'un art individualisé du discours pour qu'il y ait philosophie. La parole individuelle (au lieu du discours silencieux du groupe), la prise de parole (au lieu de l'acquiescement passif), est sans doute une condition nécessaire : elle ne saurait à elle seule constituer l'acte philosophique.»93(*) Précision de taille, qui nous permet de déceler l'orientation nouvelle que Paulin HOUNTONDJI entend donner à la philosophie africaine. Mais en quoi réside justement cette orientation-là?

1. LA PHILOSOPHIE AFRICAINE COMME LITTÉRATURE ÉCRITE PAR DES AFRICAINS

Le lecteur avisé qui ouvre le livre Sur la «philosophie africaine» de Paulin HOUNTONDJI ne manquera certainement pas d'être frappé par cette phrase, la première du premier chapitre : «J'appelle philosophie africaine un ensemble de textes : l'ensemble, précisément des textes écrits par des Africains et qualifiés par leurs auteurs eux-mêmes de «philosophiques».»94(*)

En somme, pour qu'il y ait philosophie africaine, il faut la présence de textes écrits par des auteurs typiquement africains. On ne peut s'empêcher d'entrevoir dans un premier temps le rôle fondamental que doit jouer ici l'écriture (différente de la littérature orale) et dans un second moment l'insistance sur la variable géographique, entendue ici comme le continent africain duquel sont issus les différents auteurs.

Si HOUNTONDJI insiste sur le rôle de l'écriture dans l'élaboration de la philosophie africaine, c'est sans doute dans le but de lever les équivoques au sein d'une Afrique où l'oralité a, à un certain moment de son évolution, pris une part active. On le sait, la civilisation africaine traditionnelle est fondamentalement une civilisation de l'oralité. Ce qui revient à dire que pendant longtemps, la littérature orale a constitué le socle même de la littérature négro-africaine. Cette forme de littérature a été pratiquée depuis des siècles et transmise fidèlement par des générations de griots dont les mémoires ont constitué les archives mêmes de la société. Ce qui nous permet de comprendre le rôle prépondérant joué par les griots, véritables maîtres de la parole dans nos sociétés traditionnelles.

Mais, une inquiétude demeure tout de même. Pourquoi HOUNTONDJI se borne-t-il à soutenir qu'il ne peut y avoir de philosophie que sous la forme de l'écriture, en dépit de la richesse avouée de la littérature orale au sein de la civilisation négro-africaine? Pourquoi la philosophie africaine doit-elle se développer comme forme de littérature précisément sous l'angle de l'écriture? De telles inquiétudes en appellent immanquablement une autre : que reproche-t-on à la littérature orale ; jadis trésor inestimable pour les peuples d'Afrique?

HOUNTONDJI semble avoir perçu les faiblesses caractéristiques de la littérature orale en même qu'il relève les atouts de l'écriture : «La tradition orale aurait plutôt tendance à favoriser la consolidation du savoir en un système dogmatique et intangible tandis que la transmission par la voie d'archive rendrait davantage possible, d'un individu à l'autre, d'une génération à l'autre, la critique du savoir. Ce qui prédomine dans la littérature orale, c'est la peur de l'oubli, la peur des défaillances de la mémoire, puisque celle-ci est abandonnée à elle-même, sans recours externe ni support matériel. L'homme est alors obligé de garder jalousement tous ses souvenirs, de les évoquer sans cesse, de les répéter continuellement, les accumulant et les entassant en un savoir global, tout entier présent à chaque instant, toujours prêt à être appliqué, perpétuellement disponible. L'esprit, dans ces conditions, est trop occupé à préserver le savoir pour se permettre de le critiquer. La tradition «écrite», au contraire, en recourant à un support matériel, libère la mémoire qui peut désormais se permettre d'oublier, d'exclure provisoirement, de mettre en cause, d'interroger, étant sûre, d'avance, de pouvoir retrouver au besoin, à tout instant, ses acquis antérieurs. Garante d'une mémoire toujours possible, l'archive rend superflue la mémoire actuelle et libère de ce fait les audaces de l'esprit.»95(*)

La littérature orale se voit taxée de dogmatique et par conséquent de cumulative. C'est dire que dans les traditions de l'oralité, on est soucieux de la préservation et de la conservation du savoir. On le tient jalousement au sein d'un système qui, par conséquent, se veut réfractaire à toute évolution. C'est la raison pour laquelle dans nos sociétés africaines traditionnelles, nous assistons à une segmentation de la vie et de la communauté suivant le rang et la fonction qu'on occupe au sein de cette communauté. Il y a à côté de la caste des dignitaires, celles des forgerons, des chasseurs, des griots ;...Aux griots, se trouve dévolue la garde du savoir. Ils sont les dépositaires de la tradition orale. Ici on ne devient pas griot par l'effet d'un accident de la nature mais on l'est, ou pour être plus précis, on naît griot, suivant son arbre généalogique.

Sans un quelconque support matériel ; seulement avec la complicité de la mémoire, le griot conserve jalousement le savoir hérité de son père, qu'il va à son tour léguer à ses descendants. On assiste dans la tradition orale à une transmission du savoir en vase clos, laquelle transmission obéit à un principe dogmatique et cumulatif. On se contente simplement d'amasser et d'entasser le savoir de façon absolue, sans une quelconque preuve matérielle. Sous cet angle, se trouvent exclues la libre critique, la discussion, conditions nécessaires à l'évolution même du savoir.

HOUNTONDJI estime, à cet effet, que «les sociétés dites sans écriture (...) sont condamnées à garder jalousement en mémoire leurs inventions et leurs découvertes, à les entasser, à les accumuler. Leur histoire est donc par excellence une histoire cumulative, si du moins ce mot a un sens. Par contre, l'histoire de l'Occident n'est pas immédiatement cumulative mais critique : elle ne progresse pas par simple cumul des connaissances, par simple addition des découvertes et des inventions , mais à travers des mises en questions périodiques du savoir établi, qui constituent autant de crises96(*)

À l'analyse, nous constatons que la caractéristique essentielle de la littérature orale est d'être `'non démocratique''. En d'autres termes le savoir n'est pas diffusé, comme nous l'avons souligné, dans toutes les composantes de la société. On appréhende, au contraire, ce savoir-là comme un privilège dont la nature aurait doté l'individu et, par conséquent, pas question de le partager au risque de perdre ce privilège-là. Une telle absence de démocratisation du savoir qui impliquerait à son tour sa large diffusion l'éloigne de toute critique. On ne peut critiquer que ce qu'on a devant soi, ce dont on a pris amplement connaissance. Or, dans le cadre de la littérature orale, on ne peut y accéder si au préalable, on n'y est prédestiné. Comment se permettre donc de critiquer ce à quoi on ne peut accéder?

Tout le contraire est la situation qui se vit dans les sociétés européennes, où la transmission du savoir repose sur l'écriture, et où en plus, on assiste à une démocratisation de l'écriture, et par conséquent du savoir qu'elle est censée porter et diffuser. L'individu, pourvu qu'il en ait les aptitudes accède librement au savoir. De cette liberté d'accès découle une liberté d'appréciation, d'où une libre critique qui se fait le plaisir d'ébranler le socle absolu, définitif et dogmatique sur lequel ce savoir voudrait reposer.

Ainsi, non seulement l'écriture a le précieux avantage de consigner, d'inventorier et de cataloguer ce qui se dit et ce qui se conçoit, contrairement à l'oralité, sans cesse soumise à l'oubli, mais rend possible par la même occasion la libre critique, véritable sève nourricière de la philosophie. C'est ce que résume HOUNTONDJI en ces termes : «La verve critique ne peut se déployer, et l'élan iconoclaste se donner libre cours, que pour avoir au préalable placé en lieu sûr, à l'abri de toute attaque, ce qu'on prétend ensuite détruire.

Telle est la vraie fonction de l'écriture (empirique) ; elle confie à la matière (livre, document, archive, etc.) un rôle de sauvegarde qui serait autrement dévolu à l'esprit et libère en conséquence celui-ci pour des inventions nouvelles susceptibles d'ébranler les anciennes, voire de les condamner définitivement.

Or, si l'on se rappelle ce que nous avons dit de la philosophie, si l'on admet qu'elle est histoire plutôt que système, mouvement perpétuel de critique et de contre critique plutôt qu'assurance tranquille, on comprendra qu'elle puisse s'accomplir pleinement que dans une civilisation de l'écriture (au sens empirique).»97(*)

La philosophie, pour exister, a besoin d'un support matériel (livre, document, archive, etc.) Mais ce support ne peut se maintenir que grâce à l'écriture. Avec l'écriture, le savoir non seulement se trouve en lieu sûr, par conséquent l'individu peut se permettre d'oublier provisoirement, mais aussi se trouve soumis à la critique, le seul canevas par lequel peut se développer la philosophie. L'écriture, et partant les livres apparaissent comme un support essentiel pour la diffusion du savoir.

Toutefois, il ne s'agit pas pour HOUNTONDJI de signer à travers ce procès de la littérature orale, l'arrêt de la mort de celle-ci. La littérature orale constitue un trésor inestimable au sein même de la civilisation africaine, mais, c'est au prix d'une mutation essentielle qu'on pourra parler de philosophie, comme il le souligne  : «Ces contes moraux, ces légendes didactiques, ces aphorismes, ces proverbes expriment non une recherche mais au mieux les résultats d'une recherche, non une philosophie mais tout au plus une sagesse ; et que c'est seulement aujourd'hui que nous pouvons, en les transcrivant, leur conférer éventuellement valeur de documents philosophiques, c'est-à-dire de textes pouvant servir de support à une réflexion critique et libre.»98(*)

La littérature orale, dans ce contexte, ne peut être validée et intégrer le champ de la philosophie qu'à condition d'être transcrite.

Il y a assurément une méconnaissance de la nature et du rôle de la littérature orale dans l'Afrique traditionnelle et même dans l'Afrique moderne, si l'on s'en tient à cette analyse de Lilyan KESTELOOT pour qui, «cette littérature comprend tous les genres et aborde tous les sujets : mythes cosmogoniques, romans d'aventures, chants rituels, poésie épique, courtoise, funèbre, guerrière, contes et fables, proverbes et devinettes. Importante par son abondance, son étendue et son incidence sur la vie de l'homme africain. (...).

Quant à sa portée sur le public africain, il faut savoir, pour en juger, que cette littérature charrie non seulement les trésors des mythes et les exubérances de l'imagination populaire, mais véhicule l'histoire, les généalogies, les traditions familiales, les formules du droit coutumier, aussi bien que le rituel religieux et les règles de la morale. Bien plus que la littérature écrite, elle s'insère dans la société africaine, participe à toutes ses activités ; oui, littérature active véritablement, où la parole garde toute son efficacité de verbe, où le mot a force de loi, de dogme, de charme.

Et les chefs des nouveaux États indépendants le sentent si bien, le pouvoir de cette littérature, qu'ils n'hésitent pas à confier aux griots traditionnels le soin d'exalter leur politique ou leur parti.»99(*) Ancienne par sa durée, complète et dense par son contenu, importante par sa portée ; c'est ici que réside les traits essentiels de la littérature orale africaine qui a réussi à briser les barrières de la tradition pour s'offrir à la modernité.

Même s'il est vrai, comme le précise Lilyan KESTELOOT que «les littératures orales sont aussi fragiles, difficiles à consigner, à inventorier et à cataloguer»100(*), on ne saurait pour autant les discréditer au nom d'une prétendue `'civilisation de l'écriture''. Car à y voir de près, l'Afrique traditionnelle n'avait rien à envier aux civilisations dites de l'écriture dans la mesure où elle avait à sa disposition cette forme de littérature ; la littérature orale, à même de remplir les mêmes missions que la littérature écrite. Il n'est donc pas question de tracer une ligne de démarcation entre littérature orale et littérature écrite lorsqu'il s'agit de parler de philosophie africaine.

D'ailleurs, cette insistance sur le rôle de l'écriture comme instance de promotion de la pensée vraie n'échappe nullement à la critique du docteur Samba DIAKITÉ. Commentant les propos de Louis-Jean CALVET pour qui «ceux qui écrivent sont près du pouvoir, dans la mouvance de la cour»101(*), il fait remarquer : «Dès lors, qui n'écrit pas n'est rien. Écrire, c'est entrer dans l'histoire ; c'est entrer dans la Cour des Grands. L'écriture c'est la vie, c'est le Paradis ; le monde n'est-il pas une Écriture de Dieu? Une langue non écrite perd toute sa crédibilité et devient par conséquent une langue morte sans saveur, non universelle, inapte à l'histoire et au temps. Or une langue non universelle est une langue ignorante. L'écriture devient une clôture du monde qui n'est franchissable que par des initiés ; elle semble être ce labyrinthe dont la clé de voûte n'appartient qu'aux seuls maîtres, ceux de l'alphabet. Elle devient l'idéologie de la séparation et de l'exclusion. Elle tisse la toile de la domination et de la suprématie des logothètes, des fondateurs de langues. Le tissu du monde devient unicolore par l'écriture, qui peut se jouer du monde en le manipulant. L'élévation et la décadence deviennent les jeux de l'écriture.»102(*) En somme, l'écriture est à la fois la marque du rejet et de la domination. Ceux qui n'y ont pas accès perdent ainsi tout contact avec ceux qui sont passés maîtres dans l'art décrire.

Assumer que la philosophie africaine n'existe que sous la forme d'une littérature écrite, c'est en faire l'affaire d'une élite, d'un cercle restreint d'hommes, passant pour des initiés.

N'empêche, pour HOUNTONDJI, la philosophie africaine doit reposer sur la littérature écrite ; certes, mais une littérature écrite par des Africains eux-mêmes. Pareille précision répond ici à une interrogation de premier plan : qui est (ou peut être) philosophe africain?

À tort ou à raison, l'histoire de la pensée voit dans le révérend père Placide TEMPELS, l'auteur de La philosophie bantoue, le précurseur de la philosophie africaine. On se risque à affirmer que TEMPELS est à la philosophie africaine ce que SOCRATE est à la philosophie grecque. Mais à l'encontre d'une telle comparaison, il faut souligner ceci : SOCRATE n'a pu être à l'origine de la philosophie grecque que parce qu'il est d'abord et avant tout Grec d'origine. En clair, SOCRATE est un grec ; quoi de plus normal qu'on lui ait attribué la paternité de la philosophie grecque! Dans le cas du Père TEMPELS, les données ne sont pas du tout les mêmes. TEMPELS, en effet, est un missionnaire belge de l'ordre des franciscains. Au moment de la parution de son livre, il exerçait alors sa mission au Congo -Belge (ex-Zaïre, aujourd'hui République Démocratique du Congo). Seulement, le `'mérite'' de TEMPELS est d'avoir écrit sur un peuple du Congo : les Bantous. Pour être en accord avec l'esprit du livre de TEMPELS et même celui de ce Mémoire, nous disons tout simplement que, TEMPELS, faisant preuve d'un paternalisme naïf a parlé à la place des Bantous. Il n'a fait que présenter sa conception au sujet des Bantous là où il pensait décrire leurs conceptions, leurs visions du monde, de l'existence. TEMPELS n'est qu'un Européen qui s'est tout simplement servi des Bantous comme prétexte pour satisfaire ses goûts exotiques et ceux de ses frères Européens.

L'oeuvre de TEMPELS est le déclic qui a provoqué un certain regain d'activité au sein des intellectuels Africains et même Européens. Mais, par rapport à SOCRATE, TEMPELS s'inscrit dans une logique de rupture. C'est dire que si SOCRATE en tant que Grec a suscité la philosophie grecque, TEMPELS d'origine belge, ne pouvait être à l'origine de la philosophie africaine. Plus encore, l'oeuvre de TEMPELS, en dépit de ses apparences africaines ne s'inscrit nullement au sein de la littérature philosophique africaine ou d'une quelconque forme de littérature d'essence africaine que ce soit. De l'avis de HOUNTONDJI, l'ouvrage de TEMPELS prend plutôt place au sein de l' «ethnophilosophie» occidentale. Il en est même le précurseur. À aucun moment, il ne pourrait s'agir d'une oeuvre de philosophie africaine.

C'est au nom d'une telle démarcation que HOUNTONDJI écrit : «L'africanité de notre philosophie ne résidera pas forcément dans ses thèmes, mais avant tout dans l'appartenance géographique de ceux qui la produisent et dans leur mise en relation intellectuelle. Le meilleur africaniste européen reste un Européen, même et surtout s'il invente une «philosophie» bantu. Par contre, le philosophe africain qui pense dans PLATON ou dans MARX et qui assume sans complexe l'héritage théorique de la philosophie occidentale pour l'assimiler et le dépasser, fait oeuvre authentiquement africaine.»103(*) Ce qui importe aux yeux de HOUNTONDJI c'est moins ce dont on parle ou ce qui se dit que l'origine de celui qui parle. On ne peut affirmer l'existence d'une philosophie africaine qu'en faisant jouer en premier lieu la variable géographique, c'est-à-dire ne considérer que l'appartenance de tous ceux qui écrivent à une et unique Mère- Patrie : l'Afrique. Celle-ci demeure la caractéristique commune à tous les auteurs.

En effet, si l'Africain reste d'abord et avant tout, originaire d'Afrique, et l'Européen celui qui est originaire d'Europe ou encore l'Américain celui qui est originaire d'Amérique, il ne saurait en être autrement pour toutes les manifestations de la culture, la philosophie y compris. C'est dire que la première condition pour qu'il y ait une philosophie africaine, c'est que cette philosophie puisse provenir d'Afrique, en d'autres termes, qu'elle soit une philosophie écrite par des Africains. Le premier critère demeure donc l'appartenance géographique des auteurs. Voilà pourquoi, ni TEMPELS, ni RADIN encore moins Marcel GRIAULE et les autres, ne peuvent trouver place de par leurs oeuvres au sein du système de pensée africain. La nouvelle orientation de la philosophie africaine implique dans un premier moment qu'il y ait une littérature écrite par des Africains à l'exclusion de tout autre intellectuel originaire d'un autre continent ; ou même d'un Africain qui aurait exclusivement reçu une formation occidentale. Tel est le cas d'Antoine Guillaume AMO, cet intellectuel, universitaire ashanti qui étudia puis enseigna dans des universités allemandes pendant la première moitié du XVIIIe siècle.

La variable géographique doit certes jouer dans la détermination de l'africanité de la philosophie, mais, il convient d'y ajouter l'intérêt manifesté pour l'Afrique. C'est en tout cas ce qu'il nous est donné de constater à travers ces propos de ENOBO KOSSO : « Par «philosophes africains», nous voulons désigner tous les penseurs du continent africain, auteurs d'une littérature philosophique. Nous y incluons les Noirs américains qui, comme Frantz Fanon, ont adopté la nationalité d'un pays africain, ou qui, comme Aimé Césaire, n'ont cessé de lutter pour la cause de l'Afrique considérée comme leur mère-patrie.» 104(*)

Si donc, HOUNTONDJI semble circonscrire le cadre géographique au sein duquel doit émerger la philosophie africaine, ce qui peut intriguer plus d'un dans la définition proposée plus haut, c'est bien ce qui suit : « des textes écrits par des Africains et qualifiés par leurs auteurs eux-mêmes de « philosophiques ». »105(*) Pareille assertion ne saurait manquer de susciter une interrogation majeure : suffit-il de qualifier ses écrits de philosophiques pour qu'ils accèdent du coup au statut d'oeuvre philosophique ? A ce rythme-là, on légitime l'auto - proclamation, d'autant plus que n'importe quelle oeuvre pourra être aisément classée comme oeuvre philosophique parce que son auteur en a voulu ainsi. Abdou TOURÉ peut alors reprocher à Hountondji d'être «prêt à accueillir tout auteur écrivant et se prétendant philosophe.»106(*) Il faut tout simplement éviter une banalisation certaine de la philosophie africaine.

Une chose est sûre : HOUNTONDJI entend tout de même réhabiliter la philosophie africaine et lui donner une orientation nouvelle. Mais de quoi doit-elle parler désormais ? En clair quels doivent être les thèmes majeurs de la philosophie africaine ?

2. THÈMES, ENJEUX, PROBLÉMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

a) De la nécessité d'un dialogue entre Africains

Les intellectuels Africains ont accueilli, avec enthousiasme, l'oeuvre de TEMPELS parce que celle-ci de par sa forme, participait à la destruction d'un mythe : le mythe de la supériorité du Blanc par rapport au Noir, ou tout autrement le mythe de l'infériorité du Noir vis-à-vis du Blanc. Nous l'avons souligné plus haut, en affirmant l'existence d'une philosophie bantoue en particulier, et d'une philosophie africaine en général, TEMPELS réhabilitait du coup l'homme Noir et sa culture par-delà le mépris dont ils avaient été victimes jusqu'ici. Ce faisant, il satisfaisait à peu de frais les idées revendicatives de l'intellectuel Africain.

Chose remarquable, comme TEMPELS lui-même le précisera, son oeuvre s'adresse à tous «ceux qui sont appelés à diriger et à juger les Noirs, (...) bref, tous ceux qui veulent civiliser, éduquer, élever les Bantous. (...)»107(*)En clair, l'oeuvre de TEMPELS s'adresse en priorité aux Européens. C'est le discours d'un Européen sur l'Afrique à d'autres Européens. Du coup, il réconcilie l'ethnologue Européen, soucieux de découvrir les autres peuples en face desquels il continuera à affirmer la supériorité du vieux continent, et l'intellectuel Africain qui y voit par là l'occasion tant rêvée pour présenter à l'Europe ce que l'Afrique a de positif, de spécifique.

Les intellectuels Africains trouvent dans l'oeuvre de TEMPELS un exemple à imiter, un modèle à suivre, comme le fait remarquer HOUNTONDJI : «La philosophie bantoue a en effet ouvert la voie à toutes les analyses ultérieures visant à reconstruire, grâce à l'interprétation des coutumes et des traditions, des proverbes, des institutions, bref, de diverses données de la vie culturelle des peuples africains, une WELTANSCHAUUNG particulière, une vision du monde spécifique, supposée commune à tous les Africains, soustraite à l'histoire et au changement et, par surcroît philosophique.»108(*) Soucieux de réclamer une identité propre à l'Afrique, ces Africains ne peuvent se comporter autrement. Par-delà la recherche de cette identité, il s'agit de réhabiliter à tout prix l'Afrique, contrecoup d'une négation qui s'est perpétuée tout au long des siècles, reprise en choeur par des politiques et des intellectuels de tout bord.

S'il est admis que la négation de la dignité et de l'humanité du Noir est venue de l'Europe, il apparaît donc tout à fait logique que la réhabilitation du Noir s'adresse le plus naturellement au monde à l'Européen.

Une telle attitude n'est nullement du goût de HOUNTONDJI pour qui : «Les philosophes africains actuels doivent réorienter leurs discours. Ils ne doivent plus écrire seulement à l'intention du public non africain, mais d'abord à l'adresse du public africain. Du même coup, ils se verront obligés de renoncer à leur ronronnement habituel sur l'ontologie luba, la métaphysique dogon, la conception du vieillard chez les Fulbé, etc. Ils y renonceront parce que ces thèmes n'intéressent guère leurs compatriotes, mais destinés à l'origine qu'à satisfaire les goûts exotiques du public occidental. Le public africain quant à lui attend autre chose. Il attend notamment d'être largement informé sur ce qui se passe ailleurs, sur les problèmes qui constituent, dans les autres pays et sur les autres continents l'actualité scientifique.»109(*) HOUNTONDJI en appelle à une rupture d'avec le fonctionnement de la `'philosophie africaine'' traditionnelle. Avec les grandes mutations qui se sont opérées, notamment du point de vue des rapports Blanc - Noir, il apparaît tout à fait indiqué de renoncer à une telle entreprise revendicative. Le Noir doit cesser de s'exhiber aux yeux du Blanc.

Le moment semble enfin venu pour une reconsidération des thèmes majeurs qui ont meublé des siècles durant la littérature philosophique africaine. Plutôt que de chercher à satisfaire les goûts d'un lectorat occidental, friand d'exotisme, le philosophe Africain doit, aux dires de HOUNTONDJI, réorienter son discours. Laquelle réorientation doit consister en un dialogue entre Africains. Les intellectuels Africains doivent, désormais, discuter entre eux, organiser «un débat autonome, qui ne soit plus un appendice lointain des débats européens, mais qui confronte directement les philosophes africains entre eux, créant ainsi au sein de l'Afrique un milieu humain dans lequel et par lequel puissent être posés les problèmes théoriques les plus ardus.»110(*)

De discours sur l'Afrique à l'intention du public occidental, la philosophie africaine doit plutôt revêtir la forme d'un débat entre Africains discutant de n'importe quel sujet. Ce faisant, ils tournent le dos à l'ethnophilosophie et à ses problématiques qui exigent une sorte d'exposition de l'Afrique et des Africains. C'est au nom d'une telle mutation que les Africains pourront accoucher d'une philosophie. Car, comme le souligne une fois de plus HOUNTONDJI parlant des philosophes africains, «en réorientant ainsi leur discours, ils surmonteront aisément la tentation permanente du folklorisme ; la tentation de limiter leurs recherches à des sujets prétendus africains, parce que cette tentation devrait principalement sa force au fait que leurs écrits étaient destinés à un public étranger. (...) On éprouve rarement le besoin, discutant entre gens d'un même pays, d'exalter ses particularités culturelles. Un tel besoin ne se fait sentir que lorsqu'on s'adresse à des gens d'autres pays, parce qu'on doit alors affirmer sa propre originalité en s'identifiant à l'image d'Epinal de sa société et de sa civilisation d'origine.»111(*) La nécessité d'un débat, d'une discussion entre philosophes Africains se fait sentir par le besoin de renoncer à l'exaltation des particularités culturelles propres à l'Afrique pour intégrer un domaine de réflexion qui se veut universel ; car n'étant plus collé aux seules réalités africaines.

Certes, il convient de donner une orientation nouvelle à la philosophie africaine. Mais faut-il pour autant la concevoir sous l'angle d'un débat entre Africains seuls? A l'heure de la mondialisation et de l'interpénétration des cultures, où le monde de plus en plus donne l'image d'un village planétaire, peut-on se contenter d'un dialogue entre gens d'un même pays ou d'un même continent ? Concevoir la philosophie africaine comme un débat entre Africains, c'est non seulement se renfermer sur soi, mais aussi continuer à donner à la philosophie africaine l'image d'un mode de pensée spécifique. Ne faudrait-il pas rappeler ici ces propos de Aimé CÉSAIRE : « j'admets que mettre les civilisations différentes en contact les unes avec les autres est bien ; que marier des mondes différents est excellent ; qu'une civilisation, quel que soit son génie intime, à se replier sur elle-même, s'étiole ; que l'échange ici est l'oxygène,... »112(*) ? La civilisation africaine ne voudra certainement pas prendre le risque de sombrer dans l'anonymat le plus absolu parce qu'elle aura perdu sa vitalité. C'est pourquoi la philosophie africaine se doit de s'ouvrir à l'universel.

b) De la nécessité d'une ouverture à l'universel : la philosophie et la science

Roger GARAUDY, après avoir décrypté «le message des livres sacrés» de l'Égypte, de la Chine et de l'Inde anciennes ; à l'exception de ceux du monde occidental ; peut constater ce qui suit : «Le survol rapide des sagesses de tous les mondes, à l'exception du monde occidental, peut nous permettre de situer à sa juste place, à son échelle véritable, la « philosophie occidentale» et la «philosophie contemporaine» que l'occident a imposé à la planète toute entière.

Tous les problèmes fondamentaux de la réalité dernière du monde, de son sens, de notre action possible sur elle, étaient déjà posés, et même résolus (même si c'était parfois par les symboles du mythe) dans le monde entier : problèmes de l'être et du néant, du sujet et de l'objet (du «moi» et du monde), problèmes des rapports entre les concepts, les mots, et les choses, problèmes de la structure, de l'existence, et de l'histoire dans l'unité du réel, problèmes de la dimension transcendante de l'homme, de son rôle actif dans la création, problèmes de la connaissance, des arts, des lois, de l'agir, et de leur valeur.(...)

A la veille de la naissance de la philosophie occidentale avec SOCRATE, l'humanité a connu la plus merveilleuse floraison de l'esprit, au VIe siècle avant notre ère. (...)

De toutes ces illuminations qui ont traversé les millénaires, l'humanité vit encore.»113(*)

Il ressort de cette analyse que les civilisations antérieures à l'avènement de la civilisation occidentale n'étaient pas une table rase en matière de connaissance, surtout philosophique. Plus encore, ce que ces civilisations ont produit en matière d'activité de l'esprit, n'a point disparu à la naissance de la philosophie occidentale. Celle-ci s'est au contraire nourrie des enseignements existants ; qu'ils proviennent de l'Afrique, de l'Inde ou même de la Chine. Tout le mérite de la pensée grecque est de s'être appropriée toutes ces pensées antérieures. On peut le dire : la philosophie occidentale n'a en réalité rien inventé. Elle a trouvé devant elle une merveilleuse floraison de l'esprit, sur la base de laquelle elle s'est édifiée, non sans avoir opéré quelques modifications et quelques ruptures, préalables à tout développement philosophique.

Ceci nous permet de comprendre qu'en matière de philosophie, la règle d'or est la reprise en main de thèmes existants non sans les avoir soumis à une critique préalable. Dans une telle optique, la philosophie africaine naissante se doit de fonctionner suivant ce modèle. Et selon HOUNTONDJI : «L'Europe n'est aujourd'hui ce qu'elle est que pour avoir assumé puis transformé l'héritage culturel d'autres peuples, au premier rang desquels un peuple de notre continent : l'Egypte antique. Rien ne doit nous empêcher aujourd'hui d'accomplir le chemin inverse.»114(*) Un tel constat formulé par HOUNTONDJI permet de souligner que la civilisation européenne ne s'est pas constituée ex-nihilo, telle serait par ricochet la situation de la philosophie occidentale.

L'Occident n'aurait point réussi à s'édifier une culture digne de ce nom s'il avait voulu se particulariser, en considérant sous le mode de l'indifférence les traits de culture des peuples antérieurs. C'est au contraire, pour avoir considéré ces différentes cultures comme des modes particuliers de la manifestation de l'universel que la culture occidentale, dans un mouvement de libre retour à cet universel-là a pu assurer son rayonnement. C'est d'ailleurs dans ce retour à l'universel que réside la reconquête de sa nature propre. Abondant dans ce sens, le professeur DIBI Kouadio Augustin a pu écrire : «En dissolvant l'extériorité solidifiée des cultures, la souplesse de l'universel ne leur impose aucune violence. Au contraire, ce sont ces cultures elles-mêmes qui retournent à l'intérieur dont elles sont sorties, d'où elles ont flué, afin de mériter leur propre nature, d'être adéquates à leur destin. En un tel mouvement, elles ne font que se joindre elles-mêmes, aller à leur terre natale.»115(*)

Le retour à l'universel qui consiste en une symbiose des cultures, loin d'appauvrir chacune d'elles, est au contraire un signe de richesse. Instance de ressourcement, ce mouvement permet à chaque culture d'être auprès de soi, dans sa virginité originelle. C'est très tôt ce qu'aura compris la culture occidentale qui s'est laissée aller au vent de sa pénétration par les cultures égyptienne, indienne ou chinoise. Toujours est-il que

la philosophie occidentale prend à partir de cet instant, la forme d'une manière de penser, contrairement à la manière de vivre qu'enseignaient les traditions antérieures. Véritable sécession de l'Occident qui prend appui sur un mouvement de double rupture : rupture entre la Nature, l'Homme et Dieu et rupture entre la philosophie et la vie. Seulement qu'on continue de vouer sa fidélité aux matériaux de pensée préexistants, aux thèmes majeurs qu'avaient formulés les sagesses des autres mondes.

Ce cheminement de la philosophie occidentale nous met en face d'un enseignement essentiel : la philosophie africaine, à l'instar de la philosophie occidentale ne peut s'assurer une place au soleil de la pensée qu'en faisant sienne la riche tradition philosophique produite avant elle. HOUNTONDJI souligne ce fait : «ce n'est pas en contournant la tradition philosophique existante que nous élaborerons une philosophie africaine authentique, une philosophie qui soit vraiment une philosophie, et qui soit, aussi, vraiment africaine (c'est en ce sens, bien entendu, que j'emploie ici le qualificatif `'authentique''). Ce n'est pas en contournant et encore moins en ignorant l'héritage philosophique international que nous philosopherons vraiment, c'est au contraire en l'assimilant pour mieux le dépasser.»116(*)

HOUNTONDJI en appelle à une construction de la philosophie africaine sur le modèle de la philosophie occidentale. L'Afrique n'a pas à réinventer la philosophie en ce qui concerne ses thèmes et ses problématiques. Au contraire, il appartient au philosophe africain d'intégrer la riche tradition existante afin de chercher par un incessant mouvement de critique et de remise en cause, à la dépasser. Inventer à la philosophie africaine ses thèmes et concepts propres, ce serait la particulariser et l'enfermer dans un dogmatisme naïf qui ferait croire à l'existence de l'absolu. Or, justement parce que cet absolu n'existe pas, la philosophie africaine doit plutôt soumettre à l'épreuve de la critique ce qui, jusque-là, a constitué l'essentiel de la philosophie occidentale. Mais pour critiquer, il faut au préalable comprendre ; ce qui implique une sorte d'appropriation par la suite. Cette appropriation concerne aussi bien la conceptualité propre au discours philosophique que la technicité propre à ce langage-là. Comme l'a fait la philosophie occidentale, il appartient à la philosophie africaine d'assimiler tout ce qu'elle trouve devant elle en matière de philosophie afin d'opérer là où le besoin se fait sentir, des ruptures, des révolutions.

Construire la philosophie africaine sur le modèle de la philosophie occidentale, voilà une conception qui n'est pas faite pour plaire à un certain nombre d'intellectuels Africains. La position de HOUNTONDJI suscite une véritable levée de boucliers de la part de ces intellectuels-là. HOUNTONDJI lui-même fait état d'une révélation de la part de Ibrahima Baba Kaké. Celui-ci rapporte que dans le cadre d'un entretien avec Alexis KAGAMÉ pour son émission radiophonique « Mémoires d'un continent », il lui aurait demandé ce qu'il pensait de la critique de HOUNTONDJI. Le prêtre aurait alors lâché : « Hountondji ? Mais... c'est un blanc !»117(*) C'est connu, taxer le Noir de Blanc, c'est mettre en exergue son occidentalisation volontaire, à travers la distance qu'il crée entre ses frères de couleur et lui. On soupçonne de ce fait HOUNTONDJI de se renier tout comme ses attaches culturelles et de vouloir imiter à tout prix le Blanc.

Pour ÉBOUSSI BOULAGA, vouloir s'identifier par voie d'imitation aux philosophes occidentaux et adopter leur rationalité, ce n'est ni plus ni moins que reconnaître le monopole occidental en matière de philosophie : « D'emblée donc, la philosophie se présente comme une image idéale, à laquelle il y a à se conformer. La «civilisation», le degré de civilisation auquel l'Europe est parvenu, qui comprend la philosophie ou, pour certains, dont la philosophie est la quintessence, est pareille à une seconde nature, une totalité de lois, de règles, de modèles ou de structures, de processus ou procédures, d'institutions qui la constituent en un vaste programme codé, ou une immense combinatoire, ou une énorme machine aux fonctions et aux possibilités multiples : c'est la rationalité en acte, elle existe. Il suffit d'en comprendre le mécanisme, le fonctionnement, de tirer parti de ses possibilités, de ses objectifs et de ses finalités. (...). Un discours qui propose un idéal déjà constitué en lui-même, ne peut inviter qu'à s'y conformer, en supprimant ce qui n'est pas en lui, en s'arrachant de la sphère de la dissimilitude. Il s'ensuit un dédoublement qui se répète : il y a l'idéal et son autre, il y a l'idéal et sa reproduction, son imitation qui est un monde intermédiaire. C'est à partir de cet étagement que l'on comprend mieux les protreptiques philosophiques, caractéristiques de ce moment. Elles prônent ouvertement la renonciation au désir d'être soi, l'abolition du souvenir de l'expérience historique propre, celle du traditionnel ; ils appartiennent à un âge révolu, le négatif de l'idéal, disqualifiés par lui, qui a mis à nu leurs contradictions internes et leur inconsistance. L'exhortation est pressante : si l'on veut survivre, il faut «vraiment philosopher»»118(*) L'imitation de la philosophie occidentale est ici perçue comme une négation de son originalité culturelle propre et par voie de conséquence, la reconnaissance du monopole de l'Occident. On pourrait alors se demander : est-il nécessaire aux philosophes africains de se conformer à la rationalité occidentale ?

La critique relève clairement que vouloir bâtir la philosophie africaine sur le modèle la philosophie occidentale, c'est tout simplement demander à l'Africain de donner la preuve de sa parfaite maîtrise de la philosophie occidentale. Le professeur NIAMKEY Koffi relève à ce sujet : « Pour Towa et Hountondji on ne saurait parler de philosophie africaine ou de philosophie tout court que dans la mesure où le penseur africain s'assoiera, en tant qu'agrégé par le conclave philosophique à la table occidentale du banquet socratique. Et cette agrégation ne sera effective, possible, qu'en fonction du degré de consommation du savoir philosophique constitué par la société occidentale de philosophie.» 119(*) C'est la remise en cause d'une certaine vision élitiste de la philosophie africaine dont HOUNTONDJI, aux yeux des critiques, apparaît comme l'un des principaux tenants.

Revenons tout de même à HOUNTONDJI pour dire que ce n'est point en se refermant sur eux que les philosophes Africains mettront au jour une authentique philosophie africaine. Le vrai problème ici, c'est moins de parler de l'Afrique, que de discuter entre Africains au sujet des thèmes les plus divers qui ont constitué l'essentiel de la philosophie occidentale depuis l'antiquité grecque jusqu'à l'époque contemporaine. En tant que discours des Africains adressé à leurs compatriotes Africains et non plus aux Européens, la philosophie africaine n'en a que faire des thèmes à coloration exotique ou exhibitionniste , mais doit plutôt s'atteler à informer adéquatement l'Africain sur ce qui se passe et s'est passé ailleurs, c'est-à-dire en Occident. Appelée à vivre au voisinage des autres cultures, la culture africaine doit nécessairement s'ouvrir à l'instance de l'universel, dont la culture occidentale en constitue le baromètre. Voilà pourquoi un des moments essentiels de cette culture, LA SCIENCE, doit constituer aux dires de Paulin HOUNTONDJI, un des thèmes prisés de la philosophie africaine

La science constitue à n'en point douter le pivot des temps modernes. L'acquisition de la science implique de nos jours la puissance matérielle tant recherchée par les hommes. En tant que connaissance des lois qui gouvernent l'univers, la science, à tout point de vue, semble détenir le secret de l'univers, ce qui autorise du coup l'efficacité dans l'action. C'est la raison pour laquelle, consciente de la nécessité de la science, la philosophie, depuis ses premières heures n'a cessé de faire la part belle aux questions d'ordre scientifique. Cette relation entre la philosophie et la science reste assez perceptible à travers les investigations des premiers philosophes, jusqu'à une époque assez récente.

L'histoire de la pensée se souviendra toujours des grands noms comme THALÈS et ANAXIMANDRE de Milet, XÉNOPHANE de Colophon, au nord de Milet, (dont les disciples : PARMÉNIDE et ZÉNON, essaimeront à Elée en Sicile, non loin d'EMPÉDOCLE d'Agrigente), ANAXAGORE de Clazomènes près de Smyrne et HÉRACLITE d'Éphèse toujours en Asie, au nord de Milet qui tous vivent enclavés dans une satrapie de l'Empire Perse, c'est-à-dire au carrefour des grandes sagesses de l'Asie. À la réflexion sur l'homme, ils associent étroitement l'étude vivante de la nature. C'est à juste titre qu'on les reconnaîtra sous le nom de «physiologues» ou «physiciens» (selon ARISTOTE) de l'École de Milet. Chez eux, réflexion philosophique et préoccupation d'ordre scientifique restent étroitement liées, sans pour autant ruiner l'assise même de la philosophie. Nous sommes entre les VII et VI siècles avant notre ère.

On peut également constater que la connaissance scientifique constitue aux yeux de PLATON la propédeutique à la véritable réflexion philosophique. N'est-ce pas là le sens de cette inscription gravée au fronton de L'ACADÉMIE (École philosophique de PLATON) : «QUE NUL N'ENTRE ICI S'IL N'EST GÉOMÈTRE»? De ce point de vue, la science n'a jamais revendiqué une quelconque autonomie vis-à-vis de la philosophie.

Mais, soucieuse d'un mieux-être d'une humanité fière de ses acquis, à la recherche d'une suprématie vis-à-vis de la nature, une nouvelle philosophie voit le jour, posant la science, non plus comme l'alliée de la philosophie, mais désormais comme le baromètre de la puissance de l'homme, c'est-à-dire l'expression même de son humanité. Roger GARAUDY nous présente ce schéma : «De GALILÉE à DESCARTES, et des philosophes français du XVIIe siècle aux grandes découvertes du XIXe, la science a été de plus en plus considérée comme la seule connaissance possible et comme donnant à l'homme, avec la toute-puissance à l'égard de la nature, le sens de son existence. La croyance au progrès indéfini de l'humanité, fondée sur un accroissement continu des connaissances scientifiques, était devenue une sorte de dogme incontesté120(*)

La science, désormais, est pensée, non pas en termes de connaissance spéculative, au même titre que la philosophie, mais dans le sens d'une connaissance utilitaire sur laquelle prennent assise le développement et l'affirmation de l'humanité. On assiste de ce fait à l'avènement d'un scientisme triomphant.

Pareille appréhension de la science fait éclater les cadres traditionnels de la philosophie, jugée vaine et spéculative. Au nom d'un tel jugement, ou bien on préconise l'élimination de la philosophie, ou bien on exige qu'elle se mette au service de la science, comme dans le positivisme d'Auguste COMTE. De telles préoccupations donnent le jour à une nouvelle race de philosophes que NIETZSCHE décrit en ces termes : «Ce sont tous des vaincus qui ont été ramenés sous la loi de la science, des hommes qui, un jour ou l'autre, ont attendu davantage d'eux- mêmes,sans avoir aucun droit à ce davantage ni à la responsabilité qu'il implique, et qui maintenant, en toute honnêteté, pleins de rage secrète et de ressentiment, ne croient plus à la mission souveraine ni à la primauté de la philosophie et incarnent cette incrédulité dans leurs paroles et dans leurs actes.»121(*)

Sans pour autant rejeter le constat de NIETZSCHE, on ne peut toutefois ignorer la légitimité de l'attitude de ces penseurs-là, ces `'déçus'' de la philosophie. À leur décharge, nous pouvons mentionner que l'heure n'est plus aux méditations, à la spéculation vaine et stérile, plutôt à l'action.

Pour qui constate l'évolution de notre monde moderne, nul besoin d'insister sur le fossé qui s'est aujourd'hui creusé entre investigation scientifique et discours philosophique. Mais pareil écart peut-il paraître légitime? La science peut-elle être maîtresse d'elle-même? A-t-elle valablement répondu aux attentes de l'homme? Malheureusement, selon Roger GARAUDY : «L'extraordinaire révolution scientifique et technologique du XXe siècle posait d'abord des problèmes moraux inédits : les pouvoirs désormais détenus par l'homme ont au cours du siècle, rendu possible ce que trois millions d'années de l'époque humaine n'avaient jamais laissé entrevoir : l'éventualité d'une destruction totale de la vie, de la nature et de l'homme.»122(*)

L'homme a voulu s'émanciper au travers de la science, prenant ainsi ses distances vis-à-vis de Dieu. Mais pareille émancipation, à l'heure du bilan, a apporté plus de maux que de bienfaits à l'homme. Nous nous trouvons en face d'une humanité malade de la science qui, trop sûre de ses succès, a occulté la dimension morale de l'existence humaine. Le constat est, on ne peut plus clair désormais. La science a fait la preuve de ses limites sans pour autant perdre son caractère essentiel : la marque de la puissance humaine. En fin de compte, on s'accorde à dire qu'il faut à la science un «supplément d'âme», selon le mot de BERGSON. Dès lors, il apparaît tout à fait indiqué de reconsidérer les liens entre la science et la philosophie.

Le désir d'acquisition des connaissances scientifiques ne doit nullement dispenser l'homme de s'adonner à la réflexion philosophique, source utilitaire de SAGESSE. La philosophie, de ce fait, ne saurait rester dans l'antichambre des préoccupations scientifiques. Originairement, la philosophie se retrouve liée à la science ; elle lui est liée de façon organique. On peut s'en convaincre à travers ces propos de Louis ALTHUSSER : «La philosophie n'a toujours pas existé ; on observe l'existence de la philosophie que dans un monde qui compte ce qu'on appelle la science ou des sciences. Science au sens strict : discipline théorique, c'est-à-dire idéelle et démonstrative et non agrégat de résultats empiriques. [...]

[...]Pour que la philosophie naisse ou renaisse, il faut que des sciences soient. C'est peut-être pourquoi la philosophie au sens strict n'a commencé qu'avec PLATON, provoquée à naître par l'existence de la mathématique grecque ; a été bouleversée par DESCARTES, provoquée à sa révolution moderne par la physique galiléenne ; a été refondue par KANT, sous l'effet de la découverte newtonienne ; a été remodelée par HUSSERL, sous l'aiguillon des premières axiomatiques, etc.»123(*) En clair, selon ALTHUSSER les grandes révolutions philosophiques font toujours suite à des révolutions scientifiques. Dans sa genèse comme dans son évolution, la philosophie reste liée à la connaissance et au développement des sciences.

On peut ajouter à la suite d'ALTHUSSER, que la philosophie n'a pas de développement autonome ; elle ne prend son envol qu'après la science. Ce qui laisse penser d'une manière ou d'une autre que la science doit nécessairement faire appel à la philosophie. Il apparaît donc évident que même si la science demeure le principe de la puissance, sa relation avec la philosophie doit toujours être maintenue. En reprenant de ce fait la pensée d'ALTHUSSER, nous pouvons annoncer qu'on ne peut parler de philosophie que là où déjà l'on parle de science. Ce qui suppose tout naturellement qu'on ne peut affirmer l'existence d'une philosophie africaine que là où on aura probablement posé l'existence d'une science africaine. C'est pourquoi selon HOUNTONDJI : «Plutôt que de revendiquer à cor et à cri l'existence d'une «philosophie» africaine qui nous dispenserait pour toujours de philosopher, nous serions donc mieux inspirés de nous employer patiemment, méthodiquement, à promouvoir ce qu'on pourrait appeler une science africaine : une recherche scientifique africaine. Ce n'est pas de la philosophie, c'est d'abord de la science que l'Afrique a besoin.»124(*) Sans révolution scientifique, la philosophie ne peut nullement émerger. D'un autre point de vue, l'Afrique a elle aussi besoin d'une assise matérielle. Car, selon le point de vue de TOWA, l'Afrique ne peut se libérer de la domination européenne qu'à condition d'adopter une attitude d'ouverture à l'égard de cette civilisation-là afin de chercher à y maîtriser non seulement la philosophie, mais aussi et surtout la science , source ultime de puissance.

HOUNTONDJI reconnaît à son tour que la science est non seulement un inéluctable moyen de puissance mais aussi et surtout l'enjeu majeur des réflexions philosophiques en Afrique, comme il le souligne lui-même : «le problème n°1 de la philosophie dans l'Afrique actuelle, c'est donc de savoir comment elle peut aider au développement de la science. Problème immense : il faudrait, pour le résoudre interroger à la fois l'histoire des sciences et l'histoire de la philosophie, définir leurs rapports réels et possibles, méditer les liens qu'elles ont entretenus entre elles hier et ceux qu'elles pourraient entretenir aujourd'hui. (...)

La position ici défendue n'est ni scientiste, ni positiviste. Elle a pour effet, au contraire tout en arrachant le philosophe à ses fantasmes oniriques, de ruiner le positivisme naïf de certains demi - savants trop enclins à ne considérer que les résultats de leur science, et à oublier les tâtonnements, le long et sinueux cheminement qui y ont conduit.»125(*)

HOUNTONDJI en appelle à une prise de conscience, aussi bien chez les philosophes que chez les savants. En assignant à la philosophie africaine la mission de réfléchir sur la science et de contribuer à son développement, il entend réveiller de leur sommeil dogmatique, philosophes et savants. La philosophie africaine, selon HOUNTONDJI ne doit pas être une activité vidée de tout contenu matériel et palpable. Elle ne doit plus se contenter de perdre le public dans les nuées, tournant le dos aux préoccupations matérielles des hommes ici-bas.

À la philosophie traditionnelle, occupée à rechercher le savoir, HOUNTONDJI demande de substituer une philosophie qui reflète en son sein l'image de la société contemporaine, une société traversée de part en part des préoccupations d'ordre scientifique.

HOUNTONDJI préconise de ce fait une philosophie, une recherche théorique articulée sur la science car estime-t-il : «Elle nos laisse loin des problèmes métaphysiques de l'origine du monde, du sens de la vie, du pourquoi de la mort, du destin de l'homme, de la réalité de l'au-delà, de l'existence de Dieu, et tous autres problèmes insolubles qui relèvent, au fond, de la mythologie et auxquels se complaît habituellement la rumination philosophique126(*) Le souci de HOUNTONDJI est d'éviter à la philosophie africaine de s'embourber dans la spéculation vaine, sans contenu consistant. Tout ce à quoi s'est attelée la philosophie depuis ses débuts n'est que bavardage inutile, teinté d'un mysticisme camouflé, destiné à vaincre sans convaincre son auditoire. Non seulement, la philosophie doit réfléchir sur les entités concrètes à travers la science, mais en le faisant, elle ne fait qu'épouser l'ère du temps. Ainsi, «en Afrique aujourd'hui, la tâche de la philosophie ne saurait consister à aller chercher dans le passé des visions du monde qui ont cessé de vivre. Le philosophe qui tient office de conservateur de musée est un pseudo-philosophe, inutile à la société. Car la philosophie par essence est un acte réflexif par lequel on prend ses distances, on se détache des déterminations singulières et engluantes pour créer perpétuellement du nouveau. L'interrogation philosophique angoissée est une interrogation qui doit viser à ouvrir des voies nouvelles.»127(*) Si l'Afrique a à coeur de s'éloigner de cette pseudo-philosophie dont parle Ébénézer NJOH-MOUELLE, elle devra absolument emprunter une destination nouvelle sinon, avoir un contenu nouveau. Il convient de se détacher des visions du monde africain traditionnel.

La science, nous l'avons souligné plus haut, est le symbole de la puissance. Articuler une recherche théorique sur la science, n'est-ce pas se rendre complice de ce désir de domination qui anime la science ? Pour le professeur NIAMKEY Koffi : «La philosophie comme science est une imposture (...). La distinction Modernité- Tradition (...) Philosophie-Vision du monde, Science - Non-science (...) cache et manifeste à la fois une lutte sourde pour le pouvoir, une lutte de domination de la « Science » sur la « pseudo-science », une lutte de la Philosophie contre la vision du monde. Cette lutte est, en dernière instance, l'expression de la volonté des porteurs de faux savoirs pour s'en approprier. »128(*) La prétention à la scientificité est soupçonnée d'être une ruse pour la quête du pouvoir. De ce fait, elle ne saurait être innocente.

Toutefois, pouvons-nous le remarquer, le besoin d'une réflexion sur la science est plus qu'urgent. S'il est vrai que la science progresse, il n'en demeure pas moins qu'elle ignore tout de son fonctionnement global. L'homme de science qui n'a en vue que ses résultats ne se soucie nullement de mener une réflexion théorique et critique sur la science et sa marche d'ensemble. C'est pourquoi en Afrique, la priorité doit être faite aux disciplines en mesure de favoriser l'essor de la pensée scientifique : logique, histoire des sciences, épistémologie, histoire des techniques.

En somme, le philosophe Africain, au parfum de l'histoire de sa discipline ne doit avoir pour tâche que de contribuer au développement de la science, s'interrogeant à la fois sur la valeur, l'étendue et les limites de la science, toute chose dont l'importance échappe au savant, qui d'ailleurs n'en a pas l'aptitude ou feint de ne pas l'avoir. La philosophie africaine doit donc s'occuper à participer au mieux-être de l'Africain à travers sa relation avec la science africaine. Ce faisant, le philosophe Africain peut ou doit se présenter comme la conscience du savant Africain. On le sait, faute de n'avoir pu bénéficier d'une telle conscience, la science, dans ses développements en Occident a fini par se retourner contre l'Humanité elle-même. Voulant faire de l'homme un dieu, la science a fini par le transformer en démon d'autant plus que l'individu n'étant plus en mesure de contrôler ses propres inventions, a tout simplement porté le manteau de bourreau pour l'Humanité. On ne peut, par exemple, s'empêcher de rappeler les effets de la bombe atomique sur les deux villes japonaises d'HIROSHIMA et de NAGASAKI en Août 1945 lors de la deuxième Guerre Mondiale. Au vu d'une telle situation, le philosophe Africain, en s'assignant pour mission de réfléchir sur la science africaine ne fait que prévenir une réelle catastrophe qui risquerait de s'abattre sur le continent africain. En agissant de la sorte, le philosophe Africain redonne à la philosophie ses attributs réels, à savoir se poser comme la conscience critique de l'Humanité, et de la Science.

* 92 HOUNTONDJI, op.cit., pp.127-128

* 93HOUNTONDJI, op.cit., p.97

* 94 HOUNTONDJI, op.cit., p.11

* 95 HOUNTONDJI, op.cit., p.131

* 96 HOUNTONDJI, op.cit., p.132

* 97 HOUNTONDJI, op.cit., p.132

* 98 HOUNTONDJI, op.cit., p.134

* 99 KESTELOOT (Lylian).- Anthologie négro-africaine (Paris, EDICEF, collection Marabout, 1991), pp.6-7

* 100 KESTELOOT (Lylian), op.cit., p.7

* 101 CALVET (Louis-Jean).- Roland Barthes, un regard politique sur le signe, cité par DIAKITÉ (Samba), « L'autre et sa langue : la langue du refus », www.contrepointphiolosophique.ch (Rubrique Politique), 28 janvier 2007.

* 102 DIAKITÉ (Samba), op.cit.

* 103 HOUNTONDJI.- Sur la « philosophie africaine » (Yaoundé, CLÉ, 1980), pp. 48-49

* 104 AZOMBO-MENDA (S.). - les philosophes africains par les textes (ouvrage collectif), (Paris, Éditions Fernand Nathan, collection NATHAN AFRIQUE, 1978), p.3

* 105 HOUNTONDJI, op.cit., p.11

* 106 TOURÉ (Abdou) in Le Korè,cité par HOUNTONDJI. - Combats pour le sens (Cotonou, Flamboyant, 1997), p.174

* 107 TEMPELS (Révérend -Père Placide).- La philosophie bantoue, traduction A. Rubbens (Paris, Présence Africaine,

1949), p.17

* 108 HOUNTONDJI. - Sur la « philosophie africaine » (Yaoundé, CLÉ, 1980), p. 14

* 109 HOUNTONDJI, op. cit., p. 49

* 110 HOUNTONDJI, op. cit., p. 48

* 111 HOUNTONDJI, op. cit., pp. 74-75

* 112 CÉSAIRE (Aimé).- Discours sur le colonialisme (Paris, Présence Africaine, 1955), p. 9

* 113 GARAUDY (Roger).- Biographie du XXe siècle (Paris, Éditions Tougui, 1985), pp. 35-36

* 114 HOUNTONDJI, op. cit., p. 49

* 115 DIBI Kouadio Augustin.- L'Afrique et son autre ; la différence libérée (Abidjan, STRATECA DIFFUSION, collection `'Penser l'Afrique n°1s'', 1994), p. 79

* 116 HOUNTONDJI, op. cit., p. 82

* 117 KAGAMÉ (Alexis), cité par HOUNTONDJI.- Combats pour le sens (Cotonou, Flamboyant, 1997), p.172

* 118 ÉBOUSSI BOULAGA (Fabien). - La crise du Muntu, Authenticité Africaine et Philosophie (Paris, Présence Africaine, 1977), p. 99

* 119 NIAMKEY Koffi in Le Korè, cité par HOUNTONDJI, op. cit., p. 174

* 120 GARAUDY, op. cit., pp. 61-62

* 121 NIETZSCHE (Friedrich). - Par-delà bien et mal, traduction Cornélius Heim (Paris, Gallimard, 1971), p. 120

* 122 GARAUDY, op. cit., p. 62

* 123 ALTHUSSER (Louis). -Lénine et la philosophie (Paris, Maspero, 1972), p. 27

* 124 HOUNTONDJI, op. cit., p. 124

* 125 HOUNTONDJI, op. cit., p. 246

* 126 HOUNTONDJI, op. cit., p. 124

* 127 NJOH-MOUELLE (Ébénézer). - Jalons (Yaoundé, CLÉ, 1970), pp. 86-87

* 128 NIAMKEY Koffi in Le Korè, cité par HOUNTONDJI. - Combats pour le sens (Cotonou, Flamboyant, 1997), p.176

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