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La responsabilité de l'expéditeur dans l'acte uniforme ohada relatif aux contrats de transport de marchandises par route

( Télécharger le fichier original )
par Titi Mireille KOUEKEU NANA
Université de Yaoundé II soa - DEA en droit privé 2008
  

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Paragraphe 2- La preuve des dommages résultant des risques particuliers.

D'après RODIERE, « Reconnaître qu'à côté de la responsabilité pour faute, fondement général des réparations imposées aux contractants qui ne s'exécutent pas ou s'exécutent mal, il existe dans notre droit positif certaines règles qui sont irréductibles à cette construction n'est pas attenter à la majesté de la faute »87(*).

Telle est la considération sur laquelle s'appuie l'AUCTMR pour fonder la responsabilité de l'expéditeur sur les risques particuliers inhérent à certains faits. La victime doit établir que le dommage est survenu du fait de ces risques particuliers pour engager la responsabilité de l'expéditeur. Mais la preuve du fait des risques particuliers n'est en principe qu'une présomption de causalité (A), car l'expéditeur peut rapporter la preuve contraire qui démontre que le dommage n'a pas eu pour cause, totale ou partielle, le fait d'un des risques particuliers (B).

A- La preuve établissant la présomption de causalité.

En principe, l'expéditeur est déchu du droit à l'exonération de responsabilité si le transporteur établit un risque particulier et le lien de causalité entre ce risque et le dommage.

En général, c'est le transporteur qui est mieux placé pour rapporter cette preuve, que ce soit en matière contractuelle ou en matière délictuelle. Cela s'explique par des raisons simples : si c'est le transporteur qui est la victime directe du fait de l'expéditeur, le problème ne se pose pas, il a le droit d'agir. Cependant, si c'est le destinataire ou les tiers qui en sont victimes, la procédure devient plus complexe car ayant en face d'eux le transporteur lors de la survenance du dommage, ils vont intenter une action en responsabilité contre ce dernier. C'est à ce moment que tout se joue pour le transporteur, car pour se libérer de la présomption de faute retenue contre lui, il doit prouver que le dommage n'est pas dû à son fait.

Alors, aux termes de l'article 17 alinéa 4 de l'AUCTMR, « lorsque le transporteur prouve que, eu égard aux circonstances de fait, la perte ou l'avarie a pu résulter d'un ou de plusieurs de ces risques particuliers, il y a présomption qu'elle en résulte... ». Les risques particuliers dont il s'agit, sont inhérents à certains faits qui sont limitativement prévus par l'alinéa 2 du même article. Autrement dit, il suffit au transporteur de fournir une explication fondée sur des faits, qui laisse apparaître le dommage comme une suite raisonnable du risque invoqué, même si d'autres causes plausibles du dommage peuvent, par ailleurs, être avancées88(*).

Relevons tout de même que deux solutions coexistent à ce niveau :

- d'une part, le transporteur doit seulement démontrer que le transport effectué dans les conditions qui seront ci-dessous énumérées, fait présumer qu'elles sont la cause du dommage. Il s'agit notamment des conditions suivantes :

- l'emploi de véhicules ouverts et non bâchés, lorsque cet emploi a été convenu d'une manière expresse à la lettre de voiture89(*) ;

- l'absence ou la défectuosité de l'emballage90(*) ;

-la manutention, le chargement ou l'arrimage de la marchandise par l'expéditeur ou des personnes agissant pour son compte91(*) ;

- l'insuffisance ou l'imperfection des marques ou des numéros de colis92(*).

On pourrait néanmoins ajouter à cette énumération le vice propre de la marchandise93(*), qui est aussi un risque particulier dont le transporteur peut se prévaloir pour établir la causalité avec le dommage.

- d'autre part, la solution spéciale recommande au transporteur, pour établir la responsabilité de l'expéditeur, de démontrer que le dommage a certes pu résulter de certains risques particuliers qui, pour être retenus, nécessitent qu'il établisse qu'il a fait diligence à l'égard de la cause du dommage qui constitue le risque particulier.

Le texte de l'AUCTMR établit cette règle à partir de deux cas exceptés :

- la nature de certaines marchandises exposées par des causes inhérentes à cette nature même, soit à la perte totale ou partielle, soit à l'avarie94(*).

- le transport d'animaux vivants95(*).

Le transporteur doit, dans ces cas précis, prouver « que toutes les mesures lui incombant, compte tenu des circonstances, ont été prises en ce qui concerne le choix, l'entretien et l'emploi de ces aménagements et qu'il s'est conformé aux instructions spéciales qui ont pu lui être données »96(*).

S'agissant par exemple des mesures qui incombent normalement au transporteur, l'on peut déplorer à ce sujet le mutisme des rédacteurs de l'AUCTMR. A titre de droit comparé, la convention européenne sur la protection des animaux en transport international impose au transporteur d'animaux vivants : de faire inspecter les animaux par un vétérinaire qui s'assure de leur aptitude au voyage, et délivre un certificat d'aptitude et d'identification avant le chargement ; de charger les animaux dans les moyens de transport soigneusement nettoyés, conçus pour les protéger des intempéries ; de veiller à ce que les animaux disposent de suffisamment d'espace et puissent se coucher, s'alimenter et s'abreuver à intervalles convenables97(*).

Il faut souhaiter que la jurisprudence et le législateur lui-même, dans les pays de l'espace OHADA comblent les lacunes de l'AUCTMR dans le sens d'une meilleure définition des mesures que devrait prendre le transporteur d'animaux vivants.

Il est nécessaire de noter que la preuve exigée du transporteur peut être rapportée au moyen des réserves formulées sur la lettre de voiture et acceptées par l'expéditeur. Les réserves établissent le constat que des risques particuliers existaient antérieurement à la prise en charge et ne pourront, par la suite, être imputées au transporteur98(*), sauf à prouver une faute de sa part.

Relevons tout de même que l'originalité du système mis en place par le législateur OHADA réside, notamment, dans la combinaison des dispositions des alinéas 2 et 4 de cet article 17. En effet, selon l'alinéa 4 de cet article, l'expéditeur peut renverser la présomption de causalité.

B- Le renversement du fardeau de la preuve de la causalité des risques particuliers par l'expéditeur.

L'expéditeur peut renverser la présomption de causalité en établissant que le dommage ne provient pas des risques particuliers inhérents aux faits précités99(*), soit que les risques particuliers n'ont été que la cause partielle du dommage. Pour ce faire, il peut adopter différents moyens de défense.

Il peut combattre la preuve du transporteur en démontrant l'impossibilité que le risque particulier invoqué soit la cause du dommage. Mais cette solution latente peut juste avoir pour but de gêner le transporteur, car elle n'explique pas pour autant la cause du dommage.

Il peut également établir le manque de diligence raisonnable du transporteur, c'est-à-dire qu'il a commis une faute, par exemple en cas de transport sous température dirigée ou en cas de transport d'animaux vivants. Surtout, il faut que cette faute soit la cause du dommage. C'est dans ce sens que la Cour de Cassation française, en application de la CMR, a rendu un arrêt en date du 20 janvier 1998100(*). En l'espèce, la responsabilité du transporteur a été retenue à la suite des avaries au cours d'un transport sous température dirigée. Il a été établi que le transporteur n'avait pas respecté les consignes relatives à la température.

Bien plus, l'expéditeur peut démontrer que le dommage particulier invoqué n'est pas la seule cause du dommage. Dans cette hypothèse, il ne conteste pas le cas excepté lui-même, mais en fait, il veut démontrer que ce risque particulier a contribué avec d'autres causes à la survenance du dommage. Ces causes pourraient être attribuées au transporteur. Par exemple, des marchandises qui se sont avariées à la suite d'une pluie, ceci étant dû aussi au mauvais arrimage ou bâchage effectué par le transporteur, et à la conformité des prescriptions de la lettre de voiture, autorisant l'emploi d'un véhicule ouvert mais bâché. Il y aura donc dans ce cas, matière à partage de responsabilité, donc réparation partielle du dommage par chacun des contractants.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

Au terme de ce chapitre, nous pouvons retenir qu'il existe des cas d'exonération de responsabilité de l'expéditeur. Même si ceux-ci ne sont pas expressément définis par l'AUCTMR, ils sont valables pour libérer l'expéditeur, car aucune responsabilité n'est absolue. Le droit commun de la responsabilité fournit des règles classiques qui sont indispensables au droit des transports. En effet, pour se libérer de toute responsabilité, l'expéditeur peut faire valoir des causes étrangères à son activité. Il s'agit de la force majeure et le fait d'un tiers. La force majeure n'est admise comme cause libératoire que si et seulement si l'expéditeur n'a lui-même commis aucune faute. En outre, l'expéditeur peut également se prévaloir de la faute d'un de ses cocontractants pour se libérer. En effet, l'expéditeur est exonéré de responsabilité, s'il peut rapporter la preuve d'une faute du transporteur ou du destinataire.

Cependant, le comportement de l'expéditeur peut faire obstacle à l'exonération de responsabilité dont il pourrait bénéficier. En réalité, il est débiteur d'une obligation de moyens qui nécessite qu'il soit diligent et prudent. En plus, il doit exécuter ses prestations de bonne foi. Ainsi, si l'un de ses cocontractants parvient à démontrer qu'il n'a pas exécuter ses obligations en bon père de famille, ou alors qu'il a usé du dol pour amener l'autre partie à exécuter le contrat, alors il est entièrement responsable. Il ne pourra bénéficier d'aucune exonération.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

En définitive, il ressort de la réflexion menée tout au long de cette partie que l'expéditeur doit répondre des dommages que son activité a causé, soit à ses cocontractants, soit aux tiers. Les causes de sa responsabilité sont contractuelles ou extra-contractuelles. Elles découlent des dommages dus à la mauvaise exécution ou à l'inexécution de ses obligations contractuelles. L'expéditeur est débiteur d'une obligation de moyens. Cela signifie qu'il doit mettre tout en oeuvre pour exécuter ses obligations avec diligence, prudence et surtout, il doit exécuter ses prestations de bonne foi. Il doit fournir les informations exactes et nécessaires au transporteur pour que l'opération soit bien exécutée.

Cependant, si la preuve d'une faute de l'expéditeur est rapportée, il est responsable. Il ne peut bénéficier des exonérations que dans la mesure où les causes invoquées sont étrangères à son activité, ou alors qu'elles tiennent à la faute de l'un de ses cocontractants.

Lorsque la responsabilité de l'expéditeur est établie, les victimes doivent obtenir réparation du préjudice qu'elles ont subi. Quel est le régime juridique applicable à la responsabilité de l'expéditeur ? La réponse à cette question pourrait nous amener à constater que sur ce plan, on observe quelques défaillances de la réglementation OHADA.

* 87 RODIERE (R), « Une notion menacée : la faute ordinaire dans les contrats », RTDciv. 1954, pp.210.

* 88 V. SERE (S), KABRE (D), op. cit. Commentaire sous article 17 de l'AUCTMR, pp.103.

* 89 Art. 17 al.2 (a).

* 90 Art. 17 al. 2 (b).

* 91 Art. 17 al.2 (c).

* 92 Art.17 al.2 (e).

* 93 Art.17 al.1.

* 94Cf.BOKALLI (V.E), SOSSA (D), op. Cit.pp. 95 : Ce cas excepté se distingue de la notion de vice propre en ce que cette dernière s'explique généralement à une anomalie affectant une unité déterminée à l'intérieur d'une catégorie de marchandises, les autres étant saines et normalement transportables ; dans la présente hypothèse, ce sont toutes les marchandises d'une même espèce qui sont identiquement exposées à des risques plus élevés du fait de leurs caractéristiques génériques. La liste légale, qui n'est pas limitative, énumère quelques-uns de ces risques : le bris pour les objets fragiles (verrerie, faïence), la détérioration spontanée pour les denrées périssables, la dessiccation pour les fruits frais et toutes les marchandises remises à l'état humide, le coulage de certains liquides à travers les joints de récipients n'ayant subi aucune atteinte extérieure, le déchet normal, par évaporation, par tamisage... V. aussi art. 17 al.2 (d).

* 95 Art.17 al.2 (f).

* 96 Art.17 al.5 in fine et al.6.

* 97 LAMY TRANSPORT T1, année 2000, n°508 cité par BOKALLI (V.E), SOSSA (D), ouvrage précité pp.97.

* 98 V. BROU KOUAKOU, article précité, p.21.

* 99 Art.17 al.4 AUCTMR

* 100 Cass.com.20 janvier 1998, B.T.L.98.pp 394.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand