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l'Expression collective des salariés

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par Alphonse BALOA
Université de Yaoundé II - Soa - DEA en Droit privé 2006
  

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Section 2 : Le droit de grève

Les relations collectives peuvent prendre un aspect conflictuel quand les partenaires sociaux ne parviennent à s'entendre ni sur l'interprétation des normes applicable à l'entreprise, ni sur leur amélioration en vue de satisfaire leurs intérêts professionnels respectifs par la voie de la négociation collective au niveau de la branche professionnelle, l'entreprise ou l'établissement1(*)02.

Le champs d'application de la négociation collective a été élargi par le législateur en 1992 dans le souci de donner à la négociation une place prépondérante sur le conflit, en faisant de celui ci l'ultime recours des salariés. Ainsi le conflit collectif doit être précédé de la négociation collective et il se termine généralement avec la négociation d'un protocole de fin de conflit . A la négociation collective est aussi reconnu un rôle créateur des normes juridiques propres aux branches et aux entreprises, permettant aux partenaires sociaux d'aller au delà des normes minimales posées par la loi en des domaines aussi importants que les salaires, les qualifications professionnelles et classifications des métiers, l'adaptation des salariés aux évolutions technologiques par une formation adéquate, ou encore les différentes formes prises par l'intéressement aux résultats de l'entreprise. La loi donne aux partenaires sociaux les moyens de réaliser ces objectifs en organisant un régime juridique précis favorisant le développement d'une négociation périodique sur tous les points susceptibles d'être améliorés par cette voie.

La loi reconnais également aux salariés le droit de faire grève et permet de qualifier ce droit social de liberté publique individuelle et collective en l'inscrivant dans les textes à valeur constitutionnelle1(*)03. Mais la loi ne traite pas dans le détail des conséquences de la grève sur les droits des personnes intéressées par elle.

Ainsi, en cas de contentieux né à l'occasion de l'exercice du droit de grève, les juristes doivent en rechercher les solution dans les principes élaborés par la jurisprudence. Il en résulte de nombreuses incertitudes pour les employeurs, les salariés non grévistes et surtout les salariés grévistes quant à la qualification de la grève (licite ou abusive) et quant aux conséquences juridiques de son exercice (responsabilité civile, pénale, incidence sur le contrat de travail). Il est assez paradoxal que las contours d'un droit à valeur constitutionnel et ses limites soient ainsi abandonnés à des constructions jurisprudentielles ayant seulement l'autorité relative de la chose jugée. Force est donc de constater que le régime juridique de la grève est peu développé en droit camerounais(§1)

De même, le législateur camerounais exprimant sa nouvelle philosophie libérale des relations collectives de travail, a prévu dans le Code du travail de 1992 un droit de lock-out en faveur de l'employeur, symétrique du droit de grève. On peut en effet discuter de l'opportunité de prévoir un droit de lock-out en sens inverse du droit de grève reconnu traditionnellement aux salariés en raison de leur position économiquement inférieure à celle de l'employeur1(*)04. Le droit de lock-out ainsi reconnu à l'employeur déjà rendu tout puissant par de nombreuses carences législatives et jurisprudentielles, est un obstacle à l'efficacité du droit de grève(§2).

§1- Le régime juridique de la grève peu développé

Définie comme le refus collectif et concerté par tout ou parti des travailleurs d'un établissement de respecter les règles normales de travail en vue d'amener l'employeur à satisfaire leurs réclamations ou revendications 1(*)05, la grève est un droit individuel exercé collectivement reconnu aux salariés comme moyen collectif de lutte par le législateur, à travers lequel ceux ci peuvent s'exprimer autrement que par la négociation. Si le législateur réglemente rigoureusement la grève lorsqu'elle n'est qu'envisagée et même quand elle est déclenchée, il ne traite cependant pas dans le détail ses conséquences sur les droits des personnes intéressées1(*)06.

Le Code du travail ne dégage que les conséquences de la grève illicite sur les relations de travail. Il ne dégage aucune conséquence de la grève sur les droits des tiers au mouvement. Nulle part dans le Code du travail on traite des conséquences de la grève licite. La doctrine et surtout la jurisprudence se sont donc chargées de combler ce vide laissé par le législateur. Ainsi, même si le Code ne cite pas la grève parmi les causes de suspension du contrat de travail, il semble plus logique de considérer la grève comme une cause de suspension du contrat de travail car la partie au travail qui prend l'initiative de la grève ne cherche nullement à rompre le contrat ; elle suspend tout simplement sa prestation contractuelle pour faire aboutir sa prétention dans son conflit collectif1(*)07. Le contrat de travail étant synallagmatique, il semble en toute logique que la suspension de la prestation de la prestation de travail entraîne le non paiement du salaire. Bien que la solution soit logique, elle contient une gène : pourquoi l'exercice d'un droit devrait-il être aussi coûteux pour les salariés ? La gène est plus grande lorsque les salariés ont eu recours à la grève pour revendiquer un droit déjà reconnu1(*)08.

Sensible sans doute à cette gène la jurisprudence nuance la solution de principe. La chambre sociale de la cour de cassation française a en effet jugé que l'employeur peut être condamné à verser au grévistes les indemnités compensant leur perte de salaire dans le cas où les salariés se sont trouvés dans une situation contraignante telle qu'ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels directement lésés par suite d'un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations1(*)09. Mais la solution de principe reste qu'aucun salaire n'est dû pendant la période de grève.

Le mutisme du législateur concerne également les conséquences de la grève lorsqu'elle n'a pas empruntée les modalités de la cessation du travail, en l'occurrence celles relatives au pouvoir disciplinaire de l'employeur. si donc l'action entreprise par les grévistes n'est pas une cessation de travail, il faut bien convenir que le chef d'entreprise puisse encore exercer le pouvoir disciplinaire ; mais il ne pourra s'agir d'un pouvoir disciplinaire entier ; il s'exerce dans la mesure où le comportement sanctionné ne se rattache pas à la mesure décidée par les grévistes.

S'agissant des conséquences de la grève vis à vis des tiers, plusieurs personnes peuvent voir leurs intérêts menacés par un mouvement de grève. Il se peut que l'action concernant une partie seulement du personnel de l'entreprise affecte la situation des autres travailleurs qui ne peuvent plus exercer convenablement leurs activités. Que faire pour rétablir l'équilibre ainsi rompu ? Il se peut ensuite qu'en raison de la grève des personnes extérieures à l'entreprise souffrent d'un préjudice1(*)10. A qui faire supporter la charge de cette situation ?

Dans le premier cas, le salaire n'étant en principe dû que pour un travail effectué, doit-on priver les non grévistes de rémunération ? Si l'on dispense l'employeur de l'obligation de payer les salaires correspondant à la période d'inactivité, on oblige les non grévistes à supporter les conséquences d'une situation qu'ils n'ont pas provoqués et à laquelle ils ne pouvaient mettre fin. La règle est donc que malgré le défaut d'exécution du travail, l'employeur doit verser aux non grévistes les salaires correspondants à la période de non emploi1(*)11 ou au moins une indemnité compensatrice.

Dans le deuxième cas, par hypothèse une mesure de grève prise dans une entreprise de transformation oblige son partenaire livreur de matières premières à arrêter les livraisons. Il se peut même que suite à cet arrêt il mette son personnel en chômage technique. L'analyse du lien de causalité commande qu'on tienne pour responsables des dommages éventuels les auteurs de la grève. Mais il se peut par ailleurs que ces mouvements soient légitimes. Doit-on laisser les tiers supporter irrémédiablement un préjudice au motif qu'il résulte de l'exercice régulier d'un droit ? L'emprunt à la notion de force majeure peut éviter la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi par le tiers. Mais la solution n'est défendable qu'au prix de la déformation de la notion de force majeure. Le principe est que la grève peut engendrer pour des tiers des préjudices réparables. Mais qui supportera la charge de la réparation ? Il n'y a pas de difficultés quand la grève est illicite ; par application des articles 1147 ou 1382 du Code civil, l'employeur ou les grévistes doivent être condamnés. Lorsque la grève est légitime, il est évident que sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, le client de la société qui n'a pas été servi, peut agir contre l'employeur. mais il ne peut pas se placer sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle pour agir contre les grévistes car l'une des conditions d'application de l'article 1382 du Code civil à savoir la faute n'est pas remplie.

Les solutions dégagées par la jurisprudence n'épuisent pas les difficultés engendrées par les conséquences de la grève. Bien plus ces solutions sont formulées dans la plupart des cas dans des décisions de justice n'ayant que l'autorité relative de la chose jugée. Elles sont donc susceptibles de changer même aux dépens des salariés provoquant ainsi à leur encontre un effet dissuasif les détournant de l'usage de ce droit fondamental déjà étouffé par le droit de lock-out prévu inopportunément en sens inverse par le législateur.

§2- Le droit de lock-out, obstacle à l'efficacité du droit de grève

La grève est le moyen des luttes sociales. On ne peut aujourd'hui méconnaître l'ampleur du rôle joué par le phénomène de la grève dans le progrès du droit social. Depuis l'avènement du salariat, toutes les conquêtes sociales se sont faites à travers la grève. Elle représente le pouvoir de ceux qui n'ont pour seul moyen d'existence que leur force de travail. Occasion pour eux de prouver leur existence humaine et de lier avec eux qui exploitent leurs force de travail des négociations portant sur la rémunération et les conditions de travail. La grève est l'arme naturelle qui permet aux salariés d'imposer au patronat la reconnaissance du groupe ouvrier et la discussion. Elle est une modalité légitime de défense des intérêts professionnels des salariés faisant contrepoids au pouvoir de direction du chef d'entreprise1(*)12.

La grève est dans les sociétés démocratiques comme le Cameroun une liberté collective constitutionnellement garantie1(*)13. La grève est reconnue aux salariés en raison de l'inégalité économique existant entre eux et l'employeur. Contrairement à beaucoup de pays dans le monde, le Cameroun a admis formellement le principe de la légitimité du lock-out.

Le lock-out consiste dans la fermeture de l'entreprise, d'un établissement, d'un atelier ou d'un service à l'occasion d'un conflit collectif. Il traduit le refus de la part de l'employeur de mettre les instruments de travail à la disposition des salariés et de les payer. La mesure est prise préventivement pour briser une menace de grève ou en réponse à un mouvement de grève partielle désorganisant l'entreprise. A la différence du chômage technique décidé pour des motifs économiques, le lock-out est décidé pour exercer une pression sur les salariés1(*)14. On peut cependant discuter de l'opportunité de prévoir un droit de lock-out en sens inverse du droit de grève. Visant à corriger par compensation les imperfections de la condition économique des travailleurs, le droit de grève risque d'être étouffé par son symétrique le droit de lock-out.

En effet, la consécration formelle du droit de lock-out relativise l'obligation de l'employeur de fournir le travail aux salariés de son entreprise. Celui pourrait observer avec désinvolture la procédure amiable obligatoire prescrite par le Code du travail sachant que par la suit il fermera l'entreprise. La consécration du lock-out en sens inverse du droit de grève semble être inspirée par la thèse allemande de l'égalité des armes et semble consacrer la thèse doctrinale du droit de lock-out symétrique au droit de grève. Si tel était l'intention du législateur, alors celui ci a neutralisé ce droit d'expression des salariés en donnant à l'employeur le droit légal de faire obstacle à l'exercice du droit de grève.

S'il faut reconnaître que le droit de lock-out est une réponse convenable à une grève illicite et un juste moyen de sécurisation de l'entreprise1(*)15 face à une grève menée par le recours à des moyens exorbitants, il faut également reconnaître que l'institutionnalisation du lock-out par le législateur aura visiblement pour effet de neutraliser le droit de grève .

L'on ne saurait en effet prétendre d'une part à l'égalité des armes pour justifier le lock-out alors justement que le droit de grève reste aujourd'hui au Cameroun le seul moyen de corriger le déséquilibre congénital entre les salariés et l'employeur. Le droit de grève est également le seul véritable moyen d'expression collective des travailleurs devant l'absence des comités d'entreprise, des délégués syndicaux et l'inefficacité des délégués du personnel.

D'autre part, la présomption de légitimité du lock-out est un obstacle législatif à l'efficacité du droit de grève. Si le législateur camerounais ne veut pas vider le droit de grève de toute son utilité pour les salariés, il devrait comme le législateur français consacrer le principe de l'irrégularité du droit de lock-out considéré comme la violation de l'obligation de fournir le travail au salariés. De même l'illégitimité du droit de lock-out devrait être présumée et il appartiendrait à l'employeur de renverser la présomption en démontrant que les conditions de sa légitimité, qui serraient elles même rigoureusement définies, sont réunies. L'employeur devrait ainsi démontrer d'une part qu'il s'est agit d'éviter un grave péril menaçant les personnes et les biens ;d'autre part que le recours au lock-out s'est présenté comme le seul moyen permettant de conjurer le risque.

Comme on le voit le droit de lock-out est un réel obstacle à l'exercice du droit de grève et à l'efficacité du système d'expression collective des salariés tout entier. L'intervention du législateur d'abord, et l'action du juge ensuite sont donc nécessaires pour compléter la consécration formelle du droit de lock-out afin que son illégitimité soit présumée et sa légitimité prouvée. La complexité des questions qui précèdent révèle les difficultés qu'ont les salariés à s'exprimer à travers les moyens traditionnels de lutte. Les solutions résident aujourd'hui dans la recherche des nouveaux moyens de lutte sociale.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984