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La représentation des actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA

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par Patrice Hubert KAGOU KENNA
Université de DSCHANG-CAMEROUN - DEA 2007
  

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CHAPITRE II : LES GARANTIES INSUFFISANTES DES ACTIONNAIRES CONTRE LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS

L'insuffisance des garanties tient d'abord à la nature et à la multitude des organismes de régulation de l'activité boursière (SECTION I), et ensuite aux carences de la répression des actes fautifs des intermédiaires financiers (SECTION II).

SECTION I : LES LIMITES LIÉES AUX ORGANISMES DE RÉGULATION DE L'ACTIVITÉ BOURSIÈRE

A chaque place boursière correspond une organisation précise, un organisme de contrôle précis. Ainsi, on peut citer le CREPMF en Afrique de l'Ouest, la COSUMAF en Afrique Centrale, la CMF au Cameroun.

La sous région Afrique Centrale est toute particulière, puisqu'elle compte en son sein deux places boursières. L'origine de la création de ces deux places est conflictuelle, car le Cameroun a mal digéré que la CEMAC ait choisi Libreville pour abriter la bourse régionale, et a mis sur pied la Douala Stock Exchange. C'est dire qu'a priori, il n'y a pas de véritable coopération entre les deux places boursières, bien que des voix s'élèvent de nos jours pour créer une plate-forme d'entente212(*).

La composition des organismes de régulation est pratiquement la même, il s'agit des personnalités désignées en fonction de critères professionnels ou même de nationalité. Ainsi, la COSUMAF est composée de 9 membres nommés par le Conseil Ministériel de l'UMAC en raison de :

- 6 membres représentant les 6 Etats de la CEMAC sur proposition de ceux-ci ;

- 1 représentant de la BEAC ;

- 1 représentant du Secrétariat Exécutif CEMAC ;

- 1 représentant de la COBAC.

Ces membres sont désignés eu égard à leur expertise en matière comptable, financière ou juridique. On peut d'abord s'interroger sur les critères d'appréciation de l'expertise des membres de la COSUMAF. Peut être aurait-il été plus porteur de prévoir une expérience professionnelle de 15 ans au moins dans les disciplines visées, comme c'est le cas à la CCJA213(*). En ce qui concerne la CMF, sa composition est donnée par la loi n° 99/15 du 22 décembre 1999 portant création et organisation d'un marché aux articles 11 à 15. Il en ressort que la CMF est présidée par une personnalité nommée par le Président de la République et comprend en plus 8 membres également nommés par le président de la république dont :

- 2 membres représentant le ministère des finances

- 2 personnes nommées en raison des compétences juridiques sur proposition du ministre de la justice,

- 1 représentant des entreprises d'investissement en valeurs mobilières sur proposition de leur association professionnelle

- 1 membre représentant les établissements de crédit sur proposition de leur association professionnelle

- 2 personnes nommées en raison de leurs compétences financières.

La composition des organismes de contrôle (§1) est révélatrice des faiblesses (§2) qui entravent le fonctionnement normal de l'autorité de marché.

§1 : La nature juridique et la QUESTION DE L'INDEPENDANCE des organismes de contrôle

Le mode de désignation des membres de la COSUMAF et de CMF peut altérer leur indépendance (B) vis-à-vis de l'autorité de désignation. En outre, la nature des organismes de régulation du marché boursier (A) est discutée.

A : LA NATURE JURIDIQUE DISCUTEE DES ORGANISMES DE RÉGULATION DU MARCHE BOURSIER

La question n'intéresse essentiellement que la Commission des Marchés Financiers, puisque la COSUMAF peut être considérée comme un organe de l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale214(*) et est par conséquent régie par le droit communautaire. D'ailleurs, son caractère « supranational »215(*) complique la qualification en autorité administrative indépendante. L'interrogation sur la nature de la CMF part de sa composition et des pouvoirs qui lui sont attribués.

On peut d'abord penser que la CMF est un organe professionnel, puisque son activité est portée vers la réglementation d'une profession précise. D'ailleurs, tous les membres sont désignés en fonction de leur compétence en matière financière et les associations professionnelles y désignent leur représentant.

On peut également penser que la CMF est un organisme administratif, puisqu'elle remplit une fonction de service public consistant à organiser, contrôler et réglementer une branche professionnelle. A cette fin, elle est titulaire de prérogatives de puissance publique qui se concrétisent par la reconnaissance d'un pouvoir réglementaire, mais aussi par la possibilité d'imposer des obligations aux professionnels et de sanctionner le non-respect. D'ailleurs, la doctrine pense que la mission de contrôle des marchés financiers est en effet un service public administratif et fait partie des fonctions d'encadrement de l'activité économique. La CMF assure donc la « police économique »216(*). C'est ainsi que l'on peut comprendre que ses décisions soient assimilées à des actes administratifs.

En outre, les attributions de la CMF peuvent lui attribuer une nature juridictionnelle. Elle peut, d'après l'art. 21 de son règlement général ordonner et instruire des enquêtes, obtenir la communication des documents, convoquer et entendre toute personne, recevoir les réclamations et plaintes. De telles attributions ressortissent généralement de la compétence des cours et tribunaux. Toutefois, on ne saurait qualifier la CMF de juridiction, car bien qu'elle puisse instruire, convoquer et entendre les parties, elle ne dispose pas d'imperium pour l'exécution forcée de ses décisions. D'ailleurs ses membres ne sont pas des juges et les décisions rendues ne sont pas des décisions juridictionnelles.

A l'exemple de la qualification de l'ancien Conseil des Marchés Financiers français, il convient de qualifier la CMF d' « autorité de marché »217(*). Cette expression désigne les organismes de régulation de l'activité économique. L'apparition de ces organismes s'inscrit dans la perspective générale du désengagement de l'Etat dans l'organisation et le fonctionnement des activités économiques. En effet, l'Etat se borne désormais à la régulation des activités économiques en déléguant certaines de ses compétences à des organismes professionnels tant publics que privés. Cependant, la notion d'autorité de marché reste à créer, en ce sens qu'elle se distingue difficilement de la notion d'autorité administrative indépendante. On pourrait penser à notre sens que l'autorité de marché soit une autorité administrative indépendante en matière économique, à condition que son indépendance soit établie.

B : LA QUESTION DE LEUR INDEPENDANCE

L'indépendance des organismes de contrôle s'envisage d'abord à l'égard des particuliers et du marché (1), mais aussi à l'égard de l'Etat (2).

1 : L'obligation de neutralité à l'égard du marché

L'art. 17 de la loi de 1999 portant création et organisation d'un marché financier, dispose que « le président et les membres de la commission informent celle-ci, ainsi que le ministre chargé des finances de tout intérêt détenu ou fonction occupée dans une entreprise commerciale ou financière à capital public ou privé »218(*). Cette disposition est logique, car il s'agit d'éviter que le contrôlé soit en même temps membre de l'équipe qui contrôle, c'est-à-dire que ceux qui participent aux délibérations doivent être totalement indépendants des affaires à propos desquelles ils ont à se prononcer. La crainte est donc qu'un membre de la commission utilise ses fonctions pour fausser le jeu normal du marché, en évitant volontairement de sanctionner l'entreprise dans laquelle il a intérêt, privilégiant ainsi l'intérêt personnel au détriment de l'intérêt général.

C'est pour assurer la transparence que l'art. 17 in fine prévoit l'annulation de la décision dans laquelle les membres de la CMF auraient intérêt. Ainsi la déclaration de prise d'intérêt dans une société entraînerait la mise à l'écart du membre de la commission pour les délibérations concernant ladite société.

Toutefois, on peut s'interroger sur la portée des articles 17 de la loi n° 99/15 et 20 al.1 du règlement général de la COSUMAF à propos de « l'entreprise concernée ». S'agit-il de toute entreprise commerciale ou financière à capital privé ou public même sans rapport avec leurs fonctions ou ne s'agit-il que des prises d'intérêt dans les entreprises soumises au contrôle de l'autorité de marché ? Autrement dit, si un membre a des intérêts dans une société non cotée en bourse, est-elle tenue d'en informer l'autorité de marché ? La rédaction imprécise du texte fait opter pour l'affirmative, ce qui étend à l'extrême l'obligation de neutralité. A notre sens, il faudrait limiter la prise d'intérêt déclarable dans les entreprises commerciales soumises au contrôle de l'autorité de marché dans une période qui a précédé la nomination.

En outre, l'intérêt devrait être interprété largement. Ainsi, « tout intérêt détenu ou fonction occupée » devrait s'entendre de toute participation, aussi insignifiante soit-elle. Cependant, la doctrine, tout en proposant le remplacement de la notion d'intérêt par celle d'intérêt direct, pense qu'il serait avantageux de fixer un seuil de participation de 5% au-delà duquel il faudrait reconnaître un intérêt du membre de la Commission219(*).

La nomination des membres de la Commission est très souvent considérée comme une récompense politique et des diligences ne sont pas faites pour vérifier effectivement que les membres n'aient pas d'intérêt quelconque dans les sociétés soumises à leur surveillance.

2 : L'indépendance à l'égard de l'Etat

L'intérêt de l'interrogation sur l'indépendance vis-à-vis de l'Etat est certain. Au Cameroun en l'occurrence, les entreprises publiques sont les premières à manifester un intérêt pour la bourse220(*). Il serait donc à craindre que la CMF subisse des pressions de l'Etat qui pourraient fausser le marché.

A première vue, l'indépendance vis-à-vis de l'Etat semble garantie, puisque la CMF exerce librement ses fonctions, octroie des agréments, des visas et émet les avis librement après examen des dossiers. D'autre part, dans l'exercice de leurs fonctions, les membres de la CMF, du CREPMF, de la COSUMAF bénéficient d'une immunité et ne peuvent être révoqués avant la fin de leur mandat.

Cependant, cette indépendance est discutable. D'abord, la CMF reste soumise au Président de la République qui nomme son président et ses membres qui doivent lui adresser un rapport annuel d'activités. Ensuite, l'autonomie financière est relative. A cet effet, d'après l'art. 22 de la loi 99/15, la CMF est financée par des droits, redevances et commissions perçues dans le cadre de ses activités et au besoin par les contributions de l'Etat. Il est admis que l'autonomie n'est entière que lorsque les moyens financiers propres sont suffisants pour financer son activité, mais la CMF peut être financée par l'Etat à travers des subventions. Ainsi, lorsque les contributions de l'Etat sont requises, il s'agit là de la preuve de l'inconfort financier de l'institution, ce qui laisse le champ libre aux pressions du pouvoir central et entrave l'indépendance de la commission.

L'autre limite de l'indépendance est certainement le mode de désignation des membres qui n'est pas démocratique. Il aurait fallu que la loi prévoie un mode de désignation plus représentatif. Aussi, pourrait-on proposer le vote des différents membres. Chaque Etat ou chaque institution présenterait plusieurs candidats qui devraient designer l'un d'entre eux, et ce dernier représentera alors l'Etat ou l'institution concernée. L'Etat ou l'institution peut également présenter deux ou plusieurs candidats qui seront élus par l'autorité de nomination, c'est-à-dire le conseil ministériel de l'UMAC en ce qui concerne les membres de la COSUMAF221(*). Ce procédé, bien que long, aura l'avantage d'asseoir l'indépendance des membres et par là-même de la COSUMAF222(*).

Le mode de désignation retenu privilégie malheureusement la logique politique des équilibres régionaux au détriment d'une véritable indépendance et d'une certaine technicité de ses membres. Il est connu que l'autorité qui nomme est difficilement lésée dans les décisions à prendre, ce qui affaiblit considérablement le contrôle.

* 212 Voir notamment la visite au Cameroun du président de la commission de surveillance du marché financier de l'Afrique centrale. Il préconise l'harmonisation de la réglementation qui pourrait aboutir à une régulation unique, première étape de l'unification des deux marchés.

* 213 Voir art. 31 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.

* 214 Voir art. 5 du règlement n°06/03-cemac-umac du 11novembre 2003 portant organisation, fonctionnement et surveillance du marche financier de l'Afrique centrale.

* 215 KALIEU (Y) : « Le contrôle bancaire dans la zone de l'Union Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale », PENANT n° 841, P.456. Ce caractère n'occulte cependant pas le débat puisque la COSUMAF peut être qualifiée d'organe professionnel, de juridiction ou même d'organe communautaire.

* 216 DE VAUPLANE (H.), BORNET (J.-P.): Op. Cit., n°182, P.194.

* 217 DE VAUPLANE (H.) , BORNET (J.-P.) : op. Cit, n°182, P.195.

* 218 Cette obligation est reprise par l'art. 20 al.1 du règlement de la COSUMAF.

* 219 GATSI (J.) : Op. Cit., n°28, P.67.

* 220 la Société africaine forestière et agricole du Cameroun (Safacam), la Société sucrière du Cameroun (Sosucam), Aluminium de Bassa (Alubassa) et la Société camerounaise de transformation de l'aluminium (Socatral), la Société des Eaux minérales du Cameroun. DIPANDA (E.) : « Actionnariat : Tangui vend ses actions à la bourse », http://www.icicemac.com .

* 221 Voir à cet effet l'art. 32 du traité OHADA qui prévoit que les membres de la CCJA soient élus au scrutin secret par le conseil des ministres sur une liste présentée par les Etats parties.

* 222 La même critique est adressée à la Cour de Justice de la CEMAC. Il est donc proposé la « présentation de candidatures multiples issues de chaque Etat, non pas nécessairement présentés par les Etats, suivie du vote au bulletin secret » Voir MOUANGUE KOBILA (J.) : Cours de droit institutionnel de la CEMAC, première année de doctorat, FSJP/universités de Douala et Dschang, novembre -décembre 2005, Inédit, P.22.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo